Bouché-Leclercq, A - Histoire de la divination dans l'antiquité II (1879).pdf

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  • irftW'^A^

  • F/

  • HISTOIREDE LA

    DIVINATIONDANS L'ANTIQUIT

  • SAINT-QCENTI.N. IMPRIMERIE JULES MOUREAU.

  • M iii
  • BF

  • A LA MMOIRE VP:NEREE

    DE MA MERE

    Marie-Josphine LECLERCQ

    V 1879

    OJ [jO'vov Toij /a/.o-oi'v, /.X xa'i

    ToO ln\ iwota j-f'^E'')*' ToiajTTj.

    (Marc. Alrici.. Comment. I. 3.)

  • DEUXIME PARTIE

    LES

    SACERDOCES DIYINxVTOIRES

    ' Les mthodes divinatoires analyses dans la premire

    partie de ce travail et les principes gnraux sur lesquels

    elles reposent n'ont pu tre ainsi groupes dans un ordre

    inlelliiiible que par une synthse artificielle, allge de tout

    ce qui constitue le tissu complexe de la ralit historique. Il

    , nous faut maintenant aljorder le terrain de la pratique, mettre

    des hommes la place des ides et des sacerdoces la placedes thories. Toutes ces manires de sonder le mystre de

    l'avenir ont t inventes, perfectionnes, adaptes aux cas

    spciaux par des hommes, lgendaires ou rels, qui ont leur

    physionomie et leur histoire; ou mieux encore, par des cor-

    porations qui ont voulu soustraire la science prophtique aux

    caprices de l'initiative individuelle et la fixer dans une tra-

    dition perptuellement dmontre par une pratique cons-

    tante. Des individus exerant, dans la plnitude de leur

  • 2 DEUXIEMEPAIITIE

    libert(^, le privilge qu'ils ont reu dos dieux; puis, des asso-

    ciations religieuses groupes autour d'un foyer de rv-

    lation ; on d'autres termes, des devins libres et des oracles,

    la transition des uns aux autres tant mnage par l'hrditde la prescience chez les descendants des premiers prophtes,

    toile est la succession historique et la filiation relle des

    sacerdoces divinatoires en Grce. Ce n'est pas que les devins

    aient disparu devant la vogue croissante des oracles et que la

    forme collective du sacerdoce soit exclusive de l'autre. Les

    devins libres, indispensables la vie quotidienne des socits

    hellniques, ont prexist aux oracles et leur ont survcu,

    collaborant avec eux, mais sans accepter de subordination

    immdiate, la direction dos consciences et des volonts.

    Seulement, la supriorit des oracles sur les devins libres

    rendit ingal entre eux le partage de l'autorit surnaturelle.

    Une fois institus, les sacerdoces collectifs se crrent une

    histoire rtrospective dans laquelle les grands prophtes de

    l'ge hroque eux-mmes, ceux qui ont prcd les oracles,n'apparaissent plus gure que comme les dlgus, les pour- "*

    voyeurs et les exgtes de ces mmes oracles. On voit, dansmainte lgende hroque, le plan gnral de l'avenir rvl

    par un oracle et les devins, si illustres qu'ils soient, rduits

    aux consultations de dtail, sans autre ambition que de

    pressentir l'accomplissement de l'infiillible prophtie for-

    mule par une science suprieure la leur. A plus forteraison, les devins de l'ge historique, sans mission surnatu-

    relle, dpouills de l'hritage des plus grands d'entre leurs

    devanciers par les oracles hroques, et confins dans la

    divination inductive, ne furent-ils plus que les juges despetites causes. S'ils exeraient souvent encore une influence

    dcisive sur les actions des individus, les socits ne leur

    demandaient plus gnralement que de fixer le moment op-portun pour l'excution des mesures i)rescrites par les

  • LES S A C i; R D C ES D H' I N A T I R E S 3

    usages, les frouvernements ou les rvlations dos oracles.

    Leur rle consiste d'ordinaire inspecter les entrailles des

    victimes ou la llamme de l'autel dans les sacrifices publics

    ou privs, interprter les songes et prsager ainsi l'issue

    des entreprises projetes ou l'opportunit des actes com-mencs. Mais, d'autre part, cette condition modeste des

    devins les rapprocha du peuple. Tandis que la consultation

    des oracles exigeait un plerinage, c'est--dire de l'argent et

    des loisirs, le devin dfrayait bon march cette curiosit de

    l'avenir qui n'est nulle part plus ardente que dans les classes

    populaires. A ce contact permanent avec le vulgaire. Fart de

    la divination perdit son antique gravit, il se surchargea de

    pratiques grossires empruntes aux superstitions courantes

    et aux religions trangres et se rapprocha, par une dgn-

    rescence progressive, de la sorcellerie ou magie. La divi-

    nation nationale n'eut plus alors d'autre refuge que les oracles,

    et encore ne put-elle s'y dfendre absolument contre l'inva-

    sion des prestiges exotiques. Le courant des rites tijangers,

    appel en Grce parles devins populaires, se fraya une voie

    au milieu des oracles indignes,en suscitant ct d'eux des

    instituts analogues, inspirs par des dieux nouveaux. Ainsi

    les devins,dshrits parles oracles hellniques,avaient, sans

    le savoir, travaill prendre leur revanche. Lorsque, puiss

    par un long exercice et un long abus de leurs privilges, par

    leur multiplication mme, et traits en ennemis par le

    christianisme triomphant, les oracles disparurent l'un aprs

    l'autre, les devins restrent seuls pour reprsenter la science

    divinatoire abtardie, qui, dsormais sans traditions et sans

    rgles, se dispersait en une multitude de recettes empiriques

    et se glissait, la faveur de ses mtamorphoses, jusque dansles sanctuaires chrtiens.

    Les sacerdoces individuels ont ainsi inaugur et clos la

    arie des formes qu'a revtues en Grce le ministre proph-

  • 4 D E U X I K M E P A R T I !:

    ii(iui'. Los (MMcles ont t pour l.i divination un instrument

    plus [)arfait, plus t-oniplot.. et (rune eficacit plus sre, mais,

    en somme, moins durable. Il faut donc passer en revue d'a-

    bord les fiiurcs isoles dont la logeude ou l'histoire a con-

    serv le souvenir et n'tudier qu'ensuite ces personnalits

    collectives que les Grecs dsignaient sous le nom de man-

    tions et que nous appelons, aprs les Latins, des oracles.

  • LIVRE PRl'MIKIl

    LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    En employant, pour dsigner roflice et la dii^iiit pioitre

    des devins, le terme de sacerdoce, faute d'une expression

    mieux approprie, on s'expose toml)er dans une (]uivo(iue

    qu'il faut tout d'abord prvenir. L'exercice de la divination

    est un art et non pas un culte; il n'est mme pas ncessai-rement li aux rites d'un culte quelconque. Les mthodes les

    plus anciennes, comme rornitliomancie, et, d'une manire

    gnrale, l'interprtation des prodiges sont ind^'-peudanles du

    sacrifice dont l'oblation est, au contraire, la fonction spciale

    du prtre. Les devins peuvent tre considrs comme des

    esints d'lite, investis d'un privilge spcial, ou comme des

    savants guids par une tradition exprimentale, mais non

    comme attachs par des devoirs prcis et consacrs dans leur

    personne des divinits dtermines. Homre distingue trs-

    nettement les devins {^.xr.v.:) des prtres (UpEt)' et la distinc-

    1) Le prtre s'appelle spri; ou encore pr.rr.p; l.'s dovios xi-^-i'.i o;wvo-ot,

    J-J0T/.01, J:o-p7:ot, r.aioEpvoi'. Chiyss (//ifld., I, inO). Theano {Iliad., VI,

    300), Doinpioa {Iliad!. v' 77), Dires {lli

  • 6 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    tioii qu'il fait dans les termes est d'autant plus probante qu'il

    considre les devins et les prtres comme pouvant remplir

    g-alement Toffice d'interprtes del volont divine.

    Ainsi, ds les temps homriques, l'art divinatoire et le sacer-

    doce sont choses distinctes et pourtant rapproches par des

    affinits qui tendent les confondre. C'est qu'en effet le sa-

    cerdoce chez les Hellnes n'est pas i^est, comme ailleurs,

    rtat de privilge hrditaire et incommunicable. Il n'a pas

    gard davantage les attril)utions bien dfinies qui tablissent

    entre les cultes et les familles hiratiques une solidarit n-

    cessaire. Les religions de la Grce avaient de bonne heure

    livr au public le secret de leurs rites, et, a l'poque histo-

    rique, il ne reste plus qu'un bien petit nombre de familles

    sacerdotales, voues des cultes spciaux. Encore ces familles

    n'ont-elles pas t investies par la socit d'un privilge

    analogue celui que possdait, chez les gyptiens, les H-breux, les Chaldens ou les Hindous, une caste charge du soin

    de conserver la religion nationale : ce sont simplement des

    familles qui ont fait accepter, comme tant d'intrt gnral,

    leur culte domestique. Les chefs d'tat, rois ou magistrats?

    sont, en Grce, les vritables prtres du culte public'. Il n'y

    a plus, ct d'eux, que des hommes de mtier, matres decrmonies et sacrificateurs, chargs de veiller la parfaiteapplication desrgles liturgiques. Ce sont l les.2:)retrcs qui ont

    suivi devant Troie l'arme des Achens, personnages subal-ternes qu'il ne faudrait pas confondre, en dpit de l'identit

    de leur titre, avec un Chryss, prtre d'Apollon.

    De son ct, l'art divinatoire, entran par le mme mou-vement, chai)pait aussi aux familles qui on avaient reu le

    dpt de leurs anctres directement instruits par les dieux,

    1) Sauf la partie du culto public infodre des familles sacerdutalcs C'estl le.sens que je crois po ivoir attribuer un passage d'Aristote : xoiot T,oavo ^atXer; xa\ twv 3ja!u>v, Saat [jlt) upaiixaf. (.\nisTT. Polit., III, 9.) Ce texte con-tient une indication plus prcise que ne le pense Lobeck (.'l

  • PRt:TRES ET DEVINS 7

    et se rpandait par le monde, sans contrle et sans (ga-

    rantie, accessible qiiicon({ue voulait s'en emparer. ( )ii

    s'aperoit, la faon irrgulire dont se transmet la facult

    prophtique dans les plus anciennes familles, que le principe

    de rhrdit n'a jamais d tre pleinement reconnu et ga-ranti par les coutumes. Devins et prtres, mancipas; des

    traditions hrditaires, se rencontraient ainsi dans les camps

    et partout o on avait besoin de leurs services, investis d'un

    sacerdoce banal et vnal qui les assimilait, ou peu s'en faut,

    des artisans travaillant pour le public. Homre appelleles devins des dmiurges^, au mme titre que les mdecins,les charpentiers, les chanteurs et les hrauts, et il faut

    avouer qu'on les traite souvent connue tels. Polydamas, lui

    leur emprunte des arguments pour retenir Hector, s'attire

    une verte rponse. Tu veux, s'crie le hros, (lue j'obisse

    des oiseaux qui tendent leurs ailes. Je ne m'inquite point

    s'ils volent ma droite, du cot de l'aurore et du soleil, ou

    ma gauche, vers les tnbres immenses Le meilleur des

    prsages est de combattre pour sa patrie 2. Priam se montre

    aussi ddaigneux. Ne me retiens pas lorsqueje veux partir,

    dit-il Hcube; ne sois pas toi-mme dans mon palais un

    sinistre prsage : tu ne me persuaderas pas. Si la dfense

    m'tait faite par un mortel, devin, sacrificateur ou prtre.

    niMis penserions qu'il nous trompe et nous aurions pour lui

    d'autant plus d'loignement'. Tlmaque lui-mme laisse

    aux femmes ces consultations vulgaires : -b' ne m'occupe

    gure, dit-il. des prdictions obtenues par ma mre d'un

    devin (lu'elle a appel dans son ai)partement\ La divi-

    nation solennelle, issue de la tradition hiratique, n'est plus

    reprsente que par de rares et illustres personnages,

    comme Calchas ou Hlnos, qui lgueront leur gloire, non

    l)HoM. Odijss., XVII, 383; XIX, 13.;. 2) IIuu. lliad., XII, 237. 3) H"si.

    lliad., XXTV. 221. 4) IIom. Odijss.,\, llii.

  • 8 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    pas aux devins vulgaires, mais aux oraolcs. A Tge suivant,on o'oi. \o privilge de la prescience hrditaire se trouve

    exploit, de rares exceptions prs, par les oracles ou cor-

    porations sacerdotales fixes en un lieu dtermin et consa-

    cres au service d'une divinit particulire.

