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AUDIT JUDICIAIRE DES VIOLENCES BASEES
SUR LE GENRE : LE NIVEAU D’APPLICATION
DE LA LEGISLATION EN VIGUEUR DEPUIS LA
PROMULGATION DU CODE
PENAL D’AVRIL 2009
Etude réalisée par M. Salvator DOYIDOYI
Et Me Emmanuel NKENGURUTSE,
Consultants indépendants.
Bujumbura, janvier 2014
2
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE………………………………………………………….....6
A. Contexte d'élaboration du rapport d'audit……………………………………………………………………………………..6
B. Description du travail à faire et approche méthodologique……………………………………………………………8
C. Plan du rapport……………………………………………………………………………………………………………….10
CHAPITRE I : CADRE LEGAL DE REPRESSION DES VBG……………………………………………………….11
Section 1 : Définition des violences basées sur le genre………………………………………………………11
Section 2 : Infractions en rapport avec les VBG……………………………………………………………………14
A. Innovations du Code Pénal………………………………………………………………………………………………15
B. Incriminations prévues par le Code Pénal………………………………………………………………………..16
C. Procédure de répression des incriminations…………………………………………………………………….19
CHAPITRE 2 : REPRESSION DES V BG ………………………………………………34
Section 1 : Bilan de la chaîne pénale……………………………………………………… 34
A. Bilan au niveau de la Police…………………………………………………………………………………………………………33
B. Bilan au niveau des Parquets………………………………………………………………………………………………………35
C. Bilan au niveau des Juridictions……………………………………………………………………………………………………39
Section 2 : Appréciation du Bilan ………………………………………………………….52
A. Evaluation quantitative…………………………………………………………………………………………………………..…51
B. Evaluation qualitative…………………………………………………………………………………………………………………53
Section 3 : Contribution des acteurs sociaux à la répression des VBG. …………………...56
A. Rôle du Médecin dans l'administration de la justice……………………………………………………………………..55
B. Rôle des Administratifs communaux dans l’administration de la Justice …………………..61
3
C. Rôle des Associations de la Société Civile dans l'accès à la justice en faveur des victimes de s
VBG………………………………………………………………………………………………………………………………………………….63
Section 4 : Contribution des Centres de Développement Familial et Communautaire
(CDFC)………………………………………………………………………………………………………………………………………….67
CHAPITRE III : DEFIS, CONTRAINTES ET VOIES DE SOLUTIONS POUR UNE MEILLEURE REPRESSION
DES VBG………………………………………………………………………………………………………………………………………69
Section 1 : Défis majeurs à la chaîne pénale, contraintes et voies de solutions proposées
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………….69
Section 2 : Problématique de l'exécution des décisions judiciaires de répression des
VBG…………………………………………………………………………………………………………………………………………….95
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ………………………………………......105
RESSOURCES DOCUMENTAIRES…………………………………………………… 110
ANNEXES……………………………………………………………………………………………………………………………………114
.
4
GLOSSAIRE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES.
ADDF : Association pour la Défense des Droits de la Femme
AFJB : Association des Femmes Juristes du Burundi
AONFI : Avis d’Ouverture et Note de Fin d’Instruction
APRODH : Association pour la Protection des droits humains et des personnes détenues
Art. : Article
ASF : Avocats Sans Frontières
Aud. : Auditorat
BOB : Bulletin Officiel du Burundi
CBV : Coups et Blessures Volontaires
CDFC : Centres de développement familial et communautaire
CIRGL : Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
CNIDH : Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme
COCJ : Code de l’Organisation et de la Compétence Judiciaires
CP : Code Pénal
CPC : Code de Procédure Civile
CPP : Code de Procédure Pénale
CSLPII : Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté Deuxième Génération
LCV : Lésions Corporelles Volontaires
OM : Ordonnance Ministérielle
OMD : Ordonnance de Mise en Détention
OMP : Officier du Ministère Public
OPJ : Officier de Police Judiciaire
PM&PM : Police des Mineurs et Protection des Mœurs
RAM : Registre Auditorat Militaire
RCN : Réseau des Citoyens pour la justice et la Démocratie
5
RMP : Registre Ministère Public
RMPG : Registre Ministère Public Parquet Général
RP : Rôle Pénal
RPAC : Rôle Pénal Anti-corruption
RPC : Rôle Pénal Criminel
RPSA : Rôle Pénal Spécial Appel
RPCG1 : Rôle Pénal Conseil de Guerre Première Région Militaire
RPCM : Rôle Pénal Cour Militaire
SIDA : Syndrome d’Immunodéficience Acquise
TGI : Tribunal de Grande Instance
VBG : Violences Basées sur le Genre
VSBG : Violences Sexuelles et Basées sur le Genre
VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine
6
INTRODUCTION GENERALE
A. Contexte d’élaboration du rapport d’Audit.
La violence à l’égard des femmes est une forme de discrimination et une violation des droits
fondamentaux. Selon l’ONU, elle est source de malheurs et de pertes en vies humaines, et à
cause d’elle, un grand nombre de femmes partout dans le monde vivent dans la peur et la
douleur. Elle nuit aux familles – à toutes les générations – appauvrit les communautés et
renforce d’autres formes de violence dans toutes les sociétés. La violence à l’égard des
femmes les empêche de réaliser leur potentiel, entrave la croissance économique et sape le
développement1.
De nos jours, ces violences n’épargnent plus les hommes même si les femmes et les enfants
sont les plus touchés. Etant un problème de sécurité des personnes et de protection de leurs
droits et libertés, les Etats ont l’obligation de prévenir ces actes de violence, d’enquêter sur
ces actes lorsqu’ils se produisent et de poursuivre et punir les auteurs, de compenser et
d’aider les victimes.
Le Burundi a pris la mesure de ses responsabilités en publiant en 2009 un nouveau code pénal
qui réprime une série d’actes de violences basées sur le genre. En outre, il a revisité le code de
procédure pénale afin de l’adapter notamment aux besoins de cette répression.
La violence basée sur le genre (VBG) est une des violations des droits humains. Les actes de
violence peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur les personnes qui les subissent, sur
leurs familles et les communautés. La VBG touche principalement les femmes, les filles et les
enfants.
Il importe alors de s’arrêter et de jeter un regard rétrospectif sur le travail de prévention de ces
actes de violence, de protection des victimes et de répression des auteurs des VBG.C’est dans
ce cadre que la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) qui a
1 http://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/publications/French%20Study.pdf, consulté le 31 décembre 2013
7
entre autres misssions de « lutter contre les viols et les violences basées sur le genre2 » a
commandité une étude intitulée « Audit judiciaire des violences basées sur le genre : le
niveau d’application de la législation en vigueur depuis la promulgation du code pénal
d’avril 2009 ».
L’assertion « audit » vient du latin audire (auditum) qui signifie entendre, écouter. Il consiste
en « une mission d’investigation confiée à un professionnel indépendant (parfois nommé
auditeur) par une personne en quête d’information sur l’intérêt d’une opération ou la situation
d’une entreprise (nommé prescripteur) qui consiste selon ce que prévoit la convention (contrat
d’audit) soit seulement à vérifier la conformité de l’opération ou de la situation aux règles du
droit en général ou dans un secteur déterminé, soit également évaluer les risques de
l’initiative ou de l’activité considérée ou même son degré d’efficacité et à en faire rapport au
prescripteur--- ».3
Partant de cette définition, l’audit qui est requis par la CNIDH consiste à, de la part des
consultants sélectionnés, mener une investigation destinée à mesurer le «degré d’efficacité »
de la répression des VBG au Burundi et à en faire rapport au commanditaire.
De manière générale, mesurer le degré d’efficacité consiste à analyser les progrès réalisés
dans la répression des violences basées sur le genre 4 ans après la promulgation du nouveau
code pénal, c’est –à-dire depuis avril 2009. (C’est le thème général de la recherche). De
manière spécifique, l’étude devra mettre en exergue les défis relevés au niveau de la chaine
pénale dans la répression des violences basées sur le genre. Ces défis seront relevés au niveau
de toute la chaine pénale, à savoir, au niveau de la Police Judiciaire, au niveau du Parquet et
au niveau des juridictions. En définitive, pour arriver à auditer le travail de répression déjà
accompli depuis 2009, il importe d’emprunter une méthodologie appropriée.
B. Description du travail à faire et approche méthodologique
2 Article 4 de la Loi n°1/04 du 05 janvier 2011 portant Création de la Commission Nationale Indépendante des
Droits de l’Homme. B.O.B., 2011, n°1, page 18 3 Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, Presses Universitaires de
France, Paris, 1987, page 92
8
La démarche méthodologique empruntée pour réaliser l’audit judiciaire est la suivante :
L’analyse documentaire ;
La revue de la législation ;
L’enquête et la collecte des données ;
Le traitement des données ;
La rédaction du rapport.
S’agissant de l’analyse documentaire, l’équipe des consultants s’est intéressée à la
documentation disponible dans les bibliothèques en place, dont celle du Centre d’Etudes et de
Documentations Juridiques du Ministère de la Justice. L’analyse documentaire s’est aussi
concentrée sur les autres travaux du genre déjà réalisés.
En ce qui concerne la revue de la législation, le code pénal et les deux codes de procédure
pénale qui se sont succédé ont fait objet d’une attention particulière.
L’enquête et la collecte de données a consisté en une élaboration d’un guide d’entretien et de
collecte d’information afin de récolter les éléments de la recherche dans la droite ligne de
l’orientation de la recherche.
La recherche a été menée dans trois provinces judiciaires du ressort de la Cour d’Appel de
Bujumbura à savoir: Bujumbura (Rural), Mairie de Bujumbura et Bubanza. Elle a couvert les
sous-commissariats provinciaux de la police judiciaire, les parquets et tribunaux de grande
instance). La Cour d’Appel et son Parquet Général dont le siège se trouve en Mairie de
Bujumbura a également fait objet de l’audit judiciaire. Au niveau des juridictions de
proximité, la recherche a été effectuée aux tribunaux de résidence deBwiza en Mairie de
Bujumbura, de Kabezi dans Bujumbura Rural et de Bubanza dans la province de Bubanza.
Notre recherche a été également étendue à l’auditorat militaire et au Conseil de Guerre, à la
Cour anti-corruption et son Parquet Général, à la Cour Suprême ainsi qu’au Parquet Général
de la République.
9
La recherche des données a emprunté la démarche suivante :
La consultation des registres des services ci-hauts cités ;
La consultation des dossiers physiques relatifs aux violences basées sur le genre en
cours d’instruction ou jugés ;
La consultation des dossiers pénitentiaires des présumés et condamnés auteurs des
violences basées sur le genre;
La consultation et l’exploitation des rapports d’activités mensuels et annuels de tous
les services du Ministère de la Justice (tous les parquets et toutes les juridictions du
pays).Tous ces rapports se retrouvent au Secrétariat Général de la Cour Suprême et au
Cabinet du Ministre de la Justice.
La conduite d’interviews semi dirigées auprès des personnes suivantes :
19 Magistrats : Présidents des juridictions : TGI, Cour d’Appel, Conseil de
Guerre, Procureurs de la République et Auditeur Militaire, le Procureur
Général près la Cour d’Appel, les points focaux genre des TGI et des
Parquets (à l’exception de la Cour d’Appel, de son Parquet Général, du
Conseil de Guerre et de l’Auditorat Militaire qui ne disposent pas de points
focaux genre) ;
3 Officiers de Police Judiciaire ;
Un Administrateur communal et 2 Conseillers des Administrateurs
Communaux ;
2 Médecins ;
1 cadre du Centre de Développement Familial et Communautaire ;
6 Représentants des Organisations de la Société civile.
Enfin, le traitement des données a suivi le schéma tracé par le commanditaire de la recherche
en tenant compte des résultats attendus de l’étude. Le guide d’entretien a été dépouillé et
les réponses données ont fait l’objet d’une synthèse. Les données quantitatives et qualitatives
ont été exploitées et commentées.
11
C. Plan du rapport
Cette démarche a conduit à élaborer le plan de présentation du rapport comprenant trois
chapitres à savoir, le Cadre légal de répression des VBG qui sera traité sous le chapitre
premier, la répression de ces violences depuis la promulgation du nouveau code pénal sous le
chapitre 2 et les défis, contraintes et voies de solutions sous le dernier chapitre.
12
CHAPITRE I : CADRE LEGAL DE REPRESSION DES VIOLENCES
BASEES SUR LE GENRE.
Section 1 : Définitions des Violences Basées sur le Genre
La terminologie en rapport avec les violences basées sur le genre a beaucoup évolué ces
derniers temps. De violences à l’égard de la femme, elle a évolué vers les violences sexuelles.
Les violences contre les enfants ou les mineurs sont également des termes souvent utilisés.
Mais la terminologie VBG semble englober le contenu de tous ces autres termes comme le
montre les explications ci-dessous.
Violence à l’égard de la femme.
Il existe beaucoup de définitions s’agissant de la violence à l’égard de la femme.
La Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes
(1993), définit la violence à l’égard des femmes comme : “ tous actes de violence dirigés
contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des
souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la
contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie
privé”. D’après la même déclaration, la violence à l’égard des femmes traduit « des rapports
de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la domination
et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes ».4
Violence Sexuelle
Le Protocole de la CIRGL du 30 juin 2006 sur la prévention et la répression de la violence
sexuelle contre les femmes et les enfants donne une définition détaillée de la violence
sexuelle.5
4 Art.1 de la Déclaration sur l’élimination des violences faites aux femmes du 20 décembre
1993.
5 Article premier points 5 et 6 du Protocole de la CIRGL du 30 juin 2006 sur la prévention et
la répression de la violence sexuelle contre les femmes et les enfants.
13
L’article 1er
points 5 et 6 définissent la violence sexuelle comme étant :
« Tout acte qui viole la liberté du consentement à l’acte sexuel et l’intégrité physique des
femmes et des enfants au regard du droit pénal international notamment, sans que cette
énumération soit limitative :
a) Le viol ;
b) Les agressions sexuelles ;
c) Les atteintes graves à l’intégrité physique ;
d) Les atteintes portées aux organes reproductifs féminins ou la mutilation de ceux-ci ;
e) L’esclavage sexuel ;
f) La prostitution forcée ;
g) La grossesse forcée ;
h) La stérilisation forcée ;
i) Les pratiques néfastes, notamment tout comportement, attitude et/ou pratique qui
affecte négativement les droits fondamentaux des femmes et des enfants, tels que leur
droit à la vie, à la santé, à la dignité, à l’éducation et à l’intégrité physique, ainsi que
définie dans le protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples
relatif aux droits de la femme en Afrique ;
j) L’exploitation sexuelle des femmes et des enfants ou le fait de les contraindre à
effectuer des travaux domestiques ou à servir de réconfort sexuel ;
k) La traite et l’introduction clandestine des femmes et des enfants à des fins d’esclavage
ou d’exploitation sexuels ;
l) La réduction en esclavage par l’exercice de l’un quelconque ou de l’ensemble des
pouvoirs liés au droit de propriété sur la femme, y compris dans le cadre de la traite
des enfants ;
m) Les avortements ou les grossesses forcés, résultant de la détention illégale d’une
femme ou d’une jeune fille mise enceinte de force, dans l’intention de modifier la
composition de l’identité d’une population ou de commettre d’autres violations graves
14
du droit international, et dans le but de causer des humiliations, des douleurs et des
souffrances d’ordre physique, social et psychologique aux femmes et aux jeunes filles,
et de les asservir ;
n) Le fait d’infecter des femmes et des enfants par des maladies sexuellement
transmissibles, notamment le VIH/SIDA ; et
o) Tout autre acte ou forme de violence sexuelle de gravité comparable ».
La violence sexuelle « signifie également la violence fondée sur le sexe qui est exercée contre
une femme parce qu’elle est une femme ou qui touche spécialement la femme, notamment tous
les actes qui infligent des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels
actes, la contrainte et autres privations de liberté, selon la définition qu’en donne la
Recommandation générale 19 du Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes ».
Les éléments de la définition se rapprochent de la Convention sur l’Elimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979. En vertu de l’article
premier de cette Convention, l’expression discrimination à l’égard des femmes vise « toute
distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de
compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes,
quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des
droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique,
social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Les VBG constituent une forme de
discrimination basée sur le genre.
Le projet de loi portant prévention, protection et répression des violences basées sur le genre
propose la définition suivante : « tout acte de violence dirigé contre une personne en raison
de son sexe et causant ou pouvant causer un préjudice ou une souffrance physique, sexuelle,
économique, psychologique ou affective, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou
la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privé »6
Toutes ces définitions sur les violences sexuelles ou les violences à l’égard des femmes se
recoupent sur les éléments suivants :
6 Article 2 du Projet de loi portant prévention, protection et répression des violences basées
sur le genre. Au moment de la rédaction de ce rapport, ce projet était déjà déposé sur la table
du Parlement par le Gouvernement.
15
violences dirigées contre des personnes en raison de leur sexe ;
ces violences causent un préjudice ou des souffrances de nature diverse : physique,
sexuelle, économique, psychologique ou affective ;
ces violences ou les menaces de ces violences empêchent les victimes d’exercer leur
liberté.
Violences dirigées contre les enfants.
Le protocole de la CIRGL inclut dans sa définition les violences dirigées contre les enfants.
Violences basées sur le genre (VBG)
Le code pénal burundais n’a pas donné une définition des violences basées sur le genre
(VBG). Il s’est contenté de déterminer les infractions qui peuvent être classées sous le terme
général de violences basées sur le genre.
C’est le projet de loi portant prévention, protection et répression des violences basées sur le
genre qui semble donner une définition plus complète. Les violences dont il est question ne
concernent pas uniquement les femmes et les enfants, mais toute personne. Cette définition a
la prétention de couvrir les infractions prévues et punies par le code pénal burundais qui inclut
aussi la répression des violences sexuelles dirigées contre les hommes, à côté des femmes et
des enfants.
La terminologie « violences basées sur le genre » (VBG en sigle) utilisée par ce projet de loi
semble aussi la mieux appropriée ; les violences sexuelles étant naturellement fonction du
genre de la victime. C’est par ailleurs la terminologie utilisée par les termes de référence de
l’audit judiciaire commandité. C’est donc la terminologie qui sera utilisée dans ce rapport.
Section 2 : Infractions en rapport avec les VBG
Le législateur de 2009 a voulu marquer une étape décisive dans la répression des violences
basées sur le genre. Avant de répertorier les infractions relevant des VBG, il est intéressant de
découvrir les innovations du code pénal de 2009.
16
A. Innovations du code pénal
La réforme du code pénal constitue une innovation très appréciable dans la lutte contre les
violences basées sur le genre. Le nouveau code pénal a le mérite d’avoir intégré les
infractions contenues dans le statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. Il définit le viol
et incrimine d’autres formes de violences faites aux femmes. Il a revu à la hausse la peine
dans la majorité des cas infractionnels sans oublier les violences faites aux femmes. Le
législateur de 2009 a introduit dans le droit burundais la notion de peine incompressible, non
graciable, inamnistiable et imprescriptible.
La nouvelle loi protège davantage les mineurs victimes des violences sexuelles quand elle
stipule que la prescription de l’action publique des crimes commis contre les mineurs
commence à courir à partir de la majorité civile (art.149 CP).
Pour les infractions de viol et d’attentat à la pudeur, le juge prononce, en plus de la peine
principale, au moins l’une des peines complémentaires à savoir : la publication de la
condamnation, la présentation du condamné au public, l’interdiction d’exercer les droits
civiques, civils et de famille, l’interdiction de séjour, le suivi socio-judiciaire (article 562).
Le code pénal a prévu des causes d’atténuation de la peine lorsque l’auteur ou le complice
d’une infraction est un mineur de 15 ans révolus et moins de 18 ans au moment de la
commission de l’infraction. Ainsi, s’il devait encourir la peine de servitude pénale à
perpétuité, il est condamné à une peine de 5 ans à 10 ans de servitude pénale. S’il a encouru
une condamnation à temps ou une peine d’amende, les peines pouvant être prononcées contre
lui ne peuvent dépasser 4 ans.7
En outre, les peines prévues à la section relative au viol sont incompressibles (le condamné
est tenu d’exécuter la totalité de la peine sans pouvoir bénéficier d’aucune mesure
d’allégement), imprescriptibles, inamnistiables et non graciables (article 559 CP).
Le Code pénal a introduit l’élargissement de la typologie des violences basées sur le genre
comme nous allons le découvrir dans la détermination des incriminations retenues par ce
code.
7 Art.29 de la Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant Révision du Code Pénal.
17
B. Incriminations prévues par le code pénal.
Ci-après, voici schématiquement les infractions prévues par le code et les peines y relatives.
Article Infraction Peine prévue
555 Viol 5 à 15 ans de SPP et une amende de
50.000F à 100.0000 F
556 Viol sur un mineur, viol incestueux, viol
commis par une autorité hiérarchique, un
éducateur, le personnel médical, un ministre
de culte, gardiens des maisons de détention,
sur une personne vulnérable
15 à 20 ans et une amende de 50.000F
à 200.000 F
557 Viol commis par plusieurs personnes,
l’auteur est porteur d’une arme, altération
grave de la santé, infirmité permanente,
transmission d’une maladie, usage ou
menace d’une arme, commis sur une
personne vivant avec un handicap
vingt ans à trente ans de SPP et une
amende de 100.000F à 500.000 F
554
alinéa 3
Viol domestique 8 jours de servitude pénale et /ou une
amende de 10.000F à 50.000 F
558 Viol commis sur un enfant de moins de
douze ans, l’auteur se savait porteur d’une
maladie sexuellement transmissible
incurable, utilisé comme moyen de torture,
le viol a entraîné la mort de la victime, le
viol a été précédé, accompagné ou suivi
d’actes de torture ou de barbarie
servitude pénale à perpétuité
549,
550
Attentat à la pudeur 6 mois à 2 ans SPP et une amende de
20.000F à 50.000F
551 Attentat à la pudeur avec violences, ruse ou
menaces
1 an à 5 ans et 50.000F à 100.000F
552 Attentat à la pudeur commis sur un mineur
-avec violences, ruse ou menaces
5 à 15 ans de SPP et 50.000F à
200.000 F.
5 à 20 ans de SPP
18
553 Attentat incestueux, par une autorité
hiérarchique, par les professionnels de
santé, par un ministre de culte, commis sur
une personne vulnérable en raison d’une
maladie, d’une infirmité ou d’une déficience
physique ou mentale ou d’un état de
grossesse, sous la menace d’une arme
Peines prévues aux articles 549 à 552
doublées
532 Inceste sur adulte.
Inceste sur mineur de moins de 18ans
2ans à 5ans
Même peine que celle appliquée au
viol avec violences plus peines
complémentaires (perte de l’autorité
parentale ou de la tutelle légale,
interdiction des droits civiques, civils
et de famille, publication de la
condamnation, présentation du
condamné au public)
542 Proxénétisme 2 à 5 ans et une amende de 100.000F à
1.000.000F
563 Harcèlement sexuel
- Sur un mineur
1 mois à 2 ans et 200.000F à
500.000Fd’amende double de la peine
précédente
196,
197,
198,
199
Prostitution forcée, Grossesse forcée,
Esclavage sexuel, Stérilisation forcée ou
autre forme de violence sexuelle de gravité
semblable
servitude pénale à perpétuité et peines
complémentaires de l’art.60 CP
539 à
541
Incitation à la débauche et à la prostitution 6 à 10 ans et une amende de 50.000F à
200.000 F;
La peine varie selon les circonstances
222 Excision 10 à 20 ans et une amende de
100.000F à 500.000F
424 Corruption sexuelle
- par un(e) enseignant(e)
12 à 15 ans et une amende de
200.000F à 500.000F
15 à 20 ans et une amende de
500.000F à 1.000.000F
19
220 Coups ou blessures portés contre une femme
enceinte et dont l’auteur connaissait l’état
2 à 10ans et une amende de
50.000Fà 200.000F
221 Coups et blessures ayant atteint un
ascendant, un conjoint, un enfant âgé de
moins de 18 ans, ou toute personne habitant
la même maison que l’auteur de l’infraction,
ou tout autre parent ou allié jusqu’au 4ème
degré
La peine précédente est portée au
double
242 Traite et trafic des êtres humains, les
personnes ayant conclu une convention aux
fins d’exploitations sexuelles ou domestiques
de la victime
5 à 10 ans
266
Extorsion commise au préjudice d’une
personne vulnérable en raison d’un état de
grossesse apparente ou connue de son auteur
10 ans
505 à
509
Avortement Six mois à la servitude pénale de
20 ans et une amende de 20.000F
à 100.000F
533à534 Abandon de famille 2mois à 6mois et /ou une amende
de 20.000F à 50.000F
535-537 Violences domestiques : traitements cruels,
inhumains ou dégradants/conjoint, enfant ou
toute autre personne habitant le même toit ;
terme une grossesse, la forcer à avorter ;
Expulsion du toit familial des personnes ci-
haut citées
1an à 20ans
531 Concubinage (infraction sur plainte) Amende de 50.000F à 100.000F
526 Adultère (infraction sur plainte) 20.000F à 100.000F d’amende
530 Polygamie et polyandrie Six mois à deux ans et une
amende de 20.000F à 100.000F
20
C. Procédure de répression des incriminations
Jusqu’à la promulgation du nouveau code de procédure pénale, l’instruction des dossiers
pénaux en rapport avec les VBG suivait la même procédure que les autres dossiers de droit
commun. Mais depuis décembre 2009, quelques mesures pratiques ont été entreprises par le
Gouvernement en vue d’introduire la célérité dans le traitement des dossiers pénaux en
rapport avec les VBG.
Parcourons, pour mieux comprendre la suite du rapport, les mesures entreprises pour
encourager la célérité dans un premier temps et rappelons la procédure d’instruction en
vigueur dans un deuxième temps.
C.1. Mesures entreprises pour faciliter le traitement des dossiers pénaux en
rapport avec les VBG
En vue de garantir la célérité dans le traitement des infractions en rapport avec les VBG, les
Ministères les plus concernés par la répression des violences basées sur le genre à savoir les
Ministères de la Justice et de la Sécurité Publique ont mis en place des structures spécialisées
pour le traitement de ce genre de dossiers. C’est ainsi que des Points Focaux pour la justice
des Mineurs et les violences basées sur le genre ont été mis en place. Pour le Ministère de la
Justice, trois Magistrats du siège et deux Officiers du Ministère Public ont été nommés au
niveau des 17 provinces judiciaires de la République. Le Ministère était soucieux de mettre en
application la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes, les principes contenus dans la Convention internationale relative aux droits de
l’enfant et dans les autres instruments internationaux.
Etant animé du souci de lutter efficacement contre les violences basées sur le genre, le
Ministère de la Justice a défini le cahier des charges du point focal de la manière suivante:
Suivre quotidiennement et traiter en priorité les dossiers relatifs aux mineurs en conflit
avec la loi et aux violences basées sur le genre ;
Participer activement aux différentes activités organisées par les partenaires et en faire
rapport aux chefs hiérarchiques ;
Faciliter la collaboration entre le Ministère de la Justice et les différents intervenants ;
21
Collecter les informations et les données relatives aux actions programmées et mises
en œuvre par les partenaires techniques/financiers et gouvernementaux en
collaboration avec le Ministère de la Justice.8
Malgré ces dispositions, l’enquête a révélé que les dossiers pénaux étaient à la fois instruits
par les Magistrats points focaux conjointement avec d’autres magistrats. C’est du moins la
réponse qui a été fournie à l’équipe de consultants qui posait la question de savoir si tous les
magistrats étaient habilités à traiter les dossiers des violences basées sur le genre. Par
conséquent, l’Ordonnance mettant en place ces points focaux n’a pas été correctement mise
en application et la célérité attendue de ce règlement n’a pas eu lieu.
