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ROBERT AMBELAIN .AU PleD D€5 men1:-11Rs Introduction à l'Etude des Doctrines Celtiques EDITIONS NICLAUS 34, Rue Saint Jacques - PAR 1 S Wl 1945

Ambelain Robert - Au Pied Des Menhirs

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.Note de l'auteurLe manuscrit de cet ouvrage a été composé durant les années d'occupation I942-I943. La parution en a été retardée pour les motifs suivants.Le gouvernement Pétain, servilement aux ordres de l'Allemagne nazie, avait institué, dès l'été I941, un soi-disant « Comité de Répartition du Papier et de Contrôle du Livre », comité qui était en réalité une censure politique et confessionnelle. Les manuscrits, proposés par les éditeurs, étaient remis par ce comité à des « lecteurs », soigneusement choisis, spécialisés dans une catégorie bien définie : histoire, philosophie, roman, etc... Ils accordaient ou refusaient l'imprimatur au gré de leurs opinions et appréciations personnelles. Comme ils avaient été choisis par Vichy et devaient donner au gouvernement Pétain toutes garanties idéologiques et collaborationistes, on se doute bien dans quel esprit fonctionnait leur choix !Nous eûmes le tort de remettre en lecture à ce comité un manuscrit traitant de l'histoire des divers mouvements « martinistes » depuis le XVIIIe siècle (Elus-Cohen, Initiés de Saint Martin, Chevaliers-Bienfaisants de la Cité-Sainte, etc... ). Ceci nous rendit suspects ! Et les services anti-maçonniques du ministère de la Justice (actionnés par Jean MARQUES-RIVIÈRE !) nous mirent aussitôt en surveillance. Nous dûmes mettre nos livres, manuscrits, documents, en lieu sûr (les saisies étaient fréquemment pratiquées par les sbires de Vichy), et abandonner tout espoir de publier notre étude sur les survivances et les traditions celto-nordiques avant que le temps de la liberté de conscience et de presse fût enfin revenu.Aujourd'hui, c'est chose faite. Voici que la Lumière tant espérée se lève à l'orient du monde, et que derrière le Menhir symbolique, les trois Rayons celtiques jaillissent de nouveau. Les vieux dieux sauvages de la sombre Germanie, d'Hirmensul à Odin, cèdent la place à l'Apollon d'Hyperborée, et c'est toute notre vieille civilisation gauloise qui rayonne de nouveau. Que ces pages, unissant en un même faisceau la tradition méditerranéenne et la tradition druidique, parviennent à faire connaître aux Occultistes la pure sagesse qui s'en dégage, et ce sera la plus belle récompense que nous osions ambitionner...R. A.Solstice d'Hiver 1945.

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  • ROBERT AMBELAIN

    .AU PleD D5

    men1:-11Rs

    Introduction l'Etude des Doctrines Celtiques

    EDITIONS NICLAUS 34, Rue Saint Jacques - PAR 1 S Wl

    1945

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    AU PIED DES MENHIRS

    Le Vrai, la face du Monde ... (Cri d'ouverture du Gorsedd).

    Honore les Dieux, sois bon, cultive les vertus viriles ... (Axiome druidique).

  • OUVRAGES DU MEME ATEUR

    Elments d'Astrologie Scientifique: Etoiles fixes, Comtes et Ecljpses. -Un volume in-12. 96 pages, avec Tables de positions, Prihlies com-taires, etc ... (Paris 1936. - Beetemalle, diteur.)

    Trait d'Astrologie Esotrique : Les Cycles. - Un volume 271 pag

  • ROBERT AMBELAIN

    AU J'leD oes

    men1-11Rs

    Introduction . l'Etude des Doctrines Celtiques

    EDITIONS NICLAUS 34, Rue Saint Jacques - PARIS (6)

    1 94.5

  • TABLE DES MATIERES

    Note de l'auteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Rfrences bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Oiw , l'Absolu Celtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 De la nature d' Oiw ................ ; . . . . . . . . . . . . . . . 15 De l'existence d' Oiw >> 16 De la connaissance d' Oiw >> 17 De la cration totale et du ddoublement de Oiw . . . . 18 La Trinit Celtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Karidwen, la Vierge-Mre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Hu Kadarn, l'Apollon celtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Les Dieux celtiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Cythraul, le Dmon celtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 L'uf du Monde, selon les Celtes et devant la science . . . . 39 Apollon, lumire vivante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 L'Homme et le Monde ou l'union de Menw et de Modurans

    Awdd.............................................. 51 De la nature de l'me humaine de Menw ou de Menwyd . . 56 Gwenved, le Monde blanc et la batitude finale . . . . . . 62 De la ralit de Gwenved . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Le Celte et son Devenir >> selon les Triades . . . . . . . . . . . . 71 Abred le Monde de douleur et de ncessit . . . . . . . . . 76 Les Cercles intrieurs d' Abred . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Le Cercle de Kenmil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Le Cercle de Gobren ..................... . ...... : .. .... 86 Le Cercle d' Anwn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Anwn, l'Abme et l'Existence en puissance . . . . . . . . . . 93 La naissance de An kou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 Kengant, le Cercle vide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

    Les Triades de l'Ile de Bretagne. Historique des Triades . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Les > de l'Ile de Bretagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 ~otules et Sentences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 Celtisme et Pythagorhme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Les Vers d'Or pythagoriciens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 La filiation celtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 Rsum de la tradition : Credo Celtique . . . . . . . . . . . . . . 152 'onclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

  • NOTE DE L'AUTEUR

    Le manuscrit de cet ouvrage a t compos durant les annes d'occupation I942-I943- La parution en a t retarde pour les motifs suivants.

    Le gouvernement Ptain, servilement aux ordres de l'Allemagne nazie, avait institu, ds l't I94I, un soi-disant Comit de Rpartition du Papier et de Contrle du Livre , comit qui tait en ralit une censure poli-tique et onfessionnelle. Les manuscrits, proposs par les diteurs, taient remis par ce comit des lecteurs , soigneusement choisis, spcialiss dans une catgorie bien dfinie : histoire, philoSOJ?hie, roman, etc... Ils accordaient ou refusaient l'impnmatur au gr de leurs opinions et apprciations personnelles. Comme ils avaient t choisis par Vichy et devaient donner au gouverne-ment Ptain toutes garanties idologiques et collabora-tionistes, on se doute bien dans quel esprit fonctionnair leur choix !

    Nous emes le tort de remettre en lecture ce comit un manuscrit traitant !e l'histoire des divers mouvements martinistes depuis le xvrn sicle (Elus-Cohen, Initis de Saint Martin, Chevaliers-Bien-faisants de la Cit-Sainte, etc ... ). Ceci nous rendit sus-pects ! Et les services antimaonniques du ministre de la Justice (actionns par Jean MARQUEs-RIVIRE !) nous mirent aussitt en surveillance. Nous dmes mettre nos livres, manuscrits, documents, en lieu sr (les saisies taient frquemment pratiques par les sbires de Vichy), et abandonner tout espoir de publier notre tude sur les survivances et les traditions celto-nordiques avant que le temps de la libert de conscience et de presse ft enfin revenu.

    Aujourd'hui, c'est chose faite. Voici que la Lumire tant espre se lve l'orient du monde, et que der-rire le Menhir symbolique, les trois Rayons celtiques jaillissent de nouvean. Les vieux dieux sauvages de la sombre Germanie, d'Hirmensul Odin, cdent la place l'Apollon d'Hyperbore, et c'est toute notre vieille civilisation gatoise qui rayonne de nouveau. Que ces pages, unissant en un mme faisceau la tradition mdi-terranenne et la tradition druidique, parviennent faire connatre aux Occultistes la pure sagesse qui s'en dgage, et ce sera la plus belle rcompense que nous osions ambitionr_ '" ...

    R. A. Solstice d'Hiver 1945.

  • REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    ARBOIS DE jUBAINVILLE. - Cours de Littrature Celtique (Paris I892). AR BIHAN (Christian Descormiers).- De quelques analogies ou divergences

    religieuses et sociales dans les civilisations celtique et gyptienne (Paris 1934).

    LE BRAz (Anatole). - Vieilles histoires du pays breton (Paris I9o6). Le BRAz (Anatole). - La lgende de la Mort chez les Bretons Armoricains

    (Paris I928). DoTTIN. - Contes et Lgendes d'Irlande (Paris I9oi). DoTTIN. - Manuel pour servir l'tude de l'antiquit celtique (Vannes 19 .. ). DIVERRES (P.). -Le plus ancien texte des Meddygon Myddfai (Paris I9I3) FREMINVILLE (de). - Les Antiquits de la Bretagne (Brest 1832). HuBERT. - Les Celtes l'poque de la Tne. KALEnvoucH (Yves Berthou). - Sous le Chne des Druides : les Triades

    Bardiqttes, avec texte original gallois (Paris 193I). LADMIRAULT (Paul). - Le Livre du Bardisme : abrg du Bardas (Paris

    1931). LoTH (J.).- Les Mabinogion du Livre Rouge de Hergest (Paris 1913). LOTH (].). - Les variantes du Livre Blanc de Rhydderch (mme ouvrage). MARE (J.). - Essai sur les Antiquits du Morbihan (Vannes 1825). GENTY (Patrice). - La Tradition Celtique (Paris 1937). SAVORET (A.). - Du Menhir la Croix (Paris I932). SrsTEDT (Marie-Louise). - Dieux et Hros des Celtes (Paris I94o). SouvEsTRE. - Les derniers Bretons (Paris 1858).

    Manuscrits :

    Documents divers provenant d'archives prives.

    Revues:

    NEMETON. -Revue celtique (Laval, depuis I942).

  • INTRODUCTION

    C ET ouvrage est bientt le quatrime que nous consacrons l'tude et au commentaire des hautes doctrines sotriques. Et si nous nous sommes toujours attachs rendre du mieux que cela nous tait possible, et l'atmosphre mystique et l'enthousiasme de ceux qui jadis les firent leurs, nous ne les avons pas pouses toutes, on s'en doute bien !

    Mais nul ouvrage ne nous aura procur autant de joie en sa rdaction, que ces pages consacres l'tude et au dpouillement des Traditions Cel-tiques, aucun n'veillera en nous autant de rsurgences et d'chos.

    Peut-tre est-ce notre propre hrdit familiale, et le fait que nous soyions celte intgralement et sans contestation possible, qui justifient que telles pages de ce petit livre ont t crites le cur battant d'une joie inexprimable, et que les mots elL--e-mmes, les vieux mots de l'Armorique, raniment en nous-mme un mystrieux amour ?

    Cette tche n'avait pas encore t faite. Et les grands gnies que la terre d'Armor a vu natre depuis dj un sicle, ne se sont pas attachs pntrer le mystre et l'sotrisme de sa mysticit. Terre de lgende et de rve, la Bretagne nous apporte pourtant une magnifique corbeille ! Car au sein de ses Triades, ml au conte populaire, colport par le folklore si traditiorula-liste de la Cornouaille, du Lon, ou du pays de Trgor, le Celtisme tout entier s'exprime, en un vrbe magnifique et pur, criant de clart et de prcisions. Et devant cette inexplicable carence d'up peuple, reniant ses dieux en appa-rence, par l'indiffrence de ses potes ct de ses littrateurs, nous avons os toucher les blocs crouls prs des vieux temples, nous avons os mettre nos pieds dans la trace de ceux de nos devanciers. A notre tour, dans l'hent ar J.faro, le

  • IO AU PIED DES MENHIRS

    mdita et pria Apollonius de Thyane, que nous avons enfin compris intuitive-ment les liens mystrieux mais rels qui unissent, pan:iel des rgions tran-gres et des diffrences de climat considrables, le Pythagorisme clos au beau soleil latin, et le Celtisme n tout prs des eaux glauques d'Armorique ...

