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www.editionsparentheses.com / Alain Guiheux — Architecture Dispositif   / ISBN 978-2-86364-273-3 ARCHITECTURE DISPOSITIF ALAIN GUIHEUX PARENTHÈSES

Architecture Dispositif Extraits

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Architecture dispositif

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    Toutes les illustrations sont des extraits deprojets de Architecture Action. En couverture: Scnographie de lexposition Linvention du temps , Cit des Sciences et de lIndustrie, ArchitectureAction, 1989. Page prcdente: Scnographie de lexposition la ville, Art et Architecture , Paris, Centre Pompidou; Barcelone, Cit des cits, ArchitectureAction, 1994.

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    1 Guiheux, Alain, Post Sduction, L invention de nous-mmes, le mtier de l Empire, in Guiheux, Alain, Action Architecture, Paris, ditions de la Villette, 2011. Confrence l cole nationale suprieure d architecture Paris Val-de-Seine 2008 et la trien-nale de Lisbonne, 2010.

    LIMINAIRE

    L architecture s est intgre dans un temps trs court au sein d un ensemble plus vaste, celui des objets fabriqus communicants et transformants . Dans ce passage, et dans leur presque totalit, le vocabulaire ou les outils de projet ont t annuls.On traverse des fabrications les plus diverses: de la critique thorique l analyse des tendances, de la thorie des objets la scnographie ou l amnagement du territoire, l architecture est toujours un projet. L architecture interroge par le projet, elle invente formes et concepts ; elle participe davantage la transforma-tion des sujets, des manires d tre et de percevoir qu elle ne construit des bti-ments. L objet qu elle partage avec tous les producteurs de sens ou de forme est l invention de nous-mmes 1 .Les textes dcrivent sous la forme de variantes la transmutation des habitudes de faire, la disparition de notions obsoltes et la formation d une nouvelle ralit. Cet assemblage constitue une stratgie de projet et un label, Architecture Action. Cette activit est la cration de concepts, dans une signification qui rend compte aussi bien du travail de l agence de communication que du travail de la philoso-phie et de la construction de nos manires de vivre. Les textes sont ainsi rassem-bls, sans distinction entre les documents critiques et ceux plus directement entrelacs des dmarches de projet. Le concept en architecture est un halo de significations, il n a pas besoin d une cohrence formelle labore, mais d une vraisemblance efficace comme outil de production.Parmi les premires substitutions, celle d espace, dont on rend compte en 1983. La notion la plus importante du xxe sicle s vanouit et une architecture lisible ou signaltique la remplace. Un postespace lui succde. Le postespace le milieu prend place dans une rvolution mentale et professionnelle : l archi-tecture devient un produit consommable. Le milieu transluscent et support des ambiances remplace l espace et la transparence. Depuis l aprs-guerre, l archi-tecture s est mue en rcit-narration ou storytelling, au mme titre que tous les objets. Le luxe devient architectural et le dispositif s avre tre un principe de fonc-tionnement et un appareil originel de l architecture. Projeter est alors synonyme de construction de situations. Au sein de la socit du design, l identit visuelle remplace ou dtruit la faade et l architectonique. De mme, la construction qui occupait une place centrale jusque dans les annes soixante est remplace par la fabrication. L ambiance devient un concept de projet. Les transformations du sujet contemporain taient l enjeu, dans le mme temps que le mot de lieu ne renvoyait plus rien. Le style de vie dcrit l ensemble de l architecture du xxe sicle. Le style de vie permettait la fois de dtruire l histoire de l architecture et de replacer l architec-ture au cur des objets fabriqus.

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    Les perspectives d Hugh Ferriss ont fait apparatre la Metropolis of Tomorrow comme une scne. Avec les publications Entres sur la scne urbaine , la traduc-tion de Collage city et l exposition La ville, art et architecture , prsente au Centre Georges Pompidou en 1993, puis Barcelone et Tokyo, les projets avaient chang. L urbain s tait tendu tout le territoire, ce qui empchait de parler de ville. L Europe tait totalement urbanise, un continent urbanis, y compris dans les espaces que l on imaginait libres. La ville n existait plus, mais l urbain non plus. Il y avait ds lors une continuit terrestre, une plante urbaine. Cette mondiali-sation de l urbain tait videmment sa banalisation. La mgalopole n aurait plus rien voir avec la fantasmagorie qu avait t la mtropole pour Vertov, Ruttmann, Mondrian, Valry, ElLissitzky et autres. Elle avait t domestique comme paysage touristique. La consquence en tait le devenir sensationnel de l urbanisme: un urbanisme des sensations. On se spare de l architecture comme collage de frag-ments historiques, qui tait le mode commun de travail des architectes dont on sait maintenant qu il tait une manire d action publicitaire illusionniste. Au sein d une ville comme scne, le marketing urbain s tait install. Une unification des disciplines s tait mise en place, rassemble par une profession, celle de directeur artistique de l ensemble des objets fabriqus, l inventeur de rcits. La possibilit d une thorie de la ville disparaissait au profit d une ville de chacun.La brivet de la valeur accorde aux objets produits (les btiments se dclassent comme les objets) s est accompagne du dplacement de l intrt des archi-tectes vers les procdures de conception. Ce dplacement caractrise l architec-ture contemporaine: l objet ralis compte moins que l appareil de sa concep-tion 2. Chaque projet est devenu ds lors une interrogation sur la manire de le produire, mise distance caractristique de l poque. Le projet contemporain se produit comme distance critique en action, y compris naturellement lorsqu il s agit de mettre en place une architecture sduisante et communicante. La fin des croyances, des styles ou des doctrines, a vu ainsi l activit rflexive de l architecte devenir son unique objet. Architecture Action indique comme un retour un sujet-acteur. L architecture sera bien sduisante, mais au travers de l exprience du destinataire. La sduction du projet et du rcit qui l installe domine la production. la fois pour et contre, aprs le ftichisme du design, on cherche produire un btiment sans effet d admira-tion, au-del de l observation de la virtuosit de sa rhtorique, un projet non rti-nien. On vise la transformation par le projet de nos manires d tre et de perce-voir. Une fonction intense et trs corporelle, une mutation de soi, un essai.Tout ce que nous faisons et tout ce que nous produisons modifient nos comporte-ments et notre sensibilit. Chaque nouvel e-phone, chaque cosmtique, chaque logiciel, chaque image, chaque spectacle nous modifie. Parce que nous nous sommes vus transforms par la socit de consommation, nous savons dsormais que les objets nous changent, et en consquence que l architecture aussi nous change. Comment transformons-nous ? Architecture Action interroge la transmu-tation de nous-mmes, ce que nous appelons le mtier de l Empire . L architec-ture nous invente.

