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Aventures sebestan

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2bien raconter l’histoire à son père dans les moindres détails.Ils se rendent ensuite à la crêperie où ils dégustent l’une de ces galettes qui font leurs délices. Comme Zoé connaît bien le patron, elle l’a appelé la veille pour le prévenir de leur venue et, après sa crêpe préférée, Sébestan voit arriver devant lui une superbe glace d’anniversaire piquée de cierges magiques. Chocolat, vanille, noix de coco, abricots, chantilly : rien n’y manque. Après cela, une bonne petite marche s’impose. En ville, ils font quelques emplettes pour Zoé, et tout se termine, comme souvent, par un passage au « Tigre de papier », la boutique favorite de Sébestan et de Zoé. C’est une librairie où ils se sentent comme chez eux. On y trouve tant de choses qu’il y a même quelques ouvrages rédigés par Paul. Sébestan aime beaucoup cet endroit, mais il a toujours une légère appréhension lorsqu’il voit arriver Mademoiselle Dupart, la propriétaire, qui, avec ses cheveux roux, ses lunettes et son air supérieur et inquiétant, lui évoque immanquablement une fée carabosse de port de pêche. Pourtant, elle lui a conseillé de bien beaux livres dont il se délecte toujours. Et voilà ! Elle est là ! Elle l’a vu et se précipite vers lui…– Sébestan ! Bon anniversaire ! Tu es un grand garçon maintenant.Maintenant qu’il sait que Mademoiselle Dupart connaît aussi la date de son anniversaire, Sébestan n’a plus aucun doute : c’est une sorcière.– J’ai pour toi une chose que tu n’as jamais vue, le livre que tu attendais depuis longtemps. Tu m’en diras des nouvelles.Sébestan a encore un peu peur. Il voudrait bien lui échapper mais il est d’ores et déjà certain que, comme toujours, elle va lui montrer un livre fabuleux. Et c’est le cas ! Elle sort de derrière son comptoir un gros ouvrage relié et dont le simple aspect évoque pour lui de longues heures de plaisir. Quelle est cette nouvelle merveille. Même s’il n’en est pas encore à considérer Mademoiselle Dupart comme une fée, voire une amie, ses appréhensions ont disparu et il lui faut voir cela de plus près. Le titre somptueux s’étale sur le carton de la couverture : « Les secrets du Mage Guilhord ». En dessous, un personnage coiffé d’un chapeau informe semble l’interpeller. Il ouvre le livre, le feuillette et tombe sous le charme.– Maman, tu peux me l’acheter ?– Mais Sébestan, nous sommes là pour cela !– C’est vrai ? Oh maman, merci !Mademoiselle Dupart paraît bien connaître les goûts de Sébestan. En réalité,

le Mage Guilhord et Paul sont de très vieux amis. Ce livre était introuvable depuis bien longtemps, mais Paul avait une bonne raison d’être informé de sa réédition. Il l’avait donc commandé à Mademoiselle Dupart, qui, pour sa part, devait feindre de le conseiller à Sébestan. Sur le chemin du retour, comme ils ont encore un peu de temps devant eux, Zoé et Sébestan décident de faire un détour par le jardin public. Toute la famille adore cet endroit où elle passe d’agréables après-midi à profiter du soleil. Ses arbres, vénérables centenaires pour certains, tracent mille courbes harmonieuses en élevant leurs branches vers le ciel. On y trouve aussi de nombreuses plantes exotiques, mais ce que préfère Sébestan, c’est le petit parc

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3animalier dont le mur est orné d’une fresque représentant, entre autres, un majestueux éléphant. Sébestan rêve de voir un jour un véritable éléphant. Son père lui a dit qu’il avait vu, dans une grande ville, un gigantesque éléphant haut comme un immeuble déambuler dans les rues au milieu d’une foule en liesse. Mais Paul vit dans un monde merveilleux et Sébestan n’est pas certain qu’une telle chose soit possible.Zoé et Sébestan sont maintenant de retour à la maison. Les bons moments, si longs soient-ils, passent toujours bien plus vite que les autres. Avant toute chose, Sébestan prend la précaution d’aller poser son précieux livre sur son lit. Il le lira ce soir et s’en réjouit déjà. Pour l’instant, la priorité est d’aller voir son père. Il a tant de choses à lui raconter.Paul a beaucoup travaillé et quelques illustrations se posent déjà délicatement sur une belle page de papier bien blanc. Ce sont des dessins sépia ou à la mine de plomb, rehaussés de couleurs chatoyantes, mais aussi quelques croquis destinés à être enrichis de collages numériques. Sébestan adore le travail de son père. Quand il sera grand, lui aussi dessinera. Paul lui a déjà appris quelques bases dont il se sert habilement pour épater son professeur et ses camarades de classe. Il explique son travail à son fiston et lui indique comment il compte l’utiliser dans ses pages. Sébestan pose de nombreuses questions et la discussion s’éternise. Ces deux là sont aussi complices que passionnés.« À table ! » La voix ferme et mélodieuse de Zoé vient mettre fin à la conversation.Désormais, Sébestan n’a plus qu’une seule hâte : découvrir ce merveilleux livre. Il attend avec impatience le moment où il pourra se couler dans son lit moelleux et se plonger avec passion dans sa lecture. Alors, sans se faire prier, il aide sagement Zoé à mettre une dernière main à la table, s’assoit et mange tout ce qui est dans son assiette. Papa, toujours à l’affût d’une blague douteuse, pense que Sébestan n’a pas l’air d’être dans son assiette. Il est vrai qu’elle est déjà vide et que ce n’est pas une habitude pour son fiston.– Il est affamé, constate Paul.– Plutôt assoiffé, répond maman. Elle a raison, comme toujours : Sébestan, assoiffé de lecture, est impatient de s’immerger dans son livre.– Je vois qu’il a eu son bouquin, chuchote-t-il à l’oreille de son épouse en l’embrassant doucement. J’espère qu’il l’aimera autant que moi à son âge. Il ne me l’a même pas montré !

