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  • QUI A TUROGER ACKROYD ?

  • DU MME AUTEUR

    Aux ditions de Minuit

    LE PARADOXE DU MENTEUR. Sur Laclos, 1993MAUPASSANT, JUSTE AVANT FREUD, 1994LE HORS-SUJET. Proust et la digression, 1996QUI A TU ROGER ACKROYD ?, 1998 (double, no 55)COMMENT AMLIORER LES UVRES RATES ?, 2000ENQUTE SUR HAMLET. Le Dialogue de sourds, 2002PEUT-ON APPLIQUER LA LITTRATURE LA PSYCHANALYSE ?,

    2004

    DEMAIN EST CRIT, 2005COMMENT PARLER DES LIVRES QUE LON NA PAS LUS ?, 2007LAFFAIRE DU CHIEN DES BASKERVILLE, 2008

    Aux P.U.F.

    IL TAIT DEUX FOIS ROMAIN GARY, 1990

    Extrait de la publication

  • PIERRE BAYARD

    QUI A TUROGER ACKROYD ?

    suivi de Arrt sur nigme par Josyane Savigneau

    LES DITIONS DE MINUIT

  • 1998/2002/2008 by LES DITIONS DE MINUIT7, rue Bernard-Palissy, 75006 Paris

    www.leseditionsdeminuit.fr

    En application des articles L. 122-10 L. 122-12 du Code de la proprit intellectuelle,toute reproduction usage collectif par photocopie, intgralement ou partiellement, duprsent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre franais dexploitation du droitde copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de repro-duction, intgrale ou partielle, est galement interdite sans autorisation de lditeur.

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  • pour Mari

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  • Il y eut un silence de mort pen-dant une minute. Puis jclatai derire.

    Vous tes fou, dis-je. Non, rpondit Poirot avec calme,

    je ne suis pas fou.

    Le Meurtre de Roger Ackroyd

  • LES PERSONNAGES

    JAMES SHEPPARD, mdecin du village de Kings Abbot, cli-bataire, narrateur de lhistoire

    CAROLINE SHEPPARD, sur de James, sans profession, cli-bataire. Vit avec son frre. Rpute pour sa curiosit, quelleentretient grce un rseau dinformateurs dissmins dansle village

    ROGER ACKROYD, gentilhomme campagnard. Est dcouvertassassin aprs avoir pris connaissance dune lettre danslaquelle sa ma tresse, Mme Ferrars, lui rvlait, avant de sesuicider, le nom du matre-chanteur qui la faisait chanterdepuis un an, en menaant de rvler la police quelle avaitassassin son mari

    MME CYRILLE ACKROYD, veuve dun frre de Roger Ackroyd,Cyrille, rcemment arrive du Canada en compagnie de safille, Flora

    FLORA ACKROYD, fille de Mme Cyrille Ackroyd, nice deRoger Ackroyd

    RALPH PATON, fils de la premire femme de Roger Ackroyd,qui le considre comme son fils adoptif. Se rvle la fin dulivre, grce Hercule Poirot, tre le mari dUrsula Bourne,femme de chambre

    HECTOR BLUNT, chasseur professionnel en Afrique, de pas-sage Kings Abbot, ami de Roger Ackroyd qui lhberge pen-dant ses sjours en Angleterre

    Extrait de la publication

  • GEOFFROY RAYMOND, secrtaire particulier de Roger Ack -royd

    PARKER, matre dhtel de Roger Ackroyd

    URSULA BOURNE, femme de chambre de Roger Ackroyd. Servle la fin du livre tre la femme de Ralph Paton

    ELISABETH RUSSELL, gouvernante de Roger Ackroyd. Passaitdans le village pour avoir des chances de lpouser, maiscelles-ci se sont vanouies avec larrive de Mme CyrilleAckroyd et de Flora Ackroyd, et surtout la relation amoureuseentre Roger Ackroyd et Mme Ferrars. Mre de Charles Kent