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    2 Guiheux, Alain, Notes sur l architecture en train de se faire , Architecture: rcits, figures, fictions, Cahiers du cci (Paris), no 1, 1986.

    Le projet met en uvre un ensemble de prceptes, d habitus incorpors nces-saires pour faire et noncer. La distance que l architecte possde par rapport ses propres croyances tablit une thorie du projet. Architecture Action interroge les gestes et les mots manipuls dans le projet pour lui substituer une autre confi-guration. La position critique permet et acclre la pratique du projet l re de la rflexivit. Faire projet consiste dcider de ses rgles d engendrement, de son systme de projet, quand les croyances et les discours de vrit se sont vanouis. Jean-Franois Lyotard avait peru la fois la fin des grands rcits et la poursuite de la qute du nouveau, de l invention, mais n avait pas vu que la postmodernit tait la logique culturelle impose par le capitalisme tardif, ce qui a t la dmonstra-tion de Frdric Jameson et David Harvey. Les analyses de Gilles Lipovetsky et Alain Ehrenberg ont dcrit les transformations qui ont t celles du sujet. La post-modernit nous a appris que nous devions inventer nos questions.

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    Scnographie de lexposition La ville Invisible , Cit des sciences et de lIndustrie, ArchitectureAction, 1992.

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    Publi dans L ordre de la brique (Lige, Mardaga, 1985), le texte prsente la section Architecture de l exposition de Jean-Franois Lyotard Les Immatriaux tenue en 1985 au Centre Georges Pompidou. La philosophie franaise y remplace la linguistique le modle des annes soixante soixante-quinze comme source des projets. L exposition annonce le dveloppement de l architecture rflexive dans une priode o le dessin d architecte s est autonomis de la production.

    Poser l architecture dans une mise en scne de la postmodernit conue en termes de MAT (maternit, matriau, matire, matrice, matriel), ceux-ci occupant chacun les ples du schma communicationnel, mais cette fois des ples devenus flot-tants, incertains ou inversant leurs positions, offre apparemment la possibilit de se sparer avec avantage d un courant dj en obsolescence avance, le postmo-dernisme architectural.Alors que la postmodernit architecturale se pense en partie comme rintroduc-tion d un sens (oppos au besoin, l usage, la fonction) que le Mouvement Moderne aurait ananti, et fait la part belle aux travaux d inspiration smiolo-gique, les Immatriaux tentent au contraire de cerner les mises en libert ou les destructions du schma communicationnel. Quelle est l origine du message ? Qu est-ce qui constitue proprement parler l architecture actuelle ? De quoi parle-t-on ? Qu est-ce qui bouge du ct du code ? Qu en est-il du rcepteur architectural et en particulier de la photographie ? Cinq directions de rflexions seront ici proposes, chacune exprimentant les dlocalisations de l architecture prsente: maternit perdue ou le btiment orphelin (la perte de l origine dans la matire) ; la rfrence inverse et l architecture plane (l architecture se localise dans le graphique et non plus dans le bti) ; le btiment parl (le discours est aujourd hui l architecture) ; le matriel (la photographie d architecture comme correction de la reprsentation du bti ou comme lieu privilgi de l architec-ture). cela s ajouteront quelques remarques sur l urbanisme communicationnel et la fin de l Espace .

    MATERNIT PERDUE OU LE BTIMENT ORPHELINPour l poque classique, le matriau a pour fonction de signifier ce qu est l difice. Il doit exprimer quoi il sert, le statut du propritaire et la faon dont il est construit, qu il s agisse d un modle constructif mythique (la cabane) ou corporel (la chair et les os de Sebastiano Serlio), d une reprsentation d une histoire (le rcit d origine des ordres) ou d une reprsentation de la reprsentation de la faon dont l difice est construit. Telle est la tradition de la reprsentation et elle n est d ailleurs pas

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    abandonne, mme si des ouvrages tel New York dlire ont travaill rompre avec la thorie du caractre, rduire cette ncessit de la lisibilit des btiments.Pour le Mouvement Moderne, le matriau ne va plus exprimer une signification qui lui serait extrieure. Il n est plus dans une position domine et bien au contraire, la dmarche consiste en faire ressortir le sens, faire parler la matire, honorer le matriau . La brique n est plus la chair, elle est la mre de l archi-tecture, l origine qu il s agit de retrouver, et aussi l instant premier: partir des matriaux . Tout se passe alors comme si l architecture avait de moins en moins de choses dire: elle ne parlait que d elle-mme travers le matriau, avec le Mouvement Moderne ce sont les matriaux qui ne sont plus qu eux-mmes. Ces deux dmarches peuvent tre considres comme deux temps de l autoreprsen-tation, d un fonctionnement potique de l architecture, deux retournements du message sur lui-mme ; dire l tre de l difice, puis l tre du matriau.Cette maternit, dont on ne dira jamais assez qu elle a t contenue dans une trs brve priode dj remise en cause par De Stijl, Sant Elia et Louis Kahn semble pour le temps prsent perdue: on n exprime plus les matriaux et bien au contraire on les cache, ils ne constituent plus un dpart. On peut bien s attacher au dtail, mais c est pour viser une conception totale et surtout une abstraction, une perfection inaccessible 1.Mais prtendre que l on ne part plus du matriau signifie galement un change-ment important dans le mode gnral de conception du projet architectural. La matire et sa mise en forme, en volume, autrement dit l apparence de rel que constitue le bti, ne sont plus l objet propre du travail d architecte. Ainsi il semble qu actuellement le dessin ne dsigne plus un difice dont on aurait pralable-ment parcouru en sa tte l ensemble des recoins. Il s agirait alors de la perte de la fonction reprsentative du dessin d architecture, d un dessin ne dsignant que lui-mme, qui ne serait plus une prfiguration, mais la chose mme, l architec-ture. L architecture serait devenue pur dessin, et l difice rel la reprsentation du dessin 2.