    Ce revirement n'est pas nouveau pour qui connat un peu l'me celte. Dans l'anthologie illustre intitule La Bretagne , Anatole Le Braz a trac du Celte un portrait saisissant : On a dit de la Bretagne et de sa structure. qu'elle avait moins de chair que de nerfs. Ainsi en est-il du Breton. C'est avant tout un nerveux, un impressionnable. Son enttement proverbial, sujet d'ailleurs aux plus brusques variations', l'a fait prendre pour un volontaire, alors que sa facult dominante est la sensibilit, une sensibilit de Celte, frmissante, inquite, ombrageuse, et que surexcite encore une imagination infatigable, toujours en travail. Il est rare qu'il ne se laisse pas diriger par elle, et, le plus souvent, il est sa merci ... Il n'y a pas d'tre sur la constance duquel on puisse s'appuyer plus solidement, et il n'y en a pas dont la versati-lit soit plus ingnieuse vous dcevoir. .. L'argent ne compte pas ses yeux ... Mais, une fois contamin par la fivre du lucre, vous ne rencontrerez pas de qumandeur plus navement hont ... Son courage, quelles preuves clatantes n'en a-t-il pas donnes ? En revanche, d'une timidit presque enfantine devant la vie, trop dlicat pour se pousser, trop faible ou trop fier pour rclamer son d, rsign au fait accompli ... Conservatur, routinier, ennemi de l'ini-tiative, prisonnier de la tradition, il l'est, certes ; mais curieux aussi de nou-veauts, avide de changement, l'oreille tendue l'appel de l'Aventure, le pied lev pour la marche . l'Inconnu, quel qu'il soit ! Arrach sa passivit, il se rue dans l'audace. Rfractaire, ai-je dit ; et libertaire, faudrait-il ajouter ! Nul n'est plus respectueux de la rgle ; nul n'en est plus impatient .. Hier : chouan ; demain : anarchiste ; sans cesse en ractions violentes contre quel-que chose ou contre quelqu'un ... Il ne saurait pas plus se dispenser de croire que de respirer. Mais il n'a pas une religion, il les a toutes. Sa foi, dans son ardeur clectique, dborde les orthodoxies ! Comment s'tonner ds lors qu'elle s'en vade ? En fait, depuis Plage et Ablard jusqu' Lamennais, Renan, Le Dantec, les plus fervents exemples, non pas d'incrdulit, mais d'inversion de croyance, ont t fou.rnics par la pieuse Bretagne ...

    Quel portrait serait plus juste et plus fouill ? Du Celte de jadis, Renan, en son Essai de Morale et de Critique , nous

    dit ceci : Un des traits qui frapprent le plus les Romains, ce fut la prcision

    de leurs ides sur la vie future, leur penchant pour le suicide, les prts et les contrats qu'ils signaient en vue de l'autre monde. Les peuples plus lgers du Midi, voyaient avec terreur en cette assurance, le fait d'une Race myst-rieuse, ayant le sens de l'Avenir et le secret de la Mort.

    Aussi loin, en effet, que nous remontions dans leur histoire, nous dit encore A. Le Braz, la proccupation de l'au-del, comme nous disons aujour-d'hui, semble avoir exerc sur leur imagination un prestige vraiment singu-lier. Csar nous montre les Gaulois se rclamant, sur la foi des Druides, de la paternit du Dieu de la Mort, et faisant profession d'en tre tous des-cendus.

    (Il s'agit l du dieu Valfadir, Pre des gt,erriers morts :., des traditions celtiques). C'est pour cette raison, ajoute-t-il qu'il , mesurent la marche du temps, non par les jours, mais par les nuits. ~ 'ous saYons galement, grce aux Commentaires de Csar, quelle importance ils attachaient aux fun-

  • AU Plli;D DES MENHIRS II

    railles, quelle somptuosit tout exceptionnelle ils y dployaient. Et nous savons toujours, grce la mme voie, que le principal souci de l'enseignement drui-dique tait d'inculquer aux mes la certitude qu'elles ne prissaient pas. (1)

    Sur la doctrine des Druides nous possdons peu de chose. Et l'index biblio-graphique du prsent travail en souligne la pauvret. Tout se borne des commentaires et des dductions. A notre tour, nous nous sommes donc permis de tenter une reconstitution. Nous basant sur les textes bardiques eux-mmes et sur les Triades, nous avons tent de dbroussailler le chemin pineux et sombre qui mne la Thodice Celtique, usant en cela du systme scholas-tique cher aux thologiens. Pour le dtail de la vie outre-tombe, nous avons utilis le folklore galique, gallois et breton, si riche de substance. Et de la potique simplicit des vieux contes, nous avons vu se dgager peu peu des brumes lgendaires, tout une moisson d'enseignements! Car les facults supra-normales, si frquentes chez les individus de cette race, ont justement permis aux conteurs de retrouver intuitivement ce climat et cette couleur (si particuliers au lgendaire breton) qui campent l'au-del celtique, le Mag Mor ,clans une saisissante plausibilit. Ce sont eux qui, ajoutant des puances et des accents particuliers au dit lgendaire, en ont fait le canal et le vhi-cule d'une vritable tradition sotrique. Et on comprend que l'glise catho-lique ait toujours vu d'un mauvais il la conservation et la perptuit d'un folklore aussi suspect !

    Dans son magnifique ouvrage Les Lgendes de la Mort , A. Le Braz pour clore son introduction, met ce souhait sacrilge : Puisse la Lgendf/ de la Mort n'tre bientt plus pour les Bretons qu'un souvenir, embaum par l'un d'eux aux pages de ce livre, comme un linceul 1 ~> . Eh bien ! non ! C'est religiettsement que de telles traditions verbales se doivent de subsister. C'est avec vnration que le Celte doit perptuer son lgendaire. Car, derrire ce que le vulgaire considre comme une superstition suranne, et le dvt comme une survivance d'un paganisme rprouv, c'est une des plus magnifiques doc-trines mtaphysiques qui soient jamais issues de l'esprit des hommes qui nous parvient, pleine de jeunesse et de vie, riche d'enseignements librateurs. A l'me populaire celte, nous devons beaucoup, ses croyances et ses cou-tumes qui nous ont servi de fil d'Ariane dans le labyrinthe des hypothses.

    C'est cette me populaire, ses croyances vivaces, que Le Braz avait ddi son livre :

    Les conteuse, par les sentiers, dans les nuits noires, Descendent vers les bourgs, leurs fuseaux dans les doigts, L sont les tres clairs, et le cidre, et les noix, Et le peuple attentif des couteurs d'histoires ! Elles disent : Salut !. .. >> Et lointaines, leurs voix Semblent venir du seuil plaintif des purgatoires . Le souffle du Pass gmit dans leurs mmoires, Comme le vent d'automne au cur dolent des bois ... Vieilles aux yeux fans ! Plerines du Rve ! Vous m'avez par la main conduit vers l'Autre Grve ... Le navire idal nous a pris son bord !... J'ai refait avec vous vos longues traverses, Et vu se coucher, ple, att fond de mes penses, L'astre apaisant et pur des pays de la Mort ...

    (1.) Le Braz. - Op. cu.

  • 12 AU PIED DES MENHIRS

    C'est donc avec respect que nous devons considrer ces humbles et pre-nants rcits, et nous croyons leur rendre justice en reconnaissant ici mme, au dbut du livre, toute la part qu'ils y ont apporte. Pour la Mtaphysique celtique, nous avions le texte gallois des Triades de l'Ile de Bretagne, et sa traduction bretonne par Yves Berthou. Nous en donnons une interprtation franaise nouvelle, qui, si elle est moins littrale, utilise nanmoins davan-tage les finesses de notre langue. Pour l'Ethique, nous ne possdions plus rien. C'est donc vers la Grce que nous nous sommes tourns. Arguant l'opi-nion des anciens auteurs qui font du Pythagorisme un rameau issu de l'Ini-tiation druidique, nous avons prsent comme une morale celtique celle que le Matre de Samos nous rvle en ses vers immortels. Et les Vers d'Or de Pythagore viennent alors prendre place, leur rang, parmi cette tradi-tion. Pour lever un coin du voile qui nous masque les mystres de la Mort, les cls de la Migration vitale, et les arcanes de la Vie Posthume, nous nous sommes servi de la tradition arvcnne avec le Bardo Thodol thib-tain et gyptienne, avec le Livre' de la Demeure , rituel funraire de l'antique Egypte. Par l, nous rejoignions la civilisation rouge atlantenne. Est-ce l un acte si audacieux ? Nous ne le pensons pas. De l'Hyperbore l'Atlantide, la route est courte ... D'autant que les lgendes de la Mort, en Bretagne, confirment rigo~treusement le processus de la dsintgration pos-thume selon les Thibtains. Quoi qu'il en soit. cet essai se prsente avec le simple dsir de rsumer des donnes parses et peu accessibles au grand public ; aussi, de mettre la porte des celtisants une sorte de memento qui leur permette de comparer la Tradition raciale avec les autres, et de pouvoir aussi la soutenir, avec quelques arguments solidement tays, le cas chant. Mais surtout, de montrer que l'Occident possde, lui aussi, une de ces reli-gions purement mtaphysiques, qu'on supposait - jusqu' prsent du moins, - l'exclusif privilge de l'Orient ...

    A notre poque, les vieilles religions officielles, issues des cultes smite~ ou asiates, dclinent ct meurent doucement. Sclroses par des dogmes troits et striles, se refusant par la voix de leurs prtres mettre autre chose la porte de l'homme moderne que l'lmentaire bagage qu'on confie la prime enfance, leurs jours sont compts. Elles meurent de l'indiffrence et de l'indulgence des foules modernes pour leurs mythes trop exotriss. Mais il s'en faut nanmoins que cs foules soient exclusivement matrialistes ! Et l'engouement des peuples jeunes et neufs pour les croyances ou les thories les plus audacieuses, dmontre sans conteste que l'me humaine garde toute sa fracheur. Encore faut-il que ce qu'on veuille lui faire absorber possde la mme vertu ! Et si les mystiques surannes sont incapables de limiter et d'endiguer le matrialisme bestial qui pointe depuis cent ans, peut-tre d'autres mystiques, satisfaisant davantage l'esprit moderne, peuvent le faire. Il suffit de voir l'importance que la pense bouddhiste, voire taoste, a pris dans les milieux spiritualistes europens, pour admettre sans peine que n'importe quelle religion est susceptible de pntrer les lites intellectuelles, si sa mystique repose sur une mtaphysique suffisamment justificative de _es exigences. Or, cette condition, le Celtisme la remplit parfaitement. Sa simplicit mme paule considrablement la thse de son hien-fond. Sa con-ception divine demeure suffisamment abstraite pour viter l'intransigeance

    dogmatique, inhrente toute anthropomorphisation. Et on absolu mono-thisme, tout en offrant au mystique des rnanife ta ions :. suffisamment vocatrices, permet au rationaliste scientifiqu~ de dfricher, en toute indpen-dance d'esprit, les laborieux problmes de l'Inconnu et de l'Autre Monde.

  • AtJ PIE:D DES MENHIRS i3

    Qu'ajouter de plus ? On reprochait au message venu de l'Asie d'tre anti-constructif, ngateur en ses conclusions, et de dtruire cette esprance, si chre l'Homme d'Occident, en une vie future ou sa personnalit demeurait entire et complte. Le Celtisme nous apporte une mtaphysique plus qu'une religion (ce qui n'est pas pour nous dplaire !) mais, de ce rationalisme appa-rent, il en dgage la certitude en une ternelle et personnelle vie. Que demander encore ?

    Le temps fera justice de nos prtentions, ou, au contraire, les ralisera. L'ide celte est en marche, laissons-l cheminer ! Que d'autres, plus qualifis que nous, reprennent le mme spoir, fassent leur le mme dsir. Que des rudits, de l'envergure des Arbois de Jubainville ou des de la Villemarqu se rallient la vieille mystique celtique, et les cultes trangers s'effaceront doucement, avec la conqute des lites spiritualistes.

    Et qui sait ? Un jour peut-tre, quand les Cycles du Temps seront enfin boucls, nos fils verront revenir les anciens jours . En eux et grce eux, par la plnitude de cette race que nous promettent les vieilles Triades, nous revivrons les grandes heures de l'Armorique. Et derrire les menhirs et les pommiers en fleurs, au fier soleil levant, monteront les Dieux d'Armor !...

    * **

    OIW , L'ABSOLU CELTIQUE

    DIEu ! Donne-nous Ta Force ! Et dans Ta Force, le pouvoir de Souffrir ! De souffrir pour la Vrit ... Car dans la Vrit est toute ta Lumire, Et en Ta Lumire, tout le Gwenved ! Or, dans le Gwenved, est l'Amour, Dans l'Amour, est DIEu, En Dreu, tout le Bien ...