    CHARLES KENT, fils dElisabeth Russell. Son identit estdcouverte par Hercule Poirot. Marginal drogu. Sheppard lecroise le soir du meurtre, sans pouvoir lidentifier, en sortantde la proprit de Roger Ackroyd

    HERCULE POIROT, dtective priv la retraite

    PERSONNAGES 11

  • PROLOGUE

    Beaucoup de lecteurs savent aujourdhui qui a tu RogerAckroyd. Un grand nombre, surtout parmi les amateursde littrature policire, connaissent le procd qui organisele roman dAga tha Christie et peuvent fournir la r-ponse exacte : lassassin est le narrateur. Les plus avertissont mme en mesure de donner son nom : le docteur Shep-pard.

    Loriginalit du procd a assur luvre un succs im -mense et en a fait un des romans les plus clbres de lhis-toire lit traire. La fortune du livre dpasse mme les limitesdu genre po licier. Il a ainsi t lobjet de nombreuses tudesen sciences hu maines, qui ont pris appui sur lui pour trai-ter des problmes tho riques quinvite poser la particu-larit de sa construction 1.

    Si le roman assura immdiatement la clbrit dAgathaChristie, il ne fit cependant pas lunanimit sa parution.Plusieurs critiques dvelopprent cette ide, reprise encorercemment, que la romancire avait enfreint, en fai sant dunarrateur lassassin, un lment es sentiel du pacte de lec-

    1. Le livre a notamment t comment par Roland Barthes, Grard Genette,Algirdas Julien Greimas et Umberto Eco, ainsi que par de nombreux cri-vains, dont Raymond Chandler et Alain Robbe-Grillet. A la veille de sa mort,Georges Perec prparait un article son sujet (Littrature, Larousse, 1983,no 49, p. 15).

  • ture implicite qui lie lauteur dun roman poli cier sonpublic et quelle avait, pour ainsi dire, trich 2.

    Curieusement, les admirateurs du livre comme ses adver- saires se rejoignent sur lessentiel : aucun ne songe mettreen doute le point le plus important de toute laffaire, savoir la cul pabilit du docteur Sheppard. Or, avant de sedemander sil est ou non lgitime de dissimuler lassassinderrire le narrateur, il parat judicieux de rgler cette ques-tion pralable et de se demander si le coupable est biencelui que lenqute dsigne.

    Tel sera ici notre projet. Nous dgageant de lopinioncouram ment admise suivant laquelle le meurtrier serait ledocteur Sheppard, et tentant de nous frayer une troisimevoie entre lad miration et la rprobation, nous nous conten-terons, nacceptant au cune affirmation qui ne soit prala-blement dmontre, de rpondre la question simple desavoir qui a tu Roger Ackroyd.

    *

    Car le succs du livre a son revers : la beaut esthtiquedu procd tend clipser lnigme policire. Fascin parlingniosit avec laquelle Agatha Christie a dissimul lavrit, le lecteur risque de dtourner son attention de laquestion criminelle et doublier dexaminer si la solutionpropose est plausible. Or celle-ci est ex pdie en quelquespages par un Hercule Poirot tellement heureux de son

    14 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

    2. Agatha Christie a voqu ces accusations de tricherie dans lune de sesautobiographies (An Autobiography, Harper Collins Publishers, 1977, p. 352-353). Elles ne tiennent pas, selon elle, si on lit le livre avec suffisamment dat-tention, les effets dcriture ayant t soigneusement calculs par Sheppard.Elles ont eu cependant des prolongements rcents dans des textes de RolandBarthes et de Grard Genette. Sur la rception du livre sa parution, voirRobert Barnard, A Talent to Deceive. An Appreciation of Agatha Christie, NewYork, Dodd, Mead and Company, 1980, p. 37-39, ainsi que Dennis Sanderset Len Lovallo, The Agatha Christie Companion. The Complete Guide toAgatha Christies Life and Work, New York, Avenel Books, 1985, p. 33-34.