    LA RFRENCE INVERSEOn peroit l inversion de la reprsentation: l architecture est maintenant compl-tement dans le dessin qui, pour simplifier, ne faisait jusqu alors que la repr-senter, et l difice rel ressemble de plus en plus un dessin (il reprsente l architecture, c est--dire un tat antrieur qui est cette fois origine). On ne repr-sente plus un joint entre deux briques par un trait, on reprsente un trait par un joint de briques.On ne construit plus. Dans cette dmarche qui constituerait l aboutissement de la modernit, dessins et maquettes ne sont plus qu eux-mmes. L architecte s applique renoncer la valeur reprsentative des dessins qu il excute : la perspective, l axonomtrie, l unicit des outils de reprsentation (non-confusion des genres) sont rduites leur existence comme graphisme plan. Dire que le dessin n est plus que lui-mme c est ne pas considrer la perspective comme illusion, mais, par exemple, comme faade et, alors, construire rellement cette

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    1 Il y a chez Piet Zwart ou dans les Architectones l ide d une architec-ture sans origine dans la matire, non-projet ou un devenir projet ventuel.2 Guiheux, Alain, Btiments d encre , in Jean Dethier, Image et imaginaire de l archi-tecture, Paris, Centre Pompidou, 1983.3 Eisenman abandonnera par la suite cette dmarche interrogative.

    perspective en la dcodant comme faade. La perspective est devenue objet, l architecture elle-mme. Les architectes travaillent galement en dplaant les angles de vue de l axonomtrie, rendre celle-ci illisible, non reprsentative d un difice projet. Le dessin peut aussi procder par juxtaposition de diffrents modes de reprsentation traditionnels : le plan se prolonge en coupe, faade ou axonomtrie ; divers rabattements en dstructurent la lecture ; les ombres deviennent des btiments.Affirmer que le statut de l difice n est plus celui de rel , mais de la reprsen-tation peut se faire en ralisant un difice comme fiction offrant ostensiblement les signes de celle-ci : construction d difices inclins, constructivement irra-listes. La postmodernit introduit de plein droit la fiction architecturale quand les architectes antrieurs la prenaient en compte en ngatif, comme compagne de la vrit et destruction interne de celle-ci.Cette inversion de la rfrence est bien illustre par le travail de Peter Eisenman (de cette priode). La postmodernit qui nous intresse n est pas seulement une poque. Elle est peut-tre moins une affectivit partage qu une volont de construction, une rflexivit. Les architectes se doivent de choisir une dmarche (ou plusieurs, quitte en changer pour chaque projet) et qui n obira pas une rationalit partage. Il y a prise de conscience de la ncessit de se construire une doctrine n existant plus d elle-mme, parfois au prix de la reconstitution d une histoire, ft-elle des reprsentations (et l on voit bien quel rle Eisenman peut faire jouer la perspective). Eisenman a install dans son travail 3 une postmo-dernit comprise en des termes assez proches des Immatriaux . Aussi l analyse retrouve ce qu elle a sem: ds lors que l architecture se pense travers la philo-sophie (ou d ailleurs tout autre domaine), tente sa faon de la calquer, un regard philosophique sur l architecture ne fait-il pas que se regarder lui-mme ? L archi-tecture prenant comme origine une thorie extrieure n a-t-elle pas une fois de plus chang de site ?Ces problmes renvoient directement l impossibilit actuelle de rendre compte de l architecture prsente, d une prise de distance fondant une parole lgi-time sur l architecture, d une sparation longtemps souhaite entre doctrine et thorie. On connat la facilit avec laquelle l architecture kidnappe toute informa-tion extrieure son domaine, sa capacit emprunter tour tour la physique, la biologie ou la linguistique, et les transformer en difices. On dira alors que tout nonc est dj potentiellement de l architecture, que son origine soit externe (voir l importance des Transformateurs Duchamp pour Eisenman). Telle est peut-tre la part de la condition postmoderne en architecture : une circula-rit qui empche de mener une enqute sans que celle-ci n appartienne dans le mme temps un dbat idologique interne aux architectes, et l impossibilit de fonder une dmarche architecturale indpendamment d une reprise d autres champs de la connaissance.

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    Projet urbain et projet de nouveau centre, Bthune, ArchitectureAction, 2009.

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    4 L inconfort de cette situation est redonn par Hubert Damisch, Aujourd hui l architec-ture , Le temps de la rflexion (Paris), no 2, 1981.