C.2. Rappel de la procédure d’enquête et d’instruction en vigueur.
Tous les dossiers pénaux ont suivi la même procédure d’enquête et d’instruction, du moins
jusqu’en mars 2013 où fût publié un nouveau code de procédure pénale mettant en place
certains aspects procéduraux particuliers applicables aux infractions en rapport avec les VBG.
L’audit faisant l’objet du présent rapport se situe en grande partie sous l’empire de l’ancienne
loi de procédure pénale. Mais comme le précise l’article 5 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009
portant révision du code pénal, les lois de compétence et d’organisation judiciaires, tant qu’un
jugement au fond n’a pas été rendu au premier degré, les lois fixant les modalités de poursuite
et les formes de la procédure, sont applicables immédiatement aux infractions commises
avant leur entrée en vigueur.
Le traitement des dossiers pénaux suit traditionnellement trois phases à savoir la phase
d’enquête préliminaire, la phase pré-juridictionnelle et la phase du jugement9. Il importe de
passer en revue ces phases pour y voir clair.
8 Article 3 de l’Ordonnance Ministérielle n°550/1646 du 21/12/2009 Portant Nomination des
Points Focaux « Justice Pour Mineurs et Violences Basées sur le Genre » auprès des
Tribunaux de Grande Instance et Parquets. Une autre Ordonnance Ministérielle n°550/1111
du 13/7/2012 a actualisé la liste de ces Points Focaux. 9 Bien entendu, le Ministère public peut se saisir d’office sans attendre l’enquête préliminaire
qui est menée par la police.
22
1. La phase d’enquête préliminaire
Cette phase est assurée par la police judiciaire sous le contrôle du Ministère Public. Ainsi,
« les Officiers de Police Judiciaire constatent les infractions qu’ils ont mission de rechercher;
ils reçoivent les dénonciations, plaintes et rapports relatifs à ces infractions. Ils consignent
dans leurs procès-verbaux la nature et les circonstances de ces infractions, le temps et le lieu
où elles ont été commises, les preuves ou indices à charge ou à décharge de ceux qui en sont
les auteurs présumés, soupçonnés ou dénoncés. Ils procèdent à l’audition des personnes
susceptibles de donner des renseignements sur l’infraction et sur ses auteurs. Ils interrogent
ces auteurs et recueillent leurs explications »10
. L’Officier de Police en charge du dossier peut
requérir toute personne de lui prêter son ministère comme interprète, traducteur, médecin ou
expert, dans les conditions et sous les sanctions prévues aux articles 97 à 101 du code de
procédure pénale de 1999.
Cette prérogative a été reprise par le nouveau code de procédure pénale de 2013 avec cette
innovation que : « Même en l’absence de dénonciation ou de plainte, l’Officier de Police
Judiciaire se saisit d’office et informe immédiatement le Procureur de la République dès qu’il
a connaissance d’un crime à caractère sexuel et plus particulièrement en cas de grossesse
pour une fille mineure ».11
L’OPJ dispose des compétences qui deviennent exorbitantes en cas d’infraction fragrante.
L’infraction flagrante est celle qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre.
L’infraction est réputée flagrante lorsqu’une personne est poursuivie par la clameur publique
ou lorsqu’elle est trouvée porteuse d’effets, d’armes, d’instruments ou papiers faisant
présumer qu’elle est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de
l’infraction. Il peut astreindre les personnes susceptibles de donner des renseignements en
qualité de témoins à déposer sous serment dans les conditions prévues aux articles 47 et 48.
Le serment ne peut être imposé aux auteurs présumés de l’infraction. Il peut également faire
défense à toute personne de s’éloigner des lieux qu’il détermine jusqu’à la clôture de ses
opérations et de se tenir à sa disposition, sans que cette mesure puisse être exécutée par la
contrainte, ni que sa durée puisse excéder quarante-huit heures (art. 17 CPP de 1999).
10
Article 3 de la Loi n°1/015 du 20 juillet 1999 portant Réforme du Code de Procédure Pénale 11
Article 10 de la Loi n°1/10 du 3 Avril 2013 Portant Révision du Code de Procédure Pénale
23
Si l’auteur présumé de l’infraction n’est pas présent sur les lieux, l’Officier de Police
Judiciaire peut le rechercher dans les limites du ressort du Tribunal de Grande Instance, et lui
enjoindre de comparaître devant lui et au besoin l’y contraindre. Si le même auteur doit être
recherché en dehors de ce ressort, l’Officier de Police Judiciaire peut, aux mêmes fins,
demander au Procureur de la République ou, à défaut, au Juge de Résidence le plus proche,
que soit décerné mandat d’amener contre lui (art.19 CPP de 1999).
En outre, en cas de crime ou de délit flagrant ou réputé flagrant constitutif d’une atteinte grave
ou à celle de l’Etat et en l’absence de tout agent ou Officier de Police Judiciaire ou de toute
autorité judiciaire compétente, toute personne ne peut saisir l’auteur présumé de l’infraction et
le conduire immédiatement devant l’autorité compétente la plus proche (art.21 CPP 1999).
Ceci pourra facilement s’appliquer dans l’hypothèse du viol réputé flagrant et la population
témoin des faits peut appréhender l’auteur à charge pour elle de l’acheminer jusqu’à l’autorité
compétente pour ouverture d’un dossier.
Actuellement, en cas de crime ou délit flagrant, la garde à vue ne peut en aucun cas dépasser
trente six heures. L’Officier de Police Judiciaire en informe immédiatement le Procureur par
les moyens de communication les plus rapides. Il exécute les ordres donnés par le magistrat
en ce qui concerne tant la privation de liberté que les devoirs à accomplir (art.22 CPP de
2013).
A l’expiration du délai prévu et après l’établissement du procès-verbal de garde à vue, les
Officiers de Police Judiciaire mettent immédiatement à la disposition de l’Officier du
Ministère Public l’auteur présumé de l’infraction ainsi que le dossier comprenant les premiers
éléments de l’interrogatoire (art.22 CPP de 2013). Toute personne adulte résidant dans une
habitation peut requérir aussi l’Officier de Police Judiciaire lorsqu’ il s’agit d’un crime
sexuel ou tout autre crime grave qui a été commis (art.24 CPP de 2013).
A l’issue de ses investigations préliminaires, l’OPJ qualifié transmet directement les procès-
verbaux au Procureur de la République du lieu, qui, s’il échet, les transmet au Ministère
Public près la juridiction territorialement ou matériellement compétente (art.5 de l’ancien CPP
et art. 12 du nouveau CPP).L’OPJ n’a pas le droit de classer sans suite un dossier à sa charge.
Mais pour toute infraction punissable de moins d’un an de servitude pénale, l’Officier de
Police Judiciaire peut, s’il estime qu’à raison des circonstances, la juridiction de jugement se
24
bornerait à prononcer une amende et éventuellement la confiscation, inviter l’auteur présumé
de l’infraction à verser au Trésor une somme dont il détermine le montant sans qu’elle puisse
dépasser le maximum de l’amende encourue.12
En application de cette disposition, l’OPJ
verbalisant dans un dossier relatif au viol domestique ou à d’autres formes de violences
basées sur le genre punissables de moins d’une année de servitude pénale, peut transiger avec
l’auteur.
En revanche, l’OPJ ne serait pas habilité à le faire pour l’infraction de viol (à l’exception du
viol domestique) qui est un crime jugé odieux et très sévèrement réprimé par le législateur.
Comme indiqué plus haut dans le tableau récapitulatif des infractions relatives aux violences
basées sur le genre, aucune transaction n’est admise pour le viol, car la loi prévoit un cumul
de servitude pénale et d’amende (emploi des deux conjonctions et/ou).
2. La phase d’instruction par le Ministère Public
Conformément à l’article 25 du CPP de 1999, les Officiers du Ministère Public peuvent
exercer eux-mêmes tous les pouvoirs attribués aux Officiers de Police. Lorsque le Procureur
de la République reçoit les renseignements, procès-verbaux, actes et pièces relatifs à une
infraction, il peut :
a) soit classer sans suite si l’infraction n’est pas constituée ou si ses auteurs n’ont pas été
identifiés, ou parce qu’il estime la poursuite inopportune ; le classement sans suite est une
mesure administrative qui n’interdit pas la reprise de l’enquête ou de la poursuite ;
b) soit saisir directement le Tribunal compétent si le dossier est en état d’être jugé et si les
circonstances de l’affaire ne permettent ou ne justifient pas une mesure de placement en
détention préventive ; le Ministère Public ne peut utiliser cette procédure que s’il estime que
la peine à prononcer ne peut dépasser 2 ans de servitude pénale ;
12 Art.9 du CPP de 1999 et art.16 du CPP 2013
25
c) soit, dans le cas contraire, procéder à l’ouverture d’une instruction.
S’il estime que les éléments du dossier transmis sont insuffisants pour prendre l’une des
décisions prévues à l’alinéa précédent, il peut ordonner aux Officiers de Police Judiciaire de
poursuivre l’enquête ou d’effectuer de telles opérations qu’il prescrit13
. Lorsqu’il décide de
placer l’inculpé en détention provisoire, il doit le présenter devant le juge qui est seul compétent pour
statuer sur le placement en détention préventive et qui peut le remettre en liberté ou confirmer sa
détention.
Avec la promulgation du nouveau Code de Procédure Pénale, des innovations ont été
apportées et peuvent être bénéfiques aux victimes des violences basées sur le genre. Ainsi par
exemple, même en dehors de toute dénonciation ou plainte, le Procureur de la République se
saisit d’office dès qu’il a connaissance d’une infraction « et plus particulièrement en matière
d’infractions de violences sexuelles »14
.Aussi, toute association régulièrement agréée depuis
au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts la lutte contre les violences
sexuelles ou toute autre atteinte volontaire à la vie et à l’intégrité de la personne, peut se
joindre à la victime ou porter plainte en lieu et place de cette dernière. L’association ne sera
cependant recevable dans sa plainte que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si
celle-ci est un mineur ou un interdit, celui du parent, tuteur, ou gardien15
.
Quand il auditionne le témoin, l’Officier du Ministère Public entend le témoin hors la
présence de l’inculpé et de son Conseil. Il est néanmoins admis à le confronter avec ces
derniers ou avec d’autres témoins. Toutefois, en ce qui concerne les violences sexuelles, la
confrontation ne se fait qu’avec l’accord de la victime16
.
13 Art.41 CPP de 1999 et 66 du CPP de 2013 14 Art.64alinéa 2 du CPP de 2013 15 Art.64 al 5 du CPP de 2013 16 Art.81 du CPP de 2013
26
3. La phase du procès devant les juridictions de jugement
a) Saisine des Juridictions
Lorsque le Ministère Public décide d’exercer l’action publique, en matière des violences
basées sur le genre comme en toute autre matière, il communique les pièces au juge
compétent pour en connaître. Celui-ci fixe le jour où l’affaire sera appelée17
. Lorsque la
juridiction de jugement est saisie de l’action publique, la partie lésée peut la saisir de l’action
en réparation du dommage en se constituant partie civile.
La partie civile victime d’une violence sexuelle peut se constituer à tout moment depuis la
saisine du Tribunal jusqu’à la clôture des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à
l’audience, et dont il lui est donné acte. En cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les
parties intéressées. La constitution de partie civile peut aussi être faite valablement devant le
magistrat instructeur.
Dans tous les cas, la constitution de partie civile donne lieu au versement de frais de
consignation entre les mains du greffier par la partie qui désire se constituer, à moins de
présenter une attestation d’indigence18
. Ces frais s’élèvent à mille francs burundais au premier
degré, à deux milles francs au second degré et à quatre milles francs au niveau de la
cassation.19
La partie victime des violences basées sur le genre tend à obtenir réparation du
préjudice subi à l’occasion des VBG. La partie civile tout comme le prévenu peuvent se faire
assister par un avocat ou d’une personne agréée spécialement dans chaque cas par le Tribunal
pour prendre la parole en son nom. Sauf si le prévenu s’y oppose, le juge peut demander au
Bâtonnier de lui désigner un avocat inscrit au Barreau.20
b) Phase du jugement
17 Art.102 du CPP de 1999 et 134 du CPP de 2013 18 Art.120 du CPP de 1999 et 163 du CPP de 2013 19
Ordonnance Ministérielle n°550/540/549 du 17septembre 1999 portant modification des
tarifs des droits et taxes appliqués au Ministère de la Justice 20
Art.123 du CPP de 1999 et 166 du CPP de 2013
27
Le juge mène à fond l’instruction d’une affaire pénale et fait toutes les diligences qu’il estime
utiles à la manifestation de la vérité. Il statue en se référant à la loi et selon son intime
conviction. Les jugements sont prononcés aussitôt après la clôture des débats et au plus tard
dans le mois qui suit21
.Ils doivent être motivés. Ils sont susceptibles d’opposition devant la
même juridiction ou d’appel devant la juridiction hiérarchiquement supérieure. Les jugements
rendus doivent être exécutés. L’exécution est poursuivie par le Ministère Public pour ce qui
est des condamnations pénales et la contrainte par corps, à la diligence de la partie civile en ce
qui concerne les condamnations à sa requête, par le greffier en ce qui concerne le
recouvrement des amendes, des frais et des droits proportionnels.22
c) Juridictions compétentes
Il convient d’indiquer la compétence des juridictions répressives pour connaître des dossiers
répressifs en général et des violences basées sur le genre en particulier.
c.1. Tribunaux de Résidence
Les Tribunaux de Résidence connaissent des infractions punissables au maximum de deux ans
de servitude pénale indépendamment du montant de l’amende. Ils statuent par un seul et
même jugement sur les intérêts civils quel que soit le montant des dommages et intérêts à
allouer d’office ou après constitution de la partie civile.23
Les mêmes tribunaux peuvent
prononcer la contrainte par corps pour une durée ne dépassant pas deux mois. La durée de la
servitude pénale subsidiaire qu’ils prononcent ne peut pas excéder quinze jours par infraction
ni deux mois par l’effet du cumul.24
Les jugements répressifs rendus par les tribunaux de
résidence sont susceptibles d’appel devant le Tribunal de Grande Instance et d’opposition
devant le Tribunal de Résidence. Lorsque nous avons visité le Tribunal de Résidence Bwiza
pour des raisons de notre étude en date du 22 novembre 2013, nous avons pu consulter un seul
dossier relatif à nos recherches (abandon de famille) à savoir le RP 73/2012. Un jugement est
intervenu en date du 13 février 2012. Le constat est que le Tribunal n’avait pas encore
21
Art.130 du CPP de 1999 et 200 du CPP de 2013 22
Art.160 du CPP de 1999 et 278 du CPP de 2013 23 Art.6 de la Loi n°1/08 du 17mars 2005 portant Code de l’Organisation et de la Compétence
Judiciaires 24
Art.7 de la Loi n°1/08 du 17mars 2005 portant Code de l’Organisation et de la Compétence
Judiciaires(COCJ).
28
transmis une copie de ce jugement au Procureur de la République pour appréciation et
pouvoir interjeter appel éventuellement. L’amende de 50.000F prononcée par le Tribunal
n’avait pas encore été recouvrée par le parquet chargé de l’exécution de cette peine.
A partir de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi portant révision du code de procédure pénale
en 2013, le Tribunal de Résidence ne jouera plus le rôle du Ministère Public, celui-ci devant
dorénavant être représenté dans les audiences publiques des Tribunaux de Résidence soit par
un ou plusieurs Officiers du Ministère Public, soit par un ou plusieurs Officiers de la Police
Judiciaire désignés par le Procureur de la République25
, ce qui tarde à être appliqué faute de
moyens de déplacement du Ministère Public du moins pour arriver aux chefs-lieux des
Communes éloignées de la Province. C’est ce que nous ont rapporté les Officiers du Ministère
Public avec qui nous nous sommes entretenus. Mais des questions préalables devraient être
résolues. Les OPJ devraient être dotés d’une formation juridique suffisante pour pouvoir
représenter valablement le Ministère Public dans les audiences publiques du Tribunal. Vont-
ils porter une toge ou une tenue civile ?
c.2. Tribunaux de Grande Instance
Les Tribunaux de Grande Instance connaissent de toutes les infractions dont la compétence
matérielle ou territoriale n’est pas attribuée à une autre juridiction. Ils connaissent également,
en cas de connexité, des infractions commises par les militaires y compris les officiers revêtus
d’un grade inférieur à celui de Major.26
En matière criminelle, pour les infractions passibles de la peine de servitude pénale à
perpétuité, le siège comprend un Président et quatre juges dans le respect des équilibres
ethniques et de genre, assistés d’un Officier du Ministère Public27
.Les jugements rendus par
ces juridictions sont susceptibles d’opposition (devant les TGI), d’appel (devant la Cour
d’Appel) et de cassation (devant la Cour Suprême).
25
Art.48 CPP de 2013 et 23 CPP de 1999. 26 Art.17 du COCJ. 27
Art.16 du COCJ.
29
c.3. Cours d’Appel
En matière pénale, les Cours d’Appel connaissent de l’appel des jugements rendus au premier
degré par les Tribunaux de Grande Instance. Le siège des Cours d’Appel en matière
criminelle pour les infractions passibles de la peine de servitude pénale à perpétuité comprend
un président et quatre conseillers de la Cour dans le respect des équilibres ethniques et de
genre.28
Les Cours d’Appel connaissent au premier degré des infractions commises par les personnes
ci-après :
1° Un magistrat de carrière autre qu’un magistrat de la Cour Suprême ou de la Cour
Constitutionnelle, du Parquet Général de la République, de la Cour d’Appel, de la Cour
Administrative ou du Parquet Général près la Cour d’Appel ;
2° Un administrateur communal ;
3° Tout fonctionnaire public nommé par décret.
Elles connaissent également, en cas de connexité, des infractions commises par les magistrats
des conseils de guerre et les officiers supérieurs des Forces Armées autres que les officiers
généraux.29
Les arrêts ainsi rendus en vertu de l’article 32 sont susceptibles d’opposition
devant les mêmes Cours et d’appel devant la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême.30
c.4. De la compétence des Tribunaux Militaires
Selon la législation militaire, « sans préjudice des dispositions relatives au régime militaire, le
Conseil de Guerre connaît, à l’égard des militaires d’un grade inférieur à celui de major des
Forces Armées et des fonctionnaires qui leur sont assimilés en vertu d’un décret :
1° des infractions de droit commun commises par des militaires en service actif------ »
De sa part, la Cour Militaire connaît des infractions de droit commun commises par les
officiers des Forces Armées d’un grade égal ou supérieur à celui de major et par les
28
Art. 30 COCJ. 29
Art. 32 COCJ. 30
Art. 34 COCJ.
30
fonctionnaires qui leur sont assimilés en vertu d’un décret. Elle connaît de l’appel des
jugements rendus en premier degré par les Conseils de guerre.31
Les juridictions militaires sont aujourd’hui confrontées à un problème d’interprétation des
textes de loi et partant de compétence en matière pénale pour la catégorie des Sous-officiers
de l’Armée Nationale. En effet, se référant aux dispositions de l’article 56 point b) de la loi
n°1/20 du 31 décembre 2010 portant Statut des Sous-officiers de la Défense Nationale, selon
lequel les infractions de droit commun commises par un Sous-officier sont jugées par les
juridictions ordinaires,32
le Conseil de Guerre a décidé de remettre en liberté provisoire le
prévenu B.C. ayant le grade de sergent en attendant la décision de la Cour Suprême sur la
juridiction compétente.33
Il est poursuivi sur base des articles 554 et 558 du Code Pénal
(viol).En attendant, le juge militaire a estimé que le prévenu ne devait pas continuer à croupir
en prison alors que son dossier connaissait un blocage juridique qui ne lui était pas
imputable.34
La même difficulté peut être soulevée quant à l’interprétation de la loi régissant les Officiers
de la Force de Défense Nationale du Burundi. Depuis décembre 2010, « les infractions de
droit commun commises par un Officier sont justiciables des juridictions
ordinaires »35
.Cependant, les présumés auteurs ne devraient pas être laissés en liberté mais
devraient être plutôt transférés à l’autorité judiciaire jugée compétente pour statuer sur les cas
pour ne pas favoriser l’impunité. Entretemps, la Cour Suprême devrait se prononcer dans les
meilleurs délais car cela fait plus de deux ans qu’elle est saisie de l’affaire. Du reste, à notre
avis, une loi portant Statut de ce corps ne peut pas déroger à une loi portant Organisation et
Compétence Judiciaires.
31 Art. 9, 11, et 12 du Décret-loi n° 1/5 du 27 février 1980 portant Code de l’Organisation et
de la Compétence des juridictions militaires. 32
Loi n°1/20 du 31 décembre 2010 portant modification de la Loi n°1/16 du 29 avril 2006
portant Statut des Sous-officiers de la Force de Défense Nationale, B.O.B N°12
Ter/2010 page 3959 33
L’Auditeur Général a, par sa lettre n°520/Aud./020/01.06.1 du 14 mars 2011,saisi la Cour
Suprême pour qu’elle se prononce sur la juridiction compétente pour juger un Officier ayant
rang de Major poursuivi sur base du code pénal et non du code pénal militaire (RPCM 437).Il
n’était pas poursuivi pour avoir commis une infraction en rapport avec les VBG . 34
Voir RPCG1 177/RAM 139/2012. 35
Art.65de la Loi N°1/21 du 31 décembre 2010 portant modification de la Loi N°1/15 du 29
avril 2006 portant Statut des Officiers de la Force de Défense Nationale du Burundi, B.O.B
N°12 Ter/2010 page 65.
31
c.5. Cour Anti-corruption
La Cour anti-corruption est compétente pour juger les auteurs des infractions relatives aux
violences basées sur le genre en application de l’article 424 du code pénal de 2009 et de
l’article 46 de la Loi n°1/12 du 18avril 2006 portant Mesures de Prévention et de Répression
de la Corruption et des infractions connexes.
L’article 424 qui reprend les dispositions de l’article 46 de cette loi de 2006 stipule que : « Est
puni d’une servitude pénale de douze ans à quinze ans et d’une amende de deux cent mille
francs, quiconque mentionné aux articles 420 à 423 du présent code a, explicitement ou
implicitement, exigé, bénéficié, fait subir des actes de nature sexuelle ou en a accepté la
promesse afin de poser ou s’abstenir de poser un acte qui relève de ses attributions. La peine
est portée à une servitude de quinze ans à vingt ans et d’une amende de cinq cent mille francs
à un million de francs si le coupable est un enseignant ou une enseignante qui a posé ces actes
à l’égard de son écolier, de son élève ou de son étudiant quel que soit son sexe ».
Les articles 420 à 423 auxquels renvoie l’article 424 premier paragraphe précise la qualité de
l’auteur qui est toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de
service public ou investie d’un mandat public électif, tout juge, tout agent de l’ordre
judiciaire, tout Officier du Ministère Public ou de la police judiciaire, tout arbitre, tout agent
chargé de la lutte contre la corruption ou toute autorité publique qui se laisse corrompre dans
ses fonctions.
c.6. Cour Suprême
Sous réserve des dispositions pertinentes prévues à l’article 20 de la loi portant répression du
crime de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité36
, la chambre judiciaire de la
Cour Suprême statue sur des poursuites pénales dirigées contre :
1° Un député ;
2° Un sénateur ;
36 L’article 20 de la loi n°1/004 du 8mai 2003 portant répression de ces crimes prévoit que «
les dispositions portant sur les exceptions relatives aux personnes justiciables des juridictions
militaires et aux personnes jouissant des privilèges de juridictions ne sont pas observées ».
32
3° Un membre du Gouvernement ;
4° Un magistrat de la Cour Suprême ;
5° Un magistrat du Parquet général de la République ;
6° Un magistrat de la Cour Constitutionnelle ;
7° Un mandataire politique ou public ayant au moins le rang de Ministre ;
8° Un Officier général des Forces Armées ;
9°Un magistrat de la Cour militaire ou de l’Auditorat Général ;
10° Un gouverneur de province ;
11° Un magistrat de la Cour d’Appel ;
12° Un magistrat de la Cour Administrative ;
13° Un magistrat du Parquet général près la Cour d’Appel.37
La section judiciaire d’appel connaît de l’appel formé contre les arrêts rendus par la section
judiciaire de premier degré et ceux rendus au premier degré par les Cours d’Appel, la Cour
anti-corruption et la Cour Militaire en matière répressive.38
Ces règles de compétence sont d’un intérêt évident car elles permettent de connaître avec
précision la juridiction compétente pour juger le ou les auteurs des violences basées sur le
genre selon la nature de l’infraction et la qualité de la personne poursuivie.
Dans ses dispositions transitoires et finales, la nouvelle loi portant révision du Code de
Procédure Pénale d’avril 2013 stipule que les procédures relatives aux mineurs et aux
victimes des violences sexuelles sont instruites par des sections spécialisées des parquets et
par des chambres spécialisées des Tribunaux de Grande Instance et des Cours d’Appel.39
En
vertu de l’article 358 de ladite loi, les procédures relatives aux mineurs et aux victimes des
violences sexuelles qui requièrent un suivi socio-judiciaire sont instruites avec l’assistance
d’un corps d’assistants sociaux placés sous la responsabilité du Procureur de la République.
37
Art.32 de la loi n°1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour Suprême. 38
Art. 33 de la loi n°1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour Suprême. 39
Art.357 de la Loi n°1/10 du 3 Avril 2013 Portant Révision du Code de Procédure Pénale.
33
Une Ordonnance du Ministre de la Justice vient de mettre en place au mois de novembre
2013, ces chambres et sections spécialisées.40
Deux dispositions doivent être minutieusement
appliquées par les Magistrats à qui l’Ordonnance confie les prérogatives d’instruction pré-
juridictionnelle ou juridictionnelle. Il s’agit des articles 3 et 4 de ladite Ordonnance. L’article
3 stipule que « la Chambre des Mineurs et victimes des violences sexuelles du Tribunal de
Grande Instance comprend un Président et deux juges, assistés d’un Officier du Ministère
Public et d’un greffier ». L’article 4 quant à lui dispose que « la Cour d’Appel siégeant en
Chambre des Mineurs et Victimes des violences sexuelles comprend un Président et deux
Conseillers assistés d’un Officier du Ministère Public et d’un Greffier ».41
Ainsi composées,
ces Chambres ne seront pas compétentes pour instruire un dossier d’une personne passible
d’une peine de servitude pénale à perpétuité car elles violeraient les dispositions des articles
16 et 30 du Code de l’Organisation et de la Compétence Judiciaires qui exigent un nombre de
quatre juges et de quatre conseillers au lieu des trois juges et trois conseillers prévus par les
sièges ordinaires et la présente Ordonnance qui aurait dû le préciser. Pour les Mineurs qui ne
peuvent pas être condamnés à la perpétuité, cette ordonnance s’appliquera sans difficulté.