  • inventivit quil se soucie peu de revenir sur les problmesinnombrables que pose une nigme complexe.

    Notre livre obit donc un premier souci qui est un soucide rigueur. Un roman policier, en tout cas quand il relvedu genre dans lequel sinscrit Agatha Christie, se doitdobir une logique sans faille. Ce premier souci est li un objectif de justice. Sil devait savrer que le docteurSheppard nest pas lassassin, cest une erreur judiciairequauraient cause Hercule Poirot et, sa suite, tous ceuxqui ont accept sa solution sans protester.

    Nous nous proposons donc de reprendre en dtail toutesles pices du dossier en examinant, le plus objectivementpossible, si la solution dHercule Poirot est valable et silest assur que le docteur Sheppard a commis le meurtre.Consacr relire un roman po licier, ce livre se retrouvedonc, par la force des choses, avoir lui-mme la forme dunroman policier, qui conduira le lecteur, dans ses dernirespages, vers ce qui nous parat tre la rponse la plus vrai-semblable.

    *

    Mais notre livre nest pas seulement un roman policiersur un roman policier. Il a aussi un second objet, plus tho-rique, qui concerne le dlire, et particulirement le dliredinterprtation. Celui-ci se trouve en effet profondmentli notre travail. Remettre en cause la solution dHerculePoirot, cest la considrer comme dlirante, re proche quelui fait dailleurs le docteur Sheppard, abasourdi, lorsquePoirot, triomphant, lui communique le fruit de ses r -flexions.

    Par ailleurs et dans le mme temps, cest prendre lerisque de construire nous-mme une lecture dlirante,puisque cest procder une dmarche identique cellede Poirot, consistant, comme il le fait tout au long du livre, rechercher minutieusement des indices, interprter des

    PROLOGUE 15

    Extrait de la publication

  • faits et organiser nos dductions en une constructiondensemble harmonieuse.

    Ainsi ne serait-il pas faux de dire que notre livre estconsacr ldification exprimentale dune lecture dli-rante, construite en miroir et selon les mmes principes quela lecture de Poirot, dont elle voudrait tenter de mimer lesmouvements de pense. Lecture non pas intrinsquementfolle, mais sans doute traverse par moments, comme lesgrands dlires systmatiss, par une flure invisible.

    Entreprendre ddifier un dlire prsente en tout cas unavantage : permettre de rflchir autrement sur la natureou les fondements dune lecture vraie. Cette question estsouvent pose de la manire la plus traditionnelle, revenant se demander com ment sapprocher du vrai. Peut-tre nest-il pas sans intrt alors de poser le problme sous un autreangle et de se demander, lin verse, comment sapprocherdu faux, en tentant, pour se le rendre familier, de lexplo-rer de lintrieur.

    *

    Sil savrait cependant quune lecture comme la ntre aun sens, les extensions nen seraient pas ngligeables.Dabord pour les autres uvres dAgatha Christie, voiredautres crivains de ro mans policiers, dont les lecteurssouponneux ont parfois le senti ment que lassassin est par-venu chapper la sagacit de lenqu teur. Alors que leroman policier est souvent vcu comme appelant une lec-ture unique, notre proposition aurait pour bnfice dinvi -ter reprendre un certain nombre de dossiers douteux et partir en qute de criminels impunis 3.

    Mais, par ailleurs, de nombreux dcs de la littrature,et pas seulement policire, mriteraient dtre reconsidrs.

    16 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

    3. Cest pour cette raison que nous ne nous sommes pas interdit de don-ner les solutions de certaines intrigues dAgatha Christie, persuad quelles nefaisaient souvent que masquer les vritables rponses.

  • Qui sest ja mais interrog srieusement, par exemple, surles tranges pid mies de dcs qui frappent les hros desfables de La Fontaine ? Est-on si assur que la dame auxcamlias soit morte de mort naturelle ? Est-il exclu queMadame Bovary ait t assassine ? Et que sait-on au justedu dcs de Bergotte ?