    (Le Grand Livre de Margam , la Prire des Voyants.)

    Accorde, DIEu, Ta Protection, Et en Ta Protection, la Raison, Et en la Raison Ta Lumire, Et en Ta Lumire, la Vrit ... Car en la Vrit est Ta justice, En Ta Justice est l'Amour, Dans l'Amour, l'Amour de DIU, Dans l'Amour oc DIEu, tout le Gwenved, Toute l'Immortalit. tout le Bien ...

    (Le c Graud Lhn de Trahaiarn , la Prire du Gorsedd.)

    Du Non-Etre, conduis-moi l'Etre, Des Tnbres la Lumire, de la oc Mort l'Immortalit ...

    (Brihad-Aranyaka, Upanishad : I, III, 28.)

  • 1

    I

    L n'est qu'un seul Etre, un seul Etre qui soit, trs rellement. Hormis cet Etre, l'Etre par excellence, il n'en est pas d'autre. Car tous les autres tres procdent de lui, subsistent en lui et par lui, et retournent un jour lui. Il est tout ce qui aurait pu tre, mais ne sera jamais. Il est cc qui aurait pu tre, et qui a effectivement t ; tout ce qui aurait

    pu tre, et qui est effectivement ; tout cc qui pourrait tre et qui trs relle-ment sera.

    Il est donc ternellement lui-mme, l'ETRE-des-ETlUCs ...

    Cet Etre, Ineffable, Incr, Parfait, nous autres les fils de la trs vieille Celtide, nous le nommons d'un seul mot de trois lettres. il

    Ces trois lettres sont OIW, ou encore IOW, symbolises par 11\ (1). Parce que ce nom est le premier qu'on lui ait donn, secrte et mystrieuse.

    est sa prononciation. Profres-le donc si tu peux, et surtout si tu sais .. ,

    Mais sache cependant que, pour viter de manquer au respect et l'hon-neur dus la PuiSSANCE SuPRME, et au PRE-DE-TouT, un barde ne doit jamais profrer ce Nom, sinon intrieurement et mentalement.

    Car trois attributs le dfinissent mieux que tout nom vulgaire. Il est en effet l'AMOUR, la CoNNAISSANCE, et la PUISSANCE.

    * **

    De ces trois attributs primordiaux, nat alors sa JusTICE. Mais sans l'un d'eux trois, il ne pourrait tre nulle Justice au monde ...

    (1) En Egypte, ce glyphe tait le symbole du culte d'Atem, - ou Rayon de RQ - pre-mire manifestation de la Lumire. (C. Descormlers : tDe quelques analogies rellg1euses et sociales dans les civilisations gyptienne et celtique, Paris 1934. - HeuS'llJ),

  • A'!J PIED DS Ml':NHIRS 15

    DE LA NATURE DE OIW

    Si OIW existe, que peut-il tre? Ncessairement un tre purement esprit, car la Perfection doit tre alors son attribut, et nos yeux et nos sens nous permettent alors de constater que, ce qui est purement matire, en est dpourvu en grande pa"rtie.

    * ** Que peut-on envisager, en dclarant que OIW est un Esprit ? Qu'il

    n'a point de forme corporelle particulire, qu'il est libre de toute matire, ou mme de toute nature distincte de son tre, sans que, pour cela, l'inverse soit vridique.

    Il s'ensuit que OIW n'est pas un tre comme tous les autres tres qui ne sont que tels ou tels tres particulariss. Il est, au contraire, au sens le plus vritable, le plus transcendant ct le plus absolu de tous les tres, soit l'Etre mme.

    * **

    OIW doit ncessairemet:1t tre parfait, car il ne peut rien lui manquer. Il doit tre la Bont mme, tant le principe et le terme de tout Amour. Il est l'Infinit, elle-mme, n'tant ct ne pouvant tre limit par rien. Il doit pntrer toute chose et tre partout, car ce qui existe, existe ncessairement en Lui et par Lui.

    * **

    OIW est ncessairement immuable, car il ne peut, tant la Perfec-tion mme, avoir besoin d'acqurir quoi que ce soit. Il est ternel, car il ne saurait y avoir de succession en Lui, ne pouvant varier par le fait mme de son absolue Perfection.

    * **

    OIW ne peut tre qu'unique ; il ne peut y avoir qu'un seul Crateur, une seule Cause Premire, ses attributs ne pouvant tre partags et demeurer unis.

    ..:': ..

    .... -r-

    Si OIW ne possdait pas en Lui tous ces attributs de la Perfection essentielle, il ne serait plus Lui-mme, c'est--dire Celui-qui-existe-par-Soi. Or, Celui-qui-existe-par-Soi doit ncessairement tre parfait, ayant tout en lui-mme. S'il . est parfait, il est ncessairement bon. Il doit tre infini, sans quoi quelque chose d'tranger Sa Nature aurait action sur Lui pour le limiter. Et s'il est infini, il faut qu'il soit partout, et en toutes choses.

    * **

    Il doit de mme tre immuable, sans quoi il serait la recherche de quelque chose, afin de se complter. S'il est immuable, c'est qu'il est ternel,

    (1) Prononcer Oyoune ~.

  • 16 AU PIED DES MENHIRS

    le temps tant une succession qui implique le changement et la variation. D'autre part, tant parfait, il ne peut tre qu'UN. Deux tres, infiniment parfaits tous deux, tant une chose absolument impossible, car l'u n'aurait rien par o il se distinguerait de l'autre, et il y aurait donc ncessairement retour l'Unit ...

    DE L'EXISTENCE DE OIW

    OIW existe-t-il ? Ncessairement il existe ; car s'il n'existait pas, rien de ce qui n'existe que par Lui n'existerait ! Or, tout ce qui existe (et qui n'est pas OIW), n'existe que par Lui. Donc, si nulle Cause Premire n'existait, rien ne serait et ne pourrait tre.

    *** Ce qui existe, et n'est pas OIW , n'existe que par Lui, pour la raison

    que, ce qui n'existe pas par soi, n'existe en dernire analyse que par un Autre, qui, lui, est par soi. Cet Autre, nous avons convenu de le transcrire par les Trois Lettres OIW .

    Or, ce qui existe, et n'est pas OIW , n'existe point par soi, le fait est vident. Donc, tout ce qui existe et n'est pas totalement Lui, n'existe que par Lui,

    * **

    On dmontre philosophiquement que ce qui existe, et n'est pas OIW , n'existe point par soi, l'aide du raisonnement suivant :

    Rien de ce qui a besoin de quelque chose (pour subsister), n'existe par soi-mme. Or, tout ce qui existe, et n'est pas rellement OIW , a besoin de quelque chose. Donc, ce qui existe, subsiste, tout en n'tant pas OIW soi-mme, n'existe point par soi.

    * **

    Si quelque chose existait par soi, ce quelque chose ne dpendrait et ne pourrait dpendre de rien, ni de personne. Or, tout ce qui a besoin de quelque chose ou de quelqu'un, dpend (pour tre et subsister), de ce quelque chose ou de ce quelqu'un.

    *** Quelque chose existant par soi ne saurait dpendre de nulle autre chose, ayant ncessairement tout, et en lui-mme et par lui-mme. Par consquent, ce quelque chose existant par soi, ne peut recevoir quoi que ce soit de rien ni de personne.

    *** Toute chose ou tout tre, existant, ayant donc besoin de quelque chose

    pour tre et subsister, prouve alors manifestement (par sa seule prsence) qu'une Cause Premire existe, en qui et par qui tout se puise ou s'obtient.

  • .I. PIED Dll:S M:ltNHIRS

    Enfin, il est logique d'envisager ~n point sommital o toutes les Perfec-tions secondaires, fragmentes, parpilles, se rejoignent et s'unissent synth-tiquement pour former, par leur runion finale, la Perfection Unique, Totale, Absolue.

    C'est ce point, ce sommet, cette synthse, que nous sommes convenus d'appeler, selon la Tradition Celtique, du compos OIW , ou, du mot vul-gaire, Dieu.

    Concluons alors que : a) OIW existe ; b) OIW est parfait.

    * **

    * **

    DE LA CONNAISSANCE DE OIW

    Pouvons-nous, en tant qu'tre de chair, voir OIW ? Evidemment non. Notre corps matriel y fait obstacle, par le fait mme de l'imperfection humaine, infiniment trop loigne de la Perfection totale, pour le concevoir (en sa plnitude), ou le percevoir (sous quelque aspect que ce soit).

    * **

    Nous pouvons nanmoins le connatre, par la Raison d'une part, et par la Foi mystique d'autre part.

    Le connatre par la Raison, c'est le percevoir, travers les tres qu'il cra, travers les buts et les motifs qui les justifient.

    Le connatre par la Foi, c'est le percevoir l'aide de ce qu'il veut bien nous rvler de Lui-mme, par le canal de ce qu'il est convenu d'appeler la Mystique, dont les tapes sont la mditation et l'illumination.

    La Raison appartient l'Homme, la Foi vient de OIW .

    *** Concluons que la Raison et la Foi ont toutes deux pour objectif la Gnose,

    ou Connaissance. Cette expression impliquant la Connaissance Totale, et non des connaissances imparfaites. Il ressort alors de ce raisonnement que, puisque OIW est TouT, comme on l'a prcdemment dmontr, cette Connais-sance Totale n'est autre et ne peut tre que la Connaissance de OIW .

    Elle s'obtient, en son panouissement maximum, dans un tat et un plan cratoriel particulier, que la Tradition Celtique nomme le Monde Blanc ou Gw&NVltD.

    * **

    Concevoir, percevoir, comprendre la Cause Premire et toute son uvre, doit donc suffire l'Homme pour ne plus rien avoir dsirer.

    Mais l'Homme, crature pleine d'imperfections, ne saurait s'attaquer au mystre de l'Absolu, tre dgag et indpendant de tout ce qui n'est pas Lui, et que la Tradition Celtique nomme le K:i;;UGANT1 ou < Monde Vide ),

  • 18 AU l'lED DES Mf;, HI~

    En effet, KEUGANT, c'est l'Etre tant lui-mme tence, n'tant l'effet d'aucune autre cause, ne dpen_a aucune hypothse, ne tenant aucune ncessite . .r~u~"'"''"'""n comme OIW est KEUGANT. Mais l'Homme, enc ~e concevoir KEuGANT ...

    * **

    DE LA CREATION TOT ALE ET DU DEDOuBLL !:.. DE OIW

    Tout est enferm en OIW , le Monde est, bien q.:e ::. : pas OIW , enclos nanmoins en OIW puisqu'il est le .o ; -- excel-

    lence, et que rien ne saurait exister sans lui. Mais alors, il se ~ou e ue le Mal serait l'uvre de OIW puisque le Mal est inhrert - .loade ? Effectivement. .

    Dans une certaine partie de ce TouT absolu qui constitue e=:se e mme de OIW , la Perfection Suprme s'est retire, crant ai::-.~1 le .londe. Nous allons voir pourquoi et comment.

    * **

    OIW s'aime, ncessairement, d'un unique, infini, et ternel Amour. Et cela par le fait qu'il ne saurait raisonnablement-, ni ne pas s'aimer (ce qui serait impossible), ni s'aimer insuffisamment (ce qui serait contraire sa perfection naturelle).

    Il s'aime, avant tout autre crature, par le fait qu'il tait, avant qu'aucune crature soit elle-mme. Il est donc le premier Etre tre aim. L'infinit de cet Amour, soutenu par l'infinit de sa Toute-Puis_ance. justifie par l'infinit de sa Sagesse, constitue alors les conditions ncessaires pour tablir sa propre Eternit. Il est ternellement pour trois motifs :

    a) parce qu'il est logique qu'il s'aime lui-mme, avant tout autre tre, lui succdant simplement ;

    b) parce qu'il est logique que cet amour soit d'une inaltrabilit absolue, puisqu'il es1i tout-puissant ;

    c) parce qu'il est logique que cet amour ternel lui assure ainsi une ter-nelle dure.

    Pour que OIW ne soit plus ternel, il faudrait donc qu'il cesst de s'aimer.

    * **

    Mais rien n'existe pourtant en dehors de OIW . Alors, l'infinit de cet Amour divin, l'incite s'extrioriser et se rpandre hors de lui-mme.