40
Ordonnance Ministérielle n°550/1622 du 19 novembre 2013 portant Mission, Composition
et Fonctionnement des Chambres Spéciales pour Mineurs et Victimes des Violences
Sexuelles au Burundi. 41 Il faudra lire « siégeant en Chambre des Mineurs et Victimes des violences sexuelles »au
lieu de « siégeant en Chambres des Mineurs des violences sexuelles ».
34
CHAPITRE 2 : REPRESSION DES VIOLENCES BASEES SUR LE
GENRE
Comme indiqué dans la méthodologie, l’analyse dresse un bilan du travail d’enquête,
d’instruction et de jugement des infractions en rapport avec les VBG. Il est alors intéressant
de dresser ce bilan par maillon de la chaine pénale, c'est-à-dire, successivement la police, le
Ministère public et les juridictions. Une appréciation du bilan sera ensuite faite avant de jeter
un regard sur la contribution des autres acteurs sociaux à la répression des VBG.
Section 1 : Bilan de la chaîne pénale.
A. Bilan au niveau de la police.
Le bilan réalisé par la police judiciaire dès la promulgation du code pénal de 2009 ne peut pas
être exhaustivement détaillé pour la simple raison que les seules données disponibles datent
des années 2010, 2011 et 2012. Pour l’année 2011, le service des statistiques de la Police des
Mineurs et de la Protection des Mœurs ne dispose pas de données concernant les mois
d’octobre, de novembre et de décembre. Il en est de même en ce qui concerne l’année 2012
dont les données pour les mois de novembre et de décembre font défaut. Celles de 2013 ne
sont pas encore rassemblées par le service des statistiques de la Police des Mineurs et la
Protection des Mœurs.
A.1. Sous- Commissariat Police Judiciaire Bujumbura(Rural).
De janvier à décembre 2010, le Sous Commissariat Bujumbura(Rural) a clôturé l’enquête
policière de 47dossiers. Les statistiques restent difficilement exploitables parce qu’elles ne
renseignent en rien sur le nombre de dossiers qui étaient ouverts au cours de cet exercice en
vue d’en évaluer le rendement. On indique seulement le nom du commissariat, la nature de
l’infraction ainsi que le nombre brut de cas traités de janvier à décembre 2010. De janvier à
juin 2011, le Sous Commissariat Bujumbura(Rural) n’a pas transmis son rapport, ce qui ne
signifie pas nécessairement que le Sous Commissariat n’a pas traité des dossiers des VBG. Il
en est de même en ce qui concerne les mois de juillet. Pour les mois d’août de septembre
2011, ledit Sous- Commissariat a traité et clôturé 02 dossiers. Pour l’année 2012, le Sous-
Commissariat P.J Bujumbura (Rural) est parvenu à clôturer 87 dossiers sur les 163 enregistrés
pendant seulement les mois de janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août, septembre et
octobre. Il manque les données sur les VBG des mois de juin, novembre et décembre 2012.
35
A.2.Police des Mineurs et Protection des Mœurs.
Cette unité de police spécialisée compte à son actif 104 dossiers clôturés en 2010, 207
dossiers clôturés en 2011 sur les 526 enregistrés de janvier à septembre 2011. En 2012, les
OPJ affectés à cette unité de police ont réalisé un rendement chiffré de 319 clôturés sur un lot
de 867 dossiers enregistrés en 2012, de janvier à octobre. Les données de novembre à
décembre ne sont pas parvenues au service des statistiques. S’agissant du temps que peut
prendre le traitement des dossiers ouverts par la police, quelques copies des dossiers transmis
au parquet montrent que les délais réglementaires sont généralement respectés surtout si les
présumés auteurs des infractions sont placés en garde à vue. Ce tableau le résume ainsi :
Numéro du
dossier
Infraction Date de
l’ouverture du
dossier
Date de Garde
à Vue
Date de
transmission
096 Viol 24/12/2013 24/12/2013 30/12/2013
073 Viol 18/8/2013 29/8/2013 29/8/2013
041 Viol 21/12/2012 21/12/2012 27/12/2012
040 Viol 21/12/2012 21/12/2012 27/12/2012
082 Viol 15/11/2013 - 21/11/2013
089 Viol 25/11/2013 25/11/2013 Pas de date
sur la lettre de
transmission
de 2013
A.3. Sous –Commissariat Police Judiciaire en Mairie de Bujumbura
Le Sous- Commissariat de la police judiciaire en Mairie de Bujumbura composé par les
différents postes de police judiciaire de la Mairie a terminé 72 enquêtes préliminaires en
36
2010. En 2011, il a terminé les enquêtes policières de 27 dossiers sur les 93 dossiers ouverts
par le sous-commissariat de janvier à septembre 2011. Pour l’année 2012, le bilan réalisé par
le Sous-Commissariat P.J en Mairie de Bujumbura se chiffre à 20 dossiers clôturés sur un
volume de 56 dossiers inscrits dans les registres de ce corps de police. Les données
disponibles concernent les mois de janvier, de février d’avril et de juillet 2012.
A.4. Sous-Commissariat Police Judiciaire de Bubanza
Pendant la période sous analyse, le Sous-Commissariat de la police judiciaire de Bubanza a
réalisé le rendement présenté comme suit : 72 dossiers clôturés en 2010 ; 121 dossiers sur les
169 dossiers ouverts par ce service en 2011 ; 47 clôturés sur les 52 dossiers ouverts aux mois
de janvier, février, mars et avril (les seuls rapports disponibles) en 2012.
B. Bilan au niveau des Parquets.
B.1. Parquet de Bubanza
Pendant la période sous revue, le parquet de Bubanza compte 480 dossiers enregistrés. La
tenue du registre du Ministère Public laisse à désirer car elle ne permet pas, si ce n’est pour
quelques dossiers transmis au Tribunal de Grande Instance, aux Tribunaux de Résidence, au
Parquet Général près la Cour d’Appel de Bujumbura ou à un autre parquet, de connaître la
suite qui y a été réservée.
Ainsi, 130 dossiers ont été transmis au Tribunal de Grande Instance de Bubanza pour fixation,
6 dossiers ont été transmis aux Tribunaux de Résidence (abandon de famille, concubinage,
adultère, polygamie), 3 dossiers ont été transmis respectivement au Parquet Général près la
Cour d’Appel et au Parquet de Kayanza pour disposition et compétence.
37
La nature des infractions relevées dans le registre est ainsi répartie :
Infractions Nombre de dossiers
Inceste 1
Adultère 7
Polygamie 3
Violences domestiques 19
Concubinage et abandon de famille 4
Harcèlement sexuel 2
Abandon de famille 2
Adultère, abandon de famille et concubinage 1
Concubinage 1
Coups et blessures sur un conjoint 1
Viol et tentative de viol 439 soit 91% du total des infractions
enregistrées.
Même s’il y a des infractions qui reviennent dans ces lignes du tableau, il est important de les
retenir ainsi car, au niveau des poursuites pénales, il est envisageable de faire appliquer le
principe de cumul de peines.
B.2. Parquet de Bujumbura Rural
Pendant la période sous revue, le Parquet de la République de Bujumbura Rural a
régulièrement enregistré des dossiers des violences sexuelles et basées sur le genre. Au total,
329 dossiers ont été ouverts par ce parquet. Il en a transmis 133 au Tribunal de Grande
Instance pour fixation. D’autres dossiers ont été proposés et admis au classement sans suite au
moment où d’autres étaient toujours en instruction pré juridictionnelle audit parquet. Ici
comme à Bubanza et à Bujumbura Mairie, il se pose la question de la tenue des Registres du
Ministère Public (RMP) qui doit être une vitrine des dossiers enregistrés et clôturés avec une
indication précise de la suite réservée à tel ou tel dossier.
38
B.3. Dossiers instruits par le Parquet en Mairie de Bujumbura
Pour connaître l’effectif des dossiers recherchés, nous avons consulté le Registre du Ministère
Public à partir du mois d’avril 2009.Nous avons relevé les dossiers transmis au Tribunal de
Grande Instance pour fixation, les dossiers classés sans suite, les dossiers transmis aux autres
Tribunaux de Résidence pour disposition et compétence, les dossiers restant en cours
d’instruction. La grande difficulté à laquelle on s’est heurté dans la collecte des données est la
disparition de certaines feuilles de ce registre car manipulé par plusieurs personnes.42
Il fallait
consulter aux mêmes fins, le registre du Tribunal de Grande Instance afin de ne pas produire
des données erronées. Ainsi au total, nous avons dénombré quatre cent trois dossiers
répressifs inscrits dans le registre du Ministère Public (403 dossiers). Le registre renseigne
que 93 dossiers ont été transmis au Tribunal de Grande Instance pour fixation. La consultation
du Registre Pénal du Tribunal nous a permis de constater que d’autres dossiers se trouvant
certainement sur les feuilles perdues avaient été transmis par le parquet pour fixation, soit un
total de 155 dossiers. Dès lors, d’avril 2009 à novembre 2013, le parquet de la République en
Mairie de Bujumbura a clôturé l’instruction pré juridictionnelle de 155AONFI.Quelques
dossiers ont été transmis aux Tribunaux de Résidence compétents :
2 dossiers dont 1 d’homosexualité et 1 autre d’adultère ont été transmis au Tribunal de
Résidence de Musaga ;
1 dossier transmis au Tribunal de Résidence de Ngagara du chef de lésions corporelles
volontaires et de harcèlement ;
2 dossiers d’abandon de famille transmis au Tribunal de Résidence Nyakabiga ;
2 dossiers dont 1 de coups et blessures et 1 autre dossier d’abandon de famille transmis
au Tribunal de Résidence de Kamenge ;
1 dossier d’adultère transmis au Tribunal de Résidence Bwiza pour fixation.
En plus, 2 dossiers ont été classés et admis au classement sans suite par amende
transactionnelle, 5 dossiers ont à leur tour été admis au classement sans suite par manque
d’assez d’éléments infractionnels. Enfin, 2 dossiers ont reçu leur aval pour un classement sans
suite pour cause d’irresponsabilité pénale en raison de la minorité de l’auteur de l’infraction.
42Numéros du registre non consultés et pouvant porter sur les VBG : de RMP 129956 à RMP
129982 ; de RMP 31019 à RMP 131814 ; de RMP 131819 à RMP131831 ; de RMP 134729 à
RMP135 886 ; de RMP 136851à RMP137868 ; de RMP 138851 à RMP 144714.
39
Le reste des dossiers est en attente de leur clôture et la majorité des dossiers enregistrés et
traités concernent les viols sur des mineurs d’âge.
Au total, les dossiers enregistrés aux parquets de Bubanza(480), de Bujumbura Rural (329) et
Bujumbura Mairie (558) s’élèvent à 1.367. Ces dossiers devaient être traités par 6 Magistrats
points focaux genre (2 points focaux par parquet) pendant 4 ans, soit en 48 mensualités. Si ces
dossiers avaient été prioritairement traités par ces magistrats, ils auraient été tous clôturés car
chaque Magistrat aurait à son actif 5 dossiers instruits et terminés par mois et aurait pu traiter
d’autres dossiers car le rendement mensuel exigé jusque là par la politique sectorielle est fixé
à 15 dossiers clôturés par Magistrat du parquet et par mois.
B.4. L’Auditorat Militaire
La descente auprès de l’Auditorat Militaire nous a amenés à relever 57 dossiers enregistrés
pendant la période qui couvre notre étude. Au total, ces dossiers concernent 30 dossiers de
viol, 3 dossiers de tentative de viol, 13 dossiers d’abandon de famille, 3 dossiers de
manquement aux obligations légales ,1 dossier d’expulsion du toit conjugal, 2 dossiers de
concubinage, 1 dossier de harcèlement sexuel, 2 dossiers de coups et blessures, et 2 dossiers
d’attentat à la pudeur.
Il est intéressant de faire remarquer que la tenue du registre de l’Auditorat Militaire permet de
lire, directement à travers ce document, la suite qui a été réservée aux dossiers traités et
clôturés (classement sans suite par exemple) mais surtout les dossiers transmis au Conseil de
Guerre pour fixation. Contrairement aux registres du Ministère Public des parquets, tous les
éléments du dispositif du jugement apparaissent dans le registre et sont bien reproduits. C’est
ainsi par exemple que les dossiers classés sans suite, transmis pour fixation ou transférés
ailleurs pour disposition et compétence sont facilement identifiables. Le parquet a transmis au
Conseil de Guerre 30 dossiers dont il a rédigé les AONFI.
B.5. Le Parquet Général près la Cour d’Appel de Bujumbura
Aucun dossier en instruction pré juridictionnelle relevant de sa compétence n’était inscrit dans
les registres de ce Parquet Général au moment de nos enquêtes. Le seul dossier que nous
pouvions consulter était le dossier administratif qui est une copie du dossier judiciaire fixé
devant la Cour d’Appel (RMPG 8134) où l’auteur est accusé d’avoir violé sa propre fille.
40
C. Bilan au niveau des juridictions
C.1. Dossiers des VBG traités par les Tribunaux de Résidence (de la Mairie de
Bujumbura, Bujumbura Rural et Bubanza).
Trois juridictions de base ont fait l’objet de notre étude à savoir le Tribunal de Résidence
Kabezi, le Tribunal de Résidence Bwiza et le Tribunal de Résidence Bubanza. Le constat est
que très peu de dossiers ont été ouverts. Le Tribunal de Résidence de Kabezi compte en son
sein 2 dossiers en cours d’instruction, celui de Bubanza n’en connaît aucun tandis que celui
de Bwiza a déjà rendu un seul jugement.
C.2. Tribunal de Grande Instance de Bubanza
Nous avons pu consulter 78 dossiers de violences basées sur le genre presque exclusivement
relatifs au viol. Il y a eu 8 acquittements et 67 condamnations à la servitude pénale et aux
amendes allant de 50.000Fà 500.000F. Les peines peuvent être réparties comme suit :
Infractions Peines Nombre de
condamnations
viol 5 mois à 4ans 8
viol 5 à 25 ans 23
viol 30 ans 1
viol Perpétuité 2
La peine de 5 mois mérite d’être explicitée. Sous le RP 3506, le condamné Nz.E et la victime
N.A étaient tous des mineurs d’âge (17 ans) et ont cohabité sans dispense de l’autorité
administrative. L’auteur a toujours avoué les faits lui reprochés sur base de l’article 554 al.1
et al.3 du CP. Le juge a tenu compte de son casier judiciaire encore vierge, des articles 29 al.
2 et 36 du CP et a motivé des circonstances atténuantes. Le Ministère Public avait requis 15
ans d’emprisonnement sans tenir compte de la minorité pénale.
La plupart des jugements prononcés ont réservé l’action civile et les victimes n’obtiennent pas
réparation du dommage subi. Quelques cas de dommages et intérêts ont été prononcés :
41
Numéro du
dossier
Infractions Peines Montant des
dommages et
intérêts accordés
RP3596 Viol 15 ans 500.000F
RP 3964 Viol 15 ans 500.000F
RP3185 Viol (556 al. 1) 15 ans 500.000F
RP4144 Harcèlement sexuel
(563,546)
1année et 600.000F
d’amende
1.000.000F
RP 3943 Viol (sur un élève) 15 ans et amende
de 50.000F
500.000F
RP 3195 Viol (art.554 al.1) 20 ans 1.000.000F
RP 3383 Viol 4ans 1.000.000F
RP2568 Viol 20ans 500.000F
RP3792 Viol 20ans 500.000F
RPC 313/012 Viol (sur un enfant âgé
de 4 ans (art.538 al. 3)
perpétuité 1.000.000F
RP 3417 Viol (auteur âgé de 15
ans, victime : un enfant
de 6 ans) art.554 al. 2
2 ans 500.000F
Comme nous le démontrerons sous le chapitre 3, ces dommages et intérêts n’ont pas été
recouvrés.
C.3. Tribunal de Grande Instance de Bujumbura (Rural).
Le Tribunal de Grande Instance de Bujumbura (Rural) a fixé 133 dossiers pénaux en rapport
avec les VBG. Entre avril 2009 et Novembre 2013, cette juridiction a mené à bon port
l’instruction juridictionnelle de 82 dossiers en rapport avec les violences basées sur le genre.
Ici comme ailleurs dans les autres juridictions et parquets, l’infraction de viol occupe la
première place. Le Tribunal a prononcé des condamnations et des acquittements. Il lui restait,
au jour de notre visite 51 dossiers en cours de jugement. Nous avons pu nous rendre compte
de la rapidité dans la fixation des dossiers lui transmis par le parquet à brefs délais. Le délai
42
de deux mois endéans lequel un jugement doit intervenir à partir de la prise en délibéré est
globalement respecté. Ceci peut être illustré par le tableau indicatif suivant qui reprend
quelques jugements rendus par le TGI Bujumbura Rural, en 2011et en 2012:43
N°
dossiers
Infraction 1ère
audience
Date de
délibéré
Date de
prononcé
Peines Dommages
et Intérêts
RP1549 Viol 29/7/2011 14/9/2011 29/12/2012 15 ans Action
civile
réservée
RP1018 Viol 20/5/2011 10/1/2011 16/2/2012 Acquittement Idem
RP1055 Viol 19/11/2010 10/6/2011 30/6/2011 5ans Idem
RP 1068 Viol 29/9/2011 5/9/2012 11/10/2012 Acquittement
RP 1076 Viol 08/9/2011 19/12/2011 31/5/2012 Acquittement
RP 1637 Viol 17/6/2011 19/12/2011 7/5/2012 20 ans Action
civile
réservée
RP 1126 Viol 5/11/2010 10/12/2010 19/1/2011 15 ans Action
civile
réservée
RP 1246 Viol 3/6/2011 10/1/2012 16/2/2012 Acquittement
RP 1291 Viol 23/3/2012 23/5/2012 16/7/2012 20 ans et une
amende de
100.000F
300.000F
RP 1232 Viol 22/10/2010 11/2/2011 28/3/2011 15ans Action
civile
réservée
RP 1213 Viol 23/9/2011 11/1/2012 22/2/2012 10ans Idem
RP1286 Viol 23/3/2012 23/3/2012 31/7/2012 2ans 6mois Idem
RP 1092 Viol 19/11/2010 11/2/2011 4/3/2011 Acquittement
RP1075 Viol 23/3/2012 23/5/2012 14/6/2012 Acquittement
RP 1667 Viol 13/1/2012 23/4/2012 4/5/2012 Acquittement
43Tous les tableaux se trouvant dans le document ont été élaborés par les auditeurs sur base
des données récoltées et n’ont aucune autre source.
43
RP1466 Viol 13/1/2012 13/1/2012 16/2/2012 15 ans Action
civile
réservée
RP 0970 Viol 26/11/2010 11/1/2012 4/4/2012 4ans Action
civile
réservée
RP 1709 Viol 13/1/2012 23/5/2012 30/7/2012 Acquittement
RP 1826 Viol 12/1/2012 27/4/2012 27/4/2012 12 Mois Action
civile
réservée
C.4. Dossiers traités par le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura avant et
après la promulgation du nouveau code pénal.
Cette juridiction de la Capitale a fait objet de recherche spécifiquement documentée. Dans les
lignes qui suivent, nous dressons un bilan des dossiers se rapportant aux VBG à partir de
2008, soit une année avant la promulgation du code de 2009. La situation des années
suivantes permettra d’apprécier objectivement les progrès réalisés depuis la promulgation de
ce nouveau code. Bien entendu, nous faisons un échantillonnage des dossiers jugés. Etant
donné que le gros des dossiers consultés sont relatifs au viol, ce sont les infractions de viol qui
serviront de base pour apprécier le traitement des dossiers, dès la première audience à la date
du prononcé, la peine prononcée et éventuellement les dommages et intérêts accordés aux
victimes du viol.
44
a) Bilan des dossiers de viol commis pendant ou avant 2008, jugés par le
TGI Mairie.
Les dossiers que nous reprenons dans les lignes qui suivent concernent des cas de viol qui ont
été commis en 2008 ou avant mais qui ont été jugés soit avant avril 2009, soit après la
promulgation du nouveau code pénal. Nous avons recensé tous les dossiers de viol jugés.
Numéro
du dossier
Infractio
ns
1ère
audience
Date du
Délibéré
Date de
Prononcé
Peine Action
civile
RP16.175 Viol
avec
violences
14/7/2008 2/2/2009 3/3/2009 10ans Réservée
RP16.409 viol 4/8/2008 28/10/2008 21/1/2009 10ans Réservée
RP16.420 viol 4/8/2008 28/10/2008 21/1/2009 12ans Réservée
RP16.425 viol 28/10/200
8
2/7/2009 29/7/2009 10ans et
50.000F
d’amende
Réservée
RP16.452 viol 28/10/200
8
30/3/2009 25/8/2009 10 ans Réservée
RP16.479 viol 5/9/2008 5/9/2008 28/11/2008 Acquittement -
RP16.499 viol 17/12/200
8
17/2/2009 29/6/2009 5ans Réservée
RP16.503 viol 17/2/2009 7/5/2009 27/5/2009 2ans Réservée
RP16.504 viol 17/2/2009 17/2/2009 25/6/2009 3ans Réservée
RP16.511 viol 24/2/2009 10/3/2009 25/3/2009 6ans 1.000.000F
de
dédommage
ment moral
RP16.567 viol 11/11/200
8
11/10/2009 31/12/2009 Acquittement -
RP16.583 viol 2/2/2009 20/7/2009 31/8/2009 8ans Réservée
RP16.584 viol 2/2/2009 9/7/2010 9/7/2010 5ans 500.000F de
dédommage
45
ment moral
RP16.588 viol 2/2/2009 20/7/2009 31/8/2009 8ans Réservée
RP16.592 viol 2/2/2009 2/2/2009 3/3/2009 15ans Réservée
RP16.594 viol 2/2/2009 2/2/2009 5/3/2209 15ans Réservée
RP16.610 viol 13/2/2009 13/2/2009 24/2/2012 5ans Réservée
RP16.625 viol 17/2/2009 2/7/2009 29/7/2009 6anset50.000
F d’amende
Réservée
A part quelques cas où le dossier a été pris en délibéré le même jour de la première audience,
on peut constater que le jugement intervient après plusieurs mois. En revanche sauf pour
quelques dossiers, la durée de deux mois endéans laquelle le jugement doit être prononcé
après la prise en délibéré, a été globalement respectée. Sur 16 jugements de condamnation
rendus, 2 seulement contiennent des amendes. Sur les mêmes jugements, deux seulement ont
alloué des dommages et intérêts aux victimes, l’action civile ayant été réservée pour le reste
des jugements. Ces amendes et ces dommages et intérêts n’ont pas été recouvrés.
b) Bilan des dossiers VBG traités par le TGI Mairie : 2009-2013
La consultation du registre tenu par cette juridiction nous a permis de relever un nombre de
155 dossiers répressifs se rapportant aux violences basées sur le genre. Ils sont soit déjà jugés
soit en cours d’instruction. A ceux-là s’ajoutent 3 dossiers qui ne sont pas encore fixés à la
première audience et 9 autres dossiers fraîchement transmis par le parquet mais qui n’étaient
pas encore ouverts pour avoir leurs numéros au registre pénal. Au total, au 27 novembre 2013,
(jour de notre dernière visite à ce Tribunal), le TGI Mairie de Bujumbura avait été saisi par le
Parquet pour juger 167 dossiers. Le Tribunal a déjà rendu 106 jugements dont 67
condamnations et 39 acquittements. Parmi les 106 condamnations, 3 d’entre elles ont été
frappées d’appel, c’est –à-dire que les condamnés non satisfaits du jugement intervenu ont
saisi la juridiction d’appel (la Cour d’Appel de Bujumbura) en vue d’obtenir la réformation du
jugement qui l’a reconnu coupable. 49 autres dossiers sont donc en cours d’instruction
juridictionnelle.
46
Pour tous ces dossiers inventoriés, la qualification juridique retenue n’était autre que le viol,
la tentative de viol, les violences domestiques et l’attentat à la pudeur. Sur les 167 dossiers
enregistrés par le Tribunal de Grande Instance, 158 dossiers concernaient le viol (94,6%), 9
autres dossiers étaient relatifs à la tentative de viol, trois à l’attentat à la pudeur ,2 dossiers à
la violence domestique et un dossier à l’inceste.
En termes de réalisation, cette juridiction compte à son actif un rendement de 63,4 % des
dossiers de violences basées sur le genre. Il sied de préciser que le rendement ne correspond
pas au volume des dossiers lui transmis par le parquet à partir du mois d’avril 2009. Il devait
juger les affaires pendantes devant elle avant la période sous analyse et il en a clôturé des
dossiers dont la peine était celle prévue par l’ancienne loi portant code pénal révisé et datant
de 1981.
c) Illustration du traitement des dossiers relatifs au viol par quelques jugements rendus
par le TGI Mairie en 2010 ,2011 et 2012
Numéro
du dossier
Infraction
s
1ère
audience
Date du
Délibéré
Date de
Prononcé
Peine Action
civile
RP17.402 Viol 4/5/2010 2/6/2010 29/6/2010 15 ans et une
amende de
50.000F
Réservée
RP18.663 Viol 29/6/2010 15/11/2010 29/11/2010 15 ans Réservée
RP18.749 Viol 16/6/2010 8/11/2010 16/12/2010 20 ans Réservée
RP18.085 Viol 7/6/2010 22/10/2010 29/1/2011 5ans et 50.000F
d’amende
Réservée
RP19.916 Viol 21/9/2010 21/9/2010 28/10/2010 7 ans Réservée
RP18.358 Viol 22/6/2010 22/6/2010 12/8/2010 Acquittement -
RP17.329 Viol 11/5/2010 11/5/2010 9/7/2010 10ans Réservée
RP18.362 Viol 22/6/2010 2/9/2010 30/9/010 5ans Réservée
RP18.229 Viol 30/6/2010 21/7/2010 13/8/010 Acquittement -
RP19.939 Viol 16/5/2011 20/6/2011 27/7/2011 30ans Réservée
47
RP17.739 Viol 29/5/2010 11/1/2011 31/1/2011 20ans Réservée
RP18.627 Viol 15/6/2010 27/6/2011 30/6/2011 acquittement -
RP19.423 Viol 31/12/010 31/12/2010 17/1/2011 acquittement -
RP19.555 Viol 28/1/2011 28/1/2011 17/3/2011 25ans Réservée
RP19.914 Viol 7/4/2011 24/5/2011 1/6/2011 30 ans et
100.000F
d’amende
Réservée
RP19.607 Viol 21/3/2011 20/6/2011 27/7/2011 15ans Réservée
RP19.617 Viol 7/4/2011 7/4/2011 26/4/2011 Acquittement -
RP19.618 Viol 31/1/2011 31/1/2011 10/2/2011 20ans Réservée
RP 19.632 Viol 31/1/2011 31/1/2011 11/2/2011 15ans Réservée
RP19.605 Viol 21/3/2011 21/3/2011 22/4/2011 15ans Réservée
RP19.553 Viol 21/3/2011 22/6/2011 29/6/2011 20 ans Réservée
RP19.300 Viol 2/11/2010 12/4/2011 26/4/2011 15 ans Réservée
RP19.557 Viol 2/2/2011 23/5/2011 28/7/2011 10ans Réservée
RP19.563 Viol 24/3/2011 21/6/2011 8/7/2011 20 ans et
500.0000F
d’amende
Réservée
RP19.434 Viol
(victime et
auteurs
tous
mineurs)
7/12/2010 4/7/2011 26/7/2011 2ans Réservée
RP20.450 Viol par
voie anale
(victime :
garçon)
9/2/2012 18/6/2012 31/7/2012 5ans Réservée
RP20.433 Viol 9/2/2012 9/2/2012 28/2/2012 15ans et amende
de50.000F
Réservée
RP20.445 Viol 10/2/2012 10/2/2012 28/2/2012 15anset50.0000
Fd’amende
Réservée
48
RP20.543 Viol avec
violence
6/3/2012 6/3/2012 5/4/2012 15ans Réservée
RP20.563 Viol 13/3/2012 16/4/2012 26/4/2012 20anset100.000
Fd’amende
Réservée
RP20.574 Viol 12/3/2012 12/3/2012 3/4/2012 20ans Réservée
RP20.403 Viol 24/1/2012 5/3/2012 02/5/2012 15ans Réservée
RP20.297 viol 18/10/201
1
26/12/2011 19/01/2012 15ans Réservée
RP20.468 Viol 10/2/2012 5/3/2012 18/4/2012 10ans Réservée
RP20.546 Viol 6/3/2012 6/3/2012 5/4/2012 acquittement -
RP20.451 Viol 24/1/2012 24/1/2012 22/2/2012 acquittement -
RP20.469 Viol 10/2/2012 8/3/2012 26/4/2012 acquittement -
RP20.503 Viol 27/2/2012 27/2/2012 9/4/2012 acquittement -
RP20.414 Viol 24/1/2012 24/1/2012 31/1/2012 acquittement -
On remarque une évolution par rapport au tableau des cas de viol traités avant la
promulgation du code de 2009.Dans la plupart des dossiers, les dossiers appelés en audience
publique étaient pris en délibéré le même jour(surtout avec les sessions des audiences
organisées par le Tribunal avec l’appui des partenaires qui collaborent dans la comparution
des témoins à charge ou à décharge).Les dates de prononcé des jugements sont globalement
respectées. En revanche, l’action civile est réservée dans la plupart des condamnations et peu
d’amendes sont prononcées. Les amendes et les dommages et intérêts prononcés ne sont pas
recouvrés, et sous cet angle, il n’y a pas de différence par rapport aux jugements de 2008.