    ARCHITECTURE PLANE

    Si l on s interroge sur la localisation de l architecture, et donc sur le site du projet qui la sous-tend, force est de voir qu il n est pas possible d affirmer que le bti-ment construit est le lieu d lection de l architecture. Il n est que la reprsenta-tion fatalement inadquate, et pour certains architectes de ce fait non nces-saire, d une architecture situe en amont. Le dessin est un des sites privilgis de l architecture, dont la ralisation btie ne peut tre qu affadissement, ni possible, ni souhait, dans une dmarche quasi inverse du partir des matriaux de Frank Lloyd Wright.Le dessin a pris une distance trs grande vis--vis de la construction. Il s agirait d une des dernires productions de ce type perdre sa fonction essentielle : reprsenter le futur difice. Ainsi Rem Koolhaas ou Zaha Hadid mettent des messages graphiques de moins en moins analogiques (ils ne sont pas propre-ment parler le dessin d un difice). La nouveaut n est pas dans le graphisme ni dans la technique, mais beaucoup plus dans son institution, savoir qu entre l architecte et ses juges, l accord s est fait pour donner ce type de reprsentation valeur de projet, ces intermdes graphiques indiquant en fin de compte le peu d intrt pour l architecture comme objet fini ou rsultat, et affichant la faon dont l architecture est produite.En rendant dlicate la distinction dessin d architecture / architecture dessine, le dessin d architecte impose sa prsence autonome, mais installe paralllement sa valeur fictionnelle. Quand le dessin d architecte perd sa valeur reprsentative, symtriquement il acquiert paradoxalement une valeur de reprsentation ou de ralit architecturale. Pour la modernit, le projet d architecture est une architec-ture, c est--dire qu il est conu d une part pour une destination et d autre part en rfrence l histoire de l habitation humaine avec ses portes, ses fentres, son toit, etc. Mais dj avec certains projets de De Stijl ou les Architectones de Malevitch, nous nous trouvons face des montages qui peuvent devenir architec-tures ou aussi bien rester des productions plastiques. En ce sens, faire de l archi-tecture ne s effectue pas en partant des codifications architecturales existantes.

    LE BTIMENT PARL une postmodernit qui se rsout dans un effort de traduction architecturale de thmatiques philosophiques, en passant par l abolition de la valeur repr-sentative du dessin d architecture (et donc par la mise en crise de la communi-cation architecturale), ajoutons que l architecture devrait renatre d un discours, toutes paroles prononces son chevet tant l pour contredire une disparition ou provoquer un rveil 4. Non seulement l architecture est un domaine inform (et non plus informant), alors qu elle faisait modle pour les sicles passs que l on pense seulement son importance dans la thorie de la littrature, mais de plus on attend qu elle quitte son tat de crise par les mots. On dira alors que l architecture n a plus d existence propre, et qu elle n est pas en dehors des mots qui la font.

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    MATRIEL

    L architecture btie est fatalement un mauvais rcepteur qui brouille le message. Elle est dperdition, qu il faut encore corriger pour retrouver l original, pour le faire exister. La photographie d architecture agit comme correcteur architectural. Elle slectionne les angles de vue, gomme la contingence de l environnement, les malfaons de la ralisation, pour retrouver ou inventer le projet en son dpart. Dans un travail de rcration, elle restaure ou cre une vision publique du projet.Ce travail archologique peut bien d ailleurs tre considr comme l uvre elle-mme. Si l architecture a pour but de finir sur le papier ou la glatine ces nouveaux matriaux , comme peut en tmoigner le nombre croissant de muses d architectures, alors on se demandera si l architecture n a pas lu domi-cile dans l architecture photographie qui installe la rception.

    URBANISME COMMUNICATIONNELIl a t simplement mentionn au sujet de l architecture que la dispropor-tion entre une matrise technique (tout peut se construire) et des ncessits concrtes (qui demandent bien peu par rapport ce que la technique sait) amenait une libert quasi totale de choix des lments architecturaux. La tech-nique n impose plus ses formes l architecture. Sans doute ce dcalage a-t-il contribu au dlaissement des architectures technologiques ou industriali-ses, fin des doctrines technologiques. L urbanisme connatrait une mutation du mme type o la technique n impose plus des formes architecturales et urbaines. La pense urbanistique se dtache malgr elle d une problmatique qui a beaucoup d Pierre Francastel, de cette ide gnrale que l volution des techniques, l industrie amneraient une modification de l espace, qu chaque socit correspondrait un type d espace, et notamment urbain et archi-tectural. Tout changement de l univers matriel devrait entraner une modifi-cation, sinon l mergence d un nouvel espace.La rflexion sur l urbain, telle qu elle se prsente par exemple dans L Espace critique de Paul Virilio 5 se situe ce moment de dcrochage o il va falloir aussi bien abandonner le thme de l espace qui nous avait envahis depuis quelques dcennies, que l quation nouvelles technologies = nouvel espace , sans parler de la conception d une homognit de l espace, comme si la coprsence tait impossible, des espaces distincts ne pouvant apparem-ment pas coexister.Nous avons du mal penser cette absence d effet l o on l attend, nous dire que les nouvelles technologies n auront pas d influence l o l on croit sur l architecture et l organisation urbaine. Nous sommes toujours dans un fonctionnement de dupe : d une part notre idologie est que l architecture doit rattraper son temps (la technique), qu elle est en retard, d autre part nous croyons que de toute faon, comme par automatisme, la technique modi-fiera la forme de l architecture. Pour une bonne moralit de la reprsentation,

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    5 Virilio, Paul, L espace critique, Paris, Bourgois, 1984.

    l architecture devrait tre de son poque, tre moderne, ce que justement elle ne peut plus.On voit travers les exemples qui nous sont donns d utilisation de l informa-tique, le peu de modifications que cela entrane pour le bti. On peut bien dire que la tlsurveillance supprimera les portes et les serrures, mais la petite taille, le peu d encombrement de ces dispositifs les font rentrer partout et les rend adaptables un bti existant. L immatrialit des composants se glisse dans la vtust de nos difices sans les dranger. L volution technologique ne modifie pas nos espaces parce qu elle passe par-dessus. Il y a sdentarisa-tion des difications qui peuvent servir et resservir. L urbain et l architecture sont devenus hors sujet. Ils sont sortis du champ des effets. On parlera de l entre de l espace dans la neutralit, dans l excipient. D un autre ct, on ajoutera que l espace n est plus l instrument d une stra-tgie. Ces deux bouleversements, l un au titre de l effet, l autre de l outil, sont d ailleurs parfaitement compris par les organismes d tat. On en voudra pour illustration ce texte rcent de la Datar: Il ne s agit plus de modifier physique-ment l espace. Les grandes oprations qui ont marqu le territoire national depuis une trentaine d annes taient toutes constitues pour l essentiel par des programmes d amnagement physiques : constructions de routes, de ponts, d immeubles. Suit ceci l ide d un urbanisme communicationnel qui peut se superposer sans changement physique l espace bti, l ordre ou au dsordre urbain. C est un calque d ondes et de cbles qui se dissout dans l environnement ; d o la fixit ou l indiffrence, la dentition morte que constitue dsormais l espace. Cette indiffrence serait aussi la ntre dans notre rapport l habitat atteint de dsappropriation, dans une fin de la rela-tion mtonymique de l homme l espace. Ce fut une dcouverte du xixe sicle que de penser le changement de domicile, la vente de la mmoire, la dispari-tion d un habitat lguer comme quivalent de sa personne. Il faut peut-tre dire que nous sommes en train de sortir du thme de la projection. Le lieu ne nous dfinit plus, son impact affectif est affaibli, nous n avons pas besoin d objets, de ces amnagements comme rappel de notre qualit .