    Cependant, rien n'existe en dehors de Lui, puisqu'il contient tout, en puis-sance ou en acte. OIW ne peut donc que d1ffrencier ce qu'il a dessein d'aimer. C'est cette obligatoire et inluctable diffrenciation des Etres qu'il conoit, extrieurement sa propre essence, qui constituera alors l'uvre de Cration.

  • AU PID DES MJ!NHIRS

    * **

    Pour diffrencier certaines parties de sa propre essence du reste, OIW se bornera diminuer la somme de perfection qui rsidait auparavant en chacune d'elles. OIW tend alors se rtracter ; il se retire en partie de certaines fractions de son essence, et ceci constitue alors la Cration. Elle sera ncessairement imparfaite, puisque la PeT;fection Totale n'y est plus ... Etant imparfaite, le Mal (Bien incomplet) y apparat aussitt.

    Souvenons-nous cependant que ce Mal n'est qu'apparent et momentan. En se retirant d'elle-mme, en partie, en librant des particules de son essence, OIW >> ne cde qu' cet Amour Infini qui lui est propre, et qui est, avant tous les autres, le premier de ses Attributs. OIW n'a cr que pour aimer davantage.

    Mais OIW n'a pu demeurer un temps sans crer, puis devenir cra-teur, car alors il aurait vari, et cette variation (impliquant une mutation) est inapplicable l'Infinie Perfection divine. Concluons donc que OIW n'a jamais vari, et qu'il a, en consquence, ternellement cr.

    Chacune de ses manations fragmentaires, chacune des particules de son essence, ainsi diffrencie du reste de lui-mme, porte alors dans la thodice celtique le nom de MANRED, les germes de Lumire , les atomes.

    Leur ensemble a constitu par la suite MonuRANS Awnn, ce qui est m , soit le Monde. MonuRANS Awnn a t soumis deux lois ontraires, qui jouent alternativement, et dont l'apparent combat est destin assurer le jeu de la Vie. Ces deux forces sont DRouG, le Bien, et MAD, le Mal.

    * **

    Lorsque OIW s'est scind n deux par son acte primitif de retrait en lui-mme d'une partie de ses perfections ternelles, il a donn naissance deux personnes >> divines indpendantes et diffrentes.

    La premire, demeure infiniment et ternellement parfaite, a t nomme Dou, Dieu. C'est un des multiples noms de OIW . La seconde, impar-faite, constitue alors le vide, le nant, l'aveugle, le noir, l'inconscient, le dsor-donn. C'est en quelque sorte le chaos primitif. La tradition celtique l'a nomm, en son aspect le plus extrme : CYTHRAUL, la Puissance du Mal.

    Mais comme cette division de OIW en deux aspects a ternellement eu lieu, nous sommes amens conclure que CYTHRAUL et Dou sont coexis-tants tous deux, alors que l'Eternit absolue est le propre de OIW , la Monade.

    Nous avions dtermin plus haut que deux choses semblables ne sauraient coexister, et CYTHRAUL et Dou semblent alors venir contredire ce raisonne-ment logique. Mais, sagement, la tradition celtique fait observer que CYTHRAUL et Dou sont dissemblables, tant les deux opposs, les deux contraires. Il n'y a pas ternellement deux Perfections divines mais une Infinie Perfection, et une Imperfection relative et momentane.

    Une image peut rendre accessible cette nigme. Celle d'un cne de lumire, jaillissant d'un phare, et se perdant dans l'immensit de la Nuit. Puis, son contraire, celle d'une ombre, dresse face la source lumineuse, et allant se

  • 20 AU PIED Dl\S MENHIR"

    perdre en s'amenuisant, dans un ocan de lumire ; rement par un corps opaqu.e.

    Concluons alors que CYTITRAUL est la Matire (opa ._. la Lumire (fluide et impalpable).

    * ** Chacun des germes de MANRED a constitu une crature

    A travers tous les plans et tous les cycles du MoDURANS Awn chacun d'eux a successivement t un minral, un vgtal, homme, ct tous les tats naturels ont t franchis. Chaque i qu'une forme apparente. Seul le MANRED primitif constituait 1 manent, incorruptible, l'animateur, de la forme apparente ...

    Plus un de ces germes de lumire aura eu conscience de sa tence, en tant qH'tre distinct de OIW , plus il se sera indindua de l'influence et de l'essence divine absolue, et plus la somme de ~ fections (inhrentes cet loignement) se sera accrue.

    Il semble alors que, pour employer une image grossire, plus on 'e ~ne de OIW (et plus on en ressent l'absence), plus on en distingue:a a ~alit, au dernier jour du Monde.

    Le MANRED extrme, le germe le plus imparfait, le plus loign de D :i, est donc ncessairement le principe mme de CYTHRAUL.

    C'est pourquoi , lorsque le dernier germe aura enfin rintgr le sein Je OIW , ce germe, ce sera ncessairement le principe mme de CYTHRAUL. Et il dcoule de cela que CYTHRAUL, l'ancien Principe du . Ial. deviendra alors un des principes mmes de OIW , puisqu'il sera l'Etre qui l'aura finakment le mieux compris. La Connaissance future est donc dans CYTI-IRAUL ...

    CvTHRAUL une fois disparu, ce sera GwrzrEK, la Science, qui reparatra en sa totalit, ou encore SKIAl'IT, la Sagesse.

    Cette volution ternelle de OI\V nous montre donc un cycle dans l'activit respective des trois attributs diYins principaux ; d'abord, KARANTEz, l'Amour, dclenche ternellement l'action cratrice. Dieu cre pour aimer. Puis, NERZ, la Force, ou encore MEN, le principe actif et crateur, assurent la ralisation voulue par KARANTEz. Ceci amnera alors la manifestation finale de SKIANT, la Sagesse.

    * ** Mais la dualit cratrice de 01\IV est simplement le premier stade

    de son action. MonuR (Moteur) est aussi un des noms de OIW . Et d'autres apparences , d'autres personnes divines, vont jaillir de l'opposition CYTHRAUL-Dow-, et des mondes secondaires seront l'uvre de ces Ema-nations.

    Dans Je Monde (MonDRANS Awnn), Je Bien et le Mal ne sont donc que des apparences d'une mme action occulte, menant le dit Monde vers son tat final. Ainsi, quand l'Homme, tre situ dans le Relatif, doute, il conoit alors simultanment deux possibilits, soit l'affirmation et la ngation d'une

  • AU PID DES MNHIRS 2I

    mme chose. Mais pour Dieu, qui est l'Ittre Absolu, c'est par le fait mme de ce caractre absolu, par son omniscience, qu'il conoit simultanment ces

    de1~x possibilits. Et alors, on peut tre amen admettre que la manifestation ngative

    (vulgairement appele le Mal), est conscutive au rejet, dans le Monde (domaine de la Ngation) de l'aspect ngatif d'une chose, et sa manifesta-tion active (le Bien), dans le plan cleste ou divin, sa conservation par Dieu, son adoption.

    Pour l'Homme, quand il envisage deux issues un mme acte, et qu'il en carte une, de ces deux penses qu'il a ainsi amenes l'Univers-Mental, il en est une qui est introduite dans le Rel, et une autre qui est rejete. Mais si la pense de l'Homme tait ternelle comme celle de Dieu, ce rejet qui-vaudrait la Cration d'un second domaine mental, domaine o toutes les penses ~ue l'Homme carte et rejette, se manifesteraient leur tour. Ce domaine serait alors ncessairement le reflet, invers et contraire, du pre-mier. ..

    * ** Or, la Pense divine est ternelle, comme OIW Lui-mme. Si elle

    ne se manifeste pas de faon permanente, si elle quivaut une apparence de variation dans ses concepts, il n'en est pas moins vrai que Dieu tant tout ce qui a t, ce qui est, ce qui sera , tt ou tard elle se manifestera.

    * ** Concluons donc que tous les futurs possibles seront.

    Mais il est non moins vident que le Mal (parce que le Mal), ne saurait tre l'uvre de OIW , la Perfection mme. On est alors amen envi-sager deux modalits conscientes d'action de OIW , s'quilibrant l'une l'autre, et cela dans un domaine o ces deux modalits ne soient plus, ter-nellement, mais o elles soient introd1tites dans la Dure, soumises une succession mutuelle et un mutuel quilibre.

    Or, le seul domaine o cela soit possible est le Monde (MonURANS Awnn), ce Monde qui est le rsultat de la manifestation du Temps et de la Limite spatiale.

    En Dieu, tous les futurs possibles rsident ternellement, et parce qu'il est infiniment puissant, il lui serait possible de les objectiver. Mais, parce qu'il est infiniment parfait, il ne peut souhaiter que le Mal soit rellement. En lui s'tablit donc une te1nelle discrimination. Et ce choix, ternel comme lui, tablit donc deux Univers, l'un qui sera parce que Dieu le souhaite, et

    -qui sera beau et bon parce que DietJ le veut ainsi. L'autre, qui ne sera jamais ralit, et qui est le mal total, parce que Dieu ne le souhaite ni ne l'inspire.

    Ainsi donc, face au Beau, au Bon, au Rel, se dressent le Laid, le Mauvais, l'Irrel (CYTHRAUL). Et cela, par le fait de cette ternelle concep-tion divine de tous les possibles, coexistante une ternelle discrimination. L'univers voulu par Dieu, c'est GwENVED. L'Univers rejet, c'est ANWN. Entre les deux : ABRED, la route (1) ...

    Concluons alors que cette lutte des deux possibilits est le propre de l'Uni-vers matriel, mais que le Monde Divin en est exempt. En lui, tout au plus, peut-on envisager une discrimination permanente, analogue, en chimie, la sparation des lments subtils des lments grossiers.

    ( 1) De red : errer.

  • 22 AU PIED DES MENHIRS

    * **

    LA TRINITE CELTIQUE

    Nous avons vu, au chapitre traitant de la Cration-Principe et du ddou-blement d' OIW , que trois manifestations primitives marquent l'activit divine :

    NtRz, la Force, SKIANT, la Sagesse, KARANTEZ, l'Amour.

    Chacune de ces trois modalits donne lieu une personnification particulire de OfW . Sans doute, est-ce toujours le mme Crateur qui rgle et conduit le jeu du Monde, mais comme la Flamme donne nais-sance la Chaleur et la Lumire !

    Et les Celtes ont, par un anthropomorphisme commun tous les peuples, personnifis ces Attributs. Chacun d'eux a t visualis d'une faon diff-rente ; les images qui devaient concrtiser ces Principes, le Celte les a pris dans cet Univers visible qui, l'emprisonnant de toutes parts, lui interdisait d'imaginer d'autres concepts. Et parce que pour lui la Divinit tait intelli-gente et bonne, il a visualis ces Principes sous la plus haute forme que lui offrait le Monde. Dans les formes monstrueuses et animales que l'homme d'Asie-Mineure prte ses Dieux ( Chrubs de Babylone, Ophanim de la vision d'Ezchiel, Minotaure de Crte, etc ... ), ce n'est pas la vnration qui inspire le voyant, c'est la terreur. Le liturge n'aime pas son dieu, il le craint.

    Rien de tout cela n'existe dans le Celtisme ; Dieu est l'infinie Bont, l'infinie Justice, l'infinie Puissance, l'infini Amour. Et le Celte a donn la Sagesse divine l'aspect du vieillard grave et doux, de l'aeul qui instruisait et modrait les jeunes guerriers imptueux. Il l'a nomm ro, le Joug , le modrateur et le matre. A la Force, il a prt comme symbole l'activit, fconde et puissante, de l'homme jeune, du guerrier qui dfriche la fort, btit la hutte, creuse la barque, et protge les siens. A l'Amour, il a donn la Femme, sous tous ses aspects divers : amour maternel, qu'il connat avec la mre, la nourrice fconde ; amour fraternel, qu'il rencontre chez la sur, compagne des jeux de son enfance ; amour de son adolescence, avec la vierge, timide et douce, objet de son premier moi ; et enfin l'amour en sa plnitude, cet amour profond qu'il partage avec la compagne de ses jours.

    Et ce triple aspect d'un seul Dieu lui suffit. Avec trois formes choisies parmi les plus leves que lui offre la vie quotidienne, il va construire un panthon !

    A. ro , il demandera d'inspirer les voyants , les guides de sa Race. A Hu, le salut quotidien, la victoire sur le Monde. A KARIDWEN, mre de toutes les existences, gnratrices de toute forme de vie, il demandera l'Esp-rance !