– C’est normal, tu l’as hypnotisé avec tes dessins. D’ailleurs, ils sont très beaux et je te félicite.Zoé propose ensuite de passer au gâteau. Sébestan arrivera-t-il à souffler « toutes » ces bougies d’un seul coup ? Nous le savons déjà et il est grand temps de reprendre le cours de notre histoire.

– Bravo Sébestan ! Très joli souffle…– Merci papa ! Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois, mais j’admets qu’avec une bougie supplémentaire, ce sera encore plus difficile.– Eh oui ! La première dizaine, ça compte. Fais-vite un vœu, maintenant.– Je n’ai pas besoin de faire un vœu, maman. J’ai passé une si belle journée.

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6Thamar le bouzoukiste

Ils se mettent aussitôt en route. Sébestan est désormais rassuré et il a hâte de voir ce personnage. Pour que son père lui ait confié un tel document, ce doit être un homme de grande confiance, strict, droit, voire un peu sévère, et, bien entendu, un solide gaillard. Son père lui apparaît sous un jour nouveau. Il se prend même à penser que Paul a, lui aussi, été un enfant. Jusqu’à ce jour, cette idée ne lui avait jamais traversé l’esprit, mais elle l’amuse beaucoup. Les pensées de notre petit héros l’accaparent à un tel point qu’il ne fait plus attention au paysage qui l’entoure. Pourtant, le chemin qu’ils empruntent traverse un petit bois dont les arbres laissent passer une lumière irréelle. Depuis son arrivée dans l’île, il parcourt un monde où tout est monochrome, sauf quelques zones qui sont très colorées. Il en prend conscience en voyant passer un très gros oiseau aux couleurs chatoyantes. Il lève alors les yeux et contemple le paysage de rêve qui l’entoure, c’est un endroit rassurant et doux où rien ne vient agresser le regard. Il sait qu’il a vu récemment un paysage tel que celui-ci, mais il ne saurait dire où. Peu lui importe, c’est si beau et il est attiré par tant de choses à la fois qu’il ne sait plus où poser son regard, comme le jour où, de retour d’une semaine de vacances chez ses grands-parents, il avait eu la surprise de retrouver sa chambre rénovée.Mais quelle est cette cacophonie grotesque qui vient couvrir le son de la caresse du vent sur les feuilles ainsi que les mille et un petits bruits caractéristiques des sous bois ? Ne serait-ce pas une chanson ? C’est bien cela. Au fur et à mesure qu’ils avancent, une clairière se dessine et nos deux amis perçoivent plus nettement le timbre oblitéré d’une voix auquel s’ajoute une molle mélodie tirée à grand peine d’un instrument de musique. Ils doivent encore faire quelques dizaines de pas pour voir enfin un petit homme adossé au tronc d’un arbre. Il chante à tue-tête en s’accompagnant d’une sorte de mandoline au manche démesurément long. Sébestan reconnaît maintenant cet air ; à entendre cette interprétation très personnelle, il a peine à croire que c’est, à l’origine, une très belle chanson d’amour.– Ah ! Voilà notre ami Thamar, dit Guilhord.– Quoi ? Thamar ? Mais c’est un tout petit bonhomme ! Sébestan n’en revient pas : Thamar est tout le contraire de ce qu’il imaginait.