    NE PAS METTRE EN SCNEQu est-ce donc aujourd hui que mettre en espace, mettre en scne la postmo-dernit ? Telle est la question au sujet des Immatriaux .La solution adopte par Jean-Franois Lyotard a consist donner un sentiment d espace incertain o tous les parcours sont possibles, instables, mouvants, et d une trouble transparence (en opposition la transparence moderne). Elle est tout fait en cohrence avec ce que nous avons dit de la localisation de l archi-tecture dans le discours, puisque l espace de l exposition reprend la forme de l expos (la destruction du schma communicationnel), si on peut dire en le plaquant au sol. Mais une telle approche prsente une faille puisqu elle repose sur l ide que l apparence des choses doit rendre compte de ce qu elles sont. Nous avons montr que ce schma traversait de part en part l idologie

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    architecturale. Nous sommes l toujours dans une conception classique de la reprsentation. Or, en architecture, on n est plus oblig aujourd hui de montrer la fonction, l usage, ni mme l ide, ce qui est en cohrence avec le glissement des MAT. Le sens n est plus donn voir.

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    1 Le Times du 2 mai 1851, cit par Christian Norberg-Schulz, La signification dans l architecture occi-dentale [1974], Bruxelles, Mardaga, 1977. 2 Lger, Fernand, ivecongrs des Ciam, cit par Benevolo, Leonardo, Histoire de l architecture moderne, Paris, Dunod, 1979.3 Collins, Peter, Changing Ideals in Modern Architecture, Montral, Mc Gill et Londres, Faber and Faber, 1965 [trad.fr.: L architecture moderne, principes et mutations, 1750-1950, Marseille, Parenthses, 2009].4 Banham, Reyner, The Age of Masters, Londres, Architectural Press, 1975. 5 Boudon, Philippe, Sur l espace architectural, Paris, Dunod, 1971 [4e d.: Marseille, Parenthses, 2002].

    HUMEURS D ESPACE

    Publi en 1983, dans le catalogue de l exposition du Centre Georges Pompidou Au temps de l espace, ce texte expose la fin d un imaginaire architectural, celui de l Espace . Le mot permettait de relier conception du monde et objet architectural, quelles que soient les poques. L article s attache dconstruire cette relation.

    Londres, 2 mai 1851: Au-dessus du visiteur s lve un arc lumineux plus haut et plus spacieux que les votes de nos plus nobles cathdrales. De chaque ct, la vue semble presque illimite 1. Aprs le Crystal Palace, le projet d Hector Horeau pour l exposition de 1867, la lumire tendue se propagera travers les escaliers de la tour Eiffel o l architec-ture moderne se rsumerait. Toujours selon l histoire, il faudrait ajouter posies de locomotives, dplacements ariens et automobiles, toutes merveilleuses machines qui font natre l infini, dsorientent, dsquilibrent les corps et les rf-rences. Chacun affirmera la naissance d un sentiment du monde en rupture la plus complte avec ce qu avaient connu les poques antrieures, en bref que la conception de l espace change.Athnes, le 8 aot 1933, Fernand Lger: Vous avez dcouvert une nouvelle matire premire architecturale, qui est air et lumire . Les matriaux, les lments de dcoration qui suffoquaient les archi-tectures prcdentes disparaissent, les poids, les volumes, les paisseurs se sont volatiliss 2. Cela est une chose de saisir la seconde moiti du xixe sicle comme rvolution des habitudes visuelles et du sentiment de l espace que d ailleurs l architec-ture peut contribuer concrtiser, cela en est une autre de montrer la dcou-verte au xxe sicle par les architectes de la notion d espace. Ces deux vnements sont peu prs synchrones : le terme espace apparat dans la pense archi-tecturale la mme priode que ladite rvolution 3. Auparavant l architecte ne sait pas ce qu est l espace, ou tout du moins cela n a aucun rapport avec son acti-vit ; il n a pas conscience de manier de l espace , et c est ce changement qui spcifie au-del de tout l architecture jusqu ces dernires annes 4. Dans des termes discutables, on pourrait dire que ce qui caractrise la relation entre la nouvelle vision du monde et l architecte, c est l apparition dans sa mentalit , dans son espace architectural 5 , de la notion mme d espace. On sait qu il n est pas de grand secours de tenter de caractriser les arts par les matriaux qu ils emploient, sauf considrer le choix historique des matriaux par les artistes. C est un choix de ce type que firent architectes et critiques. L architecture allait pouvoir se dcrire comme art de l espace et le projet s aligner sur une gom-trie invisible, mais crevant la vue. Ds lors, peut-il tre question de parler d une

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    Scnographie de lexposition La ville invisible , Cit des sciences et de lIndustrie, ArchitectureAction, 1992.