49
C.5. Le Conseil de Guerre
Le Conseil n’avait que 5 dossiers en cours d’instruction qui avaient été tous fixés.
Les condamnations pour viol peuvent être regroupées de la manière suivante :
Infractions Peines Nombre de
condamnations
Acquitt
ements
Dommages et intérêts
prononcés
viol Amende de
25.000F à 50.000F
3 6 116.500F ; 500.000F
dans 2 dossiers ;
2.000.000F
viol 1an 6mois 1
viol 2 ans 6mois 1
viol 5 ans à 20 ans 4
Des progrès significatifs ont été observés dans la répression de l’abandon de famille, de
concubinage et d’expulsion du toit conjugal, surtout à l’endroit des hommes de troupe venus
des missions officielles de maintien de la paix qui disposent d’une relative aisance matérielle.
En plus de la condamnation pénale, le juge décide souvent que le condamné paie 1/3 de son
salaire à la partie civile.
Le tableau suivant fait état des jugements prononcés par le Conseil de Guerre statuant sur
l’infraction d’abandon de famille.
Infraction Condamnations prononcées : 8 cas Acquitte
ment
Abandon de
Famille Amende : 50.000Fou 3 mois de servitude pénale
subsidiaire plus 1/3 de salaire comme pension
alimentaire(1) ;
20.000F d’amende plus 1/3 de salaire comme pension
alimentaire(2) ;
2mois de SPP avec sursis de 6 mois plus 1/3 de salaire de
pension alimentaire ;
2 mois de SPP avec sursis de 1 an ;
3 mois de SPP plus 1/2 de salaire de pension alimentaire ;
4 mois de SPP plus 1/2 de salaire pour pension
alimentaire ;
5 mois de SPP plus 1/3 de salaire comme pension
alimentaire ;
1 an 6 mois avec sursis de 5 ans
1
cas
50
C.6. La Cour d’Appel de Bujumbura
Cette juridiction connaît de l’appel des jugements rendus par les Tribunaux de Grande
Instance de la Mairie de Bujumbura, Bubanza, Bujumbura (Rural), Bururi, Cibitoke,
Makamba, Muramvya et Mwaro. 20 dossiers relatifs aux violences basées sur le genre ont été
frappés d’appel. 3 arrêts ont déjà été rendus, un jugement a infirmé la décision du juge du
Tribunal de Grande Instance (RPA4187) tandis que deux autres ont confirmé les jugements
rendus au premier degré (RPA3599 et RPA3607). Dans le dossier RPA 4187dont l’appel a été
formé contre le RP5172 rendu par le TGI Muramvya qui avait condamné l’auteur du viol à
10 ans de SPP et au paiement d’une amende de 50.000F, le juge d’appel a revu à la baisse la
peine de servitude pénale, la réduisant de 10 ans à 5ans (arrêt rendu le 29/10/2012). La Cour
d’Appel a confirmé le jugement rendu par le TGI Mwaro qui avait condamné, sous le RP
1184, l’auteur d’un viol à la SPP de 20 ans et au paiement d’un million (1.000.000F) de
dommages et intérêts (RPA3599, arrêt rendu le 15/11/2013). Enfin, sous le RPA 3607, la
Cour d’Appel a confirmé, en date du 31/10/2013, le jugement rendu au premier degré par le
TGI Cibitoke qui avait prononcé une condamnation de 20 ans de SPP, 300.000F de
dommages et intérêts et une pension mensuelle de 30.000F.
Des irrégularités ont été observées à cette Cour où des condamnés ayant interjeté appel restent
emprisonnés pendant longtemps sans être appelés en audience publique. La raison
habituellement avancée est le retard dans la transmission par les Tribunaux de Grande
Instance (pas seulement pour le viol) à la Cour d’Appel des dossiers judiciaires frappés
d’appel. Ainsi par exemple, sous le RPA 4305, le condamné M.E. a été condamné à 7ans de
SPP par le TGI Mairie de Bujumbura le 17/10/2011.L’appel a été interjeté en date du
14/11/2011 et reçu au greffe pénal le 15/11/2011. Le dossier n’était pas encore été programmé
en audience publique. Le Président de la Cour d’Appel a écrit au Président du TGI Mairie en
date du 20 octobre 2013(soit un ou deux ans après l’appel) pour qu’il lui transmette le dossier
objet d’appel. Un mois après, soit le 21 novembre 2013, Jour de la consultation du dossier par
les consultants, la correspondance n’avait pas encore été envoyée au Tribunal mais était
toujours gardée dans le dossier dans l’attente de quelqu’un qui pourrait fortuitement passer
par le greffe pénal et l’acheminer à sa destination. Entretemps, le dossier du condamné détenu
traine en longueur.
51
Le constat est que très peu de dossiers se retrouvent en appel. Soit les justiciables sont
satisfaits des jugements rendus, soit ils ignorent cette faculté d’appel. D’un autre point de vue,
le viol touche la dignité de la victime et peut faire l’objet d’intimidation de la part et si les
acteurs de la chaîne pénale s’y prennent mal, elle aura du mal à aller jusqu’au bout et
préfèrera se contenter du premier jugement.
C. 7. La Cour anti-corruption
Un arrêt a été rendu par cette Cour : RPAC 666 le 24 novembre 2011.Dans cet arrêt, la Cour
anti-corruption a condamné un enseignant d’un collège communal convaincu de corruption
passive pour « avoir exigé explicitement à ses élèves x et y des actes de nature sexuelle pour
leur donner en échange des points gratuits dans les cours qu’il dispensait ». La Cour s’est
référée à l’article 46 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de
répression de la corruption et des infractions connexes. Les dispositions de cet article ont été
intégrées dans le code pénal mais la loi reste en vigueur conformément à l’article 623 du code
pénal de 2009. Le coupable a été puni d’une peine de servitude pénale de 15 ans et d’une
amende de 500.000F. Il avait été détenu préventivement le 10 juin 2011 et le dossier a été fixé
en date du 14juillet 2011. Il a été jugé dans les délais légaux.
C.8. La Cour Suprême
La Cour Suprême a connu de l’appel interjeté par un condamné de la Cour anti-corruption.
Sous le RPSA 427, le condamné ND.E a interjeté appel à la Cour Suprême en date du
5/12/2011. Par son arrêt RPSA 427 du 31/7/2013, la Cour Suprême (Chambre judiciaire) a
confirmé l’arrêt RPAC 666 dont le dispositif a été reproduit dans le bilan réalisé par la Cour
anti-corruption (15 ans SPP et 500.000F d’amende).
52
Section 2 : Appréciation du Bilan
A. Evaluation quantitative
L’appréciation sur la manière dont sont traités les dossiers de violences basées sur le genre ne
peut pas se faire d’une manière isolée mais doit s’inscrire dans la droite ligne de l’évaluation
générale des prestations accomplies par les parquets et les juridictions. La raison est simple.
Dans les rapports mensuels ou annuels, il n’est nulle part fait référence aux dossiers
communément appelés « VBG ». Le nombre de dossiers relatifs à ce domaine s’apprécie
ensemble avec le reste des dossiers enregistrés par le service concerné. Il va sans dire que si
un rendement d’un parquet est faible pour une telle ou telle autre période, cela concerne
également l’aspect des dossiers sous analyse dans ce rapport. En prenant au hasard le rapport
d’activités du mois de mars 2013 du Parquet Général de la République qui reprend les
rapports des Parquets Généraux et des Parquets de base, le Procureur Général de la
République fait le constat suivant :
« Au cours du mois dont rapport, avec 11 magistrats, le Parquet de Bubanza a réalisé le
rendement suivant : 141 dossiers répressifs ont été clôturés sur 1512 ; -------.Le rendement
moyen par magistrat est de 13,5. C’est un rendement faible et mérite d’être amélioré ».
Commentant le rapport du Parquet de Bujumbura Rural, la même autorité note que
«Le Parquet de Bujumbura Rural avec 17 magistrats a réalisé le rendement suivant : 196
dossiers répressifs ont été clôturés sur 681 ; --------. La moyenne des dossiers clôturés par
magistrat est de 7,5. Ce rendement est très faible vu le nombre des dossiers qui restent en
cours pendant le mois et mérite d’être amélioré. ».44
Le Parquet de Bujumbura quant à lui avait réalisé un rendement de 435 dossiers répressifs sur
un volume imposant de 6299. La moyenne des dossiers clôturés était acceptable car elle était
de 16,5 par magistrat (le nombre total des magistrats était de 31).La consultation des rapports
mensuels ne permet pas non plus d’apprécier à sa juste valeur le rendement réalisé en matière
des VBG pas plus qu’ailleurs. Aucun commentaire n’est fait sur ce genre de dossiers. Là où
on y fait allusion, c’est dans la rubrique des dossiers répressifs à inculpés détenus clôturés
pendant le mois dont rapport. On indique le numéro du dossier, l’infraction et la suite
44 Rapport d’activités du mois de mars du Parquet Général de la République.
53
réservée. En revanche rien n’est dit sur les dossiers à prévenus libres qui seraient traités et
clôturés.
S’agissant de l’exécution des jugements et arrêts rendus, sur les 70 jugements ou arrêts en
cours d’exécution, aucun d’eux n’a connu une exécution ne fusse que partiellement. C’est ce
qu’affirme le responsable du Parquet de Bubanza en confectionnant le rapport d’activités du
mois de septembre 2013. Cela laisse évidemment entendre qu’aucun dossier des VBG n’a été
exécuté.
Au niveau du Tribunal de Grande Instance, le rapport mensuel ne nous permet pas de bien
saisir la place réservée aux dossiers dits « VBG ». Ainsi par exemple, dans son rapport du
mois de juin, le responsable de cette juridiction fait observer que le rendement exigé par
chaque magistrat n’est pas atteint par le peu de dossiers qui sont en cours. « Les dossiers des
prévenus libres n’avancent pas convenablement car il y a un problème d’assignation »45
.
Aucun commentaire n’est fait sur le rendement des points focaux genre et on est tenté de
penser que cela est dû au fait que les points focaux genre ne se sont pas prioritairement
occupés des dossiers qu’ils étaient appelés à traiter conformément à l’Ordonnance plus haut
citée les mettant en place. En effet, les dossiers des VBG ont toujours été indistinctement
traités par tous les magistrats du parquet comme du Tribunal (il suffit de vérifier les initiales
des magistrats du parquet et les noms des magistrats du siège ayant rendu les jugements pour
s’en rendre compte). Une autre explication est le fait que les chefs de service n’ont pas encore
eu ce réflexe de mettre en relief cette particularité de criminalité afin qu’à travers les rapports
mensuels et éventuellement les rapports de circonstance, l’on puisse facilement déceler l’état
des lieux des actions judiciaires qui sont entrain d’être menées. Dès lors, l’appréciation
quantitative sur le rendement des parquets et juridictions devrait se faire séparément des
autres dossiers répressifs avec des commentaires et des directives spécifiques. Il importe de
souligner que la plupart de ces magistrats points focaux ont bénéficié des formations et des
séminaires que leurs collègues appelés à faire le même travail d’investigation réclament
toujours. En toute logique, ce sont les bénéficiaires des formations qui devaient mettre en
application ce qu’ils ont appris. Si l’instruction pré juridictionnelle et juridictionnelle avaient
été exclusivement et prioritairement menées par les Magistrats points focaux, nul doute que le
45
Rapport d’activités du Tribunal de Grande Instance de Bubanza pour le mois de Juin.
54
rendement aurait été meilleur. Le rendement exigé par magistrat du parquet était de 6 dossiers
clôturés par mois et de 15 dossiers par magistrat du Tribunal de Grande Instance.
Il importe enfin de souligner que le taux de rendement exigé du magistrat par le Ministère de
la justice est peu révélateur du rendement réel par magistrat étant entendu que tous les
dossiers ne s’équivalent pas en termes de complexité et de lourdeur.
B. Evaluation qualitative
L’évaluation qualitative va de pair avec l’appréciation quantitative étant donné que c’est la
même autorité destinatrice du rapport d’activités qui est habilitée à le faire. Le rapport
mensuel des activités des parquets et des juridictions (du moins civils) ne font pas allusion
spécifiquement aux dossiers des violences basées sur le genre. Ceci est vrai tant pour les
instances visitées au cours de l’enquête que chez les autres parquets et juridictions de la
République.
Il n’existe pas pour le moment de critères ou indicateurs officiels de qualité, et on peut traiter
peu de dossiers d’une plus grande valeur que celui qui en a traité beaucoup. Ainsi, même le
critère de nombre de dossiers traités pour juger du rendement d’un prestataire n’est pas
toujours objectif. Les critères ne sont pas faciles à déterminer pour toutes les infractions.
Néanmoins, toute juridiction est appelée à rendre des décisions de qualité dans des délais
raisonnables. Le contrôle de cette qualité incombe aux juridictions de degrés supérieurs.46
Le constat fait a été aussi que le juge tient compte dans sa décision des circonstances
aggravantes prévues aux articles 556 notamment l’alinéa 1 : (viol commis sur un mineur de
moins de 18 ans), 557 et 558. Ces deux articles peuvent cependant présenter des difficultés de
compréhension pour les praticiens non avisés. Ainsi, l’article 557 alinéa 5 punit le viol de 20 à
30 ans de servitude pénale s’il a été commis sur un enfant de moins de 12 ans. La plupart des
viols enregistrés ont été commis sur des enfants mineurs. De son côté, l’article 558 alinéa 3
punit le viol commis sur un enfant de moins de 12 ans par la servitude pénale à perpétuité. Cet
alinéa doit être supprimé car dans cette situation c’est la loi la plus douce qui s’applique en
faveur du prévenu. En application de l’article 558 alinéa 1, le viol est puni de la servitude
46
Pour le surplus, voir Maître Julien BAREGUWERA et Léa Pascasie NZIGAMASABO, Analyse qualitative
des décisions judiciaires, Bujumbura, 2011
55
pénale à perpétuité lorsque l’auteur se savait porteur d’une maladie sexuellement
transmissible dont on connaît le caractère incurable. Comme le suggère un magistrat du
parquet de la Mairie point focal genre, il faudrait que le présumé violeur soit lui aussi soumis
à l’examen médical au même titre que la victime pour soutenir cette circonstance aggravante,
ce qui n’est pas encore le cas dans la pratique judiciaire.
Une évolution est constatée au niveau des peines applicables aux mineurs de 15 ans révolus
et moins de 18 ans au moment de l’infraction. S’il devait encourir une peine de servitude
pénale à perpétuité, il est condamné à une peine de cinq à dix ans de SPP. S’il a encouru une
condamnation à temps ou une peine d’amende, les peines pouvant être prononcées contre lui
ne peuvent dépasser quatre ans (art. 29 CP). Nous avons constaté qu’il n’y a plus d’ erreurs
dans l’application de ces peines comme dans le passé, et que les juges ont été attentifs au
réquisitoire du Ministère Public qui méconnaissait pareilles dispositions pour faire condamner
les mineurs aux mêmes peines que les adultes. La plupart des mineurs reconnus coupables de
viol ont été punis des peines inférieures ou égales à 4 ans comme l’illustre le cas du jugement
suivant :
« Attendu qu’au moment de la commission de l’infraction, le prévenu était un enfant âgé de
17 ans » ;
« Attendu que dans ce cas, il bénéficie d’un traitement spécial réservé aux mineurs en conflit
avec la loi conformément à l’article 28 du code pénal livre I » ;
« Attendu que donc, le Tribunal le condamne à une peine de 2 ans de SPP » ;47
Pour le reste, les condamnations à la servitude pénale et aux amendes s’inscrivent dans les
limites tracées par les dispositions pénales réprimant les VBG. Cependant, les amendes sont
prononcées à compte- gouttes et même celles qui le sont ne rentrent pas dans le trésor public.
Il en est de même en ce qui concerne les dommages et intérêts car même ceux qui sont
rarement alloués aux victimes ne leur parviennent pas faute de recouvrement.
47 RP 21.331 du TGI Mairie, jugement rendu le 29/7/2013.Le Ministère Public avait retenu
l’article 557CP et avait requis une peine d’emprisonnement de 20 ans de SPP.
56
Section 3 : Contribution des acteurs sociaux à la répression des VBG.
Dans la répression des VBG, il est clair qu’il subsiste un grand nombre de défis et de
difficultés que les institutions judiciaires et policières ne peuvent pas maîtriser seules. C’est
ainsi que d’autres acteurs doivent apporter leur concours.
En outre, l’Etat n’est pas encore en mesure d’assurer seul l’assistance judiciaire pour garantir
un procès équitable en faveur de sa population nécessiteuse en général, et des catégories
vulnérables en particulier. Cette action est présentement exercée par les organisations de la
société civile et les organisations non gouvernementales avec l’appui des partenaires
techniques et financiers. De même, l’administration communale et locale qui encadre
quotidiennement la population joue un rôle d’accompagnement de cette dernière dans l’accès
à la justice pénale. Ces acteurs contribuent inéluctablement à l’accès à la justice des victimes
des VBG et connaissent certainement des difficultés dans leur mission. Il importe de
décortiquer leur contribution. L’analyse portera successivement sur le rôle du Médecin, celui
des Administratifs et de la société civile dans l’administration de la justice.
A. Rôle du Médecin dans l’administration de la justice
Conformément à l’article 27 du nouveau code de procédure pénale qui a repris les
dispositions de l’article 18 de l’ancien code de 1999, en cas d’enquête de flagrance, l’Officier
de Police Judiciaire peut requérir toute personne de lui prêter son ministère comme interprète,
traducteur, médecin ou expert, dans les conditions et sous les sanctions prévues aux articles
100 à 109. Avant de procéder aux actes de son ministère, l’expert est tenu de prêter, par écrit,
serment de les accomplir et de faire son rapport en honneur et conscience (article 105 du
nouveau code de procédure pénale et 98 de l’ancien code de procédure pénale).
En outre, l’inculpé et la partie civile peuvent demander au Magistrat instructeur de procéder à
une expertise à titre de devoir d’instruction complémentaire (art.104 du nouveau CPP). Le
refus d’obtempérer à la réquisition ou de prêter serment est puni de quatorze jours de
servitude pénale au maximum et d’une amende n’excédant pas cinquante mille francs ou de
l’une de ces peines seulement.
57
La servitude pénale subsidiaire à l’amende de même que la contrainte par corps pour le
recouvrement des frais ne peuvent excéder quatorze jours (art.109 CPP de 2013 alors que
l’ancien article 101 punissait ce refus par une servitude pénale d’un mois et d’une amende
n’excédant pas 10.000FBU ou l’une de ces peines seulement).
Une grande innovation en matière de répression des violences sexuelles réside dans le fait
qu’en l’absence d’un médecin prestant dans un rayon de dix kilomètres, les infirmiers peuvent
établir des rapports provisoires consignant les premières constatations qu’ils transmettent dans
les vingt-quatre heures au médecin qui effectuera l’expertise (art.104 du nouveau CPP).
A.1. Valeur juridique du Rapport Médical
Le rapport de l’expert n’a que valeur d’un avis qui ne lie pas le Magistrat instructeur ou le
juge. Lorsque l’expert a excédé sa mission, le Magistrat instructeur écarte son rapport, en tout
ou en partie (art.106 du CPP de 2013).Comme le rapport d’expertise ne lie pas le juge, le
tribunal ne peut le retenir ou l’écarter comme base de condamnation que par décision motivée
(art. 182 CPP de 2013).
En matière de violences sexuelles, tout médecin régulièrement autorisé à exercer au Burundi
peut établir l’expertise de ces violences. Dans les zones où il ne peut être trouvé de médecin,
les responsables des centres de santé peuvent provisoirement établir un rapport de
circonstance sur ces violences sous réserve de leur confirmation par un médecin dans les
quarante- huit heures à compter du jour de l’établissement dudit rapport.
C’est ainsi que le Centre SERUKA dispose de précieuses informations en ce qui concerne la
contribution des médecins à l’accès à la justice des victimes. Il est un acteur non étatique local
très engagé en matière de protection des victimes des violences basées sur le genre. Le Centre
SERUKA contribue pour cet égard à l’expertise médicale en délivrant gratuitement des
certificats médicaux aux victimes des violences sexuelles à l’aide de son staff médical. A titre
illustratif, de 2009 à 2012, le Centre a respectivement délivré 399 certificats en 2009, 447
certificats en 2010, 419 en 2011, 498 en 2012. Jusqu’en novembre 2013, le Centre SERUKA
avait déjà réalisé l’expertise médicale en faveur de 534 victimes .Le Centre dispose de deux
antennes, l’une dans la province de Cibitoke et l’autre dans la province de Muramvya. Il
accueille cependant toutes les victimes provenant des autres provinces du pays.
58
D’après le Médecin dudit Centre, la durée moyenne d’une réquisition à expert émanant d’une
autorité policière ou judiciaire est d’un jour. Le coût est variable selon les Médecins et les
hôpitaux et la victime paie entre 10.000FBU et 50.000FBU, sauf au Centre SERUKA où
l’expertise médicale est gratuite, selon le même médecin. Il a en outre précisé que certaines
victimes viennent directement en consultation au Centre sans passer par la police ou le
parquet. Elles vont ensuite porter plainte ou pas et on constate qu’elles ont porté plainte
lorsqu’elles amènent les réquisitions à expert. Le médecin a par ailleurs cité trois difficultés
liées à l’établissement d’un certificat médical :
Les victimes s’adressent en premier lieu à la police et vont tardivement voir le Médecin
qui ne trouve plus de trace (une semaine, voire un mois après) ;
Certains Médecins n’établissent pas l’expertise sous prétexte qu’ elle n’est pas payante ;
D’autres Médecins font payer aux victimes les frais d’expertise alors qu’elles n’en ont pas
les moyens.
Afin que l’expertise médicale soit accessible à toute victime d’une violence basée sur le
genre, effectuée et remise dans les délais, le Médecin suggère de :
Subventionner l’expertise médicale (le Ministère de la Justice paie le Médecin qui l’a
établie étant donné que les victimes sont pour la plupart démunies) ;
Appliquer la loi : un expert qui n’exécute pas la réquisition devrait être puni ;
Sensibiliser la population pour qu’elle se rende aux structures de soins de santé avant
d’aller porter plainte à la police.
A.2. Indemnités du Médecin Expert
En vertu de l’ancien article 100 du code de procédure pénale de 1999, la juridiction de
jugement ou le Ministère Public, pendant la durée de l’instruction, fixe les indemnités à
allouer aux médecins pour les actes de leur ministère. Cette disposition était inapplicable dans
la pratique. Ces indemnités sont de droit acquises au Trésor lorsque le ministère a été prêté
par des personnes qui touchent un traitement à sa charge. Toutefois, le Ministre ayant la
Justice dans ses attributions peut attribuer aux intéressés tout ou partie de ces indemnités.
Tout en reprenant les dispositions de ce deuxième alinéa, le nouveau code de procédure
pénale tranche la question de la fixation de ces indemnités en précisant qu’elle intervient par
59
voie réglementaire (art.108). Le paiement de ces indemnités se fait actuellement selon
l’Ordonnance Ministérielle de 1968 fixant les indemnités allouées aux expertises médicales.48
Certains Médecins du Gouvernement préfèrent se faire payer les frais d’expertise par la
victime avant la délivrance du rapport médical ou alors, ils refusent de faire suite à la
réquisition. Le Médecin du District Sanitaire de Bubanza a révélé que l’expertise médicale est
en principe gratuite mais que certains Médecins la font payer à la victime entre 10.000F et
20.000F.
Par ailleurs, les hôpitaux publics ont la tendance d’orienter systématiquement les victimes des
violences sexuelles et basées sur le genre nécessitant une consultation et une expertise
médicales d’où presque toutes les expertises médicales retrouvées dans les jugements
prononcés émanaient du Centre SERUKA. Ce Centre a initié un projet intitulé : « Contribuer
à l’établissement d’un environnement légal favorable qui promeut les droits de la personne
humaine à travers l’élimination des violences sexuelles afin de garantir une prise en charge
globale et intégrée des victimes ».
Sur base des entretiens avec les deux médecins (l’un du Centre SERUKA, l’autre du District
Sanitaire de Bubanza), certaines difficultés liées aux réquisitions médicales ont été évoquées.
A.3. Difficultés soulevées par le Médecin requis
A l’instar du Centre SERUKA, les difficultés rencontrées par les médecins dans
l’accomplissement des expertises sont suivantes :
Le formulaire des réquisitions à expert est souvent incomplet (ex. omission de
l’identification de la personne à examiner car il manque le nom et le prénom de la
victime) ;
Missions difficiles à accomplir: l’OPJ demande au médecin de déterminer s’il y a eu
viol ou pas, avec précisions du lieu, de la date et de l’heure;
Les consultations tardives des victimes ;
48 La taxation est toujours réglementée par l’Ordonnance ministérielle n°030/203 du 28
octobre 1968 fixant les normes de taxation pour les expertises médicales ordonnées par le
Ministère Public ou par la juridiction de jugement. Lorsqu’il s’agit d’une personne qui touche
un traitement, cette Ordonnance du Ministère des Finances conditionne les indemnités dues à
l’expert à la production d’une attestation de son chef direct établissant que les devoirs ont été
prestés en dehors des heures normales de service. B.O.B. N°12/68 page 459 à 461.