    Le caractre comme les destines de l'art divinatoire et du

    sacerdoce proprement dit sont donc toujours rests compa-rables et se sont modifis sous l'influence des mmes causes;de sorte que l'on peut, sans troj) d'inexactitude, appeler du

    nom de sacerdoce la profession des devins. La popularit des

    rites erapyromantiques, et plus tard, de l'extispicine, contri-

    bua supprimer toute diffrence entre les devins et les sacri-ficateurs, la divination s'exerant en ce cas au moyen du

    sacrifice et devenant le complment des fonctions sacerdotales.Enfin, la proccupation constante du sacerdoce apollinien,

    servi par l'immense influence de ses oracles, fut d'assurer

    a son dieu le monopole de la prescience surnaturelle et defaire ainsi de tous les devins les protgs et surtout les

    obligs d'Apollon. Dans cette thorie, les devins ont relle-

    ment un caractre sacerdotal qui les approche de la divinit

    et les constitue l'tat d'intermdiaires entre les dieux et

    les hommes.Nous allons faire un rapide inventaire de ce que la lgende

    et l'histoire nous apprennent sur les devins, en commenant

    par les reprsentants de la mthode ind active, la plus an-cienne connue en Grce et la plus conforme au gnie na-tional. Aprs les devins viendront, de divers points de l'ho-rizon, les prophtes ou chresmologues, au-dessus desquelsplane la vaporeuse image des Sibylles. Nous irons ainsi,passant de la lgende a l'histoire, et de l'histoire la rveriemystique, pour retrouver, aprs ce long dtour, le terrain des

    raHts, le sol o se sont difies les officines de rvlationqu'il nous faudra rpartir entre leurs i)roi)ritaires divins.

  • CUAnTUE llMlKli

    LES REPRSENTANTS DE LA DIVINATION INDUCTIVKOU DEVINS

    Le classemoiit dos iinHliodos, dans le i)reiiiier voliiiue de

    cet ouvrage, a dj indiqu, et les analyses biographiques

    qui vont suivre mettront suffisannnent en lumire la distance

    qui spare les devins des chresmologues, l'interprtation

    conjecturale, s'exerant sur des signes extrieurs, de l'intui-

    tion prophtique. Ce n'est pas que les mythographes n'aient

    fait de leur mieux pour effacer cette distinction originelle et

    pour unifier a leur manire la science divinatoire. 11 n'est

    presque pas un des anciens devins hroques ([ui, 'ii un

    temps o l'enthousiasme prophtique paraissait la lorine la

    plus noble de la rvlation, n'ait t pourvu de facults

    intuitives ou mme d'une sorte de prescience immaneufoIl y aura donc partout un triage iire entre les diverses

    traditions, et, l o. pour viter des rptitions inutiles, ce

    travail de critique aura t omis, on reconnatra sans peine

    les retouches qui ont dnatur le type primordial des devin

    transforms en prophtes inspirs, en magiciens et

  • 10 LES SACERDOCES INDIVIT^UELS

    De iiK'iiK^ que \}.Tr.':/:r, ' (lsig-ne l'art mantiquo tout entier,

    (le iiinie \}.xr.:; esl If icriiie gnrique a[)pli(ju a tous les

    intermdiaires, conscients et inconscients, de la rvlation.

    C'est un mot qui n'a pas d'quivalent exact en latin et que

    nous traduisons par l'expression aussi peu prcise (\q devin.

    Les plus anciens devins ayant t trangers a la rvlation

    dlirante qui fut en vogue plus tard, le terme dep-av-:-.; dsigna

    proprement, en dpit de Ttymologie-, les interprtes des

    signes ou symboles fatidiques perus par les sens extrieurs.

    De plus, comme la mthode la plus anciennement arrive l'tat de science rgulire tait l'urnithoscopie, les puristes

    prtendaient que, au moins dans la langue d'Homre, [jivT'.

    avait le sens restreint d'cov.jri^;^, le pote employant des

    termes spciaux pour dsigner les autres mthodes''. En fait,

    le sens du mot, loin de se restreindre, s'largit assez pour

    comprendre toutes les innovations introduites dans l'art

    divinatoire. C'est ainsi que les chresmologues ou prophtes

    inspirs purent tre appels, sans violence faite la langue,

    i) Ou la formo potique [j.avTOTJvr). 2) Mavrixi^ de [lavia. Vuj',, vol. I^i",p. .T. Celte tymologie u'est pas si sre et si probante qu'elle suftis-i indifiuer le sens primitif du mot. Le sens indiqu ci-dessus est, liistori-quenient, le premier. 3) Galen ad Hippocu. De morh, arut., I, p. 10. 4) OtwvtTT/,? et olui'iOTziXoi ont biea le sens propre d'augure, et dveipoTiiXocelui d'intcrjfrle des sonj^es. Les autres tiirines sont, dans Ilomra, moinsprcis. (-)o-pr:o;, parfois e:nplny comuic adjectif (3o-p-o oovtaT/,;. Hom.Iliad., XIII, 70), a le sens gnral d' interprle des dieux, et dzor.oor.xquivdut rvlation divine. Les grammairiens anciens ne s'accordentpas sur le sens de 3uoa/.6o;, galement adjelif. Les uns considrent le>jo7y/o comme un devin qui pratique rempyromancic et l'cxiispicine :d'autres v(uleut que linspcctiou des entrailles (Upj soit l'oflici de VUovji;,et l'empyromaucie celui du ^uoaxio (Sc.uol. Hom. Jliad., XXIV, 221). Touten se proccu|)ant i tort de l'extispicine, qui est absente des pomes hom-riques, ces derniers paraissent avoir Itinn dfini la fonction du 3uoax(5o. Lo-hcck [Afjlaophauus, p. 2():j) va troj) loin quand il nie (jue les 3uo7x6oi uicnttde* devins, sous prtexte i( le le 3jo7/.o; LeioJs, atta'di au service desprtendants (II. .m. Odyss., \XI, lii; X\ll, 310), n'a ni prvu leur sort, niessay de le chcrclicr dans les entrailles.

  • DEVINS ET rRr.l'HTES 11

    \).7.r.v.z. Clirosmolog'uo n'est mnif (jifuii .ulii'ciil' accol/' A

    ce nom sous-entendu.

    Lorsque les tudes philosopliiques eurent rendu r;iniili(''re

    la disiinetion tablie en dei-ni'-r lieu jar les stociens etit'e

    la divination inductive et la divination intuitive, on sentit

    sans doute 1(^ besoin de dsignations plus [)i-cises, mais le

    mot;j.zvT'..:qui. de [)ar l'usage, s'appli(iuail dans son senspropn^

    aux tenants de la divination inductive, se trouvait convenir

    galement bien, de par Ttymologie reue, aux i)roplitesinspirs. On eut donc, dans le langage prcis, la ressource

    des termes techniques, dsignant les mthodes particulires;

    mais la langue courante se refusa crer doux expressions

    distinctes i)Our dsigner les deux aspects gnraux de la

    divination. Elle employait Iden des mots (pii ne convenaient

    (pr l'intuition', ou mme une partie de la mthode intui-tive : elle n'en avait pas qui caractrist l'induction divina-

    toire. L'usage permet de donner le titre de -^j.xr.:; au proitlite

    qui sert d'instrument l'esprit divin, comme au devin (jui

    raisonne ses conjectures-.Ce n'est donc pas sur des distinctions de mots releves dans

    les auteurs, mais sur l'origine et la nature des lgendes ou des

    renseignements historiques, que repose la sparation tal)lie

    ici entre les devins proprement dits et les prophtes inspirs.

    1) Voy., vol. V'^, p. 3o0 3;;i. 2) Le mot zpo;p/,Tr', dans son sens propre,

    tel qu'il est employ [)ai- Pindare et les tnglques, signifie simplement in-

    terprte ))de la rvlation, comme le terme analogue -p^'yAavT'.;; quel que soit

    le mode de rvlation. Platon {Tini., p. 72. a-c) voulait appli(iucr la quaiiii-Citi.>n de [xavi-.; riiiter,)rte inspir et celle de npo9T;Tr,; i'exgtc qui

    explique les textes rvls. L'usage en dcida autrement ef, sans arriver

    des dfiuitions prcises, tendit k rserver le nom d

  • 12 LKS SACERDOCES IN D 1 V ID UF.I. S

    i; J. - DEVINS DE I/AGE IIROQUE

    Mi':i,\.Mius ET LES Mklampodides. Biographie de Mlampus. Ori-gine chthonienne de ses facults divinatoires. Mlampus et Apollon. Mlampus prophte et mdecin : les Bufs d'Iphiclos : gurison desPrtides. Les Mlampodides. Mantios. Polyphides. Tho-clymeDOs. Polvidos, hros corinthien et mgarien. Polyidos et

    Bellrophon. Polyidos devin et magicien : rsurrection de Glaucos,

    Amphiaraos. Rivalit des Mlampodides et des Biantides.

    Amphiaraos et Apollon. AlcmEeon et Amphilochos. Mlampodidesacarnaniens.

    Devins cadmens. Tirsias, descendant des Spartes cadmens. Tirsiasrendu aveugle par Athna. Mtamorphoses de Tirsias. Tirsias pen-dant la guerre des Sept contre Thbes. Mort de Tirsias. Tirsias

    prophte d'outre-tombe. Manto hirodule d'Apollon. Manto Klaros. Mopsos fils de Manto, Mopsos et Calchas. Le devin chinos.

    Devins argonautes. -- Lgende des Argonautes. Mopsos, fils d'Am-pycos. Embarquement des Argonautes. Mort de Mopsos en Li-bye. Idmon, fils d'Abas ou d'Apollon, aeul de Calchas. Mort

    d'Idmon chez les Mariandyniens, Thestor, fils d'idmon. Phineus,

    roi de Salmydessos.

    Devins du cycle tuoyen. Calchas, fils de Thestor, petit-fils du devin

    argonaute Idmon. Rle de Calchas dans la lgende de la guerre de

    Troie. Aventures et mort de Calchas, Lampousa et Chalkdon.

    Hlnos, fils de Priam. -:- Hlnos pendant la guerre de Troie.

    Hlnos en pire. Cassandra, sur d'Hlnos. Cassandra etApollon, Cassandra-Alexandra Myken et dans le Ploponnse.

    Cassandra transforme en prophtesse chresmologue et en sibylle.

    Eurydamas l'oniroscope. Mrops de Percote. yEsacos, fils dePriam. none et la desse Rhea. Ennomos de Mysie. Tlmosle cyclope, Halitherss d'Ithaque. Prylis de Lesbos. Tlgonos,

    fils d'Ulysse, Pantheus, Polydamas, Laocoon, Anchise, Dcadenceprmature de la divination inductive.

    Les devins do Tiiv lirroque sont tous models d'aiirrs un

    tyi)e sensiblement unironnc, ce qui ii(intri l'extrme siiupli-

    cit

  • i.K DKviN ui;K()i(jUi-: 13

    scientilique arrte avant lui. Cette lacult/' n'est pas 'ncorc

    une science qui i)uisse se transmettre \y.\v rensei

  • Il LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    les mythogi-aphes et les scoliastes, de contes bizarres et de

    dtails incohrents travers lesquels on voit percer l'intention

    de foire remonter aussi haut (luc possible les origines des

    superstitions postrieures. Il fallut que Mlampus devnt unpurificateur dos mes, un mdecin incomparable, un magicien

    prestigieux', ou mme un astrologue-, mesure quelacathar-ti(iue, l'iatromantique, la magie et l'astrologie s'emparaient

    de la faveur publique. L'histoire de Mlampus ne peut plustre restitue sous sa forme primitive, moins que l'on ne se

    contente de l'esquisse trace par Homre au XV" chant deYOdysse^. La Mlampodic attribue Hsiode est perdue'',

    mais elle a d servir de point de dpart aux travaux d'Acu-

    silaos et de Phrcyde, qu'Apollodore a mis contribution

    \)OMV ^d. Bibliothque. Dj la biographie du hros n'a plus,dans Apollodore, le caractre de simplicit archaque qu'on

    retrouve facilement dans la lgende deTirsias.

    Mlampus est un olide, descendant de Krtheuspar son preAmythaon. Sa mre est appele tantt Idomn" ou Aglaa%tantt Rhodope** ou encore Dorippe". Son enfance s'coula Py-

    los,et, comme il vivait aux champs, le soleil lui avait noirci les

    pieds de faon lui mriter le nom de Mlampus. On racontaitaussi que sa mre Rliodope l'avait expos, en ne laissant dcouvert que ses pieds. La manire dont lui fut confr ledon de divination est plus complique. On distingue, dans lercit accommodant d'ApoUodore, les traces de deux ou troistraditions diffrentes qui a])partiennent des thories reli-

    gieuses disparates.