– Je ne suis pas un petit bonhomme mais un lutin. Et sache qu’il ne faut pas pousser le lutin Thamar à bout.– Bout de ficelle, rétorque Sébestan.À ces quelques mots prononcés par le lutin, Sébestan a tout de suite reconnu l’univers facétieux de son père. C’est un monde farfelu, rempli de mots à rallonge, à tiroirs, aux sens multiples ou connus d’eux seuls, et dans lequel il se sent si à l’aise. Tous deux se lancent parfois dans des joutes, véritables concours de subtilités verbales dans le seul but de réconforter Zoé après une journée un peu trop dure. Et la douce Zoé se demande toujours jusqu’où ses deux hommes vont bien pouvoir aller pour la faire rire.– Ah ! Ah ! Je vois que nous nous sommes compris, dit Thamar tout joyeux. Bienvenue Sébestan, car c’est bien toi, n’est-ce pas ? Toi seul pouvais répondre cela.– Oui, c’est moi ! Thamar pose délicatement son singulier instrument à ses pieds.– Elle est bizarre, ta mandoline, lui dit Sébestan. Je n’en ai jamais vu qui ait un manche aussi long.– Ce n’est pas une mandoline mais un bouzouki irlandais, lui répond Thamar.Passionné, il commence à parler des origines de son instrument, dérivé du bouzouki grec et introduit en Irlande au milieu des années 1960, et à le décrire. Son long manche plus spacieux que celui d’une mandoline est plus confortable pour ses doigts, il se termine par une tête sculptée équipée de clés pour l’accordage.– Des clés ? As-tu celle que je suis venu chercher ?– Non Sébestan ; comme Guilhord a déjà dû te le dire, je ne suis que le dépositaire de la carte établie par ton père lors de sa propre quête de clé. D’ailleurs, pourquoi tardons-nous tant ? Allons de ce pas jusqu’à ma hutte et je te la confierai.Le premier réflexe de Sébestan est de suivre le chemin indiqué par Thamar, mais une pensée le fait s’arrêter net. Comment entrer dans la maison d’un lutin, qui doit être bâtie aux proportions du petit homme.– Thamar, ta maisonnette est-elle à ta taille ?– Bah non, elle m’appartient, d’ailleurs, je ne connais personne de ce nom.– Hi ! Hi ! Je voulais juste savoir si c’est une petite maison de lutin.– Ne t’inquiète pas Sébestan, nous sommes ici dans un monde magique et tu

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16Un château en bord de mer

Sébestan marche d’un bon pas, tout pressé qu’il est d’apercevoir le château. La route qui parcourt le bocage est bordée de haies si touffues qu’il lui est, pour l’instant, assez difficile de porter son regard très loin. À peine entrevoit-il les reflets bleutés de la mer entre les branches des végétaux les moins feuillus. Pourtant, il sent ce petit vent vif qui s’insinue partout où il le peut, et il est certain que la mer n’est pas loin. Tu as raison, jeune Sébestan car voici que la route, après un détour, se met à plonger vers la côte dans une descente aussi abrupte que courte, terminée par un virage très marqué. Si un jour tu reviens par là, jeune homme, vérifie les freins de ton vélo car tu pourrais bien finir ta course dans la haie. Mais Sébestan, comment pourrais-tu revenir à cet endroit que tu ne sais même pas situer, toi qui as une telle hâte de rentrer chez toi ?– C’est vrai, ça ! dit le garçon.– Je te demande pardon, Sébestan.– Oups ! Excuse-moi Guilhord, je crois que j’étais ailleurs. Oh ! Tu vois ce que je vois ?Comment ne pas voir cette magnifique chose qui s’offre à leurs yeux ? Là, devant eux, le bord du chemin s’est dépouillé de sa végétation pour laisser la place à des murets dont l’un longe une falaise peu élevée.– Piper avait raison, dit Sébestan, cet édifice est vraiment splendide. Je suis certain que mon père adorerait dessiner ce genre de paysage.– Peut-être l’a-t-il déjà fait, répond vaguement son compagnon.– Pressons le pas, j’ai hâte de voir ce qui peut bien se passer derrière ces murs.Les deux compères franchissent le porche donnant sur la cour du château. Là, Sébestan est émerveillé par ce qu’il voit. Un kiosque à musique se dresse au centre de la cour et, un peu sur le côté, des chevalets éparpillés attendent des peintres qui, pour l’instant, restent invisibles. Sur la droite, une diligence stationne près de la porte voutée d’un corps de bâtiment. Plus loin, droit devant nos amis, se dresse le corps d’habitation doté d’un élégant perron à escalier double sur les marches duquel se tient un personnage qui interpelle nos amis.– Hello, gentlemen, je suis le comte Morris Harbour, maître de ces lieux.– Voilà qu’au bout du compte, nous nous retrouvons chez un comte, glisse