60
Les victimes amènent et retournent les réquisitions à expert, ce qui constitue un risque
de fuite (par exemple vol de l’expertise par la famille de l’agresseur) ;
Interprétation erronée par l’OPJ qui dit à tort à la victime que le rapport médical n’a
rien révélé qui puisse constituer une infraction (alors que s’il en était ainsi, l’OPJ devrait
continuer à approfondir ses enquêtes) diffusant de surcroît le secret médical.
Le Médecin est ainsi exposé au mépris des victimes qui croient qu’il aurait conclu
sciemment qu’il n’y pas eu de viol, que le Médecin est corrompu, etc. ;
Il est à penser que ces difficultés concernent également les autres OPJ et les autres Médecins
et sont valables aussi bien pour les hôpitaux publics que pour le’ Centre SERUKA.
A.4. Solutions préconisées
Les OPJ doivent remplir correctement et explicitement les formulaires d’expertises
médicales ;
Les OPJ doivent faire preuve de professionnalisme en menant des enquêtes approfondies,
en interprétant correctement les conclusions du médecin requis chez qui ils doivent
orienter les victimes dans la fraicheur des faits pour protéger aussi leur santé et
sauvegarder toutes les traces de preuve ;
Ils doivent éviter de divulguer le secret médical ;
Il faut que l’expertise médicale soit remise entre les institutions requérantes et celles
requises sans passer par les mains des victimes (ex. transport du courrier par le personnel
planton) ;
Les Institutions concernées devraient organiser des réunions d’échanges d’information
entre les acteurs impliqués dans les expertises médicales ;
Concernant les honoraires du médecin, la loi budgétaire prévoit annuellement une
rubrique intitulée « Frais Divers de Justice » sur laquelle peuvent être prélevés les frais
d’expertise des Médecins et autres experts. Le montant est de dix millions de francs
burundais. Il suffit que le Médecin établisse sa déclaration de créance munie de la
signature (sous-couvert du Parquet ou de la juridiction), l’achemine à la Direction
Générale au Ministère de la Justice pour accord de paiement et la procédure de paiement
se poursuit au Ministère des Finances. Il faut que les concernés (Procureurs, Médecins et
Cadres de la Justice et des Finances) se concertent pour arrêter les stratégies qui
61
avantageraient les Médecins Experts en accélérant et en allégeant le circuit de paiement de
leurs honoraires.
Le Ministère de la Justice a également créé une ligne budgétaire intitulée « Frais de
Fonctionnement des Structures Spécialisées pour la Lutte contre les Violences faites aux
Femmes ».
La lecture de la fiche de dépense au Ministère des Finances nous a permis de constater
qu’aucun Médecin n’a été payé pour son expertise sur le compte des « Frais Divers de
Justice », certainement qu’aucune déclaration de créance n’a été présentée ni au niveau de
l’administration centrale de la justice, ni au parquet du ressort du District sanitaire où
preste le Médecin requis, encore moins au Ministère des Finances.
B. Rôle des Administratifs communaux dans l’administration de la Justice
B.1. Etat des lieux.
Dans sa circonscription communale, « l’Administrateur communal représente l’Etat. A ce
titre, il est chargé de l’application des lois et règlements. Il exerce dans les limites
territoriales de son ressort, un pouvoir général de police. Il prend à cet effet toute mesure de
police qu’il juge utile au maintien de l’ordre et de la sécurité publics ».49
Le Chef de Zone est le représentant de l’Administrateur Communal dans le ressort de sa
circonscription, le Chef de Colline ou de Quartier est l’animateur de la paix sociale et du
développement dans sa circonscription.50
En leur qualité de responsable de la sécurité des
citoyens dans leurs circonscriptions, les autorités administratives doivent coopérer dans la
lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre. En cas de crime ou délit flagrant
constitutif d’une atteinte grave à la sécurité des biens ou des personnes ou à celle de l’État, et
en l’absence de tout agent ou Officier de Police Judiciaire ou de toute autorité judiciaire
compétente, toute personne peut saisir l’auteur présumé de l’infraction et le conduire
49 Art. 26 de la Loi n°1/02 du 25 Janvier 2010 portant Révision de la Loi n°1/016 du 20 avril
2005 portant Organisation de l’Administration Communale. 50
Art. 47 et 37 de la Loi n°1/02 du 25 Janvier 2010 portant Révision de la Loi n°1/016 du 20
avril 2005 portant Organisation de l’Administration Communale.
62
immédiatement devant l’autorité compétente la plus proche qui en avise aussitôt le Procureur
de la République (article 30 du nouveau code de procédure pénale et article 21 de l’ancien
code de procédure pénale). Cette possibilité est naturellement reconnue à l’autorité
communale ou zonale. En outre, les Administrateurs Communaux et les Chefs de Zone sont
revêtus de la qualité d’huissier. Leur compétence s’exerce dans les limites de leur
circonscription administrative.
Ils sont pénalement et administrativement responsables des fautes commises à l’occasion de
leurs fonctions d’huissier.51
En matière civile, l’Administrateur Communal ou le Chef de Zone peut jouer le rôle
d’huissier en notifiant aux intéressés les actes judiciaires.52
En matière pénale, une innovation
du Code de Procédure Pénale porte sur le choix accordé par le législateur à l’autorité du Chef
de Quartier ou de Colline dans la notification des actes de procédure pénale en disposant à son
article 140 que « Si la personne visée par l’exploit est absente de son domicile, la copie est
remise à un membre de sa famille, à un allié, à un serviteur ou Chef de Colline ou de
Quartier, ou à une personne résidant à ce domicile.
L’huissier indique dans l’exploit la qualité déclarée par la personne à laquelle est faite cette
remise ».
Au cours d’un entretien avec conseiller social de l’Administrateur de la Commune Kabezi sur
le traitement des dossiers se rapportant aux violences sexuelles et basées sur le genre, il a
déclaré que les cas de ces violences sont arrangés à l’amiable si ce n’est pas un viol, renvoyés
devant le conseil collinaire si ce n’est pas un crime. Si le viol est dénoncé, il est renvoyé au
parquet ou à la police.
51
Art.1, 2, et 3 de l’Ordonnance Ministérielle n°550/036/94 du 8 mars 1994 conférant la
qualité d’huissier aux Administrateurs Communaux et aux Chefs de Zones, Codes et Lois du
Burundi, Tome II, 2è édition, page 266. 52
Art.40 du Code de Procédure Civile.
63
A la question de savoir l’apport de l’administration communale (de l’Administrateur
Communal et du chef de colline) dans la prévention et la dénonciation des auteurs des
violences basées sur le genre la réponse a été la sensibilisation de la population pour prévenir
ces violences.
De surcroît, étant donné que la majorité de la population ne sait pas distinguer le crime du
seul conflit social (ce qui doit être renvoyé au parquet ou à la police et ce qui peut être traité à
l’amiable), l’administration oriente la population. Elle fait tout également pour que les
victimes de ces violences ne soient pas stigmatisées par la communauté et que les malfaiteurs
soient traduits en justice et punis conformément à la loi. Des fois, les victimes sont assistées
pour qu’elles aillent se faire soigner ou pour être protégées contre les maladies sexuellement
transmissibles en cas de viol.
B.2. Contraintes
Les Administrateurs Communaux et les Chefs de Zone ne sont pas formés pour pouvoir
assumer convenablement le rôle d’huissier. Non sensibilisés, ils ne sauront pas qu’ils sont
appelés à accomplir cette tâche. Ils ne sont pas non plus formés sur les notions de procédures
civiles et pénales si bien qu’il leur est difficile de distinguer le pénal du civil pour pouvoir
orienter correctement les victimes des violences sexuelles et basées sur le genre.
B.3. Solution proposée
Il faudrait former et sensibiliser ces responsables administratifs sur ces missions qu’ils
peuvent exercer dans l’intérêt de l’Administration de la Justice et gagner la confiance de la
population parfois victime et témoin oculaire des violences sexuelles et basées sur le genre.
Ils devraient en outre collaborer avec la justice et être disposés à faire parvenir le message des
juridictions aux justiciables sous leur administration.
64
C. Rôle des Associations de la Société civile dans l’accès à la justice en faveur des
victimes des violences basées sur le genre.
C.1. Cadre de travail.
En élaborant le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté(CSLPII), le Gouvernement du
Burundi s’est fixé comme objectif le renforcement de la demande de justice en fournissant à
la population les moyens d’exiger les services de justice sanctionnés par la Constitution et les
traités internationaux. Ce programme impliquera une meilleure orientation des justiciables à
travers la formation d’aides judiciaires, la mise en place des bureaux d’accueil dans chaque
juridiction du pays et une stratégie de communication spécifique pour promouvoir la
connaissance du droit et des droits par tous les justiciables et l’instauration d’une aide légale
afin de faciliter l’accès au droit pour les plus démunis.53
La Constitution de la République du Burundi du 18 Mars 2005 reconnaît l’égalité des droits et
la protection de la loi pour tous les citoyens, ce qui présuppose un accès égal de tous à
l’institution judiciaire pour faire valoir ses prétentions. L’article 13 dispose que « tous les
citoyens jouissent des mêmes droits et ont droit à la même protection de la loi ». L’article 22
quant à lui stipule que « tous les citoyens sont égaux devant la loi, qui leur assure une
protection égale », ce qui présuppose un accès égal de chacun à l’institution judiciaire pour la
reconnaissance de ses droits.
D’autre part, l’article 39 garantit le droit de la défense devant toutes les juridictions et
l’article 40 établit la présomption d’innocence pour toute personne accusée d’un acte
délictueux « jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès
public durant lequel les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées ». La
dignité humaine est prise en compte avec le droit à un procès équitable.
Dans ses priorités retenues pour la période 2011-2015, la Politique Sectorielle prévoit la mise
en place d’un système d’aide légale, sur la base d’un état des lieux des services d’aide
juridique et d’assistance judiciaire offerts à l’heure actuelle de façon fragmentée par des
organisations non gouvernementales, l’établissement d’un cadre réglementaire pour faciliter
l’accès des populations à un conseil juridique de première ligne, et garantir, dans le pénal, le
droit à la représentation judiciaire des personnes particulièrement vulnérables.
53 Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté CSLPII page 42 point 143.
65
L’article 123 du code de procédure pénale de 1999 prévoit que « chacune des parties peut se
faire assister d’un Avocat ou d’une personne agréée spécialement dans chaque cas par le
tribunal pour prendre la parole en son nom. Sauf si le prévenu s’y oppose, le juge peut
demander au Bâtonnier de lui désigner un avocat inscrit au Barreau ».
L’article 92 du Code de procédure pénale de 1999 reconnaissait le droit à la défense à
l’auteur présumé d’infraction, y compris l’assistance d’un conseil durant la phase pré
juridictionnelle. Il est complété par le nouvel article 95 du code de procédure pénale de 2013
d’après lequel il est garanti au présumé auteur notamment les droits suivants :
1° se choisir un Conseil;
2° communiquer librement avec lui et en toute confidentialité;
3° se faire aider dans la rédaction des correspondances et dans la production des pièces à
décharge;
4° se faire assister de son Conseil au cours des actes d’instruction;
5° garder le silence en l’absence de son Conseil ;prendre connaissance du dossier de la
procédure de même que son conseil.
Le code de procédure pénale de 2013 en son article 166 apporte une innovation en disposant
que l’assistance judiciaire est obligatoire, sous peine de nullité, pour les mineurs âgés de
moins de 18 ans, la personne qui encourt une peine d’au moins vingt ans de servitude pénale
principale, sauf si le prévenu y renonce. Les dispositions des deux derniers paragraphes ne
sont pas encore effectivement mises en application.
Mais il faut noter que la victime des violences sexuelles et basées sur le genre ne bénéficie pas
d’une assistance obligatoire (mais elle peut bénéficier d’une assistance d’une association
pouvant même se constituer partie civile moyennant son accord). Il en est de même pour ce
qui concerne l’auteur présumé d’une violence sexuelle et basée sur le genre punissable d’une
peine inférieure à vingt ans de servitude pénale principale car la loi n’en dispose pas ainsi.
Les articles 55 et 56 de la Loi n°1/014 du 29 novembre 2002, portant Réforme du Statut de la
profession d’avocat prévoient l’organisation, par le Conseil de l’Ordre, « des consultations
pour accueillir, informer et orienter les justiciables aux ressources insuffisantes », ainsi que la
désignation d’office des avocats pour assurer convenablement la défense des parties qui
manquent des moyens suffisants. « L’avocat commis ou désigné est tenu de prêter son
66
concours à la partie assisté, sauf motif légitime d’excuse ou d’empêchement admis par la
juridiction ou le Bâtonnier qui a procédé à cette désignation ou commission ».
Actuellement, le Ministère de la Justice en collaboration avec les Partenaires Techniques et
Financiers ainsi que les Organisations de la Société Civile pourvoyeuses d’aide se penchent
sur la mise en place d’un mécanisme légal dans le cadre du Groupe Thématique « Demande
de Justice ».
Un avant-projet de loi sur le cadre légal de l’aide juridique et de l’assistance judiciaire au
Burundi est disponible et date de 2009. Une stratégie de sa mise en place a déjà été adoptée au
mois d’avril 2012. Mais en attendant la concrétisation de l’assistance judiciaire par la création
d’un cadre légal, toutes les actions menées dans le domaine de l’aide légale sont
indépendantes des pouvoirs publics et sont presque exclusivement assurées par des
organisations de la société civile nationales et internationales, avec un financement externe. Il
n’existe donc présentement aucun mécanisme officiel gratuit de défense. Les organisations
nationales et internationales développent des programmes d’assistance au profit des catégories
diversifiées de personnes vulnérables, mais ne couvrent pas l’ensemble du pays. Les actions
ne sont pas encore coordonnées et sont limitées dans le temps sans la certitude de leur
pérennisation.
C.2. Contribution des acteurs de la société civile
Les organisations intervenant en matière des Violences Basées sur le Genre offrent les
services suivants :
Assistance ou prise en charge médicale et psychosociale ;
Aide juridique (écoute-conseils et orientation) et assistance judiciaire ;
Appui matériel ;
Réintégration socio-économique.
Dans le domaine juridique et judiciaire qui nous occupe, les Organisations pourvoyeuses
d’aide juridique visitées comme APRODH, la Ligue ITEKA, le Centre SERUKA,
l’Association des Juristes Catholiques du Burundi(AJCB), Avocats Sans Frontières(ASF),
l’Association pour la Défense des Droits de la Femme (ADDF) disposent d’antennes sur
terrain et ne se limitent pas aux seules victimes qui s’adressent à leurs sièges sociaux. Ces
Organisations mènent des campagnes de sensibilisation contre les violations des droits
67
humains en général et les violences sexuelles et basées sur le genre en particulier. Elles
accueillent les victimes, leur donnent des conseils, les orientent vers les instances judiciaires
et leur apportent souvent une assistance judiciaire concrétisée par l’assistance d’un avocat.
Il faut particulièrement souligner la contribution du centre SERUKA qui exécute un projet
d’assistance juridique et judiciaire dans les provinces judiciaires couvertes cette étude à
savoir : Bubanza, Bujumbura Rural et Bujumbura Mairie. Le centre fait un accompagnement
et un suivi juridiques, octroie une assistance judiciaire en payant les honoraires des Avocats.
Il s’occupe également des femmes abandonnées après avoir été victimes de violences
sexuelles ainsi que des enfants en recherche de paternité et de pension alimentaire et organise
des séances de sensibilisation sur la procédure judiciaire auprès de la communauté à travers
ses agents de terrain.
Les violences qui sont souvent rapportées par les victimes couvrent la gamme d’infractions
prévues par le code pénal, avec une forte prédominance des infractions de viol. Les
Organisations de la Société Civile impliquées dans la lutte contre les VBG ont apporté leur
appréciation sur l’instruction des dossiers de violences basées sur le genre. De manière
succincte, elles sont d’avis que :
l’instruction des dossiers prend trop de temps. Elles pensent que les policiers et les
magistrats ne sont pas sensibles aux violences et ne s’impliquent pas suffisamment pour
retrouver toutes les preuves disponibles ;
les victimes n’arrivent pas à démontrer les violences subies. Certaines infractions comme
le viol sont difficiles à décrire « à n’importe qui et n’importe où».Il y a absence de lieux
d’intimité pour ces victimes ;
Il y a une forte impunité au niveau des parquets et un découragement conséquent des
policiers (OPJ) ;
l’inexécution des jugements rendus constitue un frein à la réparation du tort commis à la
victime.
68
Les mêmes organisations ont proposé des voies de solutions pour améliorer le droit à l’accès à
la justice pour les victimes des VBG. Les solutions peuvent être regroupées en 3 catégories :
En vue de favoriser la rapidité dans la gestion des dossiers en rapport avec les VBG,
surtout ceux liés à la vie familiale, il faudrait mettre en place une juridiction spécialisée
comme pour celle des mineurs (les Chambres spéciales au sein des Tribunaux de Grande
Instance et des Cours d’Appel et les sections spécialisées auprès des Parquets et Parquets
Généraux viennent d’être créés par Ordonnance du Ministre de la Justice datant du mois
de novembre 2013) ;
Afin d’aider les victimes à bien discerner les violences dont elles sont l’objet et à dégager
rapidement les preuves requises, il faudrait assurer l’assistance sociale et judiciaire à
toutes les phases de la chaîne pénale ;
Enfin, il faudrait mettre en place une juridiction d’exécution rapide des jugements rendus
afin de mieux procéder aux réparations légales en faveur des victimes. L’idée avancée par
ces organisations et qui est acceptable est la nécessité de mettre en place le mécanisme
judiciaire du juge de l’application des peines et des condamnations civiles qui ne
s’occuperait que de l’exécution de ces dernières.
Section 4 : Contribution des Centres de Développement Familial et Communautaire
(CDFC).
Les CDFC ont été créés par le Décret n°100/325 du 17 Décembre 2012 Portant Création,
Structure, Misions et Fonctionnement des Centres de Développement Familial et
Communautaire (CDFC) et relèvent du Ministère de la Solidarité Nationale, des Droits de la
Personne Humaine et du Genre. Ces centres sont dotés des missions suivantes :
Identifier et traiter les cas de violation des droits de la personne humaine, y compris les
Violences Basées sur le Genre de la colline à la province ; (art 5, al.5) ;
Ecouter et orienter vers les instances habilitées, les plaintes des victimes de ces violations
des droits de la personne humaine, y compris les Violences Basées sur le Genre ; (art.5,
al.6) ;
Coordonner au niveau provincial les interventions en matière de lutte contre les Violences
Basées sur le Genre et de prise en charge des victimes des Violences Basées sur le Genre
(VBG) ; (art.6, al.5) ;
69
Assurer une base de données genre au niveau de chaque province ; (art.6, al.6) ;
Contribuer à la collecte des données sur les Violences Basées sur le Genre ; (art.6, al.10).
En réalité, les CDFC exécutent la politique sectorielle du Ministère dont ils relèvent, en
particulier la stratégie nationale de lutte contre les VBG. Des bureaux des CDFC sont créés et
s’étendent aussi bien au niveau provincial qu’au niveau communal. Les principales actions
des CDFC pour faciliter aux victimes des VGB l’accès à la justice sont les suivantes:
l’orientation des victimes vers les instances de justice ;
la recherche des avocats dans les organisations ayant un budget réservé à cette fin ;
l'accompagnement et les conseils juridiques ainsi que le suivi des dossiers des
victimes des VBG pour demander la célérité au niveau du Parquet de la République et
du Tribunal ;
l’organisation des réunions de Coordination des intervenants en matière des VBG y
compris ceux du parquet et des tribunaux (points focaux) ;
l’appui à la traduction en justice des cas de VBG qui étaient traités à l’amiable entre
les familles ainsi que la sensibilisation communautaire pour inciter les victimes à
porter plainte en justice.
Néanmoins, il est à déplorer que les CDFC ne peuvent payer ni les médecins pour l’expertise
médicale, ni les avocats des victimes.
70
CHAPITRE III : DEFIS, CONTRAINTES ET VOIES DE SOLUTIONS
POUR UNE MEILLEURE REPRESSION DES VGB
Les résultats de l’enquête menée en vue d’évaluer le niveau d’application du nouveau code
pénal relativement à la répression des VBG témoignent de l’existence d’un grand nombre de
défis et de contraintes qui se dressent sur le chemin d’une meilleure répression de ces
violences. Tant au niveau de la chaîne pénale qui renferme toute une multitude de défis et de
contraintes, les unes tournant autour de l’organisation de l’appareil répressif et les autres
relevant des problèmes de moyens, qu’au niveau de l’exécution des jugements rendus, le
travail de répression des VBG renferme des problèmes qu’il va falloir résoudre pour atteindre
un niveau satisfaisant de protection des victimes des VBG. Ce rapport se propose de retracer
les principaux défis et contraintes relevés à la faveur de l’enquête, en tentant de proposer des
voies de solution telles qu’elles ressortent des données de l’enquête , vérifiées et validées par
l’équipe des consultants.
Section 1 : Défis majeurs à la chaîne pénale, contraintes y attachées et voies de solutions
proposées.
L’exploitation des données de l’enquête a révélé que les principaux défis relevés au niveau de
la chaine de répression des VBG sont les suivants :
Traiter efficacement tous les dossiers relatifs aux violences basées sur le genre dans
les délais légaux et réglementaires ;
Disposer des données statistiques fiables sur ces violences ;
Rendre opérationnel le fonctionnement de la chaîne pénale ;
Rassembler les éléments de la preuve ;
Appliquer les peines complémentaires prévues par le code pénal ;
Réserver un traitement particulier aux mineurs en conflit avec la loi ;
Préparer les auteurs des violences sexuelles à la réinsertion sociale et à leur
resocialisation.
Parcourons chaque défi en dressant d’abord l’état des lieux, ensuite en relevant les contraintes
y attachées et enfin en proposant des voies de solution pour relever le défi.
71
A. Traitement de tous les dossiers se rapportant aux violences sexuelles et basées sur le
genre dans les délais légaux et réglementaires
A.1. Etat des lieux
Ce défi est posé principalement à la police. Il a été constaté qu’à la phase de l’enquête
policière, que tous les procès-verbaux confectionnés par les officiers de la police judiciaire ne
sont pas systématiquement traités et transmis au Ministère Public. En effet, à la question de
savoir comment se terminent les enquêtes de police, trois officiers de police judiciaire ont
répondu qu’elles se clôturent par la transmission des dossiers au parquet. Cependant, il a été
plutôt remarqué que bon nombre de dossiers traités par ce corps ne parviennent pas au parquet
mais sont clôturés et classés par la Police.
A titre d’exemple, à Bujumbura, la Police des Mineurs et la protection des Mœurs (PM&PM)
a clôturé, au mois d’août 2011, 03 dossiers de violences domestiques, 04 dossiers
d’enlèvement des mineurs, 02 dossiers de viol, 06 dossiers de lésions corporelles volontaires,
22 dossiers de délaissement des enfants, 01 dossier d’abandon de famille, 02 dossiers de
détournement des mineurs, 02 dossiers d’incitation à la débauche, 01 dossier d’inceste,
01dossier d’expulsion du toit conjugal. Force est de constater que seuls 02 dossiers de viol ont
été transmis au parquet. Au mois de juillet 2011, la même unité de police avait transmis au
parquet, 03 dossiers seulement de viol et de violences domestiques, alors qu’elle venait de
clôturer les enquêtes sur 01 dossier de viol, 02 dossiers de violences domestiques, 04 dossiers
d’enlèvement des mineurs, 20 dossiers de délaissement des enfants, 02 dossiers d’abandon de
famille, 08 dossiers de détournement des mineurs, et 04 dossiers de lésions corporelles
volontaires. En revanche, le Commissariat de Bubanza avait, au cours du même mois d’août,
transmis au parquet de Bubanza, tous les 19 dossiers clôturés dont 12 portaient sur le viol, 01
sur les violences domestiques, 02 sur la tentative de viol, 01 sur les lésions corporelles
volontaires,01 sur l’adultère,01 sur le concubinage et 01 dossier d’inceste.54
De même, le seul
dossier enregistré et clôturé par le commissariat de Bujumbura (Rural) a été transmis au
parquet de la République dans Bujumbura (Rural).
54 Statistiques disponibles à la PM&PM
72
A.2. Contraintes.
Pour relever le défi, il va falloir d’abord résoudre un certain nombre de contraintes décrites
par la police:
la méconnaissance de la procédure pénale en ce qui concerne la transmission immédiate et
systématique des procès-verbaux d’enquête au Ministère Public notamment pour les
enquêtes non concluantes et celles qui ont fait l’objet d’une proposition d’amende
transactionnelle ;
l’absence de célérité dans le traitement des dossiers VBG ;
les mesures d’accueil d’une victime de violences basées sur le genre qui ne sont pas de
nature à garantir la confidentialité à cause de l’occupation des bureaux par plusieurs OPJ
à l’exception de la Police des Mineurs et la Protection des Mœurs. La solution à
préconiser serait celle de doter la police d’infrastructures et du mobilier adéquats pour
mener les enquêtes en toute confidentialité ;
le manque de moyens matériels (bureaucratiques) et de déplacement pour le constat des
infractions dans la fraicheur des faits et le transfert des retenus jusqu’au Parquet ;
l’insuffisance des OPJ formés en matière des VBG (cas de Bujumbura Rural) et les
mutations fréquentes des OPJ points focaux qui ne sont pas remplacés ;
le manque de textes de loi (code pénal, code de procédure pénale) ;
les infractions relatives aux violences basées sur le genre qui ne sont pas toutes portées à
la connaissance des OPJ et ne font l’objet d’aucune procédure pour les motifs ci-après :
Les femmes victimes des violences qui n’osent pas dénoncer leurs maris ;
La peur de la victime des représailles ou d’être répudiée ;
Immixtion de l’administration dans le travail de la police ;
Les arrangements à l’amiable ;
L’impunité qui ne favorise pas la dénonciation du crime ou du délit ;
La corruption des autorités à la base ;
L’ignorance par la population de la procédure pénale et de l’existence d’une police
chargée de la protection du genre, des mineurs et des mœurs ;
Les témoins qui ne comparaissent pas ou qui ont peur de témoigner.
73
A.3. Solutions préconisées.
La solution se trouve dans le dispositif légal en l’occurrence le code de procédure pénale.
La procédure pénale exige la transmission directe des procès –verbaux au parquet. En
principe, tous les dossiers clôturés doivent impérativement être transmis au parquet pour
disposition et compétence. En vertu de l’article 5 du code de procédure pénale de 1999, « les
procès-verbaux sont transmis directement au Procureur de la République du lieu, qui, s’il
échet, les transmet au Ministère Public près la juridiction territorialement ou matériellement
compétente, pour juger les faits de la poursuite ». Cette disposition a été reprise par l’article
12 du nouveau code de procédure pénale de 2013.