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    E.S. : La fiction est galement utilise comme rgle d engendrement o la dmarche est plus valorise que le projet. A.G.: C est apparu en mme temps que le livre de Tafuri Thorie et Histoire sortait. Des thoriciens de la littrature ne se sont plus intresss l analyse de l uvre faite, ou la potique, mais la potique, c est--dire la manire d engendrer les uvres. Ce dplacement de l uvre faite vers la manire de la faire est carac-tristique de toute la modernit . Duchamp s est intress la logique d engen-drement. Le Corbusier s intressait lui aussi la manire d engendrer, mme dans la manire dont il faisait ses projets. Quand il compare la Villa Savoye, le Weissenhof, la Villa de Garches et la villa La Roche, il compare des mthodes de projetation. Et c est aussi la priode intressante d Eisenman, celle de ses premiers projets, ses maisons numrotes, avec un travail proprement tho-rique sur la recherche de logiques d engendrement. C est une caractristique du xxe sicle, que l on va trouver partout. J ai vu nombre d tudiants travailler sur Poincar selon l ide qu un algorithme pourrait produire un projet performant, surprenant. La dmiurgie de cette fiction sans intrt est nanmoins intressante comme fiction ; la production totalement calcule du projet.E.S.: quel moment la fiction de l architecte peut devenir une fiction collective ? A.G. : Que le scnario disparaisse ensuite dans l objet fait et qu il ne soit pas perceptible pour le visiteur et l utilisateur, peu importe. L architecte aura eu besoin d une histoire, d un scnario pour penser son projet, pour l imaginer. Il l a sans doute imagin de manire presque relle, dans une manire de vivre le btiment, que, par la suite, ce soit un autre rcit qui en ressorte, l architecture est simplement l, et est la plus belle dmonstration de l uvre ouverte. E.S. : Ce mode d engendrement de l architecture n est-il pas l un des derniers moments o l architecture rve encore de pouvoir se projeter seule ? Les rflexions contemporaines sur les modes de conception replacent l architecture dans un jeu d acteurs largi. Le Deep Planning d UN studio ou l orgware des Crimsons sont-ils encore fictionnels par exemple ?A.G. : Qu est-ce qui, un moment donn, peut faire que les gens travaillent ensemble ? Qu est-ce qui va faire que les gens vont s engager dans votre projet ? Parce que l histoire que vous racontez est la plus juste dans tous les sens du terme, fonctionnellement, conomiquement, techniquement et surtout fictionnelle-ment. un moment donn, le critre de la fiction ralisatrice est dcisif. Et c est tonnant de voir comment la pense politique et son storytelling peut rejoindre la parole d architecte. Tous deux veulent raliser la fiction.

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    1 Claude Perrault, Les dix livres d architecture de Vitruve, Paris, 1673. Voir sur l ancrage historique des notions de distribution, disposition / dispositio, Guiheux, Alain, Rouillard, Dominique, Si on peut dire en architecture, Cahiers de la recherche architecturale (Paris), no 18, 4 trim. 1985.

    DISPOSITIF 3

    Le dispositif apparat dans la Grce antique et n a pas quitt l architecture, avant de s appliquer l ensemble des productions humaines. Ce texte est le complment de nos publications sur le thme depuis 1996.

    Le dispositif n est pas rductible un effet de la thorie contemporaine. Tous ces mots antiques, qui s appliquent au langage comme l architecture, fabriquent des stratgies de projets pour transformer la ralit: La disposition est l arran-gement convenable de toutes les parties, en sorte qu elles soient places selon la qualit de chacune. [] La distribution consiste avoir gard l usage, auquel on destine le btiment, l argent qu on veut y employer, et la beaut que l on veut qu il ait. Car il faut d autres desseins pour une maison dans la ville que pour une maison la campagne qui ne doit servir que de ferme et de mna-gerie ; et la maison qu on fait pour les bureaux de gens d affaires doit tre autre-ment dispose que celle que l on fait pour des gens curieux et magnifiques, ou pour des personnes dont la haute qualit et l emploi dans les affaires publiques demande des usages particuliers 1. Les outils traditionnels de l architecte la dfinition et l adaptation du programme, l adaptation aux moyens, au rang social des clients visent cette mise en cohrence qui permettra le bon droulement des pratiques attendues. Cette apparente banalit organise la vie telle qu elle doit se drouler, elle est donc peu visible dans ses effets, contrairement au dispo-sitif comme contrainte qui intressait Michel Foucault. Vitruve utilise aussi le mot oeconomia la place de distribution, c est--dire quelque chose comme la gestion de la maison, ou aujourd hui le management. Dispositio correspond aussi l organisation du plan. Distribution est la planifica-tion ou la conception du projet en fonction des gens pour lesquels on travaille. La notion d organisation est une forme ou partie du dispositif.Le travail du plan, parce qu il organise des passages, en favorise certains et en empche d autres, est un dispositif primaire. La disposition est l art de la distri-bution, c est un art du placement, de la stratgie. Mais au bout du compte, tout ce que manie l architecte est de l ordre du dispositif: un escalier, une porte, une fentre (une fentre l ancienne avec des volets en bois, vous ne dsignez pas le mme monde que si vos prenez des coulissants en acier). quoi cela sert de dire que ce sont des dispositifs ? a sert faire des projets qui savent qu ils modi-fient la vie.On a dit que le dispositif est la manire d arranger ou de disposer en vue d un effet auquel l arrangement ne se limite pas. Dispositif est un terme efficace pour tudier la socit contemporaine. Dispositif dcrit tout ce qui nous trans-forme, et comment cela nous transforme, aussi bien les objets fabriqus, les bti-ments, les vtements, les maquillages, que les stratgies d organisation.

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    ISBN 978-2-86364-273-3

    ple culturel (muse, conservatoire, cole dart, salle de musique contemporaine) La roche-sur-Yon, architectureaction, 2010.

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    2 Foucault, Michel, Dits et crits, volume III, Paris, Gallimard, 1994.3 Agamben, Giorgio, Qu est-ce qu un dispositif ?, Paris, Payot et Rivages, 2007.