    \) ^\7.)-Ji[x%yj'^ (El'doc, p. 28(1). 2} LuciAN. AstruL, 1 1 ;) Ilou. Odyss.,XV, 221 sqi}. 4) Pausan., I\, :tl, o. Cf. (1. Hkrnhaudy, Grundriss dergricchischen Lilleralui\ I'-. p. 340 sqq.; IF, p. 329. G, Kinkkl, Epie, grce, fr.p. I.'il-ll7. ."(j Z.'iis, disait Hsio li-, a donri^ la force aux J-]acides, l'intel-ligence aux Amytliaonides. la ricliosse aux Atrides. (Sinius, s. v. 'AX/./,.)

    6) ApoLL.)., I. !>, il. 7) Dioo., IV, 68. 8) Scuol. TuKocn., III, 43. Ktker-inann voit dans ce nom un indice du l'origine septentrionale des Mlampo-dides, prtres du diea thrace Dionysos. il) Schol. Apoll. Ruod., l, 1 IH.

  • MELAMPUS ET LES DIEUX C HT II N 1 E N S 15

    Le t'ait qui s'en dgage tout d'abord, c'est que la IrgeudodeMlampus s'est forme en-dehors de la religion apollinienneet que celle-ci a fait effort pour subordonner, aprs cou[),

    son dieu rvlateur, le prophte j^ylien. Mlainpus parat avoir

    t, comme le dit expressment Hrodote', un ap()tre du cullede Dionysos, conu comme divinit chthonienne. Ce caractre

    dionysiaque se rvle avec clat dans la lgende des Prtides,

    sur laquelle nous reviendrons tout l'heure. Il est inutile

    ici de suivre jus(iu'au bout l'ide d'Hrodote et de s'gareravec Creuzer a la recherche d'un Dionysos thiopien dont

    les prtres auraient t, au propre comme au tigur, des Pieds

    noirs, ou d'admettre plusieurs Mlampus.La parent de Dio-nysos avec les divinits chthoniennes suffit expliquer, non

    seulement le nom du prophte, ce qui est de mdiocre impor-

    tance, mais l'origine de ses facults divinatoires. C'est de la

    terre, rceptacle de toute vrit et de toute science parce

    qu'elle est la raison d'tre de tout ce qui existe, que Mlampusa tir sa prescience. La rvlation chthonienne se serait

    incarne, suivant la lgende, dans le corps de ces animaux

    qui reprsentent d'ordinaire la gnration spontane et

    autochthone, dragons ou serpents. Un jour ({ue Mlampus

    tait chez lui, la campagne, il dcouvrit, dans le tronc lu

    chne qui ombrageait sa porte, un nid de serpents. Mlami)us

    brla les serpents adultes, que ses serviteurs avaient tus,

    mais il leva les petits. Ceux-ci, devenus grands, le surpri-

    rent une fois pendant son sommeil : ils s'enroulrent autour de

    ses paules et lui lchrent les oreilles. Mlampus se rveillatout effray et s'aperut qu'il comprenait le langage des oi-

    seaux,lequel fut dsormais pourlui une source intarissable de

    rvlations-. A cette science ornithoscopique, aussi poti-

    quement dfinie, il ajouta de lui-mme (zpssOaS) l'art de

    l'extispicine, et plus tard, la thrapeutique spirituelle et

    1) Her. Il, 4!J. 2; Apoll., I, !J, 1 1 Cf. lii t. Ud. XI, 2d7. MeX. 6 .aavTixiTaTo.

  • 10 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    ((.i|)()n^llo par droii'ues et par formulos lustrales'. Commeou 1(^ voit, il n'est pas question jusqu'ici de n'-vlation apol-

    liui(Miue et Hrodote lui-mme, si complaisant pour les ora-

    cles dWpoUon, pense que Mlampus a t un homme sage,ayant de lui-mme institu l'art divinatoire -.

    Le lien artificiel qui rattache Mlampus la divinationapollinienne est tabli par une troisime phase de l'du-

    cation surnaturelle de Mlampus. Le prophte, ayant ren-contr Apollon prs de l'Alphe, fut ds lors expert dans tout

    le reste\ Sur les bords de l'Alphe, o cette tradition nousrenvoie, nous rencontrons, en effet, des souvenirs laisss par

    la prsence d'Apollon, c'est--dire des lgendes analogues

    semes par la religion apollinienne sur un sol qu'elle dis-

    putait d'autres cultes. L tait le berceau d'une famille pro-phtique qui grandit l'ombre des autels de Zeus, mais que

    l'histoire mythologique, retouche par les hagiographes de

    Pytho, faisait descendre d'Apollon '.Les lamides et les Mlam-podides se trouvrent ainsi rapprochs parleurs anctres, qui, titre, l'un de fils, l'autre de disciple d'Apollon, auraient

    reu, de la mme divinit et dans les mmes lieux, le dptde la science mantique. Par ce point de contact tabli entre

    les traditions des deux familles, la religion apollinienne,qui avait d commencer par conqurir les lamides, entrana

    du mme coup les Mlampodides dans le sj'stme qui gra-vite autour de son dieu rvlateur. Mlampus est appel amid'Apollon'', et les Klytiades d'lis, qu'Hrodote considre

    comme une branche des lamides", taient apparents aux

    Mlampodides. Seulement, les lgendes qui attribuaient laprescience de Mhr.upus une origine chthonienne ne purenttre assez bien fondues avec celle qui la drivait de l'ensei-

    I) Ar-oLLon., II, 2. 2. Lc mylhograplies oubliont ici qtn l'cxtispicine ci lamgicni.licale sont, en Grce, d'iinportatioa relativement rcente. 2) IIe-noi).,H. 'j-0, 3) Ai'OLLOD., I, ), 1 1.i-j Voy., ci-dessous, la lgende dlamt s. r.) IlEsioij. ap. ScuoL. Ai-oLL. HuoD., I, 118. (j) Herod., IX, 33,

  • MELAMPUS ET I,ES PRTIUES 17

    gnement (rApoUoii, pour qu'il ne subsistt dans la synthse

    aucune inconsquence. L'inconsquence consiste amenerMlampus, pour apprendre autre chose que Fart augurai etl'extispicine, en un Vuni o Apollon n"a enseign sonpropre lilslamos que l'extispicine, mthode traditionnelle deslamides '.

    L'usage que fit Mlampus de son nouveau pouvoir lournitune ample matire aux fictions piques. L'iiistoiredesboiuls

    d'Iphiclos est dj connue de l'auteur de VOdij.sscc'-.Pour procurer son frre Bias la main de Pro. fille de

    Nleus, le devin s'off'rit ravir les bufs d'Iphiclos, con-

    voits par Nleus et qu'il fallait aller chercher Phylake,en Thessalie, o rgnait Pliylacos, pre d'Iphiclos. Surpris,comme il l'avait prvu, et jet en prison, il entendit les vers

    qui rongeaient une poutre se dire qu'ils en auraient bientt

    fini et s'arrangea de faon faire craser par la chute de la

    poutre une servante qui le maltraitait. Phylacos reconnut

    ce trait le don surnaturel de Mlampus et le pria de lui direpour quelle cause son fils unique Iphiclos n'avait point d'en-

    fants. Mlampus tua deux bufs, appela les oiseaux de proie,et un vautour lui rvla que l'impuissance d'Iphiclos tenait

    un pch commis par son pre, lequel avait un jour plant lalame d'un couteau souille de sang dans l'corce d'un chne

    sacr. Ayant ordonn les crmonies expiatoires ncessaires

    et guri Iphiclos avec la rouille mme du couteau retrouv,le prophte reut pour rcompense les bufs qui faisaient

    envie Nleus% tandis que Bias devenait l'poux de la bellePro.

    Toujours dsintress pour lui-mme, mais dvou aux iii-

    !) Pindai'c s'offurce bien d"atlri})iier lanios le doiililo Irsrir de la

    mantique, mais le fait est que les lamides se ontenlaieiit de la iivini-tion par les entrailles. 2)Hom. Odyss.,\\\ 221 sqq. 3) Apollod., I, 19,i2. Hygix. Fa6., 103. Pacsan., IV, 30, 2. Fuerec. ap. Sciiol. Hom. Odyss.,

    XV. 289.

  • 18 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    trts de son frre, Mlampus mit haut prix les servicesque lui demanda ensuite le roi de Tirynthe, Prtos, dont lesfilles avaient t frappes de folie par une divinit per-

    sonnellement offense, Dionysos ' ou Hra 2. Le devin deman-dait pour son frre Bias le tiers du royaume de Prtos. Il

    porta encore plus haut ses exigences lorsque les hsitations

    de Prtos eurent laiss le mal s'aggraver au point que la

    folie gagnait peu peu toutes les femmes de la rgion et lespoussait aux excs les plus sauvages ^. Prtos dut cder

    Mlampus et Bias les deux tiers de ses possessions, avecArgos pour capitale. Le pacte une fois stipul, Mlampustraita les malades la faon bachique, en les poursuivant,

    avec une bande de jeunes gens robustes et force vacarme,jusqu' Sikyone, o le culte de Dionysos tait en grandhonneur. Des bains ou des fumigations, avec crmonies et

    formules expiatoires, achevrent la gurison de celles qui

    n'taient pas mortes en route. Diverses traditions plaaient

    en quatre ou cinq endroits diffrents la cure des Prtides

    par Mlampus ''.

    Ce conte ouvre l'histoire d'une iatromantique indpendanted'Apollon et d'Asklpios ^. Dans cette branche spciale de

    l'art divinatoire, Mlampus est donn expressment commeun initiateur dont le nom est souvent rapproch, tantt de

    celui d'Asklpios, et tantt de celui de Chiron*^. Mais le

    prophte-mdecin ou vtrinaire n'apparat plus au mytho-graphe qu' travers les ides des sicles infects de supersti-

    tions magiques, et sa thrapeutique rappelle trop les recettes

    des sorciers. Cependant, on croyait aussi qu'il avait us de la

    divination pour dcouvrir les remdes naturels, car on lui

    i)ApOLLOD., Il, 2, 2. DiOD., IV, C8. 2)Si:rv. c%., VF, 48. 3) IIerod.,IX, .'14. 4) Palsan., V, 5. 10. Stki-ii. Byz. s. v. 'Aav(a. 5) Cependiint unetraditiun postrieure prtendit l'aire honneur de cette cure Askipios.(Sei. EiipiR. Adv. (jrammaL, I, 12. Voy., ci-dessous, p. 24.) 6) Apollod.,Il, 2, 2. CoLLM. Prxf., I, 32.

  • Li:s MKi..\Mi'c)i)ii)i:s 19

    attribuait l'usage du [j.ilx[j.T.io:z^t, une espce d'ellbore dontil avait expriment l'effet sur les Prtides '.

    Du mariage de Mlampus, dsormais tabli Argos, avecIphianassa, fille de Prtos, naquirent les Mlam[)odides, ausein desquels se manifeste, avec la dernire vidence, l'iir-

    dit du privilge prophtique. Mautios la premire gnra-tion, Polyphides a la seconde, Amphiaraos, hoclymnos etPolyidos la troisime, Ami)hiloclios et Alcma?on la qua-

    trime, reprsentent le legs surnaturel transmis par Mlam-pus ses descendants. Il y aurait quelque navet traiter

    l'hrdit mythologique comme l'hrdit physiologique et lchercher des lois l o il n'y a que le caprice de la fiction.Nous allons, sans insister davantage sur la question gnalo-gique, passer en revue les Mlampodides de l'ge hroques.

    Mantios et Antiphates, fils de Mlampus, ne sont gure quedes anneaux intermdiaires, sans valeur personnelle, qui

    rattachent Mlampus les gnrations suivantes. 11 n'y apas de sacerdoce divinatoire derrire ce nom, pourtant assez

    significatif, de Mantios''.