En effet, mis à part l’unité spécialisée, sur base des données statistiques (nombre de dossiers
transmis au parquet) on remarque une évolution positive dans la transmission obligatoire des
dossiers répressifs au parquet par les services de la police qui doivent prester sous le contrôle
du Ministère Public. Il faudrait alors sensibiliser les Officiers de Police Judiciaire qualifiés
pour le traitement de ce genre de dossiers en vue d’appliquer scrupuleusement les dispositions
du code de procédure pénale, leur outil précieux de travail. L’inobservation de cette
disposition constitue indubitablement une violation de la loi. Ainsi, le traitement des dossiers
des VBG doit être exclusivement réservé aux OPJ formés et sensibilisés sur ces violences.
S’agissant des difficultés relevées en rapport avec le non respect de la confidentialité et le
manque de moyens bureautiques et de déplacement à la police, les solutions préconisées sont
notamment les suivantes :
doter les Sous-Commissariats de la Police Judiciaire des moyens de locomotion pour
le transport des personnes gardées à vue et les descentes sur terrain pour les enquêtes ;
fournir le matériel de bureau en quantité suffisante à la police judiciaire ;
garantir une stabilité des points focaux par la hiérarchie gestionnaire de la police et
procéder au remplacement de ces points focaux mutés ou promus puis
former tous les OPJ qualifiés en la matière de manière à pouvoir facilement remplacer
les OPJ qui quittent l’unité d’enquêtes ;
disponibiliser et vulgariser les instruments juridiques d’usage à la police.
74
Des mesures d’accompagnement pour rendre efficientes les solutions ci-dessus sont proposées
entre autres mesures:
Sensibiliser l’administration communale et locale ainsi que la communauté sur la
procédure à suivre en cas des violences basées sur le genre, les méfaits et les
conséquences des VBG, la nécessité de lutter contre l’impunité des crimes et délits portant
atteinte à la sécurité des personnes par les violences basées sur le genre ;
Obtenir la collaboration de l’administration communale et locale dans la transmission des
mandats de justice ;
Lutter contre la corruption et le trafic d’influence dans cette matière et punir les auteurs
des arrangements à l’amiable ;
Eduquer la population témoin des agressions sur le devoir civique et l’obligation d’assister
les personnes en danger et les informer que le manquement à la solidarité publique est un
acte répréhensif puni par le code pénal (art. 481 et 482 du code pénal). En effet, au niveau
de la police, en cas de crime ou de délit flagrant, l’Officier de Police Judiciaire peut
astreindre les personnes susceptibles de donner des renseignements en qualité de témoin à
déposer sous serment.55
En outre, même en dehors de la flagrance, toute personne (y compris le témoin) est tenue de
déférer à la convocation lui adressée par un Officier de police judiciaire pour les besoins
d’une enquête préliminaire.56
Le code pénal réprime également toute menace ou tout autre acte d’intimidation commis en
vue de déterminer la victime d’un crime ou d’un délit à ne pas porter plainte ou se rétracter.
L’auteur est puni d’une servitude pénale de trois ans et d’une amende de 10.000 F à
50.000F.57
Le même code punit de six mois à deux ans de servitude pénale principale, et
d’une amende de 10.000F à 50.000F, quiconque menace ou intimide des témoins en raison de
leurs dépositions en justice.58
55 Art.26 CPP de 2013 et 17 du CPP de 1999. 56 Art.7 CPP de 1999 et 14 CPP de 2013 57 Art. 388 CP. 58 Art.402 CP.
75
B. Disposer des données statistiques fiables
B.1. Etat des lieux
Ce 2ème
défi de la police relatif aux données statistiques fiables est partagé avec le service des
statistiques du Ministère de la Justice et les autres services impliqués dans la prévention et la
protection des victimes des VBG. La consultation des données statistiques se trouvant au
service des statistiques de la Police des Mineurs et la Protection des Mœurs (PM&PM)
renseigne sur l’état des lieux repris dans le tableau synthétique suivant :
Pour l’année 2010 : de janvier à décembre 2010
Commissariat Infractions Nombre de dossiers traités
Bujumbura Rural Coups et blessures volontaires 23
Viol 09
Violences domestiques 10
Adultère 03
Abandon de famille 02
Police des Mineurs et des
Mœurs
CBV entre conjoints 08
Enlèvement des mineurs 40
Incitation à la débauche 06
Violences domestiques 43
Détournement des mineurs 07
Bujumbura Mairie Viol 56
CBV 11
Adultère 01
abandon de famille 03
attentat à la pudeur 01
Bubanza Viol 30
Violences domestiques 17
Lésions corporelles
volontaires
19
Adultère 02
CBV 04
76
Comme on peut le remarquer, il n’y a pas de données statistiques détaillées mois par mois.
Cela témoigne du défi relatif au manque de données fiables et complètes.
Pour 2011 : De janvier à juin 2011
Commissariat Infractions Nombre
de cas
traités
Nombre de
dossiers en
cours
Nombre de
dossiers
clôturés
Nombre de
dossiers
transmis au
parquet
Bujumbura
Rural
Pas de données
disponibles
Idem idem idem Idem
Police des
Mineurs et des
Mœurs
Violences
domestiques
27 25 21 02
Enlèvement des
mineurs
28 24 22 17
Incitation à la
débauche
09 - 02 07
Viol 30 09 14 23
Délaissement des
enfants
84 02 04 86
Homosexualité 03 01 02 -
Concubinage 04 01 01 03
Soustractions aux
obligations
familiales
08 01 01 06
Bujumbura
Mairie
Viol 39 05 12 16
CBVG 08 - 03 01
Enlèvement d’un
mineur
01 - 01 01
abandon de
famille
01 01 - -
Détournement des 02 - 02 O2
77
mineurs
Tentative de viol 02 - 01 01
Bubanza Viol 40 04 36 36
Violences
domestiques
21 03 18 18
Lésions
corporelles
volontaires
11 03 08 08
Tentative de viol 03 03 05 05
CBVG 07 05 02 02
Enlèvement des
mineurs
02 02 - -
Avortement 01 01 - -
Harcèlement 01 - 01 01
Attentat à la
pudeur
01 - - 01
Il ressort de ces données qu’un disfonctionnement s’observe au niveau de la concordance
entre le nombre de dossiers transmis et celui des dossiers clôturés. Pour le commissariat de
Bujumbura Mairie, les statistiques laissent croire que 12 dossiers de viol ont été clôturés. La
seule justification plausible serait le retard dans la transmission des dossiers de viol traités
l’année précédente, c'est-à-dire au mois de décembre 2010. Cette hypothèse n’est pas à retenir
étant entendu que comme indiqué plus haut, à la fin de l’année 2010, tous les 56 dossiers de
viol ont été traités (même si on ne donne pas de précision sur leur transmission). S’agissant de
l’infraction d’abandon de la famille, pendant la période sous analyse, il y avait 2 dossiers
enregistrés par ce commissariat. Aucun d’eux n’a été clôturé ni transmis au parquet. En toute
logique, cette infraction devrait se retrouver dans les arriérés du mois de juin quitte à figurer
sur le nombre de dossiers en attente d’être traités pendant le mois de juillet. Mais tel qu’on le
démontrera dans le tableau du mois de juillet, cette infraction n’est pas reprise dans les
statistiques du mois de juillet.
78
Il en est ainsi en ce qui concerne les 02 dossiers d’avortement et les 04 dossiers d’enlèvement
des mineurs restés en suspens à la fin du mois de juin au commissariat de Bubanza. Ils
devraient normalement continuer à être traités pendant le mois de juillet pour être clôturés au
moins à cette période. Cela n’est pas malheureusement le cas, en témoigne le tableau
récapitulatif du mois de juillet ci bas reproduit.
Mois de juillet 2011
Commissariat Infractions Nombre
de cas
traités
Nombre
de dossiers
en cours
Nombre
de
dossiers
clôturés
Nombre de
dossiers
transmis au
parquet
Bujumbura
Rural
Pas de données
disponibles
Idem idem idem Idem
Police des
Mineurs et des
Mœurs
(PM&PM)
Violences
domestiques
06 05 02 O2
Enlèvement des
mineurs
05 - 04 -
Viol 01 - 01 01
Délaissement des
enfants
22 05 20 -
Abandon de famille 0 3 01 02 -
Détournement des
mineurs
04 01 08 -
Soustraction aux
obligations légales
01 01 - -
Lésions corporelles
volontaires(LCV)
07 03 04 -
Bujumbura
Mairie
Viol 02 - 02 02
CBV 06 - 04 02
Enlèvement des
mineurs
01 - 01 -
Tentative de viol 02 02 02 02
79
Attentat à la pudeur 01 - 01 -
Tentative de viol 02 - 01 01
Bubanza Viol 10 02 08 08
Violences
domestiques
03 - 03 03
Lésions corporelles
volontaires
- 05 05 05
Tentative de viol 01 - 01 01
Incitation à la
débauche
01 - 01 01
Concubinage 01 01 01 01
Adultère 01 - 01 01
Août 2011
Commissariat Infractions Nombre
de cas
traités
Nombre de
dossiers en
cours
Nombre de
dossiers
clôturés
Nombre de
dossiers
transmis au
parquet
Bujumbura Rural Viol 01 01 01 01
Police des
Mineurs et des
Mœurs
Violences
domestiques
04 02 03 -
Enlèvement des
mineurs
04 02 04 -
Incitation à la
débauche
02 - 02 -
Viol 07 05 02 02
Délaissement
des enfants
30 18 22 -
Détournement
des mineurs
02 04 02 ----
80
Inceste 01 - 01 -
Abandon de
famille
0 3 04 01 -
Expulsion du
toit conjugal
01 - 01 -
LCV 09 09 06 -
Bujumbura
Mairie
viol 03 01 02 02
Violences
domestiques
02 02 - 02
CBV 01 - 01 01
Bubanza viol 12 - 12 12
Violences
domestiques
01 - 01 01
Lésions
corporelles
volontaires
01 - 01 -
Tentative de
Viol
02 01 02 02
Adultère 01 - 01 01
Concubinage 01 - 01 01
Inceste 01 - 01 01
81
Septembre 2011.
Commissariat Infractions Nombre
de cas
traités
Nombre de
dossiers en
cours
Nombre de
dossiers
clôturés
Nombre de
dossiers
transmis au
parquet
Bujumbura Rural Viol 01 - 01 01
Police des
Mineurs et des
Mœurs (PM&PM)
Violences
domestiques
05 01 04 02
Enlèvement des
mineurs
06 06 03 01
LCV 14 10 10 10
Incitation à la
débauche
01 01 01 -
Viol 06 11 05 05
Délaissement
des enfants
25 11 27 -
Abandon de
famille
0 3 02 04 -
Adultère 01 01 01 -
Bujumbura Mairie viol 05 01 05 05
Bubanza viol 08 01 07 07
Violences
domestiques
02 - 02 02
Lésions
corporelles
volontaires
03 01 02 02
Tentative de
viol
01 - 01 01
82
Pour l’année 2012, l’unité spécialisée de la Police des Mineurs et des Mœurs a clôturé
l’enquête sur 319 dossiers relatifs aux violences sexuelles et basées sur le genre. Il n’en a
transmis au parquet que 103. Et pourtant, un Officier de Police travaillant au sein de ce corps
a répondu à notre questionnaire en affirmant que les enquêtes de police se terminent par la
transmission au parquet. Le commissariat provincial de Bujumbura Mairie a transmis au
parquet tous les 20 dossiers clôturés. De même, les commissariats de Bubanza et Bujumbura
Rural ont respectivement transmis à leurs parquets tous les 47 et 87 dossiers clôturés.
Peut-on imaginer que tous ces dossiers clôturés à l’insu du Ministère Public ne contiennent
rien en termes d’éléments infractionnels ? Même le parquet de la République ne peut pas
classer sans suite un dossier pénal sans l’accord de la hiérarchie (Parquet Général près la Cour
d’Appel) ; raison pour laquelle la police ne peut pas ignorer cette obligation de communiquer
l’aboutissement de ses investigations.
Pour l’année 2013, les données statistiques ne sont pas encore produites. Celles de 2009
n’ont pas non plus été fournies, si bien qu’on ne dispose pas clairement des données fiables de
nature à renseigner correctement sur le nombre exact de dossiers traités se rapportant aux
violences basées sur le genre pendant les quatre ans dont évaluation. Mais le constat qu’il
n’existe pas de données complètes et fiables fait partie de ce travail d’audit.
B.2. Contraintes.
Le service des statistiques instauré au sein de l’unité spécialisée est encore jeune et tous les
commissariats de police n’alimentent pas suffisamment et régulièrement la base des données
dudit service. La même difficulté s’observe au niveau du Ministère de la Justice au service
des statistiques qui a déjà mis en place des fiches de collecte des données pour en constituer
une banque opérationnelle des activités juridictionnelles. Lesdites fiches ont été homologuées
par le Ministère de la justice et ont été diffusées auprès de toutes les juridictions et à tous les
acteurs judiciaires (parquets et prisons). Elles permettront de faire un suivi des activités des
services judiciaires et de faire une comparaison des données statistiques. Cependant, la
consultation de ces fiches de collecte mensuelle au niveau des prisons ne permet pas une
lecture aisée des données statistiques sur les violences basées sur le genre. En effet, l’effectif
sur le nombre de personnes mises en détention préventive ou condamnées pendant le mois sur
lequel la collecte de données a été faite ne concerne que quelques infractions, à savoir : le
83
meurtre/assassinat, le vol à mains armées, le vol simple, le vol qualifié, le viol, le viol sur
mineur, la corruption et les autres infractions. Les autres infractions relatives aux violences
basées sur le genre pourront probablement se retrouver dans cette rubrique dite « autres
infractions ». On ne le confirmera qu’après avoir fouillé dans les dossiers physiques mais les
statistiques n’auront renseigné que sur les infractions bien qualifiées à travers les statistiques
judiciaires.
Au niveau du parquet, la fiche de collecte mensuelle des statistiques judiciaires auprès des
Parquets et Parquets Généraux ne renseigne pas sur la nature des infractions ni pour les
violences sexuelles ni pour les autres infractions.
Par contre, la fiche de collecte mensuelle des statistiques judiciaires auprès des Tribunaux de
Grande Instance donne des informations sur les infractions faisant objet de décisions pénales
rendues dans le mois. Elles visent les meurtres et assassinats, le vol à mains armées, le vol
simple, le vol qualifié, le viol, le viol sur enfant mineur, le viol sur adulte, les autres violences
faites aux enfants et aux femmes et les autres infractions pénales.
B.3. Solutions préconisées
Il faudrait sensibiliser les fournisseurs des données statistiques sur les violences basées sur le
genre (Sous-commissariats provinciaux de la Police Judiciaire) afin de les collecter et les
transmettre à temps au service qui les exploite. Le renforcement de ce service tant
techniquement que matériellement est indispensable pour avoir les résultats attendus de ce
service. En outre, Il est nécessaire d’harmoniser les données qu’il faut transmettre afin de
permettre de faire la comparaison recherchée et le suivi aisé des dossiers.
84
C. Rendre opérationnel le fonctionnement de la chaîne pénale
C.1. Etat des lieux.
Dans sa politique sectorielle 2011-2015, le Ministère de la Justice est parti du constat selon
lequel la justice pénale souffre sérieusement des dysfonctionnements qui se manifestent
notamment par :
dans la longueur des procédures : les différentes étapes de la gestion d’un dossier pénal
sont très longues (17 à 24 mois) ;
le manque de direction hiérarchique : la remontée de l’information est partielle et peu
exploitée, la direction et le contrôle hiérarchique restent souvent théoriques et l’exercice
du pouvoir de sanction reste inusité ;
le manque de coordination et de vision systémique : la direction professionnelle des OMP
sur les OPJ n’est pas exercée, la pratique de collaboration se limite souvent aux
responsables de services ou de juridictions; la plupart d’acteurs n’interviennent pas en
dehors de la période au cours de laquelle ils ont le dossier sous leur responsabilité au
moment où la loi prescrit à tous les organes d’intervenir tout au long de la procédure.
Pour rendre cette justice pénale plus efficace et plus humaine malgré les contraintes
financières pesant sur le système pénitentiaire, un des objectifs prioritaires a été fixé, à
savoir : le renforcement de la chaîne pénale à travers une amélioration de la coordination entre
la police judiciaire, les parquets, les juges et les prisons et en vue de réduire les recours
systématiques aux peines d’emprisonnement maximales et les irrégularités de procédure.59
Dans son étude sur le fonctionnement de la chaîne pénale, Monsieur Julien MORICEAU
situe les dysfonctionnements de la chaîne pénale à 6 phases :
« l’enquête policière » au cours de laquelle la police recherche l’infraction et les preuves
(phase 1) ;
« l’instruction » au cours de laquelle le magistrat instructeur instruit à charge et à
décharge et qui prend fin avec la rédaction de l’acte d’ouverture et de notification de fin
d’instruction (AONFI) (phase 2) ;
59 Politique Sectorielle du Ministère de la Justice 2011-2015, page 37et 38
85
« l’après instruction » au cours de laquelle le dossier est contrôlé par le Procureur de la
République et dactylographié avant d’être classé sans suite ou transmis au TGI (phase 3) ;
« l’attente de la première audience » entre la transmission du dossier au TGI et la date de
la première audience (phase 4) ;
« les audiences », phase qui se situe entre la première audience et la prise en délibéré
(phase 5) ;
« l’attente du jugement définitif » entre la date de prise en délibéré et la date du jugement
définitif.
Ces différentes phases peuvent être regroupées en deux catégories :
Les phases « de fond » au cours desquelles un travail substantiel est fait pour la
manifestation de la vérité, qui est l’objectif de la procédure pénale (phase 1,2 et 5 :
enquête policière, instruction et audiences) ;
Les phases « administratives au cours desquelles le dossier fait objet d’un travail
procédural de secrétariat, de contrôle ou de fixation d’audience. A cette phase, la
recherche de la manifestation de la vérité est secondaire (phase 3,4 et 6).60
Nous avons constaté ces deux types de dysfonctionnements dans les parquets et les
juridictions visités. Les Magistrats des trois parquets visités nous ont déclaré que la durée de
l’instruction pré juridictionnelle d’un dossier dit « VBG » est de deux semaines à quatre mois
quand le prévenu est libre et d’un mois lorsque le prévenu est détenu. Et d’affirmer dans la
foulée que les délais de procédure pénale sont en général respectés. Ceci doit être nuancé si on
consulte les dossiers concernés.
C.2. Contraintes
Les contraintes majeures évoquées sont entre autres :
L’absence de collaboration entre les différents acteurs intervenant dans les dossiers
des VBG comme cela est ressorti d’un entretien avec un magistrat du parquet de
Bujumbura Mairie ;
60
RCN Justice&Démocratie, Etude sur le Fonctionnement de la Chaîne Pénale au Burundi,
Recherche effectuée sous la responsabilité de Julien MORICEAU, Bujumbura, Février 2011
page 25.
86
le rendement insuffisant comme l’attestent les évaluations des autorités judiciaires ;
le fait que les prévenus ne soient pas assignés à la toute première audience d’après le
Président du TGI Bubanza.
C.3. Solution préconisée
Le Ministère Public doit encadrer les Officiers de Police Judiciaire qui traitent les
dossiers dits VBG ;
Pour améliorer la coordination verticale entre les différents acteurs de la chaîne
pénale chargés de réprimer les violences basées sur le genre, il faut instaurer des
réunions trimestrielles de concertation entre la police judiciaire, les parquets et les
tribunaux pour échanger sur la répression des violences basées sur le genre ;
Un rapport annuel sur l’état de fonctionnement de la Chaine Pénale devrait être établi
et soumis aux Tribunaux et parquets ainsi qu’à la police Judiciaire pour en débattre ;
Le parquet et la police judiciaire étant les premiers maillons de la chaîne pénale, les
deux institutions doivent collaborer étroitement afin d’améliorer le fonctionnement de
la chaîne pénale ;
La police judiciaire a l’obligation d’informer le parquet de toute infraction dont elle a
connaissance (art. 11, 39 CPP de 1999) ;
Le devoir de surveillance ou de supervision du Ministère public sur les Officiers de
Police Judiciaire doit être renforcé ;
Le fonctionnement vertical de la chaîne pénale doit être amélioré tant au niveau du
parquet qu’au niveau du Tribunal ;
Le parquet doit inspecter au besoin les cachots de la police et veiller à la clôture des
Procès-verbaux dans les délais ;
Le Procureur de la République doit encadrer efficacement les magistrats auxquels les
dossiers VBG sont confiés ainsi que le secrétariat pour la rédaction et la transmission
des AONFI ;
87
Le Procureur de la République doit collaborer avec le chef de la juridiction ;
Il est du devoir des chefs de juridiction d’assurer et de renforcer la supervision et
l’encadrement hiérarchique des magistrats sous sa responsabilité ;
Les deux responsables (Procureur et Président du TGI) sont capables d’amener les
magistrats sous leurs ordres à respecter les délais de la procédure pénale et partant
clôturer à temps l’instruction des dossiers des VBG ;
Jusqu’au mois de juin 2013, le rendement minimal par Magistrat du Tribunal était de 6
dossiers clôturés et de 15 dossiers par magistrat du parquet. Ce rendement une fois
respecté par tous les magistrats points focaux pouvait largement suffire pour vider le
stock des dossiers VBG qui ne sont pas tellement nombreux par rapport aux autres
infractions. Evidemment, ces Magistrats auraient dû prioritairement traiter ces
dossiers, ce qui dans la pratique n’a pas été respecté, les dossiers ayant été affectés à
tous les magistrats y compris ceux qui n’ont pas encore reçu une formation et une
sensibilisation requises en la matière ;
A partir du 12 juin 2013, l’Ordonnance Ministérielle n°550/132/98 du 3 mars 1998
portant Règlement d’Ordre Intérieur des Parquets et des Secrétariats des Parquets qui
fixait le rendement de chaque magistrat du parquet à 15 dossiers clôturés a été
modifiée par l’Instruction du Procureur Général de la République N°01 du 12/06/013
portant Règlement d’Ordre Intérieur des Parquets Généraux près les Cours d’Appel et
des Parquets de la République. En vertu de l’article 56 de cette Instruction, « Chaque
Magistrat doit clôturer 20 dossiers au moins à l’exception du Magistrat près la Cour
d’Appel qui doit clôturer 15 dossiers au moins » ;
De son côté, l’Ordonnance Ministérielle n°550/101/90 du 10 mars 1990 portant
Règlement d’Ordre Intérieur des juridictions qui fixait le seuil minimal de rendement à
6 dossiers clôturés mensuellement par chaque magistrat du siège, elle a été revue par
l’Ordonnance du Président de la Cour Suprême n°02 du 12/06/013 portant Règlement
d’Ordre Intérieur des Juridictions du Burundi. Les dispositions y relatives s’intéressent
aux juridictions non régies par un autre texte particulier comme la Cour Suprême. Par
application de l’article 61 de ladite Ordonnance, « Chaque Magistrat doit rédiger au
88
moins 10 dossiers par mois à l’exception des magistrats des Tribunaux de Résidence
et des juridictions spécialisées ainsi que les Cours d’Appel dont le rendement doit
atteindre au moins 6 dossiers ».
Comme on peut s’en rendre compte, ces innovations initiées par les premiers responsables du
Ministère Public et des Juridictions constituent une avancée significative dans l’amélioration
quantitative des rendements et nul doute que ce progrès sera profitable aux structures
judiciaires chargées de la répression des VBG :
Le greffier doit assigner directement les détenus et les personnes libres ayant des
adresses connues ;
Les présumés auteurs des VBG tout comme les autres personnes poursuivies
pénalement doivent être jugés dans les délais raisonnables, sans retard excessif, dans
le respect de toutes les garanties judiciaires notamment le droit de l’auteur présumé
d’avoir l’assistance d’un défenseur, à interroger ou faire interroger les témoins à
charge et à obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les
mêmes conditions que les témoins à charge ;61
D. Administration de la preuve en matière des violences basées sur le genre
D.1. Etat des lieux
Les principaux modes de preuve auxquels recourent les Officiers du Ministère Public sont les
suivants :
Les aveux des prévenus ;
Les témoignages ;
L’expertise médicale ;
Les objets saisis ;
61 Art.14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
89
Ces éléments de preuve ont une incidence sur le respect des délais de la procédure pénale
enclenchée à charge d’un présumé auteur des VBG (témoins qui ne comparaissent pas, le
rapport médical qui traîne à être confectionné et transmis à celui qui l’a réquisitionné etc.).
D.2. Contraintes.
Les éléments de preuve ne sont pas toujours faciles à réunir. Les principales difficultés
soulevées par les Officiers de la police judiciaire, du Ministère Public et les juges dans
l’administration de la preuve sont les suivantes:
La non identification de l’auteur ;
Le refus de comparution des témoins suite à l’intimidation du prévenu ;
Le manque de moyen pour le transport sur le lieu du crime dans la fraicheur des faits, pour
y faire le constat et appréhender le ou les auteurs ;
Le manque de moyen de communication entre les OPJ opérant aux postes de police et le
commissariat provincial et le parquet qui assure la direction des enquêtes ;
Le manque de capacités et de connaissances requises en matière des VBG ;
L’expertise médicale difficilement acquise et parfois difficile à interpréter ;
L’ignorance de la loi ou de la procédure par les justiciables ;
La conciliation entre la victime et son agresseur par les autorités administratives à la
base ;
L’absence de collaboration entre les acteurs intervenant dans le traitement des dossiers des
VBG ;
La tendance de certaines victimes à se désister quand le dossier est en cours d’instruction.
Le manque de preuves suffisantes au niveau du Ministère Public a comme corollaire le
classement sans suite par manque d’éléments infractionnels ou à charge suffisants de
culpabilité, ce qui a d’ailleurs été observé lors de la consultation des dossiers classés sans
suite. Néanmoins, le classement sans suite est une mesure administrative qui n’interdit pas la
reprise de l’enquête ou la poursuite de l’auteur présumé. Pour les dossiers fixés devant une
juridiction donnée, une fois que le juge constate que les éléments de preuve ne sont pas
90
convaincants, il décide de l’acquittement de l’inculpé. Le désistement de la victime ne peut
pas cependant mettre fin aux poursuites sauf en cas d’adultère ou de concubinage qui sont des
infractions sur plainte.
D.3. Solutions préconisées
Il faudrait que les acteurs recherchent minutieusement les modes de preuve en y associant
tous les intervenants. De plus, l’introduction des tests ADN pourrait améliorer
l’administration de la preuve. Certaines voies de solution ont été déjà dégagées dans les
sections précédentes, d’autres d’ordre général seront compilées dans les recommandations.
E. Application de la peine complémentaire
E.1. Etat des lieux
Les auteurs de viol et d’attentat à la pudeur encourent également l’une des peines
complémentaires visées par l’article 562 du code pénal. En effet, cet article stipule que « pour
ce qui est des infractions d’attentat à la pudeur et du viol, le juge prononce, en plus de la peine
principale, au moins l’une des peines complémentaires suivantes :
1° La publication de la condamnation ;
2° La présentation du condamné au public ;
3°L’interdiction d’exercer des droits civiques, civils et de famille ;
4°L’interdiction de séjour ;
5° Le suivi socio-judiciaire.