    Indpendamment du problme des morts suspectes, demul tiples faits littraires gagneraient de toute manire treremis en perspective ou clairs diffremment. Peut-treest-il temps ainsi de se demander ce quil est advenu deMadame de Merteuil aprs sa fuite en Hollande, quelle estlidentit vritable du prtendu colonel Chabert et qui adclench, parmi tous les ouvriers suspects de la mine, lacatastrophe de Germinal.

    Nombreux sont les lecteurs prouver par moments,devant les textes de fiction, limpression dsagrable quonne leur dit pas tout. Au-del de louvrage dAgatha Chris-tie, ce livre voudrait entre prendre de lever les secretsenfouis qui perturbent la transparence de la lecture et exa-miner quelles conditions il est possible, sans dnaturerleur projet, de complter utilement notre information surles uvres.

    PROLOGUE 17

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  • A) ENQUTE

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  • CHAPITRE PREMIER

    LE MEURTRE

    Reprendre lenqute sur la mort de Roger Ackroydimplique de communiquer au lecteur les lments princi-paux de lhistoire. Lidal serait videmment que celui-ci aitle temps de lire ou de re lire le roman dAgatha Christie.Mais, conscient de la difficult de satisfaire cette demande,nous ferons prcder notre propre en qute dune relationdes faits aussi prcise et aussi objective que possible 1.

    *

    Lhistoire se passe dans un petit village de la campagnean glaise, Kings Abbot, dont le mdecin, qui est aussi le nar-rateur du livre, sappelle le docteur Sheppard. Elle dbutepar ces mots : Mme Ferrars mourut dans la nuit du 16au 17 septembre, un jeudi. On menvoya chercher le ven-dredi 17, vers huit heures du matin. Mais il ny avait rien faire et la mort remontait plusieurs heures (I, 13).

    1. Voir la liste des personnages en tte du livre. Notre dition de rfrenceest celle du Livre de poche, 1998, dans la traduction de Miriam Dou-Desportes.Nos rfrences sont indiques sous forme dun chiffre romain, indiquant lechapitre (afin de permettre lutilisation dautres ditions), suivi dun chiffrearabe, indiquant la page. Labsence de rfrence aprs une citation indiqueque la rfrence prcdente demeure valable. Pour ldition anglaise, nousrenvoyons Murder of Roger Ackroyd, Harper Collins Publishers, 1993(1re dit. 1926).

    Extrait de la publication

  • En raison de sa position de narrateur, les traits marquantsdu docteur Sheppard ne nous sont pas livrs directement,mais se dvoilent progressivement au fil de laction. Cli ba- taire, il consacre lessentiel de son temps la mdecine, maisil est aussi fru de jar dinage et de mcanique. Il apparatcomme un homme pos, peu enclin aux passions, qui viten compagnie de sa sur, Caroline. Le rcit du mdecinprsente celle-ci comme une vieille fille dun ge indter-min, dont la caractristique principale est une intense cu -riosit et loccupation majeure le bavardage. Lune et lautretrou vent salimenter dans les diffrents vnements du vil-lage et dans les informations obtenues au moyen dun rseauserr din formateurs, constitu par les domestiques et lesfour nisseurs :

    [...] tout en restant paisiblement la maison, ma sur faitun nombre incalculable de dcouvertes. Je ne sais pas com-ment cela lui est possible, mais le fait est indniable. Je sup-pose que les do mestiques et les fournisseurs constituent sonbureau dinforma tions. Lorsquelle sort, ce nest pas pourrecueillir des nouvelles, mais, au contraire, pour les rpandre.En cela, elle est aussi extra ordinairement experte (I, 14).