malicieusement Sébestan à son comparse.– Bonjour, je suis le mage Guilhord et voici mon jeune compagnon Sébestan.– Mes hommages, mage, bonjour, petit garçon. Je suis enchanté de vous recevoir dans ma modeste demeure. Qu’est-ce qui me vaut le plaisir ?– Nous sommes à la recherche de la clé des rêves, répond Sébestan.– Aaah ! Cette clé là… Je me souviens d’un jeune garçon qui cherchait aussi cette clé.– Oui, c’était Paul, mon père.– Paul, j’avais presque oublié ce nom. Sa venue doit déjà remonter à un certain temps. Il avait à peu près le même âge que toi aujourd’hui. Il n’a pas dû chercher très longtemps cette clé – s’il en avait besoin car il fourmillait de rêves et de projets. Il semblait avoir une bonne idée par minute.– En effet, il l’a trouvée, mais il l’a perdue.– Oh ! J’en suis navré. Mais je pense que cela ne doit pas vraiment le pénaliser.– Bien sûr que si, coupe Guilhord. Il ne peut plus croire à la magie.– La belle affaire, reprend le Comte. Toujours est-il que je suis prêt à t’aider dans la mesure de mes modestes possibilités, Sébestan. Tu sais, je dois beaucoup à ton père.– Beaucoup ? Comment est-ce possible ?– Il se trouve que lorsqu’il est venu me voir, je venais d’acheter ce château. À l’époque, je savais que je voulais cet endroit mais je ne savais pas quoi en faire. C’est alors qu’il est venu avec toutes ses grandes idées de petit artiste. Nous avons passé un long moment à parler de ce qu’il aimerait faire s’il possédait un endroit tel que celui-ci et quand il est reparti, j’avais une idée très précise de ce que deviendrait ce château : un paradis pour les artistes. Ton père semblait rêver à l’infini, moi je rêvais moins mais j’avais un peu plus de moyens que lui.– Vous voulez dire que l’argent dispense de rêver ?– Pas forcément, Sébestan, et c’est heureux. Quant à ton père, il rêve probablement d’une autre manière maintenant. Est-il toujours un artiste ?– Plus que jamais !– C’est bien ce que je pensais. Je l’imagine mal ne plus rêver quand je vois qu’il est le papa d’un petit bonhomme comme toi.– Ouais ! Eh bien moi, je préfèrerais qu’il rêve comme avant ! dit Guilhord.– Hum, dites-moi, monsieur le magicien, est-ce vraiment au seul bénéfice de ce garçon et son père que vous recherchez cette clé ?

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23– Guilhord, regarde ! Ne serait-ce pas l’entrée de la fameuse galerie dont tu me parlais ?– Oui ! C’est cela ! s’exclame le magicien. Heureusement que tu l’as vue sinon je n’aurais pas su la retrouver.– Mais tu n’as pas entendu ce grognement ? dit l’enfant.– Euh… je n’ai rien entendu du tout.– AAGRAGGGRRRRRRRA !– Toujours rien, m’sieur ??? demande Sébestan en prenant son air le plus moqueur.– Tu verras quand tu auras mon âge.– Ouais, on dirait que le temps n’est pas élastique pour tout, ici !Alors que les deux voyageurs vont s’engager prudemment dans le tunnel, ils sont bousculés par un homme vêtu d’une livrée de domestique et qui court en tenant des deux mains le fond de son pantalon qui fume légèrement.– Méfiez-vous ! La vieille est encore sur les nerfs ! Ne vous avisez pas d’aller lui échauffer les oreilles, sinon il vous en cuira. Si en plus son prof la laisse mijoter trop longtemps, je crains le pire…La vieille ? Son professeur ? Les deux compères sont interloqués. Ils s’attendaient à un terrible dragon et ils vont devoir affronter une mégère.– Accepteriez-vous de nous conduire auprès d’elle ? dit Guilhord au domestique.– Vous comprendrez que je ne suis pas très chaud, répond le bonhomme.– Vous n’aideriez même pas un petit garçon qui doit affronter un dragon ? dit Sébestan.– Cet argument ne saurait me laisser de glace. Vous avez gagné, mais sachez que vous n’allez pas voir le dragon, mais Madame Éléonore, son épouse. Suivez-moi !Et tout ce petit monde s’engage dans le tunnel. Chemin faisant, le domestique explique à nos amis qu’ils sont, en fait, dans l’atelier de peinture de Madame Éléonore, plus particulièrement dans sa galerie personnelle. L’atelier proprement dit fait face à la mer ; sa patronne a fait pratiquer des ouvertures sur le front de la colline afin de pouvoir bénéficier d’un éclairage adapté, mais aussi pour pouvoir peindre son sujet favori : la mer. L’une de ces ouvertures a une utilité particulière puisqu’elle donne directement sur les Ateliers du Levant où officie son professeur de dessin, qu’elle appelle « le maître », comme le