    Polijphides, fils de Mantios, est signal, par l'auteur de

    YOdysse '', comme devin et comme tenant sa science d'Apol-

    lon. A prendre a la lettre le texte homrique, il sembleraitque les facults divinatoires aient sommeill chez Polyphides

    jusqu'au jour o le dieulechargea de remplacer Amphiaraos,

    1) DioscoR. De Medic, IV, loi. Galen. De Mdanchol., 7, Tiii:opim. IlisLplant., IX, 10. Plin., XXV, 5, 47. Le prophte pylicri eut, an Iciiiis des Plul-nies, un homonyme qui crivit sur diverses hrancUes de la divination, sansarrire-pense, ce semble, de supercherie littraire. Voy., vol. I*-""", p. 100-

    I7o. 2) Il ne sera pas question ici, et pour cause, des pn'griiialiuns

    et des descendants supplmentaires attriljut^s i Mlampus i);ir les lo^'o-

  • 20 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    enlev par une mort prmature. Apollon, aprs la mort

    d'Amphiaraos, voulut que le superbe Polyphidos ft, de tous

    les humains, le d(niii le plus infaillible, et ce hros, irrit

    contre son pre, migra dans Hyprsia, qu'il habita en

    interprtant tous les mortels les signes des dieux'. Hyp-

    rsia, appele plus tard yEgira en Achae, possdait en effet

    un culte trs-ancien d'Apollon'. Polyphidos y fut donc le

    prophte d'Apollon et, avec lui, les Mlampodides acceptent

    pleinement la suzerainet de ce dieu.

    Thoclymnos est plus connu que son pre Polyphidos,

    cause de la place qui lui est faite dans VOdysse. Il vient

    trouver Tlmaque Pylos, et lui demande un asile dans sonnavire, parce que, a Argos, o il tait revenu peut-tre pour

    venger son pre, il avait tu un citoyen de grande famille,

    dont les nombreux frres ont un grand pouvoir parmi les

    Achens. Si Homre avait mieux connu les exigences de lacathartique i)Ostrieure, il n'et pas manqu de tenir Tho.-clymne, souill d'un meurtre, loin des' sacrinces et des

    communications divines jusqu' ce qu'il ft purifi de cettetache : mais le pote n'a pas encore de ces scrupules. Apeine dbarqu Ithaque, Thoclymne reconnat un pr-sage, aussitt interprt, que la race d'Ulysse doit triompher

    des prtendants. Comme Tlmaque venait de parler, unoiseau vole sa droite ; c'est l'pervier rapide, messager

    d'Apollon. Il d

  • TIIEOCLYMKXi; ET POLYIDOS-Jl

    Ce nVst pas; tout : doux jours aprs, il tend jtar induc-tion le sens de ce prodige et annonce PiMiiMopc ((uTIvsseest dj dans sa patrie '. On le retrouve au milieu des prton-dants, assistant ce banquet fatal (pii devait, tre pour eux

    le dernier. Il avait pu voir, coninio eux, apparatre ;\ leur

    gauche un aigle au vol altier, tenant une tremblante co-

    lombe. Le jour de la vengeance tait arriv. Aussi, aumilieu du festin, Thoclymne, saisi d'une sorte de transixu'tprophtique, voit a l'avance la terrible scne qui se prpare

    et s'crie : Infortuns ! quelle calamit tombe sur vous !

    Quelles tnbres vous enveloppent de la tte aux pieds! Vos

    sanglots clatent; vos joues sont baignes de larmes; cesmurs, ces colonnes ruissellent de sang ; ces cours, ces por-

    tiques se remplissent de fantmes entrans dans l'obscurit

    de l'rbe. Le soleil au ciel prit et une affreuse nuit se pr-

    cipite-. Nous avons dj signal^ l'importance de ce ma-gnifique passage qui est le premier texte crit constatant

    l'apparition do la divination intuitive en Grce, et qui la

    rattache d'une faon si naturelle la mantique inductivf.

    A partir de ce moment, Thoclymne rentre dans la ibulodes comparses dont le pote ne s'occupe pas, et nous le per-

    dons de vue.

    L'histoire de Polyidos, arrire-petit-fils de M(''lampus p.ir

    Koiranos et Abas, est un tissu de contes bizarres. Ce hros

    tait revendiqu la fois par Corinthe qu'habitait son fils

    Euchnor ', et par Mgare o taient les tombeaux de ses

    filles Astycratea et Manto, ainsi qu'un temple de Dionysos,

    bti par lui et orn d'une statue archaque . Le caractre du

    sacerdoce dionysiaque, si accus dans Mlampus, reparat ici

    dans sa postrit. Le sjour de Polyidos Mgare, o il vint

    purifier Alcathoos du meurtre de son fils, devait tre rattach,

    d) IloM. Odyss., XVII, loi sqq. 2) Hom. Odyss., XX, .351-3o7. 3) Voy.,

    vol. K. p. 27:;. 4) Hom. lUad., XIII, Cfi3. o' P.msan., I, , a.

  • 22 LES SACERDOCF.S INDIVIDUELS

    par f|nolf|no tradition oublie, au culte de Mlampus im-plante nu nord de la Mg'aride, ^gostlines '. Ce culte,

    assez populaire pour que les noms drivs de celui de Mlam-pus fussent communs dans la contre-, tait nanmoins abso-lument dpourvu de rites divinatoires, ce qui en rapporteraitl'institution une poque oi la croyance a l'immortalit des

    mes des hros et la persistance de leurs aptitudes dansle royaume d'outre-tombe n'tait pas encore gnrale.

    A Corinthe, Polyidos, qualifi par Pindare de devin in-digne ^ aide Bellrophon dompter le fougueux Pgase.

    Il conseille d'abord au jeune hros d'aller dormir prs del'autel de Pallas, sur l'acropole. La desse apparat Bellro-

    phon, tenant en main une bride au frein d'or. Le songe setransforma en vision ; Pallas s'cria: Tu dors, roi, descendant

    d'^olos? Va, prends ce frein enchant et montre-le au domp-teur, ton pore, en lui immolant un taureau superbe. Ainsi,pendant qu'il dormait, semblait lui parler dans l'ombre la

    Vierge la noire gide, et^ bondissant, il se remit sur pied.

    Prenant alors le miraculeux objet plac ct de lui, il allatrouver plein, de joie, le devin du pays, et il annona au fils

    de Koiranos toute l'issue de l'affaire; comment, sur son ordre

    fatidique, il avait repos la nuit prs de l'autel de la desse et

    comment la fille deZeus Tonnant lui avait elle-mme apportle frein d'or. Celui-ci lui ordonna d'obir sans retard au

    songe, et lorsqu'il aurait offert le robustipde au puissant

    Posidon qui branle la terre, d'lever aussitt un autel Athn Hippia*.

    Le dernier trait de la biographie de Polyidos touche unehistoire des plus dramatiques qui, aprs avoir probablementtenu une large place dans l'enseignement allgorique des

    \) Pacsan., I, 44. o. Cf., Welcker, Inscr. Megar. dans ses Kl. Scliriften, V,p. 24\i-2'i:9. 2) On trouve dans les inscriptions de la rgion deux M-lampodores (Lf, Uas et Waddingtun, II. I, 12.) 3) "Env/Mpio^ [jivTiv. PiNiun.Olymp. XIII, lO;}. 4) I'indak. Olymp., XIII, 00 sqq.

  • POLYIDOS ET GLAUCOS 23

    mystres, avait t mise sur la scne trag-ique par Eschyle,

    Sophocle et Euripide, sur la scne comique ])ar Aristophane ',

    et tait encore, au temps de Lucien, un des sujets les plusfrquemment reprsents dans les ballets-. Il s'agit de larsurrection de Glaucos, fils de Minos, retrouv et rapi)el A,

    la vie par Polyidos.

    Minos, ne sachant o pouvait tre son lils, qui tait tomben jouant dans un tonneau de miel et y avait pri, lui avertipar un oracle des Curets' on dit plus tard, d'Apollon

    que le devin qui rsoudrait le mieux telle difliculto indiqueretrouverait l'enfant perdu et le lui rendrait vivant. Le roi

    ouvrit un concours dans lequel Polyidos l'emporta sur les

    devins indignes"'. Le Mlampodide ignorait l'oracle, et nesouponnait pas le pige dans lequel il tait tomb. Minos

    exigea de lui qu'il retrouvt son fils. Des observations orni-

    thoscopiques lui apprirent que Glaucos n'tait pas tomb,

    comme on le pensait, dans la mer, et une chouette, devant

    laquelle volaient des abeilles, lui indiqua que le cadavre tait

    dans le tonneau de miel ''. Minos, sur la loi de l'oracle,

    somma alors Polyidos de ressusciter l'enfant, et, comme le

    prophte jugeait la chose impossible, le roi le fit enfermerdans un caveau avec le mort. Polyidos fut tir de ce mauvais

    pas par des serpents, animaux qui reviennent souvent dansl'histoire des Mlampodides, et toujours comme instrumentsde rvlation. Un de ces serpents, qu'il avait tu, fut ressuscitpar le contact d'une herbe qu'un autre apporta spontanment.

    i) Eschyle avait traiti'; le sujet dans les \\r,r,-:ixi ; Sophocle, el Euripideaprs lui, dans n IToXjio. Il reste peu de chose du IIoXjEto d'Aristo-phane. 2)LcciAN. De Saltat., 40. 3)Apollod., III, 3, 3. 4) IIygin. Fab.,136. 5) La question pose dans ce concours, est, comme de juste, pu-rile. Il fallait chercher quoi pouvait tre compare une vache blanche,rouge et noire. Polyidos remporta le prix en la comparant un mriercharg de fruits ingalement mrs. (Athe.n. Deipnos., II. 30.) 6) .-Elian.Hist. anim.^ V, 2.

  • 2\ LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    P()l\ idos jota de cette herbe sur le corps du jeune Ghiucos

    (|ui ressuscita imnv'diatemeiit. Puis, le conte tourne au

    comi(iue. Minos est assez draisonnable pour forcer Polyidos

    enseigner malgr lui sa science Glaucos. Le prophte

    obit ; mais, au moment de prendre cong de son lve, il

    eno-ao-e celui-ci A lui cracher dans la bouche, et le jeune de-

    vin en herbe oublie ainsi tout ce qu'il avait appris '.

    Il est difficile de savoir ce que la lgende de Glaucos d'An-

    thdon, o il est aussi question d'herbes qui ressuscitent les

    morts et immortalisent les vivants, a prt celle du Glaucos

    Cretois. Quant Polyidos, sa biographie, si accidente qu'elle

    soit-, est peu prs pure de toute ingrence apollinienne

    et laisse apparatre en lui le type des servants de Dionysos,

    le dieu des rsurrections. Il est vrai que l'honneur d'avoir

    ressuscit Glaucos lui fut contest par une autre tradition qui

    attribuait le fait Asklpios, tradition introduite dans l'his-

    toire mytliologi(iue par un des plus anciens logographes,

    Amlsagoras de Chalkdon-'. Mais la fondation du culte

    dionysiaque de Mgare indique assez quelles taient les

    attaches religieuses de Polyidos et d'o il tirait la science

    divinatoire. Polyidos ne laissa point d'hritier de sa science.

    Sou fils Euchnor, qu'il avait laiss partir regret pour Ilion,

    succomba sous les coups de Paris '.

    Amphiaraos, arrire-petit-fils de Mlampus par son aeul

    Antiphate et son pre Ocls, ou encore, fils d'Apollon ,

    est, sans contredit, le plus illustre des ^llampodides. La

    posie pi(iue lui a fait une large place dans le cycle thbain

    i) Apollod.. m, 3, 2. TzETz. ad Lycophr., 811. Ce procd plus que trivial

    a U' crnployt''. dans un but analogue, par Apollon vis--vis o Cassandro. Un

    contempoiain de Porphyre prlendail avoir eu l'intell-gencc du l.ngagedes

    o'scaux et l'avoir perdue (lar la ruse de sa niri'

  • AMPIIIAIIAOS 25

    et un oraclf^ (>lal)li sur son toniboau a pori^Hiu'i son souve-

    nir A travers toute la priode liist(tri({ue. IIom6re rapjxdlo

    un hros sauveur du [leuple, (^ue Zeus et Plibus eli-

    rirent en leur cur d'un amour sans bornes'. Eschyle lui

    prodii^uc les pithtes les plus jionoriliques -; et Pindare,

    voulant peindre d'un mot sa vaillance, l'aiJixdle un nua^e

    de guerre '\ Ce n'est plus un prophte de condition prive,

    comme les autres devins de sa race, qui appartiennent aux

    branches cadettes de la famille, mais le proi)hte-roi, hritier

    du trne que Mlampus a lev pour sa d(>scendance ct

    de celui qu'il avait donn son frre Bias. La rivalit des

    Mlampodides et des Biantides Ariios met en vidence la

    supriorit d'Amphiaraos sur son parent et mule Adrastos,

    petit-fils de Bias, qui est oblig de s'enfuir Sikyone et ne

    peut rentrer Argos qu'en donnant Amphiaraos la main

    de la belle riphyle, sa sur'-. Mais cette femme vaniteuse et

    irrflchie, gagne par Polynice au moyen du collier d'or

    d'Harmonia, oblige son poux prendre part a la guerre

    contre Thbes. C'tait renvoyer la mort, mort d'autant i)lus

    funeste qu'Amphiaraos avait prvu sa destine et celle de

    ses compagnons d'armes. Le hros partit aprs avoir proph-

    tis l'issue fatale de la guerre et rerais ses fils, Alcm.ioon

    et Amphilochos, le soin de venger sa mort sur leur mre.