    Preuve de cette efficacit, lvnement que vient dap-prendre le docteur Sheppard lorsque le livre commence, lamort de Mme Ferrars, est dj connu de sa sur quand ilrentre chez lui :

    Tu as t appel de bonne heure, observa Caroline. Oui, dis-je, Kings Paddock pour Mme Ferrars. Je sais, reprit ma sur. Comment le sais-tu ? Annie me la dit. Annie est notre femme de chambre. Cest une brave fille,

    mais une terrible bavarde.Il y eut un silence et je continuai manger mes ufs. Le

    nez long et mince de Caroline frmissait lgrement son extr-mit, ce qui indique toujours quelle est agite par la curiosit.

    Eh bien ? demanda-t-elle.

    22 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

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  • Triste affaire. Rien tenter. Elle a d mourir en dormant. Je sais , dit encore ma sur.Cette fois je me sentis vex. Tu ne peux pas savoir, dclarai-je. Jignorais tout moi-

    mme avant darriver l-bas et je nai souffl mot personnede ce que jai constat. Si Annie est au courant elle a le donde double vue.

    Ce nest pas Annie qui me la appris, cest le laitier qui letenait de la cuisinire de Mme Ferrars (I, 15).

    Caroline suggre alors, contre lavis de son frre, queMme Ferrars sest suicide, par remords davoir empoisonnson mari. Celui-ci est mort un an auparavant dans des cir-constances apparemment naturelles, mais Caroline a tou-jours t per suade quil sagissait en fait dun meurtre. Ayantla mme opinion que sa sur ( Navez-vous jamais constatque, lorsque vous nour rissez une conviction dont vous nedsirez pas parler, vous la niez furieusement si elle est expri-me par une autre personne ? (I, 16)) mais refusant de lereconnatre, le mdecin dcide de ne pas pol miquer.

    *

    Un peu plus tard, Sheppard croise dans la rue RogerAckroyd. Prototype du gentilhomme campagnard an -glais (II, 18), Roger Ackroyd est lme de Kings Abbot.Ag dune cinquantaine dan nes, trs riche, il habite avecsa famille lune des deux proprits importantes du village,Fernly Park. Il sest mari une premire fois lorsquil taitjeune avec une femme du nom de Paton, veuve qui avaitun enfant, Ralph, que Roger Ackroyd a toujours consi drcomme son propre fils et lev. Il est g de vingt-cinq ans lpoque des faits et, perptuellement court dargent,donne des inquitudes son pre adoptif.

    Attardons-nous un instant sur Fernly Park et ses habitants,car cest dans cette proprit que se situent la plupart des sus-pects du livre. Outre Ralph Paton, Fernly Park compte deux

    LE MEURTRE 23

  • autres membres de la famille de Roger Ackroyd, qui sy sontrcemment installs : Mme Cyrille Ackroyd, une belle-surde Roger, veuve dun frre assez peu recommandable (II,20), arrive du Canada en com pagnie de sa fille, Flora. Toutesdeux ont de constants besoins dar gent et dpendent finan-cirement de Roger Ackroyd. Celui-ci es pre que Ralph etFlora se marieront, et une idylle est en cours entre les deuxjeunes gens au dbut de lhistoire.

    Passons au personnel de maison. De nombreuses gou-vernantes se sont succd, dont la dernire, Elisabeth Rus-sell, rgne depuis cinq ans. Elle serait sans doute parvenue pouser Roger Ackroyd sil ntait tomb amoureux deMme Ferrars. Larrive de Mme Cyrille Ackroyd et de Florasemble avoir galement jou un rle dans lchec dElisa-beth Russell.

    Deuxime personnage essentiel de la domesticit, unefemme de chambre nomme Ursula Bourne, mise la portepeu de temps avant la mort dAckroyd. Elle se rvlera, la fin du livre, tre la femme de Ralph Paton, pouse parle jeune homme linsu de tous, y compris de RogerAckroyd et de Flora. Cest en d couvrant cette union cachequAckroyd a congdi Ursula Bourne/Paton.

