aRmée De l’aiR

au nord. Objectif : un vol ma-rathon sans escale vers la mé-tropole pour démontrer les ca-pacités de projection à longuedistance du couple ravitailleurs-Rafale.

Djibouti puis la Réunion.Aussi bien pour les Rafale quepour le Phénix, ce vol clôture

une mission plus longue. AvantLa Réunion, les deux Rafale, etun troisième appareil, avaientparticipé à un déploiement àDjibouti pour participer à desexercices avec les forces françaisesbasées localement. Les chasseursavaient réalisé la traversée jusqu’àla mer Rouge avec un C-135,réalisant ainsi une premièrelongue mission conclue par unexercice d’interception avec lesMirage 2000-5 de l’escadronCorse. Toujours accompagnéd’un C-135, les deux Rafale bi-places (B) de la 4e escadre deSaint-Dizier ont rejoint La Réu-nion le lundi 14 janvier avec deséquipes techniques et un équi-page supplémentaire. Tandis quele C-135 reprenait le chemin deDjibouti, à Istres, le premierA330 MRTT Phénix de l’arméede l’Air s’apprêtait à décoller, luiaussi, pour les Mascareignes. Ce

nouveau ravitailleur en vol a étéréceptionné en octobre 2018par l’armée de l’Air. Depuis, ilfait l’objet d’expérimentationscontinues entre les mains des ex-perts du CEAM (Centre d’ex-pertise aérienne militaire) et dela DGA (Direction générale del’armement). Des expérimenta-tions qui ont pour but de dé-montrer l’adéquation du Phénixavec les besoins de l’armée del’Air et de rédiger les procéduresd’emploi de l’appareil. Au sol eten vol, ce premier Phénix faitdonc l’objet chaque semained’essais. Si l’avion « blanc », c’est-à-dire l’appareil dans sa confi-guration civile, est bien connuet a démontré sa fiabilité, les sys-tèmes militaires demandent plusd’attention. D’autant que laFrance a fait développer des sys-tèmes propres et inédits. LeMRTT français dispose en effet

DANS LES COULISSES D’UNE mISSION rECOrD

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A LA UNE DÉFENSE

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■ De notre envoyé spécial à La Réunion, Emmanuel Huberdeau

Jeudi 17 Janvier 2019, deux rafale et le premiera330 mrtt phénix ont réalisé une missionmarathon entre l’île de la réunion et lamétropole. un vol qui démontre les capacités deproJection de puissance à longue distance del’armée de l’air.

n long sifflement,puis un grondement. Les moteursdes deux Rafale sont en route.Les deux chasseurs de l’arméede l’Air sont prêts au décollageet leurs mécaniciens peuventrallier au pas de course l’A330MRTT Phénix, qui est lui aussiprêt à décoller. Dans moins decinq minutes, les trois appareilsauront quitté le sol et mis cap

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A LA UNE DÉFENSE

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d’un système de mission et desystèmes de communication pro-pres dont il faut confirmer lesperformances et accompagnerla montée en puissance. Si Airbusdispose d’années d’expérienceet d’une quantité importante dedonnées concernant la plateformede l’A330, moins d’informationssont disponibles à propos dessystèmes purement militaires. Lesexpérimentations permettent derecueillir des données concernantleur fonctionnement.

expéRimentations.Le vol vers La Réunion s’ins-crivait donc dans le cadre de cesexpérimentations. Ce premierdéploiement longue distance de-vait permettre de tester par exem-ple les systèmes de communi-cation de l’appareil à plusieursmilliers de kilomètres des centresde commandement en métro-

pole. Le Phénix sera en effet em-ployé par l’armée de l’Air commenœuds de communication pourfaire le relais, par exemple, entreles centres de commandementet les appareils en vol. Il est équipé,entre autres, d’un système decommunication par satellite etd’une liaison HF.