    * **

    Si nous demandons la scholastique de vrifier et d'tayer la thse du ternaire divin, nous voyons aussitt se formuler des dfinitions aussi claires que logiques.

    Dieu est ternellemC'nt crateur, nous l'avons vu, sous peine de varier et de ne plus tre immuable.

  • AU PIED DES MENlURS 23

    Cependant, pour crer, il a ncessairement d se ddoubler, ou plutt le devenir par rapport lui~mme, considr en tant qu'Absolu. Il y a donc Dieu, en tant que divinit perdue en son abstraction, isole dans l'ineffabi-lit mme. Cela, c'est le Pre, en qui tout est contenu en puissance, et qui, par ce caractre absolu qui lui est propre, ne saurait voir une forme :., si fugitive soit-elle, se manifester en dehors de lui,

    * *, .. . ,,

    Et puis, il y a le Crateur, le dieu qui rtracte son essence, le Dieu que la Crature peroit, mme imparfaitement. Et pour qu'elle le puisse percevoir, il lui a fallu se mettre sa porte, il lui a fallu se manifester !

    , ..

    ::~;!: Se manifestant, il n'est plus demeur l'Ineffable, l'Abstraction absolue. Il

    a constitu, par rapport son premier tat, une diffrence. Ds lors, deux personnes divines taient en prsence. Face l'Absolu, paraissait la Nature Naturante, gnratrice des Ames, des Etres et des Formes. En elle, par elle, se dcidaient les Destins. Parce qu'elle tait aussi l'Harmonie divine, tous les avantages de cette plnitude finale se devaient d'tre promises l'Etre. Mais aussi, parce qu'elle tait galement l'Infini Amour, et l'Infinie Beaut. Et, issue de l'Ineffable Absolu, paraissait la Nature Eternelle, pre-mire mane ...

    * *';' Ce ddoublement est-il susceptible d'tre situ . dans le Temps ? Assur-

    ment non, puisque la Divinit est hors de la Dure, donne uniquement ter-restre, et impliquant cette impossible variation.

    La Mre Eternelle est donc bien coa.stante au Pre, et son ternit est la s1enne.

    '* **

    Issue ternellement du Dieu unique (puisque coexistante), la Mre est donc ternellement sa Fille. Et puisque coexistante, elle est, la fois en puissance de gnration , et gnratrice , tout aussi bien !

    Etant ternellement en puissance de gnrations , elle est alors ter-nellement vierge. Et l, l'image de la jeune fille, de la vierge, correspond donc parfaitement la dfinition premire de la Nature Naturante.

    * **

    Mais puisqu'ternellement coexistante au Pre, et puisque tout aussi bien ternelle gnratrice, la Vierge Divine est donc ternellement son Epouse. Et la seconde image thologique est, son tour, justifie.

    * **

    Etant ternellement l'Epouse, il s'ensuit que l'acte fcondateur du Pre est ternellement accompli.

    Eternellement conue, ternellement issue, ternellement unie, ternelle-ment fconde, la Mre engendre donc ternellement le Fils.

  • 24 AU PIED DES MENHIRS

    Et si le Fils est ternellement engendr, on est alors oblig de lui recon-natre une consttbstantialit d'essence totale avec eux ...

    Le Fils est alors ternel comme le Pre, et ternel comme la Mre.

    * **

    Mais si le Fils est ternellement conu et engendr, c'est qu'il est ternel comme son Pre et comme sa Mre. Dans ce cas, sa gnration ne saurait se diffrencier de celle de la Vierge, la Fille Cleste.

    Et si sa gnration est logiquement parallle l'autre, c'est que le Fils et la Vierge sont communment engendrs. Ils sont donc le Frre et la Sur Clestes, par le fait d'une naissance gmellaire.

    * ::'*

    Et dans l'esprit de l'Homme, sondant ces mystres, nat aussitt l'ide d'une copulation transcendantale possible entre le Fils et la Fille. Comme le Pre et la Mre avaient constitus ncessairement un couple, de mme le Fils et la Fille vont en constituer un.

    Et de cette union divine, natra le Monde, la Nature Nature.

    Cette Nature Nature, elle est avant tout l'uvre du Fils. C'est lui qui opre la rtraction de l'essence divine, dlimitant ainsi le domaine d''ANWN, l'abme originel. Il n'est pas que l'organisateur du Chaos, et l'ordonnateur du Monde. Il en est aussi ncessairement le crateur.

    Et parce que cette Nature n'est dj plus la Divinit Totale, la Perfection absolue y disparat aussitt. L'Imperfection est, obligatoirement, la caract-ristique de tout ce qui est cr et n'est pas absolument Dieu lui-mme. Elle en est le seul mode de diffrenciation.

    * **

    C'est parce que la Nature Nature, le Monde matriel, est un lment imparfait, prissable et aveugle, que la Tradition Celtique l'a symbolise par un objet inerte : le chaudron ou l'amphore que KARIDWEN porte en ses bras.

    Le Celte a choisi un vase plutt que tout autre objet, parce que la Cration cosmique s'apparente merveilleusement celle qui se peut accomplir au sein du creuset rougeoyant ... C'est une immense et insondable uvre alchimique que KARIDWE::-1 a charge de mener bien ; et c'est aussi le rappel du lieu naturel o nat la Vie ...

    Ainsi, KARIDWEN (dont le nom signifie la Porte de Dieu ) est bien trs rellement cette porte. Car c'est en puisant toutes les modalits de l'ex istence, toute la pluralit des formes corporelles, que l'Ame se rapproche de la Divinit. Dieu est Tout; et certes, l'Homme n'est pas Tout ! Mais pour comprendre Dieu et se fondre enfin en lui, il lui faut avoir t par tous les lments de ce T mtt J( 1)

    (1 ~ ur le mystre de la TJinit, ct d'une seule et unique divinit en trois ' per-~unnes dtrfrentes, voir notre ouvrag-e Adam, Dieu Rouge " pp. 195 et sutv.

  • AU PIE;D DES MENHIRS

    * **

    Nous allons donc tudier chacune des personnes divines. Et avant de commencer chaque tude, rappelons encore une fois que le latin personna signifie, masque, apparence, rle.

    Qu'o1~ ne fasse pas dire la Traditimt Celtique ce qu'elle n'a jamais sous-entendu, savoir la pluralit des Dieux !

    Et, parce que nous avons personnellement une vnration particulire pour la Vierge-Mre Eternelle, parce que la Dea Myrionyme veille en nous des souvenirs et des chos venus d'un autre Monde, c'est par Elle que nous commencerons cette tude ...

    * **

    KARIDWEN, LA VIERGE-MERE

    Il n'est pas de religion au monde qui ne connaisse un aspect second du Dieu Suprme, aspect que l'invitable anthropomorphisme (inhrent toute conception humaine du Divin), a toujours fminis.

    Le christianisme lui-mme n'a pas chapp cette loi, et la Vierge Marie, par son ascension au Ciel, se divinise et prend place parmi les multiples conceptions de l'Eternel Fminin. Les peuples mditerranens ont possd chacun une conception diffrente de cette Personne divine (du latin pe-rsonna : masque, apparence), et c'est sous le vocable de Dea Myrionyme (Desse-aux-mille-Noms), qu'elle a t concrtise.

    Mais pour le rationaliste comme pour le thologien, il peut tre intres-sant de rechercher comment cette conception particulire de la Divinit, semblant contredire l'habituel et logique monothisme, a pu natre et se perptuer.

    Nous noterons, avant tout, que chaque Desse-Mre revt l'aspect parti- culier que la morale populaire se plat lui attribuer. Chez les Grecs et les Latins, chez les peuples de la Mditerrane orientale, la Desse-Mre est en mme temps Je type idalis de la Femme. Elle est l'Amante, l'Epouse, en mme temps que la Mre ou que la Vierge. De l les innombrables diversits qu'on rencontre dans ces cultes, allant de la prostitution, rige en devoir religieux, la continence parfaite et la puret morale les plus absolues.

    Si nous recherchons, l'aide de la psychanalyse, les mobiles obscurs de cette sexualisation des Dieux, nous nous trouvons inluctablement en pr-sence de ce qu'on a coutume d'appeler le complexe d'dipe. On sait que ce personnage mythologique, au terrible Destin, devait fatalement tuer son pre et pouser sa mre. On sait comment l'aveugle Fatalit le lui fit accomplir, malgr lui. Or, dans les remous obscurs de ce que nos psychanalystes dnom-ment le sttbconscient, on a t amen retrouver cette double tendance. L'Homme et la Femme ont, dans le naturel amour filial, des prfrences que la Sexualit explique seule. Si la Fille prfre frquemment le Pre, c'est qu'en lui elle admire, intinctivement, l'Amant idal, puis l'Epoux, qu'elle recherchera plus tard. Et si le Fils prfre la Mre, c'est qu'en elle, il entre-voit dj la joie et l'amour que lui procurera l'Amante idale ou l'Epouse. Inversement, dans la prfrence du Pre pour la Fille, dans celle de la Mre pour le Fils, se retrouvent un cho de l'admiration amoureuse que la Mre a eu pour l'Epoux, et de la tendresse que le Pre a eu pour l'Epouse.

  • AU Pil!:D DES MENHIRS

    Or, dans les sentiments religieux, si l'amour terrestre se sublime et s'pure, il n'en demeure pas moins toujours l'Amour ; et l'Homme, en son impossi-bilit ne pas c;oncevoir Dieu son image, est amen instinctivement Je personnaliser. Cette transposition mystique d'un sentiment purement naturel, explique que le culte des dieux masculins ait t plus accentu dans la hi-rurgie fminine, et le culte des divinits fminines dans la hirurgie mas-culine(l).

    Notre Moyen Age a vu une nouvelle transposition de ce principe, dans le culte de la Femme idalise, qu'ont diffus et chant troubadours et trou" vres. Et c'est dans la mystique des grands illumins musulmans que nous devons rechercher les sources de ce courant particulier. C'est par l'Espagne et les grands centres intellectuels d'Andalousie qu'il nous est parvenu. Et la mme poque, il nous a donn un des purs chefs-d'uvre du genre avec la Divine Comdie de Dante, o. se dessine une Batrice sujette de mul-tiples et secrtes interprtations.

    Prfigure de cette Stella Maris , protectrice des marins bretons, la Tradition Celtique nous offre elle aussi une image de la Mre Eternelle. Mais alors que les Scandinaves ont Freya, l'htare des dieux, que les Grecs ont Aphrodite, la courtisane et l'amante parfaite, les Syriens leur Anatis scandaleuse, et Babylone son Astart sans frein, la d'esse de nos Pres appa-rat comme la pure figure, idalise, parce que perue par des mes nobles ct pures elles-mmes ...

    Dans la mythologie celtique, la Vierge-Mre a nom KARIDWEN. Elle est la Fille de IO, le Pre de Tout, le dieu suprme, et l'Epouse de Hu KADARN, le Fils de Dieu, le Vaillant, le Fort. Comme Fille, elle est la vierge. Comme Epouse, elle est aussi la Mre ...

    Etymologiquement, KARIDWEN signifie la Porte Divine , la Maison de Dieu . En effet, KER, en breton, c'est la porte, la demeure, et Dou, c'est Dieu. Nous retrouvons l cette conception d'une Nature suprieure la cration terrestre et matrielle, et JUe connaissent galement les vieux cultes asiatiques. C'est la rplique de la Jrusalem Cleste (en hbreu I roushalam signifie vision-de-batitude ), ou de la Babel des Ecritures (de Bab: porte, et de El : Dieu).

    Et si le chne est l'arbre de Hu, image de la Force, le bouleau est l'arbre de KARIDWEN, et l'image de la Beaut. Compltant cette triade sylvestre sotrique, l'If est le rappel du Pre, et l'image de la Sagesse.

    Parmi les mgalythes que les Celtes ont dresss aux quatre coins de l'Europe, le Dolmen rappelle bien cette porte divine par o l'Ame humaine doit passer. Fait de deux blocs dresss, en supportant un troisime, horizontal, il voque le symbolique passage qui mne vers Hu, le Matre du Ciel figur par le Menhir. Et ce dernier marque, immuablement, la direction d'un des deux Solstics, et de son lever solaire.