    Arriv Nme, il vit dans la mort du jeune Ophelts, que sanourrice, distraite par les questions des Sept, avait laiss sur-

    prendre par un dragon. un nouveau prsage des catastrophes

    futures, et il donna le nom mlancolique d'Archmoros l'en-

    fant ([ui tait, en effet, pour tant de braves un prcurseur dans

    IjHoM. Odijss., XV, 2f4-240. Longtemps aprs, on Irouv.- encore, dans un

    conte phsien, le nom d'Amphiaraos assoc < eux de Zeus el de Pha^bus,

    comuie re^.rsentant au mme -legr la justice et l'humanit iNicol. Dauasc.Fra(jm.,\>.'t6S). 2) 11 l'appelle p'.c7To; ax/T-.;, awspo.v o/.a-.o; i-fy-'io-, ii^J.i

    ivfjp, -lva; rTpo^/.Tr,; (.EscHYL. Sept., o79. GIO-Gll). 3) Pl.NDAR JcHl., X, 9.

    4) Apollod , 111, 6. 4. Stat. Tlicb., 734 sqq.

  • 20 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    la mort. Sous les murs de Thbes, il essaya de retarder le

    dernier assaut en dclarant que les entrailles des victimes d-

    fendaient de traverser Tlsmnos. Tyde, furieux, brle de

    combattre comme un dragon qui siffle l'ardeur de midi ; il

    accable de ses clameurs, de ses injures, le devin, sage fils

    d'Ocls; il l'accuse d'viter en lche et la mort et le combats

    C'est en ce moment peut-tre qu'Amphiaraos, livrant son

    secret, prdit que, de tous les chefs de la ligue, Adrastos

    reverrait seul ses foyers. Pour lui, il voulait, dit le pote,

    non point paratre brave, mais l'tre, et il alla avec rsi-

    gnation la mort-

    La fin tragique d'Amphiaraos et des allis a souvent inspir

    la verve des potes et des artistes. On racontait que Tyde,

    bless mort par Mlanippos, avait, par un suprme effort,

    tu son meurtrier, puis, s'tait fait apporter par Amphiaraos

    la tte du Thbain et en avait suc la cervelle-. Dante n'a

    eu qu' rendre ternel ce paroxysme de rage pour en faire la

    hideuse vengeance d'Ugolin en enfer. Une terreur surnaturelle

    planait sur l'arme des Argiens que moissonnait la lance th-

    baine. A latin, il ne resta plus debout qu'Adrastos etAmphia-

    raos fuyant de toute la vitesse de leurs chevaux, Tun vers

    l'Attique, l'autre, au hasard, poursuivi par Priclymnos et

    dcourag par la certitude de son invitable destin. Zeus ne

    permit pas que son favori succombt, comme Parthenopos,

    sous les coups de Priclymnos. Il entr'ouvrit la terre d'un

    coup de foudre, et dans le gouffre bant s'engloutit le hros

    avec son char, ses coursiers Thoas et Dias, et son cocher

    Bton.

    IjO lieu o disparut Ampliiarnos dovint le sige d'un oracle

    hroque et nous aurons occasion d'y revenir en traitant des

    1) /EscuYL. Sept., 276 sqq. 2) Apollod., II[,

  • AMPHIARAOS ET APOLLON 27

    instituts mautiques'. C(' qu'il nous importe de remarquer

    ici, c'est le caractre indcis de la facult i)roi)liti(|ue diez

    Ampliiaraos et sa provenance incertaine. Pour fauteur de

    VOdyssc, Amphiaraos se rattache assez nettement au L-roupe

    des prophtes apolliniens, car on voit Phhus vouer Am-

    phiaraos une affection sans bornes et reporter ensuite cette

    faveur, a laquelle est attach le don de prescience, sur un

    autre Mlampodide, Polyphides^. La lgende postrieure qui

    fit d'Amphiaraos le fils d'Apollon n'est que le dveloppement

    de cette ide. Eschyle fait reposer la certitude acquise par le

    hros relativement sa destine sur les oracles de Loxias'.

    Cependant, si unanimes que soient ces tmoignages, ils n'ont

    pu faire oublier les traditions vraisemblablement antrieures

    qui tendent rtablir, entre Amphiaraos et les divinits

    chthoniennes, les affinits particulires sa race. On cons-

    tate d'abord qu'Apollon n'intervient d'aucune faon dans

    la biographie du hros, moins que ce ne soit pour faire

    excuter ses dernires volonts, en ordonnant Alcma^on

    de tuer riphyle'"; et, d'autre part. Ton trouve Phliunte

    une lgende qui n'a pas d'explication suffisante dans la

    thorie apollinienne. Les Phliunlins racontaient qu'Am-

    phiaraos avait acquis chez eux la facult prophtique, en

    passant une nuit dans une maison surnomme depuis la maison mantique-'. Or, les plus anciens cultes de la

    cit, ceux dont on devait ncessairement reporter l'institution

    aux temps hroques, taient ceux de Dmter et de Dionysos.

    Le culte d'Apollon vint s'accoler celui de Dionysos et pas-

    sait videmment pour moins ancien, car Pausanias, dnom-

    brant les temples de Phliunte, dit : Prs de l'Omphalos, se

    trouve un temple antique de Dionysos; il y en a aussi un d'A-

    pollon et un autre d'Isis'. Ainsi, le lieu o Amphiaraos pas-

    l)Vol.Ill,Oraded'i?H;9/iiarao5. 2)Voy.,ci-dessus,p.19. 3).scHyL. .Se/X.,

    618. 4) Apollod., III, 7, 5. --b) Pausa.\., II, 13, fi 3) Palsan., II, 13,7.

  • 2S LES SACHllDOrKS INDI VI 1) T'E I.S

    sait pour avoir reu In privilge surnaturel et la faon dont

    il lui lui octroy semblent galement (.'xclure de cet ensei-gneiuent miraculeux rintervention d'Apollon qui n'apparat

    pas davantage dans le fonctionnement ou dans les origines

    des oracles ddis au prophte Mlarapodide.

    La religion apollinienne a mieux russi s'emparer du

    second fils (rAmpliiaraos, Tpigone A7nphUochos. Il n'est faitnulle part allusion l'origine de sa prescience. Cette facult

    doit tre, par consquent, rapporte tout entire l'influence

    de riirdit; influence dontPindare veut trouver des traces

    mme chez Alcma^on, frre aine d'Amphilochos'. Le rled'Amphilochos comme prophte vivant est assez eff'ac, soit

    que sa renomme ait t clipse par celle de son pre^ soitque la facult prophtique ait paru souille et suspecte chez

    un homme qui avait t le complice du meurtre de sa mre.Les potes cycliques le comprirent parmi les prtendantsd'Hlne et le conduisirent ainsi au sige de Troie, aprs

    l

  • LES DEVINS CADMENS 29

    l'oblige d'Apollon. Comme toujours, du i'(\sie, quohiuc Ini-dition oppose rvle la fragilit de ces construciions mythi-

    ques. Mme en consentant distinguer le fils d'Amphiaraosd'un homonyme qui aurait t galement un Mf'lainiiodide,tilsd"Alcma?on et de Manto, on se heurte encore une variante

    hsiodique qui fait prir le fils d'Amphiaraos Soh'S, en Ci-

    licie, de la main d'Apollon', c'est--dire, qui met une lois

    de plus hi divination des Mlampodides en-dehors de celled'Apollon.

    La cration d'un second AmpJiilochos. fils d'Alcma^on ot de

    Manto, allgea la lographie du premier. On put attribuer

    ce dernier la fondation d'Argos d'Amphilochie-, que Thucy-

    dide et phore rapportaient encore au fils d'Ampliiaraos''.Par cet Amphilochos ou, suivant le systme d'phore, parun autre fils. Acarnan, Alcma^on lgua le privilge hrdi-

    taire des Mlampodides aux devins acarnaniens que nous

    retrouverons dans l'ge historique, tandis que le souvenir

    d'Amphiaraos et de son fils Amphilochos restait attach aux

    oracles hroques de Botie et de Cilicie.

    A ct des Mlampodides, et parfois ml aux mmes v-nements lgendaires, se place l'illustre proiihte cadmcn

    TirsiasK Tirsias est, comme Mlampus, un initiateur, qiii

    ne relve pas d'une tradition ou d'une science hrditaire,

    mais ne doit sa prrogative qu' la spontanit de sa nature

    ou au bienfait des dieux. Ces deux origines ont t indiques,

    pour la prescience deirsias, par des traditions distinctes. La

    i) IlKsioD. ap. Strab., XIV, 3, 17. D'au'rcs disaient : dans la phino d'Ah'ia,

    entre le Pyramos ot le Saros; d'autres, eafin. conduisaient A'iiphilochos

    jusqu'en Syrie. (Strab. ibid.) 2; Acollod., 111, 7, 7. 3; Thucyd., 11, 68.

    Strab , VII, 7, 7; X, 2, 2o-26. 4) On a propos, pour expliquer ce nom,trois tjmoloaies. TcipEcri'a,-, de Tsrpo,-, -if a; = prodigium; de Tcfpw = (senio)

    confcio; de Tr.psw = observa. Les textes concernant la lgende de Tirsias

    ODt t rassembls, jusqu' puisement des sources et mme des c .mmen-taires,par Fr. J. Sciikll, Do Tircsia Oraecorum vale quotquot repcriri potuc-

    runt fontes et dicta. Archiv fiir Philologie, XVII, 1 [18olJ, p. lii-lOO.

  • 30 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    premire, la plus simple etprobablement aussi laplusaiicienne,

    racontait que Tirsias, descendant du Sparte autochthone

    Ouda30S par son pre Eurs et fils de la nymphe Chariclo',rvlait aux hommes des secrets que les dieux voulaient serserver et avait t, pour cette raison, frapp de ccit la Heur de l'ge, ou mme ds renfance2. Cette facult pro-phtique, si pntrante et si promptement suspecte aux dieux,

    est bien videmment inne chez le fils de la nymphe; elle estune manifestation spontane de la puissance mystrieuse

    qui rside dans l'lment habit par les nymphes. C'est

    autour d'une fontaine encore, mais la suite d'autres pri-

    pties que, suivant une autre version attribue Phr-cyde^ Tirsias perd la lumire du jour et reoit en changela seconde vue. Comme sa mre Chariclo accompagnait sou-vent Athna, le jeune homme eut un jour l'occasion, qu'ilne cherchait pas, de voir la desse au bain dans un tat de

    nudit complte. En pareille occurrence, Artmis fut sanspiti pour Actaeon. Athna ne prit pas la vie de Tirsias, maiselle toucha du doigt ses yeux qui s'obscurcirent pour toujours.Comme Chariclo la suppliait de rendre la vue son fils,Athna compensa un dommage qu'elle ne pouvait plus rpareren, purifiant les oreilles de Tirsias de faon qu'il entendit

    tout le langage des oiseaux, et en lui faisant cadeau d'un

    sceptre de couleur sombre avec lequel il marchait commeceux qui voient ''. Ainsi Tirsias dut Athna le privilgeque les serpents avaient apport Mlampus.

    1) AroLLOD., III, G, 7. Callim. Lavacr. Pallad., S\. Tinzocn. Idyll. xxi\,Od. HvGiN. Fab., 7o. Pni;ui:cYD. Fragm., IG. 2) Apollod., III, 6, 7. La c-cit des prophtes (Pliincus, TircsiaSy Evinios) et des ades {Tkannjris, De-modocos, Homre) a videmment un sens allgorique. La vue du corps estsacrifie celle de l'esprit, ^e pourrait-on pas dire aussi, d'aprs la lgendede Tirsiis, que ces privilgis, mi-; en rapfiort personnel avec les Nympheset les Muses, devaient i un scrupule honorable de l'imagination grecque etleur grand Ane et leurs yeux teints? 3} Apollod. Jbid. Callimach. Ibid.,7o sqq. 4j Apollod, Ibid.