    Le dispositif demeurait une contrainte pour Michel Foucault qui se dplacera de la contrainte physique, la torture ou la prison, vers une prise en compte large de la vie: Il s agit l d une certaine manipulation de rapports de force, d une inter-vention rationnelle et concerte dans ces rapports de force, soit pour les dve-lopper dans telle direction, soit pour les bloquer, ou pour les stabiliser, les utiliser. Le dispositif, donc, est toujours inscrit dans un jeu de pouvoir, mais toujours li aussi une ou des bornes de savoir qui en naissent, mais, tout autant, le conditionnent 2. On aura une vision du dispositif comme outil de contrle, chez Foucault, Deleuze ou aujourd hui Giorgio Agamben 3. C est le plus souvent vrai dans les objets produits par le capital. Tout produit informatique est un outil de contrle et de surveillance et un outil d alination, qui nous donne l illusion d tre plus libre. Une conqute attendue depuis les annes cinquante a t qu il puisse exister une architecture distractive , consquence immdiate de l esthtisation du monde. On a dit que si la rduction de l architecture au statut d objet a un sens, c est celui de correspondre une esthtisation de la vie. Le ludique caractrise une architecture d objets: il y a un devenir design de l archi-tecture caractristique de la postmodernit. L architecture nous a appris aimer les objets, pour que nous consommions. Aimer les objets tait une ncessit nous inculquer pour le capitalisme. Le capitalisme a ouvert la dfinition de soi par un ensemble de style de vie qui est galement l horizon de l architecture, qui ne produit d ailleurs que cela. Les objets, les vtements, les cosmtiques sont de formidables dispositifs symboliques qui ont transform totalement les comporte-ments depuis les annes trente, en particulier l invention permanente du fminin. La maison de Bordeaux permettait d identifier le dispositif comme une proc-dure commune aussi bien l architecte, au shaman, au psychanalyste (l efficacit symbolique de Lvi-Strauss). La difficult est la limite que l on donne au dispositif, car il concerne toutes les procdures d acculturation, tout ce qui fabrique le sujet contemporain, c est--dire tout ce qu il rencontre ou ctoie, ce qui passe sous ses yeux. Percevoir c est changer. C est une notion aussi vaste que celle d habitus, elle le prcde et se penche sur les procdures qui crent les habitudes et les manires d tre.Le Corbusier en se saisissant de scnes existantes proposait en mme temps une manire d tre. Comportez-vous comme sur un transatlantique. Le deck d un tran-satlantique est recr afin que nous reproduisions les perceptions, les sentiments des passagers. Reproduisant le dcor, on attend la reproduction des comporte-ments. Aussi absurde que cela puisse paratre, les situationnistes exprimaient presque la mme ide : Constant et Debord, Dclaration d Amsterdam (1958) : Le programme minimum de l I.S. est l exprience de dcors complets, qui devra s tendre un urbanisme unitaire, et la recherche de nouveaux comportements en relation avec ces dcors. [] La construction d une situation est l dification d une micro-ambiance transitoire et d un jeu d vnements pour un moment unique de la vie de quelques personnes . Ces deux mondes se hassent, mais ils ont un point commun, la cration de situations et d expriences. Les dispositifs ne sont pas a priori rpressifs ou librateurs. Ils sont l, produits ou manipuls, dans la comprhension ou de ce qu ils sont. Les objectifs ou les

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    ple culturel (muse, conservatoire, cole dart, salle de musique contemporaine) La roche-sur-Yon, 2010.

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    4 Genestier, Philippe, Faits et mfaits de l urba-nophilie , Raison prsente (Paris), no 2, 1992.5 Ibid.: L expression espace public est parti-culirement parlante: on remarque qu au travers d elle et au moyen d elle les locuteurs affirment implicitement, mais premptoirement qu il existe une relation nces-saire entre le sens propre et le sens figur, comme si un entremlement, voire une consubstan-tialit reliait la ville et la politique. Or, c est l un contresens car l expres-sion espace public, au sens politique du terme, tel que l a impos Jurgen Habermas, n a rien de spatial, puisque tout au contraire, il s agit de la sphre mdiatique et dli-brative qui se dploie dans la culture bourgeoise de manire de plus en plus mdiatise et dloca-lise. Or, aujourd hui via cette expression, nombre d auteurs et d acteurs sociaux, sociologues (Isaac Joseph, notamment) et urbanistes, assimilent l espace physique urbain l activit dmocratique .

    effets peuvent tre contradictoires. Notre travail est l analyse de la modification de nous-mmes par l architecture, dans notre gestuelle la plus complte, l archi-tecture comme exprience. Ce centre le plus vident de l architecture est l inven-tion du sujet contemporain, l quivalent de l homme universel de l architecture moderne, ce citoyen universel que nous recherchons, que nous soyons essayiste (Paul Virilio), philosophe (Toni Negri), ethnologue (Richard Sennett), ou socio-logue (Alain Ehrenberg). C est ce sujet contemporain qui est constamment form ou rform ou rgul par tout ce qui nous entoure au travers des dispositifs que nous produisons, des lois aux objets. Lorsque la ville n a plus t physiquement un intrieur, elle a t ragence par l homme des foules et l homme-spectateur. Le contemporain d aujourd hui a limin la ville pour y inscrire ses stratgies, dispositifs, rcits. Nous dcidons de notre environnement et de sa forme. Le choix culturel a remplac la nature et la raison. Imaginer l architecture de la grande chelle, c est inventer des histoires partages, dterminer des ambiances de territoires, ce que l on ressent quand on se dplace. La reprsentation spatiale des grands territoires s affirme comme un outil d orientation et de dcision. Ds lors, donner forme une rgion ou donner forme un objet ou une architecture relvent d une dmarche de projet semblable, visant tablir la situation d attractivit la plus favorable. Cette norme nouveaut le territoire est dans sa totalit manipulable conduit mettre en mouvement un projet une orientation positive au futur de l urbanisa-tion une chelle jusqu alors inconnue. L amnagement du territoire devient une stratgie d attractivit dont les outils sont aussi ceux du design de produit visible, perceptible, mouvant. La rgion sera aussi sduisante et attirante que la ville-capitale.Un immense engouement pour la ville , une urbanophilie 4 toujours plus dme-sure. Chaque runion de maires et d urbanistes voit s accrotre l infini un rcit de ralliement la ville et son pendant, le projet urbain. L espace public est gr au plus prs en impliquant l habitant (son confort et sa sret): la ville est l agencement de l change entre les habitants et le personnel politique. L espace public 5 est devenu progressivement publiquement privatis ou individualis. L intrt gnral s effaant devant le bien singulier du citoyen administr devenu usager-consommateur, il n est plus besoin de le dfinir ou de le dfendre, mais simplement d y rpondre. La ville est donc un dispositif d change de services entre une profession (le personnel politique) et ses mandants. Alors que les idaux d universalit s enfuient, la ville est recharge d une sacralit communicante. On parle de ville, mais il s agit d une habitude. Ainsi l emploi du mot de ville est devenu de plus en plus problmatique. Pour concevoir les projets d Architecture Action, nous employons des notions diffrentes:Dispositif, situation construite, concentrateur d activits, maximisation des changes, plan potentiel, urbanisme des sensations, urbanisation des conti-nents, ville de chacun. Les thmes sont, par exemple, le territoire comme int-rieur, le territoire du luxe, rcit qui gnre l environnement. Le design du terri-toire inverse les objectifs (la vente) et les moyens (la forme) du design. l oppos du branding, le design actif que nous mettons en uvre vise transformer les