    KARIDWEN est la Nature, l'uvre de Dieu. Car c'est par. la Nature, au sein des myriades d'existences qu'elle offre successivement l'Etre, par cette lente purification ne de la douleur, que l'Homme peut lentement comprendre et connatre son Crateur. C'est elle, la Mre Eternelle, l'Amour, salvateur et misricordieux, qui dans le dur priple abrite et inspire la crature encore

    {1) Tel le sucees du culte du Sacr-Cur dans les ordres remtnlns, et celui de la V!er8'e et de l'Immacule Conception dans les ordres masculins.

  • AU PIED D:S MENHIRS 27

    entnbre. Comme le disent les Triades de l'Ile de Bretagne : Il est une chose qu'on ne peut raliser que par l'amour de Dieu : c'est l'puisement de toute souffrance .

    Et c'est par KARIDWEN, au sein du vase gnrateur, AzEWLADOUR, le creuset celtique, qu'elle porte en son bras gauche, que s'accomplit cette ter-nelle sublimation de l'Etre. Elle est trs rellement la Porte Divine, par laquelle passe, ncessairement, I:me qui se hte vers son Eternit ...

    * **

    HU ~DARN, L'APOLLON CELTIQUE

    Nous l'avons vu dj, dans la thodice celtique, le Fils-de-Dieu porte le nom d'Hu KADARN. Du celtique Huon, signifiant en avant , Hu montre le chef. celui qui mne les guerriers. De Kad, en celtique combat , Kadarn signifie le vaillant , ou le glorieux .

    Par ce jeu d'tymologies diverses, nous voyons que l'Hu KADARN celtique est tout proche de l'Apollon fllditerranen, qui, arm de son arc et de ses flches, est tout aussi bien le guerrier cleste que le dieu de la jeunesse et de la beaut. Apollon est l'aspect suprieur, affin, d'Hrakls. Et Hu KADARN est en effet l'avatar celtique de l'Apollon Hyperboren. Dieu de la Lumire mane du GwENVED, il mne les hommes au combat contre CYTHRAUL, le Principe des Tnbres, destin disparaitre un jour.

    Le menhir est son emblme. Aussi hien symbole phallique, voquant la viri-lit divine par son uvre cratrice, dont l'Univers est la preuve concrte, que symbole lumineux, rappelant le jaillissement de la lumire du Matin, le menhir, colonne de pierre non taille, demeure telle que la Nature et les dieux du monde la prsentent l'Homme, le menhir jaillit devant nous, hors de la glbe celtique, comme l'un des trois Rayons Divins l'aube des Temps.

    Tel le Phosphores grec et son parclre le L1tcifer latin, Hu KADARN a encore comme emblme le Cheval Blanc : Gwen Marc'h. En effet, les che-vaux blancs taient chez les hllnes consacrs Lucifer, fils de l'Aurore. Et nous savons que la couleur blanche tait chez les Celtes, la troisime couleur sacre. Le bleu tait rserv aux ovates, le vert aux bardes, et le blanc aux druides. Ces trois nuances d'ailleurs ont une curieuse particu-larit : leur nom a toujours un g pour initiale : glas : bleu ; qwer : vert ; gwen : blanc. Et nous pourrons faire un trang-e rapprochement entre l'Etoile Cinq Branches et la Lettre G des Francs-Maons, et l'initiale com-mune des trois couleurs sacres chez les Celtes, unies cette mme toile pentagrammatique, qui, divin pentagramme chez les pythagoriciens et les platoniciens, devient le soulier en pied-de-druide du vulgaire ... Entre les colonnes occidentales Jakin et Booz, et le dolmen (aux deux colonnes de pierre), entre le menhir (colonne unique) tourn toujours vers le lever solaire, et cette colonne G que les Maons situent l'Orient ...

    Hu KADARN a donc le Cheval Blanc comme symbole, et comme tel, c'est celui de la Victoire. L'autre emblme est la Roue, image de la course solaire et de la vie universelle.

  • AU PIED DES ~NBili.S

    Entre Apollon .1. Iusagte (" conducteur des Muses ), et notre Hu KADARN celtique, il y a d'autres analogies. \-oici un texte rvlateur ce sujet que la tradition celtique nous apporte : " Sean la forte enceinte, Sean la Porte inbranlable ! ... L o est le Chaudron sacr, le Per gallois, le Kabus gaulois, que gardent les Neuf Vierges qui clbrent les Mystres de Hu KADARN ... . C'est l, incontestablement, un rapport analogique entre l'Apollon hyperboren et ses Muses et notre dieu solaire du Nord.

    Le plus petit des plus petits, c'est Hu KADARN, selon le jugement du monde. Il est le plus grand, et pour nous il est DIEU. Nous le croyons tel. Il est notre Dieu cach, notre Dieu cleste. Lgre est sa marche, et toujours il est en travail. Il a pour support et pour char un lment de chaleur trans-parente. Grand sur la terre, grand sur les mers, il est le plus grand pour moi, la chose la plus vidente. Il est plus grand que les mondes. Gardons-nous donc d'tre inattentionn envers cette Grandeur gnreuse ...

    Telle est l'nigmatique dfinition du dieu que nous donne Rhys Brydydd, barde gallois (1450-1490) dans un texte que nous traduit William an Ithel. Certains celtisants catholiques y ont voulu voir une dfinition particu-lire du Christ. Avec Yves Berthou, en son ouvrage Sous le Chne des Druides , nous concluons une identification du dieu avec l'Ether cos-mique:

    Il nous parat vident qu'il est ici, fait allusion au Nwyr, ou ther, et rien d'autre. Car Dieu est Nwyr, disent bien des leons, recueillies dans la Barddas. Qu'y a-t-il de plus petit qu'un lment d'ther ? Qu'y a-t-il de plus grand que cette immensit d'ther ? Actif est cet ther qui donne la vie toute chose, partout et toujours. Il est plus grand que les sphres, puisque celles-ci ne sont pour ainsi dire que des atomes dans son immensit.

    Si nous nous souvenons que les Hermtistes connaissaient un cinquime lment, constitutif et synthse des quatre autres (Feu, Air, Eau, Terre), que Plutarque y fait allusion, ce cinquime lment, en dissertant sur l'sot-risme de l'E du temple de Delphes et du dit nombre nous constatons que l encore, derrire la vieille divinit celtique, se modle dj l'image du dieu de connaissance, de jeunesse, et de beaut ...

    Dans un autre ouvrage, intitul du Menhir la Croix , ouvrage dans lequel l'auteur tente de concilier celtisme et christianisme, Savoret nous dit ceci sur Hu :

    Hu KADARN est l'poux mystique de KoRIDWEN ; il est aussi appel HuAN ou HoEL. Exposer la signification dtaille de ces vocables serait dif-ficile. Hu KADARN est un symbole d'ordte universel, qui a pris, conformment la tournure d'esprit synthtique des Anciens, de nombreuses significations secondaires, cls des diffrents mythes dont l'enchevtrement ne facilite pas la tche du chercheur. Il y a l des adaptations impossibles rtablir en langage moderne. Selon le premier sens, le plus important, Hu IV.oARN est le Verbe. C'est lui qui apparat, d'aprs la Tradition bardique, MENW-HEN (l'Adam Kadmon celtique) sous la forme des Trois Rayons, ou Colonnes de Lumire, l'aurore des Temps ... Il est l'Epoux de KoRIDWEN, la Nature-Principe, la Vierge-Noire (GwEN, comme radical, pouvant signifier, selon le cas : blanc, brillant, batifique, etc ... et DwEN signifiant comme radical : une chose sombre, abyssale, tnl;lreuse, profonde). Comment et pourquoi celle-ci pouvait tre mystiquement considre comme Vierge et comme Mre, com-ment et pourquoi celui-ci pouvait tre envisag comme son Epoux ou comme son Fils, tel est l'objet de l'exgse orale des druides. Selon son sens astrono-

  • AU PIED DES MENHIRS 29

    mique, Hu KADARN, comme adaptation du Verbe-Lumire, symbolisait le Soleil, ou, plus exactement tait symbolis, comme Soleil Spirituel , par le Soleil physique ...

    Voit-on le rapport avec l'Apollon classique, Dieu solaire s'il en fut ? Dans son abrg du Bardas, traduit par lui-mme, Yves Berthou nous

    prcise encore ceci : Hu le Puissant est la Puissance Universelle, le Fils-de-Dieu . Il est

    le moindre, si on considre sa grandeur, vaste comme l'Univers pendant son Incarnation. Mais il est le plus grand dans le Ciel, parmi toutes les 5plendeurs visibles ...

    Il est un rapport vident qui montre Hu KADARN comme un avatar cel-tique incontestable des divers Apollons. c'est celui qui le lie au mythe de Balder, le dieu nordique. Balder est le dieu de la Beaut, de la Jeunesse. Et Sir John Frazer a longuement analys son mythe dans le Rameau d'Or . C'est aussi le dieu sacrifi, assassin plutt par la Laideur Morale, person-nifie par Loki dans la lgende scandinave. Et Frazer nous montre le lien unissant Balder Attis, Adonis, et tous les dieux sacrifis et mis mort. Or, voici ce que nous rapporte Savoret

  • 30 AU PIED DES MENHIRS

    rgle les Eaux. Les bndictions de toutes natures l'accompagnent et celles de la Vache cleste qui, sans cesse, l'accompagne. Cette Vache sacre, c'est la personnification de la Nature Naturante, l'Isis couronne de cornes de l'ancienne Egypte, la mme qu'on rencontre dans les temples de l'Inde. Prs du Dieu-Soleil elle est l'image de la Lune (le croissant des cornes), et si on a choisi un animal, c'est pour montrer son rle infrieur auprs de son pardre.

    Dans le Cycle Celtique, au monde des Gants vivant l'poque de l'Age d'Or, puis extermins par un Dluge (tradition identique la tradition expo-se dans le Livre d'Hnoch ), aurait succd le monde des Hommes, celui o se manifesta Hu KADARN, et qui finira dans une nouvelle catastrophe, prcde de guerres, de malheurs, '"t d'une impit totale.

    Hu KADARN, ou encore HoEL, est parfois qualifi de Seigneur de Dyved, gardien de la Porte de Godo . Il est dcrit comme tenant en mains un Sceptre et une Cl (telle Janus antique). Son fils est galement qualifi du nom de Kadarath.

    Il n'est peut-tre pas inutile de donner au lecteur la cl philologique de cet sotrique mythologique.

    Dwyfan, l'un des hommes sauvs du Dluge, c'est le pouvoir spirituel, la loi suprieure, sublime.

    Dwyfach, l'autre homme, son jumeau, sauv du mme Dluge, c'est le pouvoir temporel, la loi infrieure, terrestre, limite.

    Neifion, ou Nevez, le No celtique, c'est le Seigneur des Cieux le Rgent des Eaux super-clestes.

    Ninio, ou Ychain Banog, l'un des Bufs sacrs d'Hu KADARN, c'est le symbole d'une des deux qualits complmentaires de l'Ether (Nwyre), image de la rapidit, de la rarfaction, force centrifuge.

    Pibio, ou Ychain Manog, c'est l'autre qualit complmentaire de l'Ether. c'est la condensabilit, la rsistance, force centripte.

    Dyved, apanage d'Hu KADARN, c'est la preuve qu'il est bien le Logos cel-tique, le Verbe. Car ce mot drive du verbe dywed : parler ! Hu KADARN voit s'appliquer lui-mme, le prologue de saint Jean : Au Commencement, tait la Parole ... .

    Kadth, le Fils de Hu, c'est en celtique : lois de la Guerre, ncessit de la Lutte . Hu engendre donc le destin spiritttel des Hommes.

    Kreiz-Viou, la belle, fille de Hu et de KoRIDWEN, c'est en celtique, le centre de l'uf (cosmique). C'est--dire ce qui est encore irrvl, la Nature-Parfaite, en son futur-possible . C'est la Cit Cleste et Nouvelle de l'Ecriture judo-chrtienne, la Cit-Future. C'est pour cela qu'elle est belle (voir le Cantique des Cantiques propos de l'Epouse future ... ).