  • TIRSIAS A TllHES 31

    Nous allons, du reste, retrouver les invitaliles serpents (huis

    une autre lgende, de provenance hsiodi(iue. Seulement les

    serpents sont rduits cette fois au rle secondaire; ils ne sont

    plus l'instrument mais l'occasion loigne d'une rvlation

    qui vient de Zeus.

    Le savant Hsiode, navement irrvrencieux, racontait

    donc que sur le mont Kyllne, d'autres disent sur le Kitli-

    ron, Tirsias, ayant deux fois, sept annes d'intervalle,

    frapp des serpents accoupls et tu tantt la femelle, tantt

    le mle, avait successivement perdu et recouvr son sexe; de

    telle sorte qu'il fut le seul tre comptent pour rsoudre une

    question soumise un jour, par Zeus et Hra, a son arbitrage.

    Cette question, de nature assez scabreuse, reut une solution

    telle que Hra, humilie avec son sexe, rendit aveugle le trop

    clairvoyant arbitre!."Zeus, en compensation, accorda Tirsias

    le don de prophtie et une vie prolonge travers sept ou

    mme neuf gnrations^.Tirsias, depuis lors, apparat toujours comme un vieillard

    qui a dj plusieurs ges d'homme. Les tragiques le font

    souvent intervenir dans la lgende lugubre des Lal)dakides

    et toujours avec ce caractre de gravit solennelle qui plane

    au-dessus des passions humaines =*. Dgag de tout intrt

    mesquin et sans crainte, comme sans ambition, Tirsias repr-

    sente bien mieux qu'aucun des Mlampodides le prophte

    investi d'une mission surnaturelle et servant d'intermdiaire

    entre les hommes et les dieux. Les menaces ou les insultes

    d'un dipe ou d'un Cron ne troublent pas la srnit de sa

    4) Apollod. Ibid. Ovid. Met., II!, 318 sqq. IIy.jin. Fab.. 75. Paisan., IX, 33, 2.

    PiiLEGON Trall., Mirab. 4. Lact. Plac. .Xarr. Fab., 4. Antomn. Libral., 17.

    TzETZEs ad Lycophr. C82. Fllgent. MylltoL. II, 8. Schol. IIom. Odyss.,X\, 402. 2) Les mythosraphes le font vivre depuis le temps de Kadmos jusqu'aprsla ruine de Thbes saccage par les pigooes. 3j Tirsias joue un rleimportant dans VAntifjone et VOEdipc Roi de Sophucle, dans les Phnicienneset dans les Bacdianles d'Euripide.

  • 32 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    conscience ; il sait que la i)arole divine doit tre parfois m-connue, mais qu'elle a toujours raison des obstins.Bien des sicles aprs les temps hroques, ou montrait

    encore Thbes lelieuoTirsias observait les oiseaux', lieuqui tait, selon l'expression de Sophocle, comme le rendez-

    vous de tous les prsages {-tz-c: c?ojv:j A'.;rr,v)-. S'il ne pouvaitplus contempler leur vol, l'aveugle entendait leurs cris et lesifflement de leurs ailes, ou, au l)esoin, il voyait par les yeux

    d'autrui, comme dans cette occasion o Sophocle nous lemontre vrifiant par l'extispicine les prsages tirs du crides oiseaux ^

    Pendant la premire guerre deThbes, il rvla ses com-I)atriotes la condition laquelle les destins attachaient lesalut de la ville. 11 fallait expier le meurtre du dragon jadistu par Cadmos avec le sang d'un descendant des Spartes. Telle tait la volont du farouche Ares, qui la mort deMenkeus, le fils de Cron, donna satisfaction ''. Lorsque lespigones revinrent assiger la ville, Tirsias, aprs quelquesengagements dsastreux pour les Thbains, conseilla derecourir aux ngociations et d'abandonner nuitamment laville pendant que s'engageraient les pourparlers prlimi-naires '^ Les Thbains chapprent ainsi l'extermination,mais le vieux Tirsias succomlja durant cotte retraite noc-turne. Arriv prs de la fontaine Telphuse, il y tancha sasoif et mourut en ce lieu oii son tombeau se voyait encore dansles temps historiques''. On disait aussi qu'il avait t pris parles Argiens, avec sa fille Manto, et que, conduit par eux Delphes, il tait mort en route, prs d'Haliarte".Les gnrations hroques ne purent se passer du prophte

    qui leur avait si longtemps dispens la rvlation divine;

    Ij l'AisAN., 1. ir,, I. 2) SopiiocL. Anlj., 1000. 3) Sni>iiocL. Ibid.

    4) Apoixod,m, (i, 7. IIygiin. F&.,68. .'}) Apollop., III, 7, 3. DioD., IV, 60.

    G) Apoi.lod., m, 1, 4. l'AUsAN., IX, 33, 1. Diou., IV, 66. 7) Pausan.,VII, 3, I; IX, 18,3.

  • TIRSIAS et APOLLON 'S'.i

    elles s'adressrent sou ombre, et l'vocation de Tirsias par

    Ulysse est le premier exemple de cette irruption de ia curio-

    sit humaine dans le monde d'outre-lonilx' '. Le souvenir ainsi

    immortalis de Tirsias a d tre un des principaux lments

    de la croyance qui a enfant les oracles hroques, et l'oracle

    de Tirsias Orchomne - peut tre compt parmi l-'s plus

    anciens instituts de ce genre.

    On a pu remarquer que, jusqu'ici. Tirsias semble ne d-

    pendre aucun degr de la religion apollinienne. Sa science

    lui vient ou de la nature ou d'Athna ou de Zens, et Pindare

    l'appelle lui-mme un prophte de Zeus='. Cette dernire

    conception fait de. lui un devin d'une dignit particulire. La

    rvlation lui arrive directement du foyer central qui claire

    tous les dieux olymi)iens, et il peut passer, ce titre, pour

    le collgue, sinon pour l'gal, d'Apollon lui-mme.

    Mais la religion apollinienne fit efbrt pour s'emparer

    de sa gloire. Un certain Sostrate, qui avait crit sur Tirsias

    un pome lgiaque, racontait que Tirsias tait d'abord une

    petite fille qui Apollon enseigna la musique et prol)ablement

    la mantique. A partir de ce moment, Tirsias change de sexe

    chacune de ses nombreuses aventures, est dpouill une

    fois du don de seconde vue et va rapprendre la mantique

    auprs du centaure Chiron. Il finit par tre mtamorphos

    en rat, ce qui explique les aptitudes divinatoires de cet ani-

    mal'. On trouve, dans ce conte inepte, des traces d'un lion

    mythique tabli entre Tirsias et Apollon. En tout cas, la

    religion d'Apollon ressaisit Tirsias dans la personne de

    de ses descendants. Durant la guerre des Kpigones, Tirsias

    luttait en quelque sorte contre Apollon, (jui avait rvl aux

    assaillants le moyen infaillible de vaincre en leur donnant

    pour chef Alcmon. Lespigones reconnaissants consacrrent

    \) Voy., vol. ^>-, p. 332.-2) Voy., ci-dossous. Vol. ill. Oracle de Tirsias.3) PiND. lYoH., I, 60. - 4) EusTATH. ad Odyss., X, 492.

    3

  • 34 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    Delphes les prmices du butin et, parmi ces prmices, se

    trouvait la lille de Tirsias, Manto, dsigne aussi par les

    noms galement symboliques de Daplin ou Historis^.

    Chez la fille de Tirsias, l'ducation apoUinienne est cense

    se superposer la facult prophtique hrditaire. Manto

    devient ainsi pour les uns une Pythie, pour les autres une

    Sibylle enrle au service d'Apollon. Elle ne fut pas moins

    savante que son pre dans la mantique, et elle y fit de

    grands progrs par son sjour Delphes ; doue d'un talentmerveilleux, elle rdigea un grand nombre d'oracles avecun art tout particulier '. On prtendait mme qu'Homrelui avait emprunt quelques-uns de ses plus beaux vers. Cesdivagations sont d'une poque o l'vhmrisme, en tuant lemerveilleux, avait donn un corps palpable aux personnageslgendaires. On pouvait bien faire la part de Manto dans lespomes homriques quand on attribuait Tirsias, son pre,un trait sur la libanomancie ', ou a Mopsos un trait sur la

    mantique '.

    Sous sa forme la plus simple, la tradition se contentait

    d'affirmer que Manto avait t conduite Delphes et consacre

    comme hirodule Apollon Pythien. On put mme adoucirle caractre brutal de cet asservissement en disant que djManto avait t attache auculted'Apollon Ismnien Thbes".

    En tout cas, Apollon utilisa le privilge hrditaire de Manto

    pour fonder l'oracle de Klaros, prs de Colophon. Manto,

    envoye en ce lieu avec d'autres captifs, y pousa le Cretois

    Rhakios et y fit souche de prophtes'. Le fait est curieux

    noter comme indice de certaines proccupations thologiques

    dontontrouveraitdifiicilemcnt ailleurs une trace aussi visible.

    Les Grecs ne s'expliquaient compltement la transmission

    \) DioD., IV, 06. 2) Pausan., IX, H, 3. 3) Diod. ibid. 4) Lutat. adStat; Thrb., IV. 408. 5) Clem. Alkx., Sirom., I, 133. 0) Cf. Tu. Pa-

    NOFKA, Dt Mfinlosilz am fsmenion zu Theben (Arch. Zeitung, ii 28. April1845). 7) Apollod., Hi, 7, 4. Vuy., vol. III, Oracle de Klaros.

  • MANTO A COLOPHON 35

    des facults divines l'espce humaine que parvoie de^'-ii-ratiou. Comme il ne se trouvait pas de fils d'Apollon l'ori-gine de l'oracle de Colophon, la lgende y transi)orta uneaptitude hrditaire emprunte une auti\) descendance etadapte seulement la divination apoUinienne. Encore lalgende revint-elle au principe par une retouche banale, (piise retrouve dans presque toutes les biographies de prophtes,en faisant du prophte Mopsos non i)his le fils de Uhakios etde Manto, mais de Manto etd\\pollon.La biographie de Manto se compli(|ue encore d'une autre

    tradition d'aprs laquelle la fille de Tirsias aurait eu duMlampodide Alcm;;on, au temps o ce dernier expiait sonparricide par une folie furieuse, par consquent avant laguerre des pigones, un lils du nom d'Amphilochos^ Si Tonidentifie Manto avec Historis, son histoire remonte plus

    haut encore, car on la voit assister la naissance d'Hrakls

    et faciliter par un stratagme l'accouchement d'Alcmno''.

    Le nom de Manto, dj ml, par la gnalogie d'Ampli i-

    lochos, la lgende des Mlampodides, s'y ddoubla encrant une nouvelle figure mythique, d'ailleurs inconnue,

    Manto, fille de Polyidos'. Enfin, la mythographie imposa la lgende primitive une dernire surcharge en substituantManto au dieu chthonien des trusques, Mantus, dans lestraditions relatives aux origines de Mantoue. Les uns, com-

    prenant que la fille de Tirsias ne pouvait avoir cherch un

    asile en mme temps l'Orient et l'Occident, supposaientque Manto, mre de l'kiste de Mantoue, Ocnus, devait treune fille d'Hrakls; les autres, mprisant les traditions ant-

    rieures, soutenaient que cette Manto, pouse de Tiberis, tait

    bien la fille de Tirsias >, De toute manire, Manto restait,

    au nom de l'tymologie, une devineresse.

    i) Strab., XIV, :;, 10. TzETZEsad Lycophr., 980. 2) Voy. ci-dcssus, p. 20. 3j Palsan., IX, 11,3. 4) Voy., ci-dessus, p. 21. j) Skrv. ^ft., X, 108.

  • 36 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    Le type iriinordial de ^lanlo se dfigure plus ou moins

    travers toutes ces fictions et son souvenir se disperse, par-

    tag ainsi entre Tlibes, Delphes et Klaros, tapes successives

    d'une existence dont nous ne pouvons suivre plus loin la

    trace. Nous verrons ailleurs comment les traits les plus

    sympathiques de cette figure lgendaire ont t transpor-

    tes, par rimagination populaire et le travail des potes cjcliques, au type postrieur de la Sibylle.

    Mopsos, fils de Maiito, a son berceau a Colophon, sa tombe

    et son oracle Mallos. Le commencement de sa biographie

    est donc compris dans celle de Manto, la fin dans les

    lgendes qui concernent la fondation de l'oracle cilicien et

    qui seront analyses dans la revue des oracles hroques ^

    Entre ces deux points extrmes, l'existence de Mopsos, si on

    le distingue de l'Argonaute son homonyme, n'offre qu'unincident, la gageure ou lutte prophtique entre Mopsos et

    Calchas, lutte qui se termine par l'humiliation et la mort de

    Calchas. Encore ce dtail, qui n'est pas sans valeur comme

    tendant dmontrer la supriorit des anciennes lamillesprophtiques sur les nouvelles, sera-t-il mieux apprcilorsqu'il sera question de Calchas et de sa gnration.