faisaient autrefois les enfants lorsqu’ils parlaient, avec respect et admiration, de leur instituteur.– Les appartements de Monsieur et Madame se trouvent au sommet de la colline, poursuit le domestique.– Mais, je n’ai aperçu qu’un fort au sommet de cette colline, dit Sébestan. Ne me dites pas qu’ils habitent entre ces épais remparts.– En effet, Monsieur a fait renforcer les murs. Ce pauvre homme est allergique et il est parfois sujet à de violents éternuements ; comme vous pouvez l’imaginer, quand un dragon éternue, cela réchauffe quelque peu l’atmosphère et peut être dangereux pour les cloisons. Pour le reste, Monsieur est un être exquis. Quant à Madame, mais vous allez pouvoir juger par vous même.Ils arrivent dans l’atelier où Madame s’affaire devant une peinture représentant un entassement invraisemblable d’objets hétéroclites.– Madame, excusez-moi de vous importuner…– Ne vous avais-je pas dit de ne pas reparaître devant moi aujourd’hui ?– Certainement Madame, mais ces personnes désirent vous voir.– En réalité et pour être précis, je m’appelle Guilhord et, avec mon compagnon Sébestan, ici présent, nous étions venus voir le dragon. Nous sommes désolés de vous importuner, madame la dragonne.– La dragonne !!! La mégère se met à hurler. Je ne suis pas une vulgaire lanière pour appareil-photo. Je suis Madame le Dragon. Mon père m’a appelée Éléonore en hommage à l’étoile polaire. Quant à mon mari, cet imbécile est encore en train de faire son cinéma dans la baie. Regardez-le !En effet, l’impressionnante silhouette d’un noble dragon émerge des eaux de la baie.– Peuh ! Il est pathétique… Fainéant ! Un dragon de papier, oui !– Dragon de papier ? dit Sébestan surpris.– Elle doit faire allusion à l’expression « tigre de papier » qui désigne un être ou un pays apparemment menaçant, mais en réalité inoffensif, précise Guilhord.– Gaston, rentre tout de suite ! Gastooooonn !– Vous devriez acheter un téléphone portable, dit Sébestan libéré de son angoisse de rencontrer le dragon.– Nous avons essayé ce système, répond Éléonore à la grande surprise du jeune garçon, mais nous l’avons abandonné : il y avait bien trop de friture sur la ligne. Tiens, à ce propos, j’ai un autre appel à passer.

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26– Il tient un discours comme pour lui-même ; il parle tout seul, si tu préfères. Personne ne l’écoute jamais. Les gens ont l’habitude : ils viennent, ne cherchent pas à comprendre et attendent qu’il ait terminé pour pouvoir boire et manger.– Il ne s’en aperçoit pas ?– Jamais. Il pense que ce type de langage est lié à sa fonction et qu’il est normal de le pratiquer. C’est d’ailleurs un xylolinguiste éminent.– J’aime bien ce mot ! Papa dit souvent que le rabot est le seul correcteur grammatical qui convient à la langue de bois.– Ah ! Sébestan, ton père me manque à moi aussi. S’il pouvait rêver… Le magicien se perd alors dans une profonde méditation vite interrompue par son petit compagnon.– Ce bonhomme est-il le roi de l’île ?– Non, il n’y a pas de roi chez nous et il n’y en a jamais eu.– Alors pourquoi porte-t-il cette couronne ridicule ? – Eh bien, il aimerait bien faire rétablir la royauté sur l’île et le devenir. Mais comme je viens de te le dire, nous n’avons jamais eu de roi et il ne peut donc rien rétablir. En attendant, il peaufine ses discours qu’il teste sur ses administrés.– C’est vrai qu’il est maire. Je l’avais déjà oublié… Mais comment est-ce possible ?– Vois-tu Sébestan : il arrive parfois que l’élection d’une personne permette avant tout de mesurer la médiocrité de ses adversaires. Bien entendu, ni le gagnant ni le perdant n’en sont conscients et c’est peut-être mieux ainsi.La conversation de nos amis est alors interrompue par une « clameur polie », suivie d’un brusque mouvement de foule indiquant l’ouverture du buffet. Guilhord emmène alors son jeune compagnon vers l’estrade, au pied de laquelle se trouve Elmer qui n’est plus entouré que par un proche conseiller et une petite cour de flatteurs.– Bonjour, monsieur le Maire, je suis Guilhord et voici mon jeune compagnon Sébestan.– Le fameux Guilhord ! J’ai beaucoup entendu parler de vous, l’un des plus grands illusionnistes de l’île.– Vous en êtes un autre, répond Guilhord qui préfère être qualifié de magicien.– Mais qui est ce jeune Sébestan ?– C’est le fils de mon vieux camarade Paul au profit duquel il est chargé d’une

importante mission : trouver la clé des rêves.– Qu’est-ce que cette clé ? Je n’en ai jamais entendu parler.– Comment cela, s’inquiète Sébestan ? Si mon père vous a ajouté sur cette carte, c’est qu’il a dû vous rencontrer.– Il a certainement vu mon prédécesseur.– C’est vrai, confirme Guilhord. C’était un homme précieux.– Notre maire a aussi beaucoup de projets pour notre ville et notre île, dit le conseiller.– Soit, mais ce n’est pas important pour l’instant, tempère le maire en examinant la carte du jeune garçon. J’imagine que si vous avez fait tout ce chemin pour me voir, c’est que vous avez besoin de mon aide. Cependant, je ne possède pas cette clé ni aucun indice permettant de la trouver. La seule clé que je pourrais éventuellement vous donner est la clé de la ville accompagnée d’un titre de citoyen honoraire au nom de Sébestan.