Ce type de vol permet aussid’évaluer la logistique devantaccompagner de tels déplace-ments. Après un vol de onzeheures, réalisé en solitaire, lePhénix s’est posé à Saint-Denisde La Réunion le 15 janvier aumatin. Comme les Rafale, il arejoint l’enceinte du détache-ment aérien 181 attenant à l’aé-roport civil. Les capacités d’ac-cueil du détachement ont ainsiété démontrées. C’est l’une desraisons d’être de cette anciennebase aérienne. Si le détachementaccueille des moyens permanents

(deux avions de transport Casade l’armée de l’Air, deux héli-coptères Panther de la Marinenationale et deux hélicoptèresde la gendarmerie), il doit aussipouvoir servir de point d’appuipour des moyens venus de mé-tropole. Spécifiquement, pouraccueillir le Phénix, il a fallufaire appel aux moyens adaptésà l’A330 d’une société localed’assistance basée sur l’aéroportcivil. Ils ont servi pour le dé-barquement des passagers et dufret. Une manœuvre logistiquea aussi été nécessaire pour faireles pleins de l’avion en vue duvol retour. Une société civile afourni le carburant F-35 qui estemployé par les avions civils.Mais il faut du F-34 pour leschasseurs que le MRTT devaitravitailler au retour. Lequel peutêtre obtenu en ajoutant un ad-ditif au F-35. Le carburant civil

10000 kmde distance franchispar les rafale

12 h temps de vol des rafale

5ravitaillements en vol

3ravitailleurs en vol

CHIFFrES CLÉS

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de l’Air auprès de la populationréunionnaise. Le capitaine « Ba-bouc », pilote du Rafale SoloDisplay, originaire de l’île, avaitainsi rejoint La Réunion pourparticiper à des opérations derelations publiques et effectuerdes vols devant des jeunes Réu-nionnais venus visiter le déta-chement. De nombreux mili-taires des trois armées sontoriginaires d’outre-mer et lesaviateurs voulaient ainsi main-tenir le lien avec les recrues po-tentielles de La Réunion. « Ba-bouc » a expliqué lui-mêmeque sa vocation de pilote dechasse était née grâce au passagedans sa jeunesse à La Réunionde Mirage F1 de l’armée del’Air.

pRépaRation.Mercredi 16 janvier, les équipagesde Rafale et du Phénix se sontréunis pour le briefing du volretour. Un vol de près de10000 km pour les Rafale seposant à Saint-Dizier, 9400 km

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Il a fallu plusieurs heures pour faire les pleins du Phénix.

était donc transféré dans des ré-servoirs souples sur le détache-ment aérien pour y être trans-formé. Les deux camions-citernes du détachement aérienont ensuite réalisé plusieurs al-lers-retours pour ravitailler legourmand Phénix. Une opéra-tion qui a pris plusieurs heures.Les expérimentations permettentaussi d’évaluer les moyens né-cessaires au soutien et à la miseen œuvre du Phénix lorsqu’il

n’est pas à Istres. L’empreinte ausol de l’A330 MRTT est bienplus importante que celle d’unC-135. L’envergure du Phénixest supérieure de 20 mètres àcelle du C-135. Les visites d’au-tres bases aériennes permettentaussi d’habituer les équipes ausol au nouvel arrivant.

Pendant deux jours, lesmoyens venus de métropole ontété employés pour des opérationsde communication de l’armée

Djibouti

SOMALIE

FRANCE

ARABIE SAOUDITE

ITALIE

1

2

3

4

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6

Dernier ravitaillement(C-135)

Premierravitaillement(MRTT)

Départ de la mission7 h 11 le 17 janvier(heure locale)

Arrivéevers 16 h

le 17 janvier

Secondravitaillement(C-135)

Troisièmeravitaillement(C-135)

Quatrièmeravitaillement(MRTT)

ILE DE LA RÉUNION

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10000 KM DE VOLEN 5 RAVITAILLEMENTS

M. CHERFI / AIR&COSMOS

A LA UNE DÉFENSE

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pour le Phénix se posant à Istres.S’ils devaient faire une missionaller-retour depuis la France, lesRafale pourraient donc effectuerune frappe contre un objectif setrouvant à près de 5000 km deleur base de départ.