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    situations urbaines en engageant des dispositifs dynamiques. Les dispositifs ou machineries conduisent vers d autres postures d action, d engagement et de plaisir, tout comme ils favorisent les rapprochements et les interrelations strat-giques. Nous sommes loin de cet amourachement d o sortira le nouveau citoyen local et urbain.

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    SOURCES DES TEXTES

    Immatriaux , Alain Guiheux, L ordre de la brique, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1985.

    Humeurs d Espace , Au temps de l espace, Paris, Centre Georges Pompidou/cci, 1983.

    Leve de rideau , Hugh Ferriss, La Mtropole du Futur, Paris, Centre Pompidou, 1987.

    Entre sur la scne urbaine , Urbanisme: la ville entre image et projet, Cahiers du cci (Paris),no 5, Paris, Centre Pompidou, 1988.

    Des films la place des tableaux 1991 , Palais (Paris), printemps 2012.

    Ligne de front , Architecture Mouvement Continuit (Paris), no 69, mars 1996.

    L architecture est une exposition , Archithse (Zurich), no 3, mars, 1996.

    Fast histoire , Alain Guiheux (d.), Archigram, Paris, Centre Georges Pompidou, 1994.

    Vers l invisibilit constructive , Techniques & Architecture (Paris), no 455, novembre 1999.

    L architecture est un dispositif , Architecture Mouvement Continuit (Paris), no 95, mars 1999

    Architectures-action , Parpaings (Paris), avril 1999.

    Dispositifs , Reading MVRDV, nai Publishers, Rotterdam, 2003.

    Pour un urbanisme de situation , Architecture Mouvement Continuit (Paris), no 98, mai 1999.

    Utopie faible: architecture-action , Techniques & Architecture (Paris), no 448, avril-mai 2000.

    Burst City , Quaderns (Barcelone), no 224, 1999.

    Urbanisme: Paris - Ivry , Architecture Mouvement Continuit (Paris), no 122, fvrier 2002.

    Mobility , catalogue Biennale d architecture de Rotterdam, 2002.

    Plan Potentiel , Techniques & Architecture (Paris), no 468, octobre-novembre 2003.

    Un urbanisme des sensations , Alain Guiheux (d.), La ville qui fait signes, Paris, Le Moniteur, 2004.

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    Barcelone, Il faut finir le forum , Architecture Mouvement Continuit (Paris), no 152, mai 2005.

    Treize projets pour Lille-Mtropole , Alain Guiheux (d.), La ville qui fait signes, Paris, Le Moniteur 2004.

    Le territoire du luxe, 10 ans donc !, Paris, Sens et Tonka, 2005.

    Trois situations construites - 1804-1975-2006 , Colloque La ville mise en scne , Marseille, 2007.

    Pour l architecture contemporaine , Alain Guiheux (d.), Collection d architecture du Centre Georges Pompidou, Paris, Centre Pompidou, 2000.

    Collectionner l instant. L architecture contemporaine au Centre Pompidou , Alain Guiheux (d.), Architecture instantane, Nouvelles acquisitions, Centre Pompidou, 2000.

    Fiction - La bote de Pandore de l architecture ? , Archistorm (Paris), no 26, juillet-aot 2007.

    Dispositif 3 , indit, 2011.

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    TABLE

    LIMINAIRE 7

    IMMATRIAUX 11

    HUMEURS D ESPACE 19

    LEVE DE RIDEAU 27

    ENTRES SUR LA SCNE URBAINE 35

    DES FILMS LA PLACE DES TABLEAUX 47

    LIGNE DE FRONT 55

    L ARCHITECTURE EST UNE EXPOSITION 61

    FAST HISTOIRE 67

    VERS L INVISIBILIT CONSTRUCTIVE 73

    L ARCHITECTURE EST UN DISPOSITIF 79

    ARCHITECTURES-ACTION 89

    DISPOSITIFS 99

    POUR UN URBANISME DE SITUATION 107

    UTOPIE FAIBLE: ARCHITECTURE-ACTION 113

    BURST CITY 119

    PARIS - IVRY: POUR UN URBANISME ACTION 127

    MOBILITY 137

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    PLAN POTENTIEL 143

    UN URBANISME DES SENSATIONS 157

    BARCELONE: IL FAUT FINIR LE FORUM 165

    TREIZE PROJETS POUR LILLE - MTROPOLE 173

    LE TERRITOIRE DU LUXE 179

    LE PENTAGONE. TROIS SITUATIONS CONSTRUITES 1804-1975-2006 181

    POUR L ARCHITECTURE CONTEMPORAINE 189

    COLLECTIONNER L INSTANT 201

    FICTION - LA BOTE DE PANDORE DE L ARCHITECTURE ? 211

    DISPOSITIF 3 217

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