Si le juge prononce la peine prévue au point 1°, l’identité de la victime n’est ni publiée ni
diffusée au public ».Il est déplorable cependant que cet aspect des peines complémentaires
soit quasiment ignoré par les praticiens du droit pénal burundais. La consultation de tous les
dossiers a permis de lire un seul réquisitoire du Ministère Public et un seul dispositif du
jugement où il est demandé et prononcé une peine complémentaire même si le dossier est
actuellement en appel :
« Attendu que le Ministère Public avait requis une peine de servitude pénale à titre de peine
principale et la publication du jugement ainsi que la présentation de l’accusé au public à titre
91
de peines complémentaires mais que le Tribunal estime qu’il faut réprimer cette infraction à
l’aide d’une peine de servitude pénale à perpétuité à titre de peine principale ».62
Le Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura a condamné H.M à la réclusion à
perpétuité et ordonné la publication du jugement à titre de peine complémentaire.
De manière générale, il n’ya pas de progrès visibles en matière d’application de la peine
complémentaire.
E.2. Difficultés d’application
Les magistrats praticiens qui ont répondu au questionnaire d’enquête semblent ignorer le
contenu de cette disposition et avouent que cette peine n’est jamais appliquée (un magistrat
affirme qu’il ne trouve pas d’intérêt à la requérir, d’autres estiment qu’il n’y a pas de mesures
d’application de cette peine et qu’elle serait inopportune, un autre dit qu’il n’a jamais connu
un cas pareil. Un seul magistrat de Bubanza affirme que des fois le juge prononce le suivi
socio –judiciaire mais outre qu’il n’a pas donné la référence, là non plus la peine serait
difficilement applicable suite à l’absence de mesures d’accompagnement. Néanmoins, le juge
n’a pas la liberté de ne pas prononcer cette peine lorsqu’elle est requise par le Ministère
Public. Celui-ci doit en requérir une au moins car le législateur a été explicite et l’y a obligé.
Autrement dit, le juge qui ne prononce pas cette peine complémentaire rend une décision
incomplète et ne se conforme pas à l’esprit de la loi. Faut-il encore qu’il soit saisi dans ce
sens par le Ministère public !
E.3. Solution proposée
Il faudrait que le juge applique la disposition de l’article 562 du code pénal qui a par ailleurs
sa raison d’être et qui a des effets sur le comportement du condamné. Le Ministère Public doit
requérir une des peines complémentaires en même temps que la peine principale. En ce qui
concerne la condamnation à l’une des peines complémentaires qui serait prononcée par le
Juge, celui-ci peut prononcer celle qu’il croit être facilement applicable.
62TGI Mairie, 22 février 2011, RPC 303,3
ème feuillet
92
F. Traitement particulier des mineurs
En ce qui concerne le traitement particulier des mineurs en conflit avec la loi, des mesures de
protection et de sauvegarde applicables aux enfants mineurs âgés de 15 à 18 ans non révolus
doivent être prises par le Burundi. Celui-ci a ratifié la Convention relative aux droits de
l’Enfant du 20 novembre 1989. Partant, il est du devoir du juge de prévoir et de mettre en
application pareilles mesures prévues par la loi. L’emprisonnement d’un mineur doit être une
mesure de dernier recours, ce qui n’est malheureusement pas le cas présentement.
Conformément au nouveau code pénal, en même temps qu’il prononce une peine principale
autre que la servitude pénale, le juge peut ordonner le placement de l’enfant en confit avec la
loi dans une famille d’accueil ou dans une institution spécialisée qu’il détermine. Le juge
privilégie le bien-être de l’enfant et peut substituer à la peine de servitude pénale, une peine
de travail d’intérêt général.
En vue de rendre efficace les dispositions relatives à la peine de Travail d’Intérêt Général, le
Législateur Burundais a déjà amendé les articles 54 et 103 de la Loi n°1/05 du 22 avril 2009
portant révision du Code pénal. L’article 54 du code pénal de 2009 était ainsi libellé :
« Dans tous les cas où le juge croit pouvoir prononcer une peine de servitude pénale dont la
durée ne dépasse pas six mois, il peut y substituer une condamnation aux travaux d'intérêt
général dont la durée ne dépasse pas sept cent vingt heures. Dans l'application du présent
article, la peine d'un mois de servitude pénale correspond à cent vingt heures des travaux
d'intérêt général.
Le jugement précise la peine de servitude pénale et/ou d’amende que subit le condamné
qui se soustrait à l’exécution des travaux d’intérêt général.
La peine de travail d'intérêt général et la peine d'amende ou de servitude pénale ne
peuvent être prononcées cumulativement.
En tout état de cause la peine à prononcer ne peut excéder six mois de servitude pénale
principale ».
Quant à l’article 103 du code pénal il disposait que :
« Dans tous les cas où le juge pourrait prononcer une peine de servitude pénale inférieure ou
égale à une année, il y est substitué un travail d'intérêt général dont la durée ne dépasse pas
93
deux cent quarante heures. Dans l'application de cet article, un mois de servitude pénale
correspond à vingt heures de travail d'intérêt général ».
Cette disposition de l’article 103 concerne les mineurs de 15 à 18 ans non révolus en conflit
avec la loi.
Il fallait revoir les deux dispositions, 54 et 103 du code pénal d’avant 2009 car les praticiens
du droit se sont rendus compte que dans les faits, peu de personnes poursuivies pénalement
étaient éligibles à cette peine alternative à l’emprisonnement car la peine de six mois ou d’une
année étaient rarement appliquée et ne servait pas au désengorgement des prisons. Le
législateur en a compris l’enjeu et dorénavant, le travail d’intérêt général pourra s’appliquer
en faveur d’un individu passible de la peine de 2 ans de servitude pénale.
L’article 54 a été modifié comme suit :
« Dans tous les cas où le juge pourrait prononcer une peine de servitude pénale dont la durée
ne dépasse pas deux ans, il peut y substituer une condamnation aux travaux d’intérêt général
dont la durée ne dépasse pas deux mille huit cent quatre vingt heures.
Dans l'application du présent article, la peine d'un mois de servitude pénale correspond à
cent vingt heures des travaux d'intérêt général.
La peine de travail d'intérêt général et la peine d'amende ou de servitude pénale ne peuvent
être prononcées cumulativement ».
L’article 103 qui concerne les mineurs pénalement responsables et il a été modifié comme
suit :
« Dans tous les cas où le juge croit pouvoir prononcer une peine de servitude pénale
inférieure ou égale à deux ans, il y est substitué un travail d'intérêt général dont la durée ne
dépasse pas quatre cent quatre-vingt heures.
Dans l'application du présent article, un mois de servitude pénale correspond à vingt heures
de travail d'intérêt général.
94
La peine de travail d'intérêt général et la peine d'amende ou de servitude pénale ne peuvent
être prononcées cumulativement ».63
Rappelons que conformément à l’article 53 du code pénal de 2009, le travail d'intérêt général
consiste dans la condamnation du chef du délit ou de contravention d'accomplir
personnellement un travail non rémunéré au profit d'une personne morale de droit public ou
d'une association habilitée à mettre en œuvre des travaux d'intérêt général. La liste des travaux
d’intérêt général ainsi que les modalités de leur exécution sont fixées par décret (art.306 du
nouveau code de procédure pénale).Ceci a été concrétisée par le Décret n°100/151 du 13 juin
2013 portant Administration du Travail d’Intérêt Général même s’il n’est pas encore
effectivement mis en application.
Le nouveau code de procédure pénale de 2013 a en outre prévu une procédure particulière
pour les mineurs de la phase policière à la phase du jugement. C’est un progrès législatif qui
sera prochainement concrétisé par la création à Rumonge et à Ruyigi de deux centres sociaux
éducatifs pour les mineurs en conflit avec la loi.
G. Préparation des auteurs des violences basées sur le genre à la réinsertion sociale et à
la resocialisation.
L’autre maillon important de la chaîne pénale est la prison qui abrite les personnes ayant
offensé la société et la victime. Les condamnés du chef de violences basées sur le genre
doivent être traités en toute humanité dans la perspective de s’amender grâce à la peine leur
infligée et afin de se réinsérer plus tard dans sa société. C’est l’Etat qui les prend en charge
tant dans leur défense pour les garanties d’une bonne administration de la justice que dans
l’exécution de leur peine.
G.1. Etat des lieux
L’Administration pénitentiaire à travers les prisons ne dispose pas de plans de préparation
spécifique aux auteurs des violences sexuelles et plus particulièrement les condamnés pour
63 Articles 1 et 2 de la Loi n°1/20 du 8 Septembre 2012 portant modification de certains
articles de la Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code Pénal.
95
viol. Mais avant de parler de leur préparation à la réinsertion sociale, il nous paraît important
de relever quelques irrégularités observées dans la tenue des dossiers pénitentiaires des
prisonniers accusés de viol.
La descente des consultants à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura a permis de
consulter 46 dossiers pénitentiaires des présumés auteurs de viol. Il n’y avait que des
Ordonnances de Mise en Détention (OMD) alors que la plupart d’elles datent des années
2011, 2012 et 2013.L’ordonnance qui étonne le plus date du 14/05/2007. Les informations
recueillies auprès du service juridique de la prison de Mpimba laissent croire que ces
prisonniers peuvent avoir déjà été condamnés alors qu’aucune pièce judiciaire de
condamnation n’est versée dans les dossiers des intéressés.
Dans 9 autres dossiers pénitentiaires, il a été constaté que les dossiers répressifs des
prisonniers concernés ont été fixés à des audiences publiques mais on n’y trouve que des
mandats d’arrêt qui n’ont pas été validés par le juge par ses ordonnances de mise en
détention. Leurs dossiers ont été fixés en 2008, 2009, 2010 et 2011 amis aussi longtemps que
les détenus n’ont pas été signifiés des jugements rendus, ils sont toujours considérés comme
des prévenus et non des condamnés.
G.2. Contraintes
Les Etablissements pénitentiaires ne parviennent pas encore à mettre sur pied des programmes
de rééducation et de réinsertion sociale en faveur des condamnés pour viol. En plus, les
dossiers pénitentiaires des prévenus des VBG accusent un manque de suivi considérable et
restent pour la plupart incomplets du point de vue des pièces de détention.
G.3. Solutions préconisées
Il faudrait un suivi permanent par le service juridique des prisons des dossiers pénitentiaires
de tous les prévenus et condamnés en général et particulièrement ceux qui sont poursuivis ou
condamnés du chef des VBG. Il est par conséquent requis que les services judiciaires soient
coopératifs dans la transmission des pièces recherchées par les établissements pénitentiaires.
Par ailleurs, le Burundi est un Etat partie au Protocole de la CIRGL sur la prévention et la
répression de la violence sexuelle contre les femmes et les enfants du 30 novembre 2006.
Conformément à l’article 5, 2 dudit Protocole, les Etats membres veillent à ce que les
personnes reconnues coupables de violence sexuelle fassent l’objet de mesure de rééducation
96
et de réadaptation sociale pendant qu’elles purgent leur peine. Le but et la justification des
peines et mesures privatives de liberté sont par conséquent de protéger la société contre le
crime. Un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté est mise à profit pour
obtenir, dans toute la mesure du possible, que le délinquant, une fois libéré, soit non
seulement désireux, mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses
besoins.
A cette fin, le régime pénitentiaire doit faire appel à tous les moyens curatifs, éducatifs,
moraux et spirituels et autres et à toutes les formes d’assistance dont il peut disposer, en
cherchant à les appliquer conformément aux besoins du traitement individuel des délinquants.
A la fin de l’exécution d’une peine ou d’une mesure, il est souhaitable que les mesures
nécessaires soient prises pour assurer au détenu un retour progressif à la vie dans la société.
Le devoir de la société ne cesse pas à la libération d’un détenu et il faut disposer des
organismes gouvernementaux ou privés capables d’apporter au détenu libéré une aide post
pénitentiaire efficace, tendant à diminuer les préjugés à son égard et lui permettant de se
reclasser dans la communauté.64
Mais l’exécution de la peine de servitude ou d’amende doit souvent s’accompagner des
réparations civiles dues à la suite du comportement fautif de l’auteur de la violence sexuelle
et basée sur le genre.
Section 2: Problématique de l’exécution des décisions judiciaires de répression des VBG
Cette problématique constitue un défi particulier qu’il faut traiter de manière particulière. En
effet, la justice pour les victimes a été rendue, mais elle n’est pas effective car les jugements
ne sont pas exécutés. De manière générale, le problème de l’exécution judiciaire des
jugements et arrêts rendus par les juridictions se pose avec acuité au Burundi. Or, une
64 Principe directeur n°58,59 et 60.2) de l’Ensemble de Règles Minima pour le Traitement des
détenus Adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le
traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil Economique et
Social dans ses résolutions 663 (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
97
décision qui n’est pas suivie d’exécution n’a pas de caractère contraignant et partant n’est pas
efficace. Or, dans la pratique, le défi majeur est que toutes les décisions judiciaires ne sont
pas effectivement exécutées et que les victimes des VBG n’obtiennent pas de
dédommagement.
A. Exécution des décisions judiciaires rendues
A.1. Etat des lieux
Comme signalé plus haut, l’exécution des décisions judiciaires en ce qui concerne la servitude
pénale et les amendes est de la responsabilité du Ministère Public. Toutefois, le constat est
que l’exécution des décisions judiciaires en rapport avec les VBG n’est pas effective.
A.2. Difficultés
Parlant des difficultés, on évoquerait d’une part, la comparution des prévenus libres en
audience publique car leur arrestation en vue d’exécuter leurs condamnations pénales reste
problématique. D’autre part, les amendes prononcées ne sont pas systématiquement
recouvrées.
Pourtant, l’article 161 de l’ancien code de procédure pénale prévoyait que « si le jugement ne
prononce pas l’arrestation immédiate, le Ministère Public avertit le condamné à la servitude
pénale qu’il aura à se mettre à sa disposition dans la huitaine qui suivra la condamnation
devenue irrévocable. Sur décision de l’autorité hiérarchique du magistrat chargé de
l’exécution du jugement, ce délai pourra être prolongé. A l’expiration du délai imparti au
condamné, le Ministère Public le fait appréhender au corps ».
L’article 279 du nouveau code de procédure pénale apporte un amendement à cet ancien
article en disposant que: « Si le jugement ne prononce pas l’arrestation immédiate, le
condamné est appréhendé lorsque la décision de condamnation revêt l’autorité de la chose
jugée ». Cela s’explique par le fait que toute personne condamnée a droit de former appel
devant une juridiction supérieure. Une condamnation non coulée en force de chose jugée ne
peut être exécutée.
Reprenant les dispositions de l’ancien article 162, l’article 280 du nouveau code de procédure
pénale apporte tout de même un tempérament à ce principe en disposant que : « Même dans le
cas où l’arrestation immédiate n’a pas été ordonnée par le juge, le Procureur de la
98
République ou le Procureur Général, avec l’autorisation du juge, peut selon le cas, à tout
moment après le prononcé du jugement, faire arrêter le condamné si, à raison des
circonstances graves et exceptionnelles, cette mesure est réclamée par la sécurité publique ou
s’il existe des présomptions sérieuses que le condamné peut se soustraire à l’exécution du
jugement. La décision doit être motivée. La décision rendue par le juge est susceptible
d’appel dans les formes et délais applicables aux articles 124 à 133 ». Ces derniers articles
auxquels renvoie l’article 280 concernent les recours contre les ordonnances en matière de
détention préventive.
D’après un Magistrat enquêté, « la non comparution des prévenus libres et les difficultés de
leur éventuelle arrestation sont rendues plus difficiles par la brièveté des périodes annuelles
destinées à l’exécution des jugements doublée d’un manque de moyens logistiques pour les
descentes d’exécution. Ces contraintes ont comme conséquence que les condamnés libres sont
rarement appréhendés pour purger leur peine et réparer le préjudice causé par son écart de
comportement ».
Enfin, les amendes prononcées ne sont pas en réalité recouvrées et même si les magistrats du
Ministère Public qui sont appelés à les recouvrer ont affirmé sans ambages qu’elles sont
quelque fois ou souvent recouvrées. Aucun secrétariat du Parquet n’a pu donner une référence
d’un un dossier dans lequel ces amendes auraient été payées par le condamné. De surcroît,
aucun registre disponible ne renseignait sur les affirmations des Officiers du Ministère Public
rencontrés à cette fin.
A.3. Solutions proposées
Les solutions qui peuvent être proposées pour régler les contraintes relevées ci-dessus sont les
suivantes :
Instaurer le juge d’application des peines ;
Disponibiliser un registre d’exécution des jugements au Parquet et le tenir à jour ;
Réformer l’article 278 du nouveau code de procédure pénale en déterminant un acteur du
système judiciaire compétent pour exécuter les condamnations prononcées sur requêtes
des parties civiles ;
99
Etablir un planning mensuel d’exécution des jugements ;
Doter les instances d’exécution des jugements des moyens de transport et de logistique
adéquats pour accomplir leur mission ;
Recourir à la force publique pour que les condamnés libres exécutent les jugements
prononcés contre eux ;
Appliquer scrupuleusement le cadre légal pour éviter que les auteurs (prévenus libres) des
violences sexuelles et basées sur le genre n’échappent pas à l’emprisonnement. La
solution est dictée par les articles 199 alinéa 3 et 206 du nouveau code de procédure
pénale.
L’article 199 alinéa 3 dispose que: « Lorsque au cours des débats il apparaît qu’un prévenu
libre ou en liberté provisoire risque de se soustraire à l’exécution du jugement à intervenir, le
tribunal peut, à la requête du Ministère Public, le prévenu et son Conseil entendus, ordonner,
séance tenante, son arrestation » (art.199, alinéa 3).
Quant à l’article 206, il précise que : « L’arrestation immédiate peut être ordonnée s’il y a
lieu de craindre que le condamné ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine et que
celle-ci soit de trois mois de servitude pénale au moins. Elle peut même être ordonnée quelle
que soit la durée de la peine prononcée, si des circonstances graves et exceptionnelles, qui
sont indiquées dans le jugement, le justifient.
Tout en ordonnant l’arrestation immédiate, le tribunal peut ordonner que le condamné, s’il le
demande, soit néanmoins mis en liberté provisoire sous les mêmes conditions et charges que
celles prévues à l’article 119, jusqu’au jour où le jugement acquiert force de chose jugée.
L’Officier du Ministère Public peut faire incarcérer le condamné qui manque aux charges qui
lui ont été imposées. Si le condamné conteste être en défaut, il peut adresser un recours au
tribunal qui a prononcé la condamnation. La décision rendue sur ce recours n’est pas
susceptible d’appel ».
100
B. Indemnisation des victimes des violences basées sur le genre
B.1. Etat des lieux
Il est fort déplorable que même en cas de condamnation des auteurs, les victimes ne reçoivent
pas l’indemnisation pourtant décidée par le juge.
Un autre problème est celui de l’administration de la preuve, en témoigne le cas illustratif du
RPC 303 déjà cité, rendu en date du 22 février 2011 et dans lequel le juge du Tribunal de
Grande Instance en Mairie de Bujumbura a mis en évidence cette problématique à travers
cette motivation :
« Attendu que la partie civile n’a pas apporté les preuves de dépenses qu’il a dû engager
comme il l’a déclaré en audience publique ; ».
L’on sait que dans la pratique, il est difficile pour la victime d’un viol d’avoir le réflexe
d’exiger toutes les pièces justificatives comme les factures. Par ailleurs, certaines douleurs
liées au viol ne sont pas facilement estimables à leur juste valeur. Le Tribunal a, fort
heureusement, nuancé sa position en poursuivant sa motivation en ces termes:
« Attendu toutefois qu’il a certainement dépensé à l’occasion de la mort de la victime qui
habitait chez lui et que le Tribunal lui accorde forfaitairement le montant de 1.500.000F à
titre de dédommagement matériel ;
Attendu qu’en outre le montant de 10.000.000FBU à titre de dédommagement moral lui est
accordé du fait que la jurisprudence constante accorde 2.000.000FBU en cas d’accident et
qu’un montant de 10.000.000FBU est raisonnable comme la mort de la victime n’a pas été
causée par accident mais par un acte criminel commis par l’accusé H.M. ».65
B.2. Contraintes d’indemnisation des victimes des VBG
Sur base de certains jugements relatifs aux VBG rendus de 2009 à 2013, les contraintes ci-
après ont été constatées:
65 La victime était âgée de 9ans et a succombé à la suite du viol
101
Modicité des montants de dédommagement et rareté d’exécution des jugements rendus :
lorsqu’il arrive qu’une juridiction se prononce sur le dédommagement, les montants sont
modiques et les jugements sont rarement exécutés ;
Ignorance de la procédure pénale, y compris la réclamation des dommages et intérêts : les
victimes des violences sexuelles ignorent la procédure pénale en général et celle relative à
la réclamation des dommages et intérêts en particulier. De surcroît, certaines victimes ou
ayant droit des victimes ne font pas diligence pour suivre de près l’évolution de la
procédure En plus, elles ne bénéficient pas d’une assistance d’un avocat pour la plupart ;
Non constitution de la partie civile : les Officiers du Ministère Public ne mettent pas en
application les dispositions pertinentes de l’article 120 du code de procédure pénale qui
autorisent la victime ou ses ayant droits à se constituer partie civile devant le magistrat
instructeur. Les victimes ignorent cette possibilité ;
Non-assistance des victimes par les OMP : la disposition de l’article 134 du Code
l’Organisation et de la Compétence Judiciaires permettant aux Officiers du Ministère
Public d’assister même au civil toute personne manifestement incapable de défendre elle -
même ses droits n’est pas utilement exploitée. Or, dans la pratique, dans la quasi-totalité
des jugements consultés, le dispositif des Tribunaux réserve l’action civile qui pourrait le
cas échéant être intentée devant les juridictions civiles ;
Insolvabilité des auteurs des VBG : 6 des Magistrats du Ministère Public enquêtés
soutiennent que l’exécution des dommages et intérêts prononcés par le juge est difficile
comme d’ailleurs pour les autres dossiers. La cause en est l’insolvabilité des auteurs de
l’infraction.
La même question d’indemnisation a été posée aux Magistrats du siège. Ils ont unanimement
reconnu qu’ils décident de l’indemnisation de la victime si et seulement si cette dernière s’est
constituée partie civile. Dans le cas contraire, le juge n’agit pas et ne peut pas statuer sur des
cas qui ne lui sont pas soumis. Il leur a également été posé la question de savoir la base sur
laquelle se fonde le juge pour fixer le montant des dommages et intérêts en cas de violences
basées sur le genre. Les réponses recueillies auprès des magistrats du siège ont été
variées: certains magistrats disent que la base est la loi, l’équité et l’expertise ; d’autres
penchent pour la jurisprudence ; d’autres enfin estiment que le juge apprécie souverainement
en fonction du dommage subi et des pièces versées dans le dossier comme les factures. La loi
102
à laquelle se baserait le juge du fond n’est pas explicite en la matière car le code de procédure
pénale auquel il doit se référer se limite à énoncer que « lorsque la juridiction de jugement est
saisie de l’action publique, à tout moment de la procédure jusqu’à la clôture des débats, la
partie lésée peut la saisir de l’action en réparation du dommage en se constituant partie
civile par une déclaration reçue au greffe ou faite à l’audience66
.
Un autre fait est l’absence de jurisprudence constante en matière de VBG à l’instar de celle
appliquée en cas d’accident de roulage par exemple.
La fixation de ces dommages et intérêts se fait sur base du préjudice subi par la victime au cas
par cas (principe indemnitaire). Cependant, comme déjà évoqué, les dommages et intérêts
alloués à la victime ne sont pas généralement recouvrés. En effet, à l’exception de deux
magistrats, l’un du Tribunal de Résidence Kabezi et l’autre du Conseil de Guerre qui
affirment respectivement que les dommages et intérêts sont souvent et quelque fois
recouvrés, la plupart des magistrats enquêtés reconnaissent que ces dommages et intérêts sont
rarement recouvrés. Cette réponse ne nous a pas convaincu car nous avons vainement cherché
à consulter un seul dossier qui contiendrait une preuve d’exécution de ces dommages et
intérêts. Aucun registre d’exécution ne peut l’attester.
A cela s’ajoute la question de connaître l’organe chargé de recouvrer ces dommages et
intérêts qui n’est pas précis. L’article 160 du CPP de 1999 a été reproduit en intégralité par le
nouveau code de procédure pénale en son article 278. Ni l’un ni l’autre article ne précise
l’organe appelé à recouvrer les dommages et intérêts alloués sur requête de la victime. Ils sont
ainsi libellés :
« L’exécution est poursuivie par le Ministère Public en ce qui concerne les condamnations
pénales, la contrainte par corps; à la diligence de la partie civile, en ce qui concerne les
condamnations prononcées à sa requête; par le greffier, en ce qui concerne le recouvrement
des amendes, des frais et du droit proportionnel ».
Il faut souligner l’absence de consensus entre les magistrats du siège sur la question de savoir
à qui revient l’exécution des jugements quant aux dommages et intérêts. Le président du
Tribunal de Résidence Kabezi et un magistrat du TGI Mairie répondent que ce rôle revient à
l’huissier. A cet égard, il faut souligner que la fonction d’huissier n’est pas encore
66 Art 120 CPP de 1999 et 163 du nouveau CPP.
103
réglementée dans nos juridictions en dépit du fait que la politique sectorielle vise la
stabilisation et la valorisation de la profession d’huissier. Un magistrat du TGI Bujumbura
Rural affirme que cette tâche est reconnue à la fois au greffier et au Ministère Public. De son
côté, un magistrat du Tribunal de Grande Instance de Bubanza soutient que « c’est à la
diligence de la partie civile (voir art. 278, CPP) ». Pour lui, il ne s’agit ni du greffier, ni de
l’huissier, encore moins du Ministère Public ou du Président de la juridiction. Un magistrat du
TGI Mairie penche plutôt vers le greffier tandis qu’ un magistrat du Conseil de Guerre, un
Magistrat du TGI Bubanza et un magistrat du TGI Bujumbura Rural attribuent ce rôle au
Ministère Public. C’est le contenu dans le dispositif des jugements et arrêts qu’on a pu lire
dans les dossiers consultés: « Umushikirizamanza niwe ajejwe gukurikiza ingingo zose ziri
muri uru rubanza » ou en français : « Charge le Ministère Public de l’exécution du présent
jugement ».
Cette ambigüité législative mérite d’être levée afin de connaître la personne responsable du
recouvrement des dommages et intérêts accordés à la victime par la juridiction sur sa requête.
B.3. Solutions proposées
Des entretiens conduits avec les magistrats, il y a lieu de proposer les solutions suivantes:
Faire appliquer les opportunités offertes par le code de procédure pénale permettant au
Ministère Public de se joindre à la victime des VBG incapable d’exprimer ses
revendications en vue de l’aider à réclamer les dommages et intérêts auxquels elle a droit.
Le Ministère public dispose des compétences pour faire traduire en justice les délinquants.