C’est une nouvelle déception pour le petit garçon et Elmer, qui adore les enfants, n’a pas été sans le remarquer.– Si Port-Aux-Signes figure sur ta carte, c’est qu’il est vraisemblablement en mon pouvoir de t’aider d’une façon quelconque. Dis-moi, que puis-je faire ?Notre héros réfléchit un moment. Comment savoir ce qu’il peut demander alors qu’il ne sait même pas comment chercher efficacement cette maudite clé. Quelle pénible mission… Et tout ce chemin qu’il faudra encore parcourir à pied pour arriver jusqu’au bout du voyage. Mais oui !– Monsieur, j’ai grand faim et je suis fatigué de parcourir ces étapes à pied. Je dois bien avouer qu’un moyen de transport quelconque et une collation suffiraient pour l’instant à mon bonheur.– Qu’à cela ne tienne, je vais faire mettre à ta disposition mon véhicule d’apparat personnel. En attendant, sers-toi au buffet.Elmer les emmène ensuite vers une écurie du château. Nul doute qu’il va leur prêter un superbe carrosse.– Préparez vite Kiki ! Ordonne-t-il à un palefrenier.

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29Le bonhomme s’absente un moment puis revient avec un énorme éléphant.– Sébestan, je te présente Kilimandjaro, mon fidèle ami qui t’accompagnera jusqu’au bout de ton voyage.Le garçon contemple cette immense bestiole qui dégage une impression de puissance et de calme. Il reste muet d’admiration pendant un moment puis lâche avec désinvolture :– Tiens, il y a des éléphants d’Afrique, par ici ?– Sébestan mon ami, il n’existe que deux espèces d’éléphants : ceux d’Asie et ceux d’Afrique. Et comme nous ne sommes pas en Asie...– C’est logique, répond Sébestan avec le sentiment qu’une nuance vient de lui échapper.Il remercie chaleureusement le maire Elmer, puis nos deux compères grimpent sur l’éléphant. Sébestan sort la carte et pointe la prochaine étape du doigt. Ce sera Wilghat.

Cap sur les tours de Wilghat

Guilhord explique à son jeune compagnon que les tours ont été érigées par les anciens habitants de l’île en l’honneur du dieu Wilghat, qui protège les navigateurs perdus en leur indiquant le chemin dès la tombée de la nuit. Puis, tout en devisant agréablement, ils se mettent en route. Assez vite, Sébestan se rend compte que l’éléphant n’est pas son moyen de transport favori. Il est parfois au bord de la nausée. Le magicien, quant à lui, semble s’en accommoder.Nos explorateurs entrent maintenant dans une région de plaines qui contraste singulièrement avec les Monts de l’Est. Alors qu’ils progressent, ils commencent à voir apparaître des colonnes bizarres, sortes de mâts totémiques en bois ornés d’animaux et se terminant par un cylindre d’où partent deux ailes – ou plutôt deux faisceaux – et coiffé d’un dôme. Ces totems sont plus ou moins bien alignés dans une direction précise : une gigantesque tour dressée près de la rive. Quelle peuplade peut bien avoir laissé ces vertigineux vestiges ? – Holà, vous autres, où croyez-vous aller ?– Hein ?Absorbé qu’il est par ses pensées et par la contemplation du paysage qui s’offre

à son regard, Sébestan n’a pas vu s’approcher ce personnage chamarré et outrancier qui barre soudain la route du convoi pachydermique.– Oui, vous, les envahisseurs sur l’éléphant… Je vous le répète, où allez-vous.– Mais voyons, nous ne sommes pas des envahisseurs mais des voyageurs ordinaires.– Ordinaires ? Sur un éléphant ? Laissez-moi rire. Qui pensez-vous tromper ? Bon, de toute façon, je préfère cela car, dans le cas contraire, j’aurais été obligé de prévenir le ministère de la défense et ces gens ne sont guère civils.– Évidemment, dit Sébestan, ce sont des militaires.– Détrompe-toi, le reprend Guilhord. Si l’on excepte l’amiral Anthy, il n’y a aucun militaire dans notre île. Cet homme veut dire que le personnel du ministère manque de civilité. Il est peu urbain, si tu préfères.– Évidemment rétorque à son tour le gardien… Le ministère est en campagne.– Une campagne sans guerre et sans soldats, s’esclaffe Sébestan que cette situation grotesque amuse de plus en plus, ce n’est guère courant. Mais alors, reprend-il plus sérieusement, peux-tu me dire pourquoi il y a dans cette île un ministère de la défense s’il n’y a pas d’armée.– Ah, c’est une vaste question. Tout d’abord, il te faut comprendre que…Mais Guilhord ne peut pas poursuivre son explication car le gardien s’impatiente.– Hé ! Les commères, je ne vous dérange pas trop ? Si vous pouviez m’accorder un léger moment afin de m’expliquer ce que vous faites sur cette route juchés sur cette impressionnante bestiole, cela m’arrangerait. Pouvez-vous s’il vous plaît me dire clairement ce que vous venez faire sur les terres du divin Wilghat ?Wilghat ! Ce simple mot produit un effet immédiat sur Sébestan. Il est donc arrivé au terme d’une nouvelle étape. Une de plus, ou une de moins, il ne le sait pas encore. Ce qu’il sait parfaitement, en revanche, c’est que malgré le chemin déjà parcouru, ses recherches demeurent vaines.– Alors, Monsieur le jeune Sébestan, reprend le gardien, tu vas enfin me dire ce que tu fais-là ?– Eh bien, je suis à la recherche de…Sébestan a été arraché brusquement à sa réflexion mais il se reprend vite.– Mais comment connais-tu mon nom ? Serais-tu aussi magicien ?– Fariboles ! La magie, moi, je n’y crois pas. Tous ces charlatans qui prétendent nous faire gober des sornettes me laissent froid. Non, c’est bien plus simple :