    Il faudrait encore inscrire parmi les prophtes appartenant la race cadmenne, ou du moins compris dans le cycle deses lgendes, le devin chinos,

  • DEVINS ARGONAUTES 37

    cette (iuipe tameuse ouvre eiKiuolque sorte Ynge lirroiiue,

    la famillo des Mnlampnriides. (|iii fonniit a la troisiAmo ij-t'aip-

    ratioii TAriioiiaute Aini)liiai"aos, esi plus aiicieiiiie eucorc;

    quant Tirsias, sa vie iudliulment prolonge le place au-

    dessus de toute elironolog-ie.

    Les Argonautes, en route vers des rgions inconnues,

    avaient besoin, })lus que personne, de rvlations surna-

    turelles. Elles ne leur manqurent pas. Les poc'^tes s'ing('-nirent leur trouver des i)roplites et le chne dv. iJodone

    leur fournit une boussole parlante. Le premier et. Torigine,

    le sol prophte Argonaute est le Thessalieu ou Lapithe

    Mopsos, lils d'Amp3'x ou Ampycos, petit-fils de P(Mias et des-

    cendant ainsi de Posidon'. Comme cette descendancen'expliquait pas suffisamment le don surnaturel de Mopsos,quelques mythographes postrieurs ont fait de lui, suivant

    le procd ordinaire, un fils d'Apollon-.

    Dans le rcit de Pindare, Mopsos donne aux Argonautes

    le signal de rembarquement et du dpart. Aussitt le devinMopsos. prophtisant d'aprs les oiseaux'' et les sorts sacrs,

    embarqua avec confiance l'arme. Puis, lorsque Ton eutaccroch les ancres au-dessus de la i)roue. le chef, pl.ic la poupe, ayant pris entre ses mains une coupe d'or, invo({uele pre des Ouranides, Zeus arm de lafoudre,etles courantsrai)ides des flots et des vents, et les jours sereins et le bonheurdsir du retour. Alors, voici que des nuages lui rpondit lavoix favorable du tonnerre et les rayons brillants de l'clairjaillirent de leur [)rjsuu dc'chire. Les hros respirrent,pleins de confiance dans les prsages du dieu, et l'interprte

    1) Pacsan., V, 17, dO. Hygin. Fab., 1 i. 128. Un certain Ampycos ou Amycos,fils d'Klatos, est nomm parmi les proplilcs, avant Mopsos, dans la iistndllygin (Fab., 128). 2) Val. Flaccl-s, Argon., I, 38k Stat. Tlieb., Il/, ;i21. 3) La mthode ornithuscopiquo de Mopsos est conilrme par lalgende qui lui donne pour maitres Halkyon et Coron. (Cli;m. Alex.Slrom.^l.^ 123.)

  • 38 LES SACERDOCKS INDIVIDUELS

    dos prodiges IfMir cria do se jeter sur les rames en leur pro-

    dig-uaiit les douces esprances^

    Mopsos, au gr des lgendes, meurt pendant l'expdition,

    ou, au contraire, figure dans les jeux fuiil)res clbrs enl'honneur de Plias par les Argonautes sur la plage enfin

    retrouve d'Iolcos. Cette dernire tradition, figure sur le

    clbre coffre de Kypslos Olympie'-, est videmment laplus ancienne; l'autre est ne du dsir qu'avaient les Grecs

    tablis en Afrique, Cyrne d'abord, et plus tard Alexandrie,

    de se rattacher par des traditions pseudo-archaques la

    mre-patrie. Descendants des Minyens et par consquent des

    Argonautes, les Cyrnens se flattaient de possder dans le

    voisinage de leur cit, prs d'Ausigda, le tombeau lev Mopsos, victime de la morsure d'un serpent, par les Argo-

    nautes gars en Libye^.

    La mort sur le rivage africain ou la lutte au pugilat avec

    Admte, A lolcos, telles sont les deux perspectives au-deldesquelles nous ne pouvons plus suivre le prophte thes-

    salien'', si nous rservons pour le fils de Manto"' les traditions

    de Klaros et de Mallos.

    Le devin que les potes associent le plus souvent Mopsos

    dans le groupe des Argonautes, et que certains mme con-fondent en partie avec lui, Idmon d'Argos, eut dcidmentun sort funeste. Ceux qui faisaient mourir Mopsos en Libye

    n'avaient gure fait que transporter au prophte thessalien

    la destine ou mmo le genre de mort du prophte argien.Idmon. qui, comme plus tard Ampliiaraos Thbes, se savait

    1) PiNDAR. rylh., IV, 330 sqq. 2) Pausan., V, 17, dO. 3) Lycophr. Alex.,

    88o. Ai'OLLOD. RuoD., I, 80; IV, 1j02. Hygin. Fab., J4. Senec. Medca, 652. 4) Strahdn montionno, on Thessalio, une localit appnlo Mopsion ainsiappt'lc'o non do Mopsos, lils de Manto, fille do Tirsias, mais du Lapitho quifit voib* avec los Argonautes (Strah., IX, 5, 20. 22), et l'on voit, par Tile-

    I.ivt', que c'tait un tombeau {tiDinilus), vidominout le tombeau du devin.(Liv. XLII, CI.) 5) Voy., ci-dessus, p. 3o.

  • MOrSOS ET IDMON 39

    marqu pour la mort', succomba dans lo pays do^ Marian-dyniens, aux lioux o s'fMeva ensuite Hracle, soit d(''chirepar un sanpiier-, ou piqn par un serpent\ ou tout siniplt^-ment atteint d'une maladie mortelle'. C'est pour l'honorer

    qu'un oracle ordonna aux MfV^n'i'!'' ^'t aux Bf'-otiens, aumoment o ils allaient fonder Hracle, de le prendre pourpatron de la ville future, titre ({ue l'Arii-onaute fut pourtant

    oblipr de partager avec le hros indigne Agamestor ou mmede cder ce rival prfr"'.

    La principale mthode divinatoire attribue Mmon, oudu moins la seule dont il soit fait mention'"', est l'ornithos-copie. La tradition courante, qui faisait de lui un fils d'Abas,

    descendant de Danaos, ne rendait pas comi)te de son ca-

    ractre prophtique, et celle qui le donnait pour fils d'Am-

    pycos" ne faisait que le substituer Mopsos. Aussi les

    logographes, entre autres Phrcyde et Hrodore d'Hracle,

    supposent-ils que le vritable pre du fils d'Abas tait Apollon

    lui-mme'*. De cette faon, Idmon, son fils Thestor et, i>ar

    suite, son petit-fils Calchas, furent enrls dans les rangs des

    prophtes apolliniens. TA^Js/orn'est gure connu que des my-

    thographes, qui font de lui un fils d'Apollon et, comme tel,

    un devin". Les anecdotes l)izan-es qui composent sa lgende

    prouvent un manque absolu de pntration chez un hommequi se dsole, par exemple, d'avoir perdu ses deux filles alors

    qu'elles sont prs de lui^'\ La facult hrditaire sommeille

    chez lui pour se rvler avec plus d'clat chez son fils.

    Avant d'aborder la biographie de Calchas et des prophtes

    1) Hygin. Fab., d k 2) Apollod., I. 0, 23. Schjl. Apoll. Uunn., I, 139;H, 815. 3)0rph. Argon., 185.-4) Val. Flacc. Argon., V, 2. 5) Hkhodor.ap. ScuoL. Apoll. Riiod.. II. 81.). 6i Hygi.n. ibid. 7) Orph. Argon., 721.

    8^ ScnoL. Apoll. F{hod., I. 130. 9, T/.kt/. ad lACophr., 427. Ilygin (Fab.,

    190) ra[pelle mantis. 10) L'histoire de Thestor et de ses filles, Thono etLeuk pn, est tout un roman, plein de pirates et de reconnaissances inatten-

    dues, qui ne saurait passer pour une lgende populaire.

  • 40 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    du cyc\o troyeii, il nous faut puiser la liste des devins ({ui

    jou(Mit un vn\o (laus rexp(Mlition dos Argonautes. Noiis ne

    citerons que pour mmoire Ampliiaraos le Mlampodidc, dont

    le nom fut ajout aprs coup, comme tant d'autres, la liste

    des hros minyens; le dieu Glaucos, (jui apparat aux navi-

    gateurs prs du rivage de Mysie, ou le dieu Triton qui sort

    du lac Tritonis pour leur montrer le chemin. Ces person-

    nages iw tienneiiL ([wc par un lien arliflcicl la lgende des

    Argonautes et ont leur place marque ailleurs'. Il n'en estpas de mme de Phineus, le vieux roi-prophte de Salmy-dessos, le portier du Pont-Euxin. Fils d'Agnor- ou de

    Phnix^ ou mme de Posidon'', Phineus ne tenait pas de lanature le don de prophtie. La tradition apollinienne a pr-

    valu ici sans contes-te. Phineus avait reu ce privilge d'A-

    pollon"'. Il en avait abus, disait-on, soit, d'une manire

    gnrale, en rvlant aux hommes les secrets de l'avenir, soit,plus spcialement, en guidant et sauvant les fils de Phrixos,

    contre legrd'Hlios ou de Posidon, et il ayait t, pour cette

    raison, priv de la vue*'. Phineus est donc aveugle, comme

    Tirsias, comme plus d'un ade mlodieux, comme ceux qui

    portent en eux la lumire et ne regardent plus au-dehors.

    Dlivr par les Argonautes des Harpyes (jui s'ajoutaient,

    comme un dernier flau, ses malheurs domestiques, le

    vieux prophte enseigne ses librateurs le chemin de laColchide et le moyen d'chapper l'treinte des terribles

    Symplgades. qui devaient rester immolnles apr('^s avoirmanqu leur dernire proie. Le moyen tait bien simple; il

    \) Vity., ci-dossous, Oradcs des divinits marines. 2) Apoll. Un., II, 178.2.37. Apollod.. I, 9, 21. 3) Schol. Apoll. Ru., II, 178. 4) Apollod. ihid.Cf. I,. Vma.u-.v., Phineus fabula [kn^^aw. AuPsiitze, p. 6-0). 5) Apdll |{ii., Il,180. Lo tni>ip;nagn d'Apollonius di^ Mh'ides n'a qu'une valeur relative : onconstate seulement

  • DEVI>'S DU CYCLE TROYEN 41

    fallait d'abord constater qu'iiiio coloinix* pouvait passer en

    volani tiro-d'aile, (H la suivre en imprimant au navire, par

    un viiioureux effort, une vitesse iah.

    Il n'y a rien l ((ui dpasse la porte des connaissances

    humaines, et un homme l)ien rensei^ui' valait en pareil casun prophte. Mais nous avons eu occasion de remanpier (|uela divination hellnique s'exerce presque aussi souvent sur

    les ralits actuelles (lue sur les possibilits futures.

    Les devins du cycle troyen se partagent, comme les armesdes Achens et des Troyens. en deux camps ri\aux, entrelesquels la lgende rpartit la mme inspiration ou la mmescience, mane d'Apollon. Du ct des Grecs, Calchas, lils deThestor, Hlnos et Cassandra, dans Ilion, prophtisent ga-

    lement par la grce de ce dieu, dont une paternit furtive a

    fait Taeul de Calchas, et qui est en mme temps l'amant deCassandra et le patron sympathicjue d'Hlnos. L'popehellnique a, du reste, fait cesser, au profit des vainqueurs,

    cet antagonisme introduit au sein de la divination apolli-

    nienne. Hlnos passe l'ennemi avant la fin du sige et va

    rgner en pire; Cassandra, toujours ddaigne de sescompatriotes, trouve un auiani dans son matre Agamemnon

    et succombe avec lui Myken. Ainsi, tous les devins du

    cvcle troven sont runis par la victoire des Achens au sein

    de la patrie hellnique.

    Calchas joue dans l'Iliade^ o il ne parat qu' de raresintervalles, un rle immense. Il est, en quelque sorte, le

    moteur de cette vaste ligue dont Agamemnon est le chefnominal. On prtendait mme qu'il avait prvu et prparde longue main l'expdition, car Achille n'avait pas plus de

    neuf ans lorsque Calchas prdit que Troie ne pourrait tre

    prise sans lui'. Le fils de Thestor, le plus infaillible des au-

    gures, sait le prsent, le pass, l'avenir; c'est lui quiaconduit

    i) Apollod., \U, 13, 8.