C’est dans ce cadre qu’il serait fondé d’assister la victime pour que celle-ci fasse valoir
son droit d’être être indemnisée. A cet égard, l’article 94 stipule que: « le tribunal peut
fixer le montant des dommages-intérêts et prononcer d’office des restitutions et les
dommages-intérêts qui sont dus en vertu de la loi ou des usages locaux ». De même,
conformément à l’article 258 CCL III, « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à
autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». L’article
260 alinéa 1 CCL III pour sa part précise que: «on est responsable non seulement du
dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait
des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Réviser les dispositions de l’article 250 du Code de Procédure Civile limitant le champ
des saisies dans le cadre de la réformation des voies d’exécution prônées par la Politique
104
Sectorielle du Ministère de la Justice et le Cadre Stratégique de Lutte contre la Corruption
deuxième génération (CSLPII) ;
Fournir une assistance judiciaire gratuite aux victimes des VBG qui ne peuvent pas elles-
mêmes payer les services d’un avocat et se constituer partie civile;
Adopter et promulguer la loi spécifique sur les violences basées sur le genre (impliquant
la réparation) tel que contenu dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté en vue
de consolider le dispositif de protection des droits liés au genre ;
A notre avis, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs donne une piste
de solution puisqu’elle préconise l’indemnisation par les Etats membres qui constituent
un Fonds de Compensation pour aider les victimes de violences sexuelles et
sexospécifiques et mettent en place une Commission d’Indemnisation pour traiter les
demandes d’indemnisation relatives à la violence sexuelle, impliquant les chefs
traditionnels et religieux, ainsi que des femmes leaders au niveau local.67
67 Instruments de la CIRGL Sur la Violence Sexuelle, page 30 Recommandation n°18 de la
Déclaration de GOMA sur l’Elimination de la violence sexuelle et la lutte contre l’impunité
dans la Région des Grands Lacs du 18 juin 2008
105
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Cette recherche aura permis d’identifier les mesures entreprises par le Burundi pour réprimer
les violences basées sur le genre. Elle aura également permis d’évaluer la mise en œuvre des
mesures préconisées par la chaîne pénale. Il a été utile de bifurquer pour identifier et apprécier
le niveau de contribution d’autres acteurs sociaux comme la société civile, les médecins,
l’administration locale et technique pour que les victimes des VGB aient accès à la justice.
Même si apparemment l’évaluation a été conduite sur une petite partie du territoire national, il
y a lieu de dégager quelques grands enseignements qui peuvent s’avérer d’importance
nationale. En effet, la Mairie de Bujumbura qui fait partie des provinces ciblées comporte des
institutions qui enregistrent et traitent des dossiers provenant des différentes provinces ou
reçoivent des rapports venant des différentes régions (nord, sud, est, ouest et centre) du pays.
Ces derniers ont été utilement exploités aux fins de l’audit. Ces enseignements sont tirés de la
mise en œuvre d’un même dispositif législatif et institutionnel national, ce qui pourrait
permettre d’étendre, toutes proportions gardées, les résultats de l’enquête localisée au
territoire national.
Le constat général de cette recherche est qu’il existe au Burundi un dispositif législatif de
répression des infractions liées aux VBG. Le Code pénal de 2009 a introduit de nouvelles
incriminations qui relèvent, à proprement parler, des violences basées sur le genre. Même si le
code n’en donne pas de définitions, il n’en reste pas moins vrai que, compte tenu des
incriminations retenues, l’essentiel des VBG sont actuellement réprimées par la loi pénale de
2009. Celle-ci n’est pas parfaite, mais elle permet d’organiser une répression souhaitable et
acceptable.
La promulgation du nouveau code pénal en 2009 constitue en soi une révolution législative.
Cette nouvelle loi a été suivie par l’adoption d’un code de procédure pénale révisé pour lui
permettre une application efficiente. Le même code pénal a été revisité pour que les
dispositions pertinentes relatives au Travail d’Intérêt Général qui est une peine alternative à
l’emprisonnement soit applicables et profitables à plusieurs auteurs d’infractions. L’adoption
de nouveaux Règlements d’Ordre Intérieur des parquets et des juridictions revoyant à la
hausse les normes de rendement dans l’ensemble et surtout la création des Chambres
Spécialisées des Tribunaux de Grande Instance et des Cours d’Appel et les Sections
106
spécialisées des parquets chargées d’instruire les procédures relatives aux mineurs et aux
victimes des violences sexuelles permettront à l’appareil judiciaire de lutter efficacement
contre les Violences Sexuelles et Basées sur le Genre, à condition que le cahier des charges de
ces structures soit scrupuleusement respecté par ces dernières contrairement aux points focaux
qui s’en occupaient avant la mise en place de ces instances. Les sections et les chambres
spéciales sont venues remplacer les points focaux. Si les normes de rendement sont
respectées, les infractions seront réprimées dans les délais raisonnables et le stock sera
maîtrisé.
Partant de ce constat, l’un des principaux enseignements tiré de l’audit est que depuis la
promulgation du nouveau code pénal qui incrimine de manière non négligeable les VBG, une
certaine conscience en vue de réprimer de manière particulière les infractions liées aux VBG
commence à habiter les composantes de la chaîne pénale. Aujourd’hui, les dossiers pénaux de
VBG font l’objet d’enquête et d’instruction séparés d’autres dossiers et sont par la suite jugés
comme tels par les juridictions. Même les établissements pénitentiaires en font un répertoire
propre même si cela est encore au stade embryonnaire. Mais le premier maillon de la chaîne
pénale qu’est la police démontre moins d’empressement alors qu’elle constitue la phase la
plus importante pour pouvoir développer les procédures conséquentes de répression et
d’indemnisation des victimes.
Les peines complémentaires sont très importantes car elles sont susceptibles d’avoir un
impact important sur la psychologie des délinquants et de constituer un facteur dissuasif. Elles
ne bénéficient pas malheureusement de l’attention des magistrats tant du siège que du
ministère public, ce qui constitue un manquement du point de vue du code pénal. Elles
doivent être appliquées et certaines de ces peines sont faciles à appliquer. Des mesures
d’application pour les peines complémentaires qui en nécessitent doivent être prises pour en
faciliter la prise de décision et harmoniser l’action judiciaire au niveau national.
L’autre enseignement principal tiré de cette recherche est que l’administration, notamment à
travers les ministères impliqués dans la protection des victimes (le Ministère de la Justice,
celui de la Sécurité Publique, le Ministère ayant en charge le genre et les droits de l’homme,
etc.) a déjà mis en place des arrangements institutionnels permettant d’obtenir des
informations, la prise en charge et le suivi des dossiers pénaux liés aux VBG. Cela s’observe
notamment par la création d’une unité spécialisée de la police, des points focaux dans les
ministères, les parquets et les juridictions et la mise en place des Centres de Développement
107
Familial et Communautaire (CDFC) dans toutes les provinces et dans presque toutes les
communes du pays.
L’importance cruciale de la contribution des acteurs sociaux, spécialement de la société civile
à l’accès à la justice des victimes des VBG constitue le 3ème
enseignement de cette recherche.
La société civile apporte une assistance multiforme irremplaçable aux victimes des VBG et
souvent accorde une assistance judiciaire plus efficace que l’Etat. Certaines organisations de
la société civile paient des honoraires de médecins requis pour expertiser sur les cas des VBG,
en particulier les viols et prennent en charge les honoraires des avocats des victimes, ce que
l’Etat arrive difficilement à accomplir. La plupart des dossiers en cours de jugement ont été
sponsorisés par les organisations de la société civile. Il est recommandé à l’Etat de mettre en
place un cadre légal de l’assistance juridique et judiciaire.
La victime des VBG a droit à une expertise médicale gratuite et le médecin prestataire dans
une institution publique n’a pas le droit de réclamer des honoraires s’il l’effectue dans le cadre
de ses fonctions. Il est recommandé d’informer les médecins et les responsables des hôpitaux
sur les dispositions de la loi en rapport avec l’expertise médicale en matière des VBG.
La contribution de l’administration communale et collinaire est aussi essentielle dans la
mesure où l’orientation des victimes vers la voie judiciaire peut être compromise par elle.
Mais de l’enquête menée, il est rare que les responsables communaux et collinaires admettent
qu’ils sont souvent à la base des règlements amiables préjudiciables aux victimes. En tout état
de cause, les arrangements à l’amiable pour les cas de viol doivent être strictement interdits et
que ceux qui font ces arrangements soient punis.
Le bilan de la mise en œuvre des dispositions du code pénal en matière de répression des
VBG n’est pas reluisant. Ce bilan soulève des défis et contraintes multiples. Ce travail de
recherche en a dénombré les principaux et a tenté de suggérer des voies de solutions.
En substance, les défis majeurs se résument en une opérationnalité insuffisante de la chaîne
pénale, aux difficultés de l’administration de la preuve, à l’exécution des décisions judicaires
et la réinsertion et la resocialisation des délinquants auteurs des VBG.
Face à ces défis et aux contraintes y attachées, il est proposé que le fonctionnement de la
chaîne pénale soit amélioré tant verticalement qu’horizontalement. Des cadres d’échange
entre les structures spécialisées, la police et les autres intervenants comme les associations
pourvoyeuses d’aide juridique et judiciaire, les médecins, les Administratifs doivent être
108
initiés pour qu’ils travaillent en synergie tout en reconnaissant les limites des uns et des
autres. Il faut une sensibilisation de tous les intervenants dans la lutte contre les VBG et
s’assurer que le contenu des dispositions pertinentes du code pénal et de la procédure pénale
est connu de ces acteurs dont la collaboration est requise.
Une attention particulière doit être accordée aux dossiers dits VBG qui, au besoin, devraient
disposer des aires de classement et des fardes spécifiques les distinguant des autres dossiers à
l’instar des dossiers pour mineurs dont la compétence d’instruction est reconnue à des
structures nommément désignées.
Une formation conséquente devrait être continuellement dispensée à tous les OPJ et
Magistrats sur les modules des VBG déjà élaborés avec le concours des partenaires pour
pouvoir suppléer aux diverses mutations et promotions opérées dans ces deux corps.
Les victimes doivent être entendues en toute confidentialité et des mesures doivent être prises
à tous les niveaux pour protéger les victimes dans leur dignité et contre les intimidations des
auteurs. De la sorte, elles pourront faire tout le parcours de la procédure judiciaire et surtout
oser interjeter appel contre les condamnations qui lèsent à ses prétentions.
Le Gouvernement devrait envisager d’introduire les tests d’ADN pour améliorer
l’administration de la preuve. Lorsque cette preuve est bien administrée, elle constitue une
preuve à charge du présumé auteur des VBG, surtout du viol.
Les Magistrats doivent veiller à l’exécution des décisions judicaires. Les difficultés liées à
l’exécution des décisions judiciaires en faveur des victimes des VBG seraient levées par la
création d’un juge d’application des peines et par la constitution par l’Etat d’un fonds
d’indemnisation des victimes des VBG qui serait une amélioration du dispositif de protection
de ces dernières. Il est recommandé de revoir les dispositions en rapport avec les voies
d’exécution de l’action civile de façon à clarifier les responsabilités et les modalités d’action
en la matière.
Les dossiers à prévenus libres doivent être traités avec soin pour lutter contre l’impunité
considérée comme telle par la population. L’état de liberté dont jouissent les prévenus ne peut
pas être considéré comme une cause d’exemption de l’exécution de leurs peines dès qu’ils
sont condamnés.
109
Des moyens de fonctionnement doivent être mis à la disposition des acteurs de la chaîne
pénale. En effet, toute la chaîne pénale, en particulier la police judiciaire et le Ministère
public, manquent de moyens financiers et logistiques qui leur permettent de s’acquitter
convenablement de leur mission et lorsqu’il s’agit de l’enquête et de l’instruction des VBG, à
procéder sans désemparer au devoir de leurs charges.
La société civile est appelée à continuer à apporter son appui dans l’écoute, l’orientation et
l’assistance juridique et judiciaire des victimes des violences basées sur le genre. Les
organisations de la société civile devraient se coordonner dans leurs actions de façon à établir
une répartition géographique plus équilibrée afin qu’il n’y ait pas de région qui ne soit pas
couverte par leurs actions. Ces organisations peuvent positivement influencer le Parlement
dans l’adoption d’une loi spécifique sur les VBG, réglementant la procédure suivie dans la
répression des VBG et la réparation des victimes.
Des programmes de réinsertion sociale doivent être introduits dans l’administration
pénitentiaire pour éviter la récidive et le rejet du condamné par la société. Les mineurs en
conflit avec la loi doivent être placés dans des centres de rééducation à la place des centres de
détention ou des maisons d’arrêt.
Nous ne prétendons pas avoir été exhaustifs dans notre étude qui serait complétée par d’autres
recherches éventuellement étendues sur les autres parties du territoire national. Mais nous
pensons avoir constitué une ébauche du sujet que d’autres chercheurs pourront améliorer et
enrichir.
110
RESSOURCES DOCUMENTAIRES.
A. Législations et autres textes consultés
1. Loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la
République du Burundi ;
2. Loi n° 1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal ;
3. Loi n ° 1 / 015 du 20 juillet 1999 portant réforme du code de procédure pénale ;
4. Loi n°1/010 du 13/05/2004 portant code de procédure civile ;
5. Loi n°1/08 du 17 Mars 2005 portant Code de l’Organisation et de la Compétence
Judiciaires ;
6. Loi n°1/014 du 29 novembre 2002, portant Réforme du Statut de la profession
d’avocat ;
7. Loi n°1/07 du 25 février 2005 régissant la Cour suprême ;
8. Loi n°1/12 du 18 avril 2012 portant Mesures de Prévention et de Répression de la
corruption et des infractions connexes ;
9. Loi n°1/02 du 25 Janvier 2010 portant Révision de la Loi n°1/016 du 20 avril 2005
portant Organisation de l’Administration Communale ;
10. Loi n°1/04 du 05 janvier 2011 portant Création de la Commission Nationale
Indépendante des Droits de l’Homme ;
11. Loi n°1/20 du 8 Septembre 2012 portant modification de certains articles de la Loi
n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code Pénal ;
12. Loi n°1/10 du 3 Avril 2013 Portant Révision du Code de Procédure Pénale ;
13. Loi n°1/20 du 31 décembre 2010 portant modification de la Loi n°1/16 du 29 avril
2006 portant Statut des Sous-officiers de la Force de Défense Nationale ;
14. Loi N°1/21 du 31 décembre 2010 portant modification de la Loi N°1/15 du 29 avril
2006 portant Statut des Officiers de la Force de Défense Nationale du Burundi ;
15. Décret-loi n° 1/5 du 27 février 1980 portant Code de l’Organisation et de la
Compétence des juridictions militaires ;
111
16. Décret n°100/151 du 13 juin 2013 portant Administration du Travail d’Intérêt
Général ;
17. Projet de loi portant prévention, protection et répression des violences basées sur le
genre ;
18. Ordonnance Ministérielle n°550/1646 du 21/12/2009 Portant Nomination des Points
Focaux « Justice Pour Mineurs et Violences Basées sur le Genre » auprès des
Tribunaux de Grande Instance et Parquets ;
19. Ordonnance Ministérielle n°030/203 du 28 octobre 1968 fixant les normes de taxation
pour les expertises médicales ordonnées par le Ministère Public ou par la juridiction de
jugement ;
20. Ordonnance Ministérielle n°550/036/94 du 8 mars 1994 conférant la qualité d’huissier
aux Administrateurs Communaux et aux Chefs de Zones ;
21. Ordonnance n°550/1622 du 19 /11/2013 portantes missions, composition et
fonctionnement des Chambres Spéciales pour Mineurs et Victimes des Violences
Sexuelles au Burundi.
22 .Ordonnance du Président de la Cour Suprême n°02 du 12/06/2013 portant Règlement
d’Ordre Intérieur des Juridictions du Burundi ;
23. Instruction du Procureur Général de la République N°01 du 12/06/2013 portant
Règlement d’Ordre Intérieur des Parquets Généraux près les Cours d’Appel et des
Parquets de la République.
112
B. Instruments Internationaux
1. Déclaration Universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948.
2. Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
3. Convention Relative à l’Elimination de toute forme de Discrimination à l’Egard de la
Femme (CEDEF) ;
4. Déclaration sur l’élimination des violences faites aux femmes du 20 décembre 1993 ;
5. Protocole de la CIRGL du 30 juin 2OO6 sur la prévention et la répression de la
violence sexuelle contre les femmes et les enfants ;
6. Instruments de la CIRGL Sur la Violence Sexuelle ;
7. Déclaration de GOMA sur l’Elimination de la violence sexuelle et la lutte contre
l’impunité dans la Région des Grands Lacs du 18 juin 2008 ;
8. Ensemble de Règles Minima pour le Traitement des détenus Adopté par le premier
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil Economique et Social
dans ses résolutions 663 (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
C. Ouvrages
1. Jean Claude SOYER, Manuel de Droit Pénal et Procédure Pénale, 8ème
édition, Paris,
Librairie Générale de Droit et de jurisprudence, 1990 ;
2. Répertoire de Droit Pénal et de Procédure Pénale, Deuxième Edition Tome IV, Mise à
jour 1980, Paris, Jurisprudence Générale, Dalloz ;
3. Raymond Gassin, Criminologie, 6ème
Edition, Dalloz, Paris, 2007
D. Autres documents
1. Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté CSLPII ;
2. Politique Sectorielle du Ministère de la Justice 2011-2015 ;
3. Maître Julien BAREGUWERA et Léa Pascasie NZIGAMASABO, Évaluation de la
qualité des décisions judiciaires sur les violences sexuelles au Burundi, Bujumbura, 2011 ;
113
4. NDIRONKEYE Spés et NTAGWIRUMUGARA Marie-Christine : « La violence basée
sur le genre : Pour une réponse juridique plus globale ». Rapport provisoire, Bujumbura,
Novembre 2008 ;
5. NTIRORANYA Fidélité &ARAKAZA Arcade, Evaluation des Capacités en matière de
répression des Violences Basées sur le Genre, Rapport Provisoire, 12 décembre 2011-
janvier 2012 ;
6. CHAIRE UNESCO/CERFOPAX, Université du Burundi, Etude Nationale sur les
violences faites aux femmes et filles en période de conflit (1993-2008), Bujumbura,
novembre 2009 ;
7. USAID, Projet RESPOND au Burundi, Services pour les victimes de violences sexuelles
dans les provinces de Kayanza et Muyinga, Bujumbura, octobre 2012 ;
8. UNIFEM/CERFOPAX, Etude Nationale sur les Violences Faites aux Femmes en Période
de Conflit, Bujumbura, novembre 2009 ;
9. ONU FEMMES Entité des Nations Unies pour l’égalité des Sexes et l’autonomisation des
femmes, En Quête de Justice, le Progrès des Femmes dans le monde 2011-2012 ;
10. Documents de travail de la Deuxième Conférence Internationale sur le rôle des Organes
de Sécurité pour mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles, Bujumbura, 27-
28 novembre 2012 ;
11. RCN Justice&Démocratie, Etude sur le Fonctionnement de la Chaîne Pénale au Burundi,
Recherche effectuée sous la responsabilité de Julien MORICEAU, Bujumbura, Février
2011 ;
12. Rapports d’activités des Services judiciaires. De 2009 à 2013.
114
E. Sites Web.
1. http://www.un.org/fr/events/endviolenceday/factsheets.shtml
2. www.un.org/womenwatch/daw/vaw/index.htm
3. www.stoprapenow.org/get-cross/
4. www.un.org/rights/
5. www.bi.undp.org/index.php?option=com_docman&task.
116
ANNEXE 1 : AUDIT JUDICIAIRE SUR LA REPRESSION DES VIOLENCES
BASEES SUR LE GENRE : GUIDE D’ENTRETIEN
I. Guide d’Entretien avec la police (Sous-Commissaire Provincial PJ et un point focal
genre de la Police des Mineurs & la Protection des Mœurs).
-----------------------------------------------------------
1. Quels sont les types d’infractions relatives aux violences basées sur le genre généralement
enregistrés par la police?
2. Comment se terminent les enquêtes de police ? Cochez la bonne réponse
-Par un arrangement à l’amiable
-Par la transmission au parquet
-Par un classement sans suite
3. Quelle est la durée moyenne d’une enquête de police en matière des violences basées sur
le genre ?
4. Les investigations des dossiers à prévenus libres sont-ils facilement menées ?
Oui
non
les dossiers sont classés provisoirement
les dossiers sont transmis au parquet
5. Quels sont les modes de preuve couramment acceptés par les enquêteurs en matière des
violences basées sur le genre ?
a.
b.
c.
d.
117
6. Quelle appréciation faites-vous sur les mesures d’accueil d’une victime des violences
basées sur le genre qui porte plainte?
? -Médiocres □ -un peu satisfaisantes□ - satisfaisantes □ -très satisfaisantes □
Excellente□
7. Quelles sont les mesures de sécurité prises par la police pour une victime qui ose porter
plainte ?
a.
b.
c.
8. La victime bénéficie-t-elle d’une assistance d’un avocat dans la phase policière ?
En a-t-il le droit ?
9. Pensez-vous que les infractions relatives aux violences basées sur le genre sont toutes
portées à la connaissance de la police ? Si non, citez trois motifs
a.
b.
c.
10. Citez trois grandes difficultés dans le traitement des dossiers se rapportant aux violences
basées sur le genre et les solutions proposées pour une répression efficace et rapide des
violences basées sur le genre ?
Difficultés a.
b.
c.
Solutions a.1
b.1
c.1
118
II. Guide d’Entretien avec les Officiers du Ministère Public (Procureur Général près la
Cour d’Appel, Procureur de la République, un point focal genre et Auditeur
Militaire).
--------------------------------------
1. Quelle est la typologie des dossiers relatifs aux violences basées sur le genre enregistrés
au parquet depuis la promulgation du code pénal de 2009 ?
2. Quel est le Magistrat habilité à mener l’instruction pré juridictionnelle des dossiers se
rapportant aux violences basées sur le genre ?
Tous les Magistrats du Parquet
Les Magistrats points focaux genre
3. Est-il fréquent que le parquet se saisisse d’office pour traiter ce genre d’infractions sans
attendre l’action de la police ?
4. Quelle est la durée moyenne de l’instruction pré juridictionnelle d’un dossier du genre:
-quand le prévenu est libre :
-quand le prévenu est détenu :
5. Les délais de procédure pénale sont-ils respectés ? Si non pour quelles raisons ?
6. Quelles sont les principales preuves auxquelles recourent les Officiers du Ministère Public
en matière des violences basées sur le genre ?
a.
b.
c.
119
d.
e.
7. Quels sont les principaux motifs de classement sans suite d’un dossier répressif se
rapportant aux violences basées sur le genre ?
a.
b.
c.
d .
e.
8. Dans votre réquisitoire, requérez-vous l’application d’une peine complémentaire ?
Si oui le juge en tient compte ?
Si non, pourquoi ne le faites vous pas ?
9. Quelles sont les mesures prises par le parquet pour traiter la victime en toute
confidentialité ?
a.
b.
c.
10. Les juges statuent sur des dommages et intérêts en faveur de la victime ?
Si oui, leur exécution est-elle facile ?
Si non, pourquoi ils ne le font pas ?
120
11. Les amendes prononcées par le Tribunal sont-elles recouvrées ?
Jamais- rarement -quelque fois□-souvent- toujours
12. Donnez trois principales difficultés que rencontre le parquet dans l’instruction des
dossiers des violences basées sur le genre et les solutions proposées.
Difficultés :
a.
b.
c.
Solutions :
a.1
b.1
c.1
III. Guide d’Entretien avec les Magistrats du siège (Président de la Cour d’Appel,
Président du Tribunal de Grande Instance, le point focal genre, le Président du
Tribunal de Résidence, le Président du Conseil de Guerre).
----------------------------------------
1. Quelle est la typologie des infractions liées aux violences basées sur le genre enregistrées
depuis la promulgation du code pénal de 2009 ?
2. Quel est le juge habilité à juger les présumés auteurs des violences basées sur le genre ?
Tous les Magistrats du siège
Les Magistrats points focaux genre
3. En prononçant la peine principale, le juge prononce aussi l’une des peines complémentaires
prévues par le code pénal ?
Si oui, citez les plus souvent prononcées.
Si non, pourquoi ne le fait-il pas ?
121
4. Quand est-ce que le juge peut prononcer une peine en deçà du minimum prévu par la loi ?
5. Les audiences portant sur les violences sexuelles ont –elles lieu à huis clos ?
Jamais□- rarement □-quelque fois□-souvent□- toujours □
-Dans quels cas et sur demande de qui ?
6. Le juge pénal prononce –t-il souvent les dommages et intérêts à accorder à la victime ?
7. Sur quelle base se fonde le juge pour fixer le montant des dommages et intérêts en cas de
violence basée sur le genre?
a. La loi b. La jurisprudence
c. L’équité
d. L’expertise
Autres à préciser :
8. Les dommages et intérêts portant sur les violences sexuelles sont –ils recouvrés ?
Jamais- rarement -quelque fois-souvent- toujours
9. A qui revient l’exécution des jugements quant aux dommages et intérêts ?
Greffier Huissier Ministère Public Président de la Juridiction
10. Citez trois principales difficultés rencontrées par les juges dans la répression des
violences basées sur le genre et proposer trois mesures d’accompagnement pour rendre cette
répression beaucoup plus efficace.
Difficultés :
a.
122
b.
c.
Solutions
a.
b.
c.
IV. Guide d’Entretien avec les responsables des associations, les Centres de
Développement Familial et Communautaire (CDFC), les Administratifs
Communaux et les Médecins.
--------------------------------------------------------
IV .1.Responsables des associations et des CDFC (au niveau provincial).
1. Quel est le champ de votre intervention ?
2. Quelle est la typologie des cas soumis à votre organisation et quelle est la nature de votre
appui à l’accès à la justice en faveur des victimes des violences basées sur le genre ?
3. Vous limitez- vous aux victimes qui s’adressent à votre organisation ou vous descendez
sur le terrain pour toucher aussi celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas vous saisir ?
4. Quelle est votre appréciation sur l’instruction des dossiers de violences basées sur le
genre ?
123
5. Donnez trois principales difficultés que rencontrent votre organisation dans l’appui à
l’accès à la justice en faveur des victimes des violences basées sur le genre et les
propositions de solutions pour améliorer ce droit à l’accès à la justice.
IV.2. Administratifs Communaux (Administrateur ou son représentant).
1. Quels sont les cas relatifs aux violences basées sur le genre qui vous sont régulièrement
rapportés ?
2. Quel en est le traitement ?
-Arrangement à l’amiable ou réconciliation
-Renvoi devant le conseil collinaire
-Renvoi au parquet ou à la police
-Autre décision
3. Quel doit être l’apport de l’Administration communale (de l’Administrateur communal
au chef de Colline) dans la prévention et la dénonciation des auteurs des violences basées sur
le genre ?
IV.3.Médecins
1. Quelle est la durée moyenne d’une réquisition à expert émanant d’une autorité policière
ou judiciaire en charge d’un dossier relatif aux violences basées sur le genre ?
2. Quel est le coût d’une expertise médicale en matière des violences basées sur le genre et
quelle est la personne qui le prend en charge?
3. Donnez trois difficultés liées à l’établissement d’un certificat médical ?
4. Citez trois mesures préconisées pour que l’expertise médicale soit accessible à toute
victime d’une violence basée sur le genre, effectuée et remise dans les délais ?
--------------------------------------------------------------