Le Phénix emportant lesmoyens techniques du déta-

chement Rafale, les mécaniciensde l’Esta (Escadron de soutientechnique aéronautique) deSaint-Dizier ou encore des in-génieurs de la DGA participantaux essais, ne pouvait assurerplus de deux ravitaillements surle vol des Rafale, sur l’ensemblede la distance. Les Rafale sont

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A LA UNE DÉFENSE

Le Phénix prend son envol

T ous les vols du premier a330 mrtt phénix sontmis à profit pour des expérimentations. l’objectifest d’atteindre une première capacité opération-

nelle (pco) nucléaire d’ici la fin de l’année 2019. lephénix pourra alors participer aux missions de dissua-sion nucléaire. les pco pour les opérations exté-rieures, puis pour les missions de transport straté-gique, viendront après. les atouts du phénix sont sonallonge, sa disponibilité et sa dualité, puisqu’il est aussiun avion de transport. l’appareil sera aussi employécomme nœud de communication. la france a com-mandé douze phénix pour l’heure et la loi de program-mation militaire prévoit une commande totale dequinze avions. les douze premiers appareils doiventêtre livrés d’ici 2025.

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Rafale et Phénix sur le parking du détachement aérien 181 de La Réunion.

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les dernières consignes sont pas-sées. Le Phénix décollera enpremier, suivi des deux Rafale.Afin de minimiser le temps defonctionnement des systèmesdu Rafale, les chasseurs décol-

équipés pour cette mission detrois bidons dits supersoniquesde 1250 litres (le Rafale peutemporter jusqu’à trois bidonsde 2000 litres). Deux C-135ont donc été impliqués dans lamission. L’un décollant de Dji-bouti, l’autre d’Istres. Les fré-quences radio, les terrains dedéroutement, les problèmeséventuels sont évoqués. Les pi-lotes de Rafale se ravitaillerontpour la première fois de leurcarrière sur le Phénix, ils ontcependant déjà travaillé avecdes MRTT étrangers en opé-ration. A bord du Phénix, l’équi-page est doublé. Celui-ci com-prend deux pilotes connaissanttrès bien l’A330 MRTT, l’un aété en échange au Royaume-Uni, l’autre en Australie. Lesautres membres d’équipageviennent soit du C-135, soit del’A340.

Le vol sera long, très long,surtout pour les deux équipagesde Rafale qui ne pourront pasêtre relevés, bien sûr ! Ceux-cirappellent qu’il faudra être trèsattentif jusqu’au bout. En 2014,déjà, des Rafale avaient été dé-ployés à La Réunion, mais lespilotes s’attendent à effectuerun vol record approchant, voiredépassant les douze heures. Aquelques heures du décollage,prévu le lendemain à 7 heures,

leront au plus vite après leurmise en route. Une fois les mo-teurs allumés, les derniers mé-caniciens devront donc courirvers le MRTT qui décolleradans la foulée.

Vol RecoRD.Le lendemain, comme prévu,peu après 7 heures, « le convoi »décolle de Saint-Denis pourun vol marathon. Après uneheure trente environ, le premierravitaillement a lieu. Les deuxRafale viennent simultanémentse ravitailler auprès du Phénix,qui déploie ses manches souplesdepuis ses nacelles en bout d’aile.