    Avangh-Dku, le Dragon, ott l'Enfant-Pervers, c'est la Cit Infernale, le rsidu qui doit tre dtruit, selon la tradition chrtienne. C'est la Babylone dmoniaque 1

    * **

    Sur l'avatar hellnique du dieu celtique, nous pouvons tudier tout parti-culirement le type apollonien que nous commente Plutarque, et que les c Hymnes Orphiques nous prcisent en dtail.

    c Viens donc, Bienheureux, tueur de Tytios, Phobos Lykoren, ynrable dieu de Memphis, dispensateur des richesses, Toi qui a la Lyre

  • Ad PIED DES MENHIRS 31

    d'Or, ensemenceur, laboureur, Pythien, Titan antique, Sminthus, tueur du Python, prophte Delphien, agreste, Porte-Lumire, Damon propice aux hommes, Glorieux Jeune Homme, conducteur des Muses qui mnes les .Churs ... 0 Archer lanceur de flches, Roi Dlien dont l'il tincelant distri-bue la Lumire au..'< hommes, Dieu aux cheveux d'or, manifestant les Leons saintes et les Oracles, entends-moi favorablement tandis que je Te prie pour les Peuples ... Tu vois en effet tout l'immense Ether et la Terre riche au-des-sous de Toi; pendant la nuit tranquille, Tu voiles T Face de la nue des Astres. Et Tes Racines sont au del de tout. T1,1 possdes les limites du Cos-mos Etoil, et Tu es le Principe et la Fin de toutes les choses ! C'est Toi qui fais tout fleurir, et Ta Cythare sonore emplit l'Espace infini jusqu'aux der-nires extrmits de Tout. Mais, quand Tu chantes sur le mode Dorien, alors Tu rgles l'Espace, Tu varies harmonieusement les Races des hommes, mlant les hivers et les ts, ceux-l l'aide des cordes graves, ceux-ci l'aide des lgres, comme les printemps fleuris. C'est pour cela qu'on Te nomme aussi Pan, le Roi aux deux Cornes, qui envoie par le Monde le sifflement des Vents. Puisque Tu tiens les Sceaux du Monde Etoil, entends-moi donc, Bienheureux ! Et exauce les voix suppliantes de Tes Sacrificateurs ... (1)

    C'est l, en plus harmonieux, l'image parfaite de Hu KADARN, le Logos Celtique, type du Fils, du Fianc, de l'Amant, de l'Epoux, du Matre, pour toutes les cratures qui l'envisagent et entrent en rapport mystique avec Lui.

    Apollon est un dieu gnostique . Au fronton du Temple de Delphes, deux inscriptions : Connais-toi , et E .

    Connais-toi, formule de salut que le Dieu adresse lui-mme son fidle, pntrant dans son Sanctuaire. Formule qui semble, en remplaant l'habi-tuelle expression grecque : Rjouis-Toi , signifier que la Connaissance philosophique est une joie plus grande que le banal plaisir matriel.

    Car, en effet, Apollon est un dieu pur. Surtout l'Apollon Genitor sur l'autel duquel jamais aucune vie n'est offerte. Dans la cella du Temple, l o jadis le prtre du dieu a tu N aptolme(2), brle le Feu sacr que rien ne doit souiller, pas mme la souffle de l'homme. C'est l que la Pythie fait ses fumigations de laurier et de farine d'orge.

    La lettre E a justifi tout l'ouvrage connu de Plutarque, prtre du dieu, intitul : De E Delphico . E, c'est l'initiale de estos qui est .

    Le livre tmoigne d'un effort parallle, non pas pour dfendre l'Oracle de Delphes contre ses dtracteurs, mais bien pour ranimer la croyance religieuse en Apollon Pythien, pour montrer surtout combien ce dieu, auquel Plutarque est consacr, est digne de recevoir le culte des Hommes, surtout des hommes les plus clairs et notamment des philosophes. Nulle part, Plutarque n'a jamais parl de son dieu en des term~s plus fervents et plus levs.

    Depuis longtemps dj, en Grce, le syncrtisme philosophique avait ramen les innombrables dieux du polythisme, une Unit suprieure, une sorte de vritable monothisme. Ce sont les pres de l'Eglise qui ont, sciemment, appuy la confusion facile entre les erreurs du polythisme romain et la pnret hellnique des derniers sicles. Un des dieux tait en

    (1) .Le terme assyrJen de kroub, qul a donn l'hbreu chruhim, et notre franais chrubin, slgnlfle laboureur. En effet, les Dieux des Astres labourent l'Espace e~ l'ensemencent des germes de la Vie. (2) Pausanias, X, 24, 1-5.

  • AU PltD DtS :M:l;:NHIRS

    effet considr comme la Divinit Suprme dont tous les autres ne seraient que des manations , ou des hypostases second,lres, personnifications purement humaines, et donc diverses.

    Mais d'ordinaire, c'tait Zeus, pre des dieux et des hommes , selon la formule rituelle, qui rsumait en Lui tout le panthon antique. Ici, Plutarque, avec toute la tradition delphique, attribue ce premier rle Apollon, qui apparaissait, en sa fonction de magister, enseignant les hommes, et de devin, les conseillant, comme le porte-parole de Zeus auprs d'eux. C'est pourquoi, Delphes, on l'assimile son Pre cleste, tout comme le Christ est assi-mil au Pre pour la religibt chrtienne.

    Voici ce que nous dit Plutarque : Quant ces prtendues manations ou transformations de l'Etre

    Divin, voil ce que l'Homme pieux refusera mme d'entendre, car, admettre cet embrasement et cette reconstruction priodique de l'UNIVERs (assimil au Dieu par le Polythisme), c'est rabaisser la Divinit au-dessous de l'enfant qui construit sur la plage des murs de sable, pour le seul plaisir de les abattre ensuite ... Ce n'est qu' un autre dieu, ou plutt un Gnie, ayant pour domaine cette Nature o se succdent naissances et morts, qu'il convient de s'engager en de tels avatars. Apollon ne connat ni dgnresce1,ce ni

    tr~nsformation. Il est la Lumire Ineffable .. En effet, on voit alors combien, pour Plutarque, Apollon est le dieu

    aim ! Au mme titre que le Christ peut l'tre de ses modernes fidles ! L'expression employe ds le dbut de l'ouvrage le montre :

  • ~ t:. ~~ ~~ oz ;: ~ iii~ ~~ ~~ ua ... o.

    ~:~ ~~ F~ O.o!: -'Q

  • 34 AU PIED D''S MENH1RS

    Son fils, Esculape, ayant ressuscit un homme par son art (qu'il tient de son pre ... ), les Olympiens le font mourir. Pour venger cette injustice, Apol-lon perce de flche les Cyclopes qui ont , forg la foudre qui a tu Esculape. Zeus condamne Apollon l'exil. Durant son sjour chez le roi Admete, Apollon garde les troupeaux, charme de sa flte les ptres du voisinage,

    , et surtout , enseigne aux hommes les choses utiles et saintes. J aJoux du bon-heur qu'il apporte avec lui, les dieux de l'Olympe le rappellent parmi eux. Forc par sa nature, Apollon ne peut s'y soustraire, et remonte vers Zeus.

    Telle est la lgende mythologique. N'est-elle pas purement gnostique ? Quand prendre Plutarque pour un mystique exalt ou crdule, il faut,

    avant de prononcer pareil jugement, lire ses uvres ! Son attitude religieuse personnelle, Plutarque nous la dfinit en son

    trait Sur Isis et Osiris : C'est ainsi, Cla, qu'il faut accueillir et accepter sur les dieux, ce qu'en rapportent et en expliquent les esprits qui unissent le sens religieux au sens philosophique, tout en persvrant dans la pratique et dans l'observance des prescriptions relatives aux saintes cr-monies. Mais en pensant aussi que rien ne saurait tre plus agrable aux dieux que d'avoir sur leur compte des opinions qui soient vraies, tu pourras viter un mal non moins craindre que l'athisme, et qui est la supersti-tion ! ... .

    Sages paroles, et dont bien des mystiques pourraient se pntrer ! Apollon Delphien est donc l'avatar suprieur de l'Hu KADARN celtique.

    Cette avance dans le temps ralise, revenons en arrire, et reprenons l'tude de notre vieille tradition blanche.

    * **

    Chaque anne, l'automne, disaient les ades, Apollon-Phoibos remontait vers les rgions nordiques, o rgnaient, derrire une triple barrire de glaces bleues, l'ternel printemps hyperboren, que baignait la chaude lumire d'un soleil dor. Et le dieu de Lumire, de Sagesse, et de Beaut, y demeurait alors six longs mois, parmi les Cygnes sacrs qui le devaient ramener au retour du printemps, vers les premires fleurs de Dlos ...

    Car nous retrouvons en Grce, le Cygne hyperboren. Les Hellnes de la grande poque l'attelaient parfois aux chars de Dyonisos et d'Aphrodite, mais plus souvent encore celui d'Apollon. Leurs mythes nous disent qu' Dlos, au moment de la naissance du dieu, l'enfant-divin avait' bondi au milieu des Cygnes, accourus pour chanter son avnement.

    Aux Indes, dans les Vdas, le Cygne tait l'image de Vishnou et un des vhicules de Brahma. Semblablement, Zeus le prit comme mdiateur pour fconder Lda, image symbolique de l'Humanit tout entire, et la renouveler en la faisant enfanter les Dioscures., prsage de l'universelle fraternit. L'uf du Cygne, d'o naquirent Castor et Pollux, tait alors l'image du Monde. C'est cet sotrisme profond qui justifie le fait que la grande porte de l'glise Saint-Pierre de Rome porte l'image de la paenne Lda ; prs de son Cygne ...

    * **

    En effet, le Cygne est l'oiseau mystique des traditions celto-nordiques. Tout blanc en sa robe immacule, nous dit Charbonneau-Lassay, le

    Cygne emblmatique nous vient de ces pays septentrionaux que d'blouis-

  • AU PIED m:s MJ;:NHIRS 35

    santes neiges couvrent quasi-toujours. Quand on tudie les olus anciens tmoignages de la prsence humaine en ces hautes rgions europennes, le premier des oiseaux que l'on y rencontre clans l'art emblmatique naissant, c'est le Cygne. Quel peuple vivait alors en ces contres et sous ce ciel serein et magnifique ? ... A peine venait-il d'ajouter son outillage premier de pierre, qu'il savait merveille faonner, des instruments de cuivre et de bronze, que, tout aussitt, le Cygne s'y montre partout comme le confident de la pense de ces primitifs, et la gracieuse expression de leur croyance en un Etre, suprieur et lumineux, matre du Monde et pre de leur race ... (1)

    Le Cygne tait en effet pour les nations nordiques, ce qu'Apollon sera plus tard pour la civilisation hellnique, l'image et la personnification, si l'on peut dire, de la Lmnirc Di~ine. Voil pourquoi outre les bijoux et les armes, le Cygne de l'Apollon nordique orne le char et la barque du dieu de Beaut, de Sagesse et de Srnit.

    Dans l'extrme Nord, en Laponie, du Cap Nord la Mer de Kara, les traditions populaires perptuent encore le mystre de l'Oiseau Divin : porte-bonheur dans la vie matrielle, et image de l'Infini Cleste.

    De trs bonne heure, le Cygne parat descendre des rgions nordiques vers le centre et le sud de l'Europe.

    Ds l'poque du bronze, on le rencontre en Hibernie, en Germanie, dans le Sud-Est des Gaules et en Lombardie. C'est ainsi qu'un fragment de plaque de ceinturon, d'origine ligurienne, nous montre le Cygne devant la Roue Solaire. A Bibracte, prs d'Autun, les fouilles du Mont-Beuvray ont livr un Cygne en bronze, antrieur l'invasion romaine. Il surmonte une douille, comme la main, le sm~glier, l'alouette, le coq ou le cheval, des en~eignes gau.loises.

    Au Moyen Age, le Cygne accompagnera le Chevalier Mystique. Car, pour la blancheur de son plumage, plus blanc que ceux de la colombe, de l'ibis ou de tout autre oiseau, pour son got des eaux limpides et claires, aussi pour son courage et pour sa puissance, le Cygne deviendra l'emblme du clas-sique Chevalier, type renouvel du hros grec, lequel correspond parfaitement l'tre parvenu au sein du Gwenved, le Monde Blanc ...

    Chez les Anciens, et comme la Colombe, le Cygne fut galement un oiseau d'amour, emblme de l'affection et de la tendresse fidle et pure. C'est ce qu'exprimait magnifiquement l'Aphrodite d'Or des Grecs monte sur le Cygne, la desse qui enseignait aux Hommes l'Amour Cleste.