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32– Jeune Sébestan, dit-il, es-tu déjà passé par Rosebourg ?– C’est notre prochaine étape, répond notre jeune héros.– Parfait ! Du fait de la nature de ta recherche, va voir le gardien des clés.– Cela me paraît tout indiqué.– N’oubliez pas de faire une pause de temps en temps pour nourrir votre bourricot. Ça doit consommer ces bêtes-là ! Heureusement que je ne suis pas le gardien des alignements de cornacs.Sébestan éclate de rire. Ce gardien est un bon bougre. Prochaine étape : Rosebourg.

À la recherche du gardien des clés

Le chemin qui mène à Rosebourg longe naturellement la côte. Du haut de leur promontoire ambulant, nos deux voyageurs peuvent contempler la mer au-delà de la végétation bordant la voie. Sébestan oublie peu à peu les cahots du voyage à dos d’éléphant pour ne plus penser qu’à une chose : il ne reste que peu d’étapes pour trouver la clé. Cette simple idée crée en lui un malaise bien plus fort que la nausée due au tangage. Petit à petit, Rosebourg apparaît au bout de la route et ils arrivent bientôt à l’entrée de la ville, où ils décident de laisser leur monture.– Rendons nous au port, dit Guilhord. C’est le cœur de la bourgade, nous devrions y trouver un peu d’aide.Nos deux compères y arrivent après une courte marche qui leur fait oublier les douleurs dues au voyage à dos d’éléphant. Sébestan, qui a aperçu une statue représentant un personnage barbu casqué et abrité derrière un immense bouclier rond, s’accoude à la rambarde du quai pour la contempler.– Qui est ce barbu, demande Sébestan ?– C’est l’homme le plus glorieux de la région : Otto Graff le navigateur. C’est un explorateur Viking qui, après avoir débarqué sur nos côtes, dans l’anse de l’actuelle Port-aux-Signes, a fondé une famille et s’est installé à Rosebourg. Et puis, un jour, l’appel du large fut de nouveau le plus fort et il s’est embarqué vers le sud avec son beau-frère Olaf Midisson sur leur bateau, le Paraf. À leur retour, quelques années plus tard, ils ont dit avoir découvert des contrées lointaines et luxuriantes.

– Je vous arrête tout de suite, mon brave, car la réalité est bien différente.Qui est cette femme qui vient d’interrompre nos amis ?– Tiens oui, qui êtes-vous et pourquoi vous mêlez-vous de nos affaires ?– Monsieur, sachez que je suis Agathe Zeblouse, la plus célèbre des historiennes locales !– Ce qui, reconnaissons-le, n’est pas grand chose, glisse discrètement Guilhord à l’oreille de Sébestan. Mais peut-être cette dame pourra-t-elle nous être utile. Guilhord, en bon magicien, adopte son air le plus affable, comme lorsqu’il faut détourner l’attention d’un spectateur pour procéder à un escamotage.– Quelle est cette réalité, chère madame ?– Ah ! Je constate que vous me prenez désormais au sérieux. Évidemment, il ne pouvait en être autrement. Je suis universellement connue et reconnue dans notre cité.La suffisance de cette horrible mégère irrite déjà nos deux héros et Guilhord est à deux doigts de s’énerver, ce qu’un bon magicien ne doit pourtant jamais faire. Toutefois, l’histoire qu’elle leur raconte est très intéressante.– Rosebourg est désormais un port de pêche. Ce n’est plus, depuis bien longtemps, une ville de conquérant et quelque chose me dit qu’elle ne l’a jamais été. En réalité, Graff et Midisson, qui s’étaient convertis à l’agriculture, se sont simplement rendus sur le continent pour acheter des graines et des plants. Hélas, ils avaient négligé d’entretenir leur bateau dont le flanc trop chargé a craqué sur la plage où il faisait escale. Ils ont perdu de longues semaines à le réparer avant de reprendre la mer. Bien entendu, comme ils sont revenus les cales pleines de tout ce qu’ils avaient amassé pendant qu’ils faisaient relâche sur le sable, on a dit qu’ils avaient découvert de riches contrées et, au fil des récits des uns et des autres, les semaines sont devenues des mois puis des années et le cultivateur s’est transformé en explorateur. C’est ainsi que naissent les légendes. Et je pourrais vous en raconter bien d’autres.Sébestan saute alors sur l’occasion.– Puisque vous paraissez tout connaître sur cette belle bourgade, dit-il, peut-être pourrez-vous nous indiquer l’endroit où nous trouverons le gardien des clés ?– Le gardien ? Mais il est devant vous !– Comment cela, vous voulez dire que vous…– Mais non, stupide magicien. Le gardien n’est autre qu’Otto Graff. Les clés