    Parmi le personnel, il convient aussi de signaler Parker,le seul des domestiques qui soit vritablement identifi, enraison la fois de son rle important dans la dcouverte dumeurtre et de son pass de matre-chanteur Poirot, aprsenqute, rvlera quil faisait chanter son prcdent ma -tre , ce qui en fait un des princi paux suspects.

    La maison de Roger Ackroyd compte encore deux autresoccu pants. Dune part son secrtaire particulier, un jeunehomme effac nomm Geoffroy Raymond. Dautre part unde ses amis, chasseur de fauves rput, le major HectorBlunt, de passage dans la proprit dAckroyd chez qui ilsjourne lors de ses voyages en Angleterre, et qui tomberaamoureux de Flora.

    Si tous ces personnages nous sont prsents au dbut du

    24 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

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  • livre, un dernier, galement li Fernly Park, apparat unpeu plus tard, Charles Kent. Marginal et drogu, ce qui leplace au premier rang des sus pects, il est crois, sans treidentifi, par le docteur Sheppard le soir du meurtre, aumoment o celui-ci quitte la proprit de Roger Ackroyd.Grce la perspicacit dHercule Poirot, la police appren- dra quil sagit du fils dElisabeth Russell.

    *

    Roger Ackroyd, lorsquil rencontre le docteur Sheppard,appa rat comme boulevers par la mort de Mme Ferrars, sama tresse, mais il semble avoir aussi dautres motifs de pr- occupation. Il a des rvlations faire ce sujet et, ne pou-vant parler librement Sheppard en pleine rue, lui demandede passer chez lui le soir.

    Le narrateur nous raconte ensuite minutieusement sajourne. La matine est consacre ses patients. Aprs lerepas, il entre prend de jardiner, jusquau moment o ilmanque de recevoir une citrouille sur la tte, envoye parson voisin, pris dune crise de mauvaise humeur. Cest dansces conditions quil fait la connais sance dHercule Poirot,qui ne lui confie cependant pas sa profession lors de leurpremire rencontre. Il rend ensuite visite son ami RalphPaton, le beau-fils dAckroyd, dont il a appris la prsence lauberge du village, Les Trois Dindons . A la fin delaprs-midi il se dirige vers le domicile dAckroyd, chez quiil a t convi pour sept heures et demie.

    A Fernly Park, Sheppard est accueilli par le domestiqueParker et par le secrtaire dAckroyd, Geoffroy Raymond.Avant le repas, un lger incident se produit. Alors quil sedirige seul vers le salon, Sheppard entend un bruit trangevenant de lintrieur de la pice. Lorsquil entre, il remarqueque les grandes portes-fentres don nant sur la terrasse sontouvertes, et que le couvercle dune vitrine contenant devieux bibelots est lorigine du bruit mystrieux.

    LE MEURTRE 25

  • Sheppard retrouve ensuite au repas plusieurs des person -nages que nous avons prsents, savoir, outre RogerAckroyd, Mme Cyrille Ackroyd, sa nice Flora, Parker,Geoffroy Raymond et le major Blunt. Latmosphre est plu-tt sombre, et, ds la fin du d ner, Sheppard senferme avecAckroyd dans son bureau pour couter les rvlations quecelui-ci lui a annonces le matin et qui ont motiv son invi-tation.

    *

    Ackroyd, manifestement inquiet au point de se sentir sur- veill, commence par demander Sheppard, qui a soignun an au paravant Monsieur Ferrars, sil a jamais pens quecelui-ci aurait pu tre empoisonn. Puis il lui rvle queFerrars a t assassin par sa femme. Celle-ci a accept laveille de lpouser et lui a avou, sa grande stupfaction,avoir tu son mari afin de se rendre libre. Mais Mme Fer-rars ne sest pas contente de confesser son crime : elle agalement rvl Ackroyd quelle tait depuis un an lavictime dun matre-chanteur, sans lui donner son nom.Ackroyd a cependant le sentiment quavant de mourir,dsespre de voir quil ne lpouserait pas, Mme Ferrarslui a laiss une lettre d nonant le coupable, et que son sui-cide est un appel tre venge.