    Le Cygne immacul est enfin l'image de l'panouissement final de l'Ame, accdant enfin au Gwenved, au Monde Blanc , parce qu' son dernier moment il exprime la Beaut de la Vie et la Grandeur de la Mort, par un dernier chant.

    A l'Automne, nous dit Edouard Schur, Apollon retourne en sa patrie, au pays des Hyperborens. C'est le peuple mystriewr: des Ames, lumineu.ses et tmnspanntes. L sont ses vrais prtres, et ses prtresses aimes. Quand il veut faire aux Hommes un don royal, il leur amne, du pays des Hyper-borens, une de ces grandes mes lumineuses. Et Lui-mme revient Delphes, tous les printemps, dans sa blancheur lumineuse et ,pure, sur un char tran par des cygnes... :

    Comment ne pas voir, dans cette mythique Hyperbore, avec Philas Lebesgue, le Monde Blanc , le GwENVED o tout n'est que blancheur, puret, beaut, lumire ?

    (1) Charbonneau-Lassay, le Bestiaire du Christ , p. 539.

  • AL Pl ED DES MENHIRS

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    Bien avant que les peuples nord1ques se convertissent la religion nou-Yclle, Je christianisme, nous dit Per Skansen, il existait dj chez eux une dit fort attirante, qu'ils nommaient Balder, Dieu de la Suprme Beaut, sous tous ses aspects, du bel et pur amour, ct qu'on a parfois nomm le Christ-Blanc . Beaut, Sagesse, Force, Justice, Puret, Amour, Srnit, tels sont les attributs de Balder. Figure trange, attirante et pure, qui monte des brumeuses mythologies nordiques comme ces soleils rayonnants qui, en hiver, illuminent les glaces ct les mers arctiques, et jouent sur Je blanc des neiges et le bleu ple des ciels du Nord, donnant la mer le vert limpide et clair des aigues-marines.

    L encore, le Cygne est l'emblme elu dieu ... Balder, de son nom nordique, et Kad-Balder ou Kal-Balladoer, pour les

    traditions celtiques, tait fils du grand dieu Odin, nous disent les Eddas scandinaves. C'tait le plus sage, le plus fort, le plus doux, le plus aim, des Immortels, nous dit J. Frazer en son Rameau d'Or .

    Et les dieux taient heureux, au sein du cleste sjour. Mais un jour, Balder fit des rves chargs de menaces, et qui semblaient

    devoir prsager sa mort ... Alo:s, alarms, les dieux tinrent conseil. Et pour protger le beau Balder,

    ils imaginrent de conjurer l'Univers et de dtourner toute menace pesant sur le dieu aim. Frigg (Fraya), desse de la Beaut et de l'Amour, fit jurer toutes choses ct tous lments, a tt Feu, l'Air, l'Eau, la Terre, aux Plantes, aux Animatv, aux Pierres, d'pargner Balder. Ainsi fut fait. Et heureux de voir dtourns les prsages noirs, les dieux rsolurent de mettre l'preuve la soumission des tres et des choses.

    Ils mirent Balder an centre d'un cercle, et s'empressrent de lancer contre lni tout ce qui pouvait lui nuire. Ni le vent, ni le feu, ni l'eau, ni le rocher, ni le loup, ni l'ours, ni le fer, ni le poison, n'eurent prise sur Balder.

    Mais, l'cart de tous, errait Loki, le dieu mauvais, jaloux de Balder, Il s'en alla, dguis en ieille femme, interroger Frigg. Est-ce vrai, lui demanda-t-il, que toutes choses sont soumises Balder ? - A dire vrai, rpondit-elle, non. A l'orient du Walhalla, pousse une plante nomme gni. Elle m'a paru trop jeun pour tre dangereuse, et point ne l'ai alors fait jurer ...

    Lok~ s'en alla alors, clandestinement, cueillir le gui et le porta l'assem-ble des Dieux. Il y trouva Hother, le dieu-aveugle, debout hors du cercle. Pourquoi, demanda Loki, ne fais-tn pas honneur toi aussi Balder, et ne l'prouves-tu pas ? - Mais, dit Hother, je n'ai rien qui puisse me per-mettre de l'prou\er, chacun des dieux a choisi son arme, feu, pierre, eau, poison, plante, anim?l, et je ne saurai en outre viser juste, tant aveugle ... :.. Fais comme les autres, dit Loki, je conduirai ta main. Voici un rameau lger, lance-le donc vers Balder ...

    Guid par Lold, Hother s'approche du cercle et lance le rameau de gui. La plante touche Balder, et au seul contact de cette chose, demeure irnpurt cl donc soumise au Destin Nfaste, par l'oubli de Frigg, le dieu d'Amour tombe foudroy.

    Et ce fut le plus grand malheur qui jamais arriva aux dieux et aux hommes, nous disent les Eddas. Pendant un long moment, les dieux restrent muet d'horreur et de chagrin. Puis ils levrent leurs voix, et pleurrent amrement Balder. On porta le corps au rivage, on le dposa sur son vais-.ea , la proue en col de cygne, afin de l'y brler. Mais le vaisseau refusa

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    de bouger. Alors, ils envoyrent chercher Hynochinn', la gante, dernier rejeton des anciennes races. Elle vint, chevauchant un loup, et poussa la nef avec une telle violence que les vagues en devinrent lumineuses. On prit alors le corps de Balder, on le plaa sur le bcher funbre. Et alors, Nanna, l'pouse aime du Dieu, le cur bns de chagrin mourut. On joignit son corps celui de Balder, on fit monter le ch _val de guerre du hros, avec son harnais de fte, et on mit le feu. Et la nef funbre partit doucement, environne de flammes hautes et claires, vers le couchant illumin.

    Telle est la lgende, sous sa forme exotrique. Balder, personnage mythique, tait ador en Norvge. Il avait un sanc-

    tuaire sur l'une des baies du beau fiord Sogn, qui pntre loin dans les hautes montagnes norvgiennes, avec leurs noires forts de pins, leurs fraiches cascades. On l'appelait le bois de Balder . Une haute palissade entourait l'enceinte sacre. Au centre, tait le sanctuaire, avec les images de tous les dieux, en cercle autour de Balder. Des vestales veillaient sur le temple, chauffant, huilant et schant les statues sacres. Telle tait la vn-ration qui s'attachait ce lieu qu'aucnn homme n'y pouvait pntrer sans s'tre pralablement rconcili avec son prochain. Il n'y pouvait venir aprs avoir vol du btail ou des armes, ni s'y souiller avec une femme.

    LES DIEUX CELTIQUES

    Dans cette tude, nous nous sommes exclusivement attachs suivre l'enseignement druidique, savoir le monothisme, base de toute la thodice. Nous n'tudierons donc pas les innombrables dieux celtiques que Mme M.-L. Sjoestedt a si bien dissqus en son travail : Dieux ct Hros des Celtes .

    En effet, ces divinits correspondent un stade thologique antrieur au druidisme et sa mtaphysique. Ce sont des dieux la plupart du temps locaux, appartenant des thogonies primitives, presque prhistoriques, et dont les cultes (de caractres gnralement agraire et de fcondit) avaient sur-vcu la conqute des territoires par les Celtes venus de l'Est.

    Ces divinits aborignes se sont celtises par la suite et ont t adoptes par les clans, un peu comme certains dieux locaux des cultes paens le furent eux-mmes par le christianisme naissant (tant de pseudo-saints bretons ne sont que des dieux de ce genre ... ).

    Mais ce serait une erreur, notre avis, de confondre les traditions cel-tiques et les enseigneme1tfs druidiques. Nous tournerions le dos la vraie et pure lumire, ce faisant.

    Dans un ouvrage qui prtend apporter aux occultistes occidentaux et aux Celtes modernes amoureux de leur histoire, une doctrine de qualit, revenir aux cultes infrieurs de l'animisme primitif, - gnrateurs et justi-ficateurs des sacrifices humains, de la bestialit , totmique et rituelle (ainsi que le firent les nationaux-socialistes allemands pour leurs anciens dieux),- serait une erreur impardonnable, presque un crime contre l'esprit ...

    (t) Frazer, op. cu,

  • AU PIED DES ~NHIRS

    CYTHRAUL, LE DEMON CELTIQUE

    Le nom de Cythraul, qui se prononce en ralit Kussral d'aprs P. Lamirault, est celui que l'on donne gnralement au diable traditionnel, avec ceux de diafwl et de diawl.

    C'est l probablement, nous dit A. Pictet en son Mystre des Bardes , un nom purement gallois et qui n'a pas d'analogue dans les autres dialectes celtiques. Owen. en son dictionnaire, le regarde comme tant compos du prfixe cy et de traul : destruction (wasting, consuming, wearing out) ; sa signification serait ainsi celle de destmcteur. On trouve toutefois, ct de Cythraul, un autre terme presque identique, Cythrawl, qui n'en diffre que par la voyelle w (ou) de la terminaison, mais dont l'origine est tout autre. C'est un driv rgulier du verbe cythru : rejeter, C..'\:pulser, et qui signifie : adverse, contraire ; ce qui est aussi le sens rel de Sathan dans les langues smitiques. On pourrait croire, d'aprs cela, que les deux termes ne sont qu'un mme mot et que leur diffrence n'est qu'orthographique.

    Il faut ajouter une analogie curieuse, et peut-tre fortuite, du sanscrit at1'u, atrra : adversaire, ennemi. On le rapporte la racine ad : abattre, tuer (kad : combat, - latin : coedere). Mais le driv devrait alors s'crire attra. La forme primitive a d tre katru, et on pomrait la ramener la racine katr.

    Le mot gallois drwg (armoricain : drorfg, drouk ; irlandais : droch), exprime en gnral tout cc qui est mauvais, au physique comme au moral. Le franais drogue en provient sans doute. JI se rattache la racine sans-crite clmh : blesser, nuire, d'o vient drha : offense, injure, malice, et dnth : tre malfaisant (en franais : drle, pris en son mauvais sens).

    Kuhn, le savant linguiste, en son travail sur les Tekhines grecs, a runi plusieurs passages du Rig Vda o le nom dmh dsigne clairement une sorte de dmon femelle (incube). Dans les anciens livres zends, on trouve des dmons des deux sexes nomms drukhs, et Lassen a reconnu sous ce nom la forme du druga : esprit malin, dans les inscriptions cuniformes de Pers-polis. Le latin draco (dragon) s'y rattacherait sans doute, et aussi le scan-dinave drakar (dragon de mer). En lithuanien, drgis est le nom de la fivre, du frisson fbrile. L'irlandais droch signifie galement : un nain, soit, comme dans toutes les lgendes nordiques, un tre magique dou d'un pouvoir pervers.

    Nous pouvons conclure de ce qui prcde que le drwg gallois des Triades. associ Cythraul (l'adversaire, le destructeur), dsigne plus particulire-ment une personnification du Principe du Mal, de ce que OIW rejette. Exemple, la 28 Triade en gallois :

    Tri gorthrech ar Ddrwg a Chythraul y sydd : gwybodaeth, cariad a gallu. Gan y gwyr, y mynn, ag y dichon y rhain yn eu cynghyd y pethau a fynnont ; a?; y'nghyflwr dyn eu dechre, a'u paru dros fyth ...

    Soit : Trois Victoires sur Drwg et sur Cythraul : la Science, l'Amour, la Force. Car le Savoir, le Vouloir et le Pouvoir en leur connexion peuvent accomplir tout ce qu'ils veulent. Ces trois Victoires commencent dans la condition de l'Humanit et durent ternellement ...

    On le voit, Amo11r et Vouloir (Dsir) sont synonymes.

  • ATJ PII\!D m:s MENHrns

    L'UF DU MONDE, SELON LES CELTES ET DEVANT LA SCIENCE

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    Le Temps n;ex'st pas pa:r lui-mme, mais bien par les Objets sensibles seuls, dont rsulte la notion du Pass, du Prsent, et de l'Avenir. On ne peut concevoir le Temps en soi, et indpendamment du mouvement ou du repos des Choses.

    Tette egt 1a dfinition du Temps, exprime par Lucrce, dans son ouvrage DeNatura Rerum.

    Au contraire, pour Newton, le Temps absolu, vrai, mathmatique, pris et1 soi et san:5 relation aucun objet extri