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36– Petit navire ? Plaisante Sébestan pour détendre l’atmosphère.– Il serait plus correct de dire « gros camion rouge », mon p’tit gars, un peu plus gros que celui qui se trouve dans la cour et que tu admires tant. Bref, comme je te le disais, mon vieux Lucien…– Mais c’est agaçant, coupe soudain Sébestan, pourquoi appelez-vous toujours Guilhord Lucien ?– Cette bonne blague, c’est son nom ! Ne me dis pas que ce mariolle ne te l’a pas dit.– Non, dit amèrement Sébestan.– Je rêve ! Toujours cette manie de la dissimulation, monsieur l’escamoteur. Pour tout te dire, ce pénible individu est même le dernier descendant de la noble famille des Baskerville. Bon, dois-je reprendre le cours de mon histoire ou est-ce que tout le monde s’en moque ? C’est que j’ai du boulot, moi.Après ces révélations Guilhord ne pense plus qu’à une chose, se cacher dans un trou de souris. Toutefois, il se reprend : il pourrait faire peur à la souris propriétaire des lieux, qui se précipiterait alors hors du trou, effrayant elle-même l’éléphant, ce qui risquerait de déclencher une ultime catastrophe sur ce site qui n’a plus besoin de cela. Il prie donc son ami de continuer son récit.– Comme je viens de vous le dire, mon affaire est très prospère. Outre ma collection personnelle, je restaure des voitures pour d’autres passionnés qui manquent de place ou de moyens techniques et, de temps à autres, j’organise des réceptions de remise des clés.– Remise de clés, réagit Sébestan.– Oui, je remets les clés des voitures rénovées. C’est dans ce cadre que, récemment, j’ai été amené à organiser une fête grandiose pour le maire de Port-aux-Signes, heureux propriétaire d’un petit bijou rénové par mes soins. Le problème est que, comme le sait Lucien, je suis un peu désordonné.– Hum… Je n’aurais pas utilisé ce mot, confirme Guilhord.– Peut-être, mais je devais inviter toutes les personnalités importantes de la région et j’en ai oublié quelques-unes. Parmi ces dernières, malchance suprême, figurait la belle et furieuse Éléonore.– La femme de Gaston ?– Elle-même, jeune Sébestan. Bien entendu, lorsqu’elle a appris que cette fête avait eu lieu sans elle, elle est venue ici me faire sentir qu’elle aussi faisait partie du gratin. Je me suis fait incendier. Après son départ, il ne me restait plus qu’à

appeler les pompiers. Heureusement que la brigade de Bonneuil-sur-Mer n’est pas très loin. Mon assurance prendra la reconstruction en charge. Par chance, la grande clé a tenu bon et toutes mes voitures sont sauvées.– La grande clé ? Ces mots ont jailli de la bouche de Sébestan.– Oui mon garçon, la grande clé de voute de ma salle d’exposition. Grâce à sa résistance, cette partie du bâtiment ne s’est pas effondrée et mes précieuses voitures sont sauvées.Sébestan est une nouvelle fois très déçu et il tente le tout pour le tout en demandant à Fouchtras s’il n’aurait pas une autre clé pour lui.– Mon pauvre ami, tu sembles si triste que je n’ai pas envie de te décevoir. Ce ne sont pas les clés qui manquent ici, voyons ce que je peux te proposer.– Les clés ne manquent pas ? Le regard de Sébestan s’illumine.– Oui ! Tu as les clés plates, à griffe, à molette, à pipe, allen, Torx, dynamométriques…– Non ! Je ne veux pas de ces clés là !– Tu ne veux même pas ma clé de douze fétiche ?– Non, non et non ! JE VEUX UNE CLÉ DES RÊVES POUR MON PÈRE.– Alors, mon pauvre ami, je ne peux rien pour toi.– Je m’en doutais ! Je vous déteste tous, et surtout toi, Guilhord. C’est toi qui m’as attiré ici et cette clé n’intéresse que toi. J’en suis certain maintenant. Je ne resterai pas avec toi une seconde de plus et tant pis si je me perds sur cette île de malheur.

Et le petit garçon s’enfuit en courant aussi vite qu’il le peut.Petit Sébestan, et si tu regardais ta carte ? Tout à l’heure, Polycarpe Fouchtras a mentionné une ville et ce nom n’apparaît nulle part. C’est que cette bourgade n’a aucune importante pour toi ; en revanche, le nom de la plage est indiqué et ton père n’est pas homme à chercher à t’égarer. Qu’as-tu à perdre. Reprends vite tes esprits et va vers la plage.

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