  • 42 I.FS SACERDOCES I N D I V I D T E I.S

    I;i llottfi jiis([iraux rivages (rilioii, par la scionce divinatoire

    que lui a o{'tro,y(}e Plibus', On sait quollo ranon lesGrecs avaient paye Artmis avant de quitter le rivag'ed'Aulis. Les potes attribuent tantt roracle de Pytho et

    tantt Calchas l'arrt prophtique qui fora Agaraemnon

    sacrifier Iphignie. Avant le dpart de la flotte, Calchas

    pnklit, sur la foi d'un prodige allgorique, la dure du sigeprojet. Un serpent, s'lanant d'un autel ensanglant parles hcatombes, va dvorer, sur la plus haute branche d'un

    platane, une couve de huit petits passereaux avec leur mre,et se trouve aussitt mtamorphos en pierre. Calchas,aussitt, interprte le signe divin. Pourquoi, Achens, tes-vous muets de surprise? Le prvoyant Zeus nous dvoile,par ce grand prodige, une longue entreprise lentement ac-complie, dont la gloire sera imprissable. Comme le dragon advor les petits du passereau, ils taient huit et la mrequi les a couvs tait la neuvime, nous de mme, durantautant d'annes, nous combattrons aux champs troyens etdans la dixime, nous prendrons la grande Ilion-. Calchasoublie ici, peut-tre dessein, d'expliquer la ptrification dumonstre dont il fait le symbole de l'arme achenne.

    Devant Troie, le prophte, sr du succs, n'a plus qu'laisser agir les destins. Il intervient seulement, lorsque la

    peste dcime les Achens, pour rvler la cause du tlaudchan par Apollon. Le dieu qui lance au loin les traits,dit-il, nese plaint ni pour des vux, ni pour des hcatombes,mais cause de son prtre Chryss qu'Atride a mpris en re-fusant de lui rendre sa fille contre une ranon (Mjuitable ; il

    1) II'iM, llind., I, fiO sqq. Siucn, suivant la molo do sontomps, transformeCalrhas. le savant aupiirf, on un piMpli/^to ontliousiastc (Stat. Ac/u7/., I. ri22). 2 Ilr.M. Hiad.. II. .'

  • CALCHAS DEVANT TROIR Ui

    VOUS oiivoc ces maux et vo.is en n'serve encore. Il ik^ df-tour-

    iiera [>as l(^s atteintes funestes de la contagion, (pm nousn'ayons renvoy a son pfire chri la jeune (iijc aux yeux vils,sans prsents, sans ranon, et conduit Clirysa une hrcatombesacre : alors, apn'^s nous l'tre rendu i>roi)i('e, nous lleliirons

    ce dieu'. Agameninon s'irrite et se venge sur Achille, (piile force A obir l'ordre du prophte. Les hros ont une tellefoi dans l'infaillibilit de Calchas, qu'en un jour de droute.Posidon, pour les encourager. emprunte l;i iiiiuic. l'infa-

    tigable voix de Calchas-. Toute la mission de Calchas tient

    dans ce mot : pendant dix ans, il est le conseil et l'aiguillon

    des Achens, qni. eux, sont prs de se lasser charpie revers.

    Les potes cycliques et tragiques n'ont pas voulu ceixMi-

    dantlui laissertoutl'honneurdu succs. Le concours d'Achille,

    qu'il avait dclar indispensable la prise de Troie, se trouva

    insuffisant, et ce fut Hlnos qui indiqua aux Achens lesdestructeurs-ns dTlion, Noptolmos et Philoctte"'.

    Aprs la chute de Troie commence pour Calchas, comme

    I)Our les autres hros, une vie d'aventures qui founiit aux

    compilateurs de lgendes locales une occasion commotle de

    le faire voyager et mourir en divers lieux. Nous reviendrons

    ailleurs sur le tombeau et l'oracle qu'il avait en Daunie '.

    La tradition la i)lus ordinaire place sa (in aux ajenioursd'un oracle, soit Klaros% soit Mallos'', soit m

  • Il LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    art \yM mi i)las habile, Co vaiiKiueiii'. dont le triomphe

    devait lui coter la vie, se trouva tre Mopsos, le fils de

    Maiito. Les (^lestions poses dans ce concours prophtique

    sont des i)liis ridicules et sembleraient mme trangres la mantique si on ne se rappelait que cette science s'applique

    aussi souvent au prsent ou au pass qu' l'avenir. Calchas,

    avisant un figuier sauvage, demanda Mopsos combien il yavait de figues sur Tarbre. Celui-ci rpondit : dix mille, plus

    un mdimme,et une figue de surcrot. La rponse ayant tvrifie et reconnue exacte, Calchas mourut de chagrin et

    sur l'heure. Tel tait le rcit du grave Hsiode dans laMlampodle. Le non moins grave Phrcyde prtendait qu'ils'agissait de la porte d'une truie. On combina les deux ver-

    sions pour rendre l'anecdote plus piquante. Mopsos, ayant

    donc rsolu le problme pos par Calchas, demanda a sonrival combien de petits jiortait une truie qu'il indiqua, etquand elle les mettrait bas. Calchas se trouva court, et Mopsos,pour ajouter son humiliation, donna lui-mme la solutionen disant que la truie mettrait bas, le lendemain, trois petits,

    dont un'mle. L'vnement confirma le pronostic, et Calchas,comprenant que son lieure tait venue, se laissa mourir de

    chagrin ou se tua'. Suivant une autre version, les deux

    rivaux firent au roi des Lyciens Amphimachos, qui partaiten guerre, des prdictions contradictoires. Amphimachosaj'ant t battu, Calchas, qui lui avait promis la victoire, se

    donna la mort-. La conclusion de ces contes purils est au

    moins digne du Calchas homrique; le i)rophte infail-lible ne veut pas survivre son infiillibilit.

    1) TzKTz. ad Lycophr., 427. 980. Hesiod. Pheuixyd. ap. STn.\B.,XIV, 1 ,27. Ouracontait bien qu'Homr.; t'tait mort de charin pour n'avoir pu rsoudreuni! tli^lno analr)i;ue, et Iir-iaclitc se servait de l'anticdot^! comme d'un ar-gument pliilosophii|ue pour dmontrer la faiblesse de rintellig-^uce humaine.(HiPi'OL. Hff. hai'i-., \\, j, 9.) Voy., siii' la mode des devinettes (atvt'yjjLaTa

    YpVj'.j dans le premier ge de la civilisatiun hellnique, Tu. Bk.ivjk, Griecli.Lilrratitnjcscliiclttc. I. p. :t;;4-3.'j7. 2) Co.non, Narr. T.

  • CALCHAS ET IIKLKNOS 45

    La tradition courante ne parait i)as avoir donn d(> jiost.t''-rit Calchas. Cependant on Huit pai- lui en rvrt'V une.Tantt il s'agit d'unn sibylle Lampousa,

  • 46 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    laiils. Do son grand glaive de Thrace, il fend le casque et

    le crne de Deipyros et s'attaque Mnlas lui-mme'. De

    temps autre, cependant, on voit apparatre en lui le devin,

    rgal de Calchas, et, comme lui, le plus habile des au-

    gures-. Lorsqu'il engage Hector retourner Troie pour

    ordonner des prires Athna, Hector obit^^; c'est encore

    sur la foi de son frre que le hros va seul jeter l'arme

    achenne ce dfi qui fait trembler les plus braves*. Hlnos,

    avec une pntration surnaturelle, avait compris en son

    ame les projets que formaient ensemble, au mme instant,Apollon et Athna, dcids suspendre les hostilits gnrales

    et occuper, par le spectacle d'un combat singulier, les loi-

    sirs des deux armes.

    La biographie d'Hlnos fut continue par les potes

    cycliques et les tragiques. Elle nous conduit, travers bien

    des incohrences, jusqu'en pire. Hlnos, si loyal et si

    vaillant dans Vllladc, spare sa cause de celle des Troyens,

    parce qu'il est indign de voir un hros comme Achille suc-

    comber sous les coups d'un lche tel que Paris', ou encore

    parce que, aprs la mort de Paris, Hlne lui prfre Di-

    phobos*.

    Il se rend alors au camp des Achens ou se retire sur

    le mont Ida, et tombe aux mains des Grecs, renseigns par

    Calchas'; ou encore, il se rfugie Chrys, dans le temple

    d'Apollon. De toutes manires, Hlnos est enrl au service

    des ennemis de sa patrie et travaille la perdre. C'est lui

    qui fait tomber tous les obstacles opposs par la destine

    l'opinitret des assigeants, en faisait venir successivement

    d'Europe les ossements de Plops, Noptolme, fils d'Achille,

    1) HoM. Uiad., Mil, 57(5 sqq. 2) IIom. lliad , VI, 76. Cf. Sopuocl. Phi-

    locL, 1338. "KXevo (ipiaT(!.;j.avTi;. 3) Mou. ibid. -4) IIom. lliad.^ Vil, 44sqq. - o) SoPHOCL. Pliiluct., 603 sqq., 1338. DiCTYg, IV, 18. 6) Conon,

    Narr. 34. Tzktze ad Ly plir., 011. 7) Cu.no.n, ibid.

  • HELENOS EN EPIRE 4/

    puis Pliiloctte; en conseillant le rapt du palladium et eu suy-

    graut le stratagme du cheval de bois'.

    Lorsque Troie a t livre au pillage, lllnos accompagne

    Noptolme, qui, sur son conseil-, renonce la Tliessalie ets'tal)lit ou pirc. Noptolme ayant t tu Delphes parOreste, Hlnos lui succde comme rgent d'[)ire et comme

    poux d'Androma({ue. C'est ce moment de son existenceque A^irgile le fait rencontrer avec ne'. 11 n'y a, dans cetteentrevue tout affectueuse, ni rcriminations ni reproches.

    Hlnos a fait de sa capitale une nouvelle Troie, o revit le

    souvenir de l'ancienne, et, de son ct, ne, qui liii-inme, la fin du sige, avait protest par son inaction, comme

    Hlnos par sa dsertion, contre Timpit de Paris, n'est

    point en got d'allusions fcheuses. Il se contente plus tard

    de dire qu'en entendant parler de villes grecques gouvernes

    par Hlnos, il avait trouv la chose incroyable*. Hlnos

    renseigne ne sur les vicissitudes qui l'attendent encoreen mettant expressment ses rvlations sous la garantie

    d'Apollon'.

    Hlnos disparait ensuite de l'histoire mythologique". On

    faisait de lui le fondateur de Buthrotos, en pire, et Ton

    racontait ({ue remplacement de la cit lui avait t indiqu

    par un prodige. Comme Hlnos, abordant la cte, offrait

    aux dieux un sacrifice d'action de grces {xr.z6x-r,p>.x), la victime,

    un buf, s'enfuit aprs avoir reu le coup mortel, traversa

    la nage une baie voisine et alla mourir sur le rivage,

    1) CoNON, ibid. TzETZES, ibid. 2) h tjv 'EXvou /.pr,cj;j.iv. Pausan., I, H, 1. 3) ViROiL. .En., III, -JOi. '*) ViBG. tftid. 5) ViRG ibid., i33. Cf 3o9. 371.

    6) On ne sait si c'est bien lui qu'on entendait attribuer un manuel de

    chiromancie cit par Nonnos et Suiias. iCf. vol. l^r, p. 207, et Lobeck,

    Aglaoph.., p. 2G0.) La pitention et t ridicule, mais les fabricants dapo-

    cryi-hes ne reculaient pas devant de pareils scrupules. Mojisus, Epim-nide,etc.,ont t des prte-uoms commodes, et la bibliographie astrologique

    est [laiticulirement riche eno i\rages de ce genre.

  • 48 LES SACERDOCES INDIVIDUELS

    a l'endroit o Hlnos, coiuproiiant ravertissoment cdloste

    (jj;j,6:a:v y.AY;oa)v), btit la ville (lu buf bless (l'i.-jTpojTd).

    La prsence crHlnos en pire est suffisamment attested'ailleurs pour que nous laissions ce conte tymologique son

    auteur, eucros de Cyzique^

    Il ne parat pas que la tradition, en donnant Hlnos un

    fils issu de son union avec Andromaque, Kestrinos-, ait

    song rendre la facult prophtique hrditaire dans sa

    famille. Chez lui, comme chez sa S(eur Cassandra, la pres-

    cience est un don ({u'ApoUon prtend limiter la personne

    mme de son oblig. Encore apprend-on que le dieu et retircette faveur a Cassandra, s'il avait t le matre d'annuler

    c