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A LA UNE

Un capacité recherchée et rare

A vec ce vol record, l’armée de l’air adémonté une nouvelle fois sa capa-cité de projection de puissance à

longue distance. en 2014, déjà des rafaleavaient réalisé le vol entre la réunion et lamétropole. l’opération hamilton a égale-ment démontré cette capacité dans uncadre réel. d’autres forces aériennesmajeures ont démontré récemment qu’ellespeuvent frapper des cibles se trouvant àplusieurs milliers de kilomètres de leur ter-ritoire national. en janvier 2017, deux bom-bardiers stratégiques B-2 de l’us air forceont ainsi réalisé une mission aller-retour detrente-trois heures au départ de la baseaérienne de Whiteman, aux etats-unis. lesappareils furtifs ont largué 85 bombes gui-

dées sur des groupes terroristes en libye.les bombardiers russes ont aussi effectuéplusieurs missions à longue élongationdepuis la russie pour effectuer desfrappes en syrie. ces vols démontrent lacrédibilité de la composante aéroportée dela dissuasion nucléaire de ces pays. maisils montrent aussi que ces etats peuventfrapper depuis leur territoire en quelquesheures des cibles lointaines. si la russieou les etats-unis se reposent sur desbombardiers stratégiques pour ce type demissions (B-2, B-54, tu-95, tu-160…), lafrance compte, elle, sur le rafale quipeut emporter un missile à chargenucléaire asmpa ou deux missiles decroisière scalp.

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Les Rafale ont accueilli le Phénix à son arrivée à La Réunion.

Les deux Rafale lors de leur vol record.

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au-dessus de la Somalie pourun deuxième ravitaillement.Un troisième à lieu au-dessusde la mer Rouge. Dans le cock-pit, les pilotes du MRTT suiventla mission sur leur système dédié,le MPS (Mission Planing Sys-tem). Celui-ci permet notam-ment de déterminer les pointsde ravitaillement avec les chas-seurs. A terme il permettra de

L’opération est supervisée depuisle cockpit par un opérateur deravitaillement en vol en contactradio direct avec les chasseurs.Il peut suivre en temps réel eten 3D les manœuvres depuisune console et grâce aux ca-méras haute définition placéessous le ventre de l’appareil. Peude temps après, le C-135 décollede Djibouti. Il rejoint les Rafale

suivre toute la situation tactiquesur un théâtre. Les essais dessystèmes de communication sepoursuivent avec les techniciensde la DGA. Au-dessus de l’Ara-bie saoudite a lieu le dernierravitaillement en vol effectuépar le Phénix. Le quatrième dela mission. Liberté de manœuvrepour les chasseurs qui retrou-veront en Méditerranée le C-135 parti d’Istres pour un der-nier ravitaillement en vol. Pourautant, pour les équipages venusdes escadrons La Fayette et Gas-cogne, il ne s’agit pas d’un sim-ple vol de transit. Après onzeheures de vol, les deux appareilsdoivent effectuer une missionde pénétration sur le territoirefrançais et simuler un tir de mis-sile nucléaire ASMPA, tandisque d’autres Rafale tentent deles intercepter. Au total, plus dedouze heures de vol pour lesdeux Rafale, record battu ! Unvol aux limites des capacitésphysiques des équipages. Portépar des vents favorables, le Phé-

nix se pose, lui, en fin d’après-midi à Istres.

saVoiR-faiRe paRtagé.Comme l’explique le chef dudétachement envoyé à La Réu-nion, quand bien même cettemission n’impliquait que desappareils des Forces aériennesstratégiques (FAS), le savoir-faireest applicable par d’autres unités.En avril 2018, les frappes réaliséesen Syrie dans le cadre de l’opé-ration Hamilton l’avaient dé-montré. Cinq Rafale avaientparticipé à la mission comprenantdes appareils monoplaces et bi-places. Des Mirage  2000-5avaient aussi participé à la mission,tout comme les E-3F Awacs,deux types d’appareils qui nesont pas employés par les FAS.Si le savoir-faire de l’armée del’Air en termes de missions stra-tégiques offensives repose engrande partie sur le savoir-fairedes FAS, celui-ci peut être misen œuvre par l’ensemble de l’ar-mée de l’Air. ■

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