    A ce moment le domestique Parker entre dans le bureauen apportant le courrier du soir o se trouve une enveloppebleue, qui contient une lettre de Mme Ferrars. Ackroyd enentreprend la lecture voix haute ( Je vous laisse le soinde punir la personne qui, depuis un an, a fait de mon exis-tence un enfer. Je nai pas voulu vous dire son nom aujour-dhui, mais je me propose de vous lcrire maintenant (IV,47)), puis sinterrompt, exigeant de Sheppard quil le laisseseul, cette lettre tant personnelle. Sheppard lui demandeavec insistance de bien vouloir finir de la lire en sa pr- sence, mais en vain.

    26 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

    Extrait de la publication

  • Ici intervient ce qui est peut-tre le passage le plusclbre du livre :

    Ackroyd tait fort entt ; plus on le poussait accomplirun acte plus il sy refusait. Tous mes arguments demeurrentinutiles. La lettre lui avait t apporte neuf heures moinsvingt. Il tait juste neuf heures moins dix lorsque je le quittai,sans quil et achev de la lire.

    La main sur la poigne de la porte, jhsitai et regardai enarrire, me demandant si je navais rien oubli. Je ne vis rien,je sortis en hochant la tte et je fermai la porte derrire moi(IV, 48).

    A la porte du bureau, Sheppard croise Parker, qui luidonne limpression davoir tent dcouter la conversationet qui il com munique le souhait dAckroyd de ne plustre drang. Puis il sort de la maison. Alors quil franchitla grille du parc, lhorloge du vil lage sonne neuf heures. Ilmanque alors de heurter un homme qui vient en sensinverse (nous apprendrons la fin du livre quil sagit deCharles Kent, le fils dElisabeth Russell) et qui lui demandedune voix enroue le chemin de Fernly Park. De retourchez lui dix mi nutes plus tard, il y retrouve sa sur quiil fait le rcit de la soire. A dix heures et quart, le tl-phone sonne. Sheppard prend le rcepteur et dit Caro-line : Parker tlphone de Fernly [...] on vient de trou-ver Roger Ackroyd assassin ! (IV, 50)

    Il retourne alors Fernly Park, o il est accueilli par Par-ker, surpris de le voir revenir et qui nie lui avoir tlphon.Les deux hommes se dirigent vers le bureau dAckroyd et,aucun bruit ne provenant de la pice, Sheppard dcidedenfoncer la porte. Ils dcouvrent lintrieur le cadavredAckroyd, poignard : Ackroyd tait assis o je lavaislaiss, dans un fauteuil, prs du feu. Sa tte sinclinait surle ct, et, juste au-dessous du col de son vtement on aper-cevait un objet mtallique brillant (V, 52). Lenveloppebleue contenant le nom du matre-chanteur a disparu. Shep-

    LE MEURTRE 27

  • pard envoie alors Parker tlphoner la police, pendantque lui-mme reste seul dans la pice : Parker sortit enhte, toujours en sessuyant le front, et je fis le peu quil yavait faire (V, 53). La police ar rive quelques minutesplus tard et lenqute peut commencer.

    *

    Notons, avant de poursuivre notre rcit, que tous les per-son nages importants du livre nous sont prsent connus.Certes, dautres figures transitoires (par exemple dans lepersonnel dAckroyd ou parmi les enquteurs) apparatrontici ou l, mais les vritables protagonistes dun roman poli-cier sont ceux qui occupent le premier plan : le criminel nepeut pas tre un second rle. De mme est-il exclu par leslois du genre que lassassin soit un inconnu venu de lex-trieur, comme un vagabond de passage. Cette solution,quvoquent plusieurs des personnages du livre, peu sou-cieux de dcouvrir un assassin dans leur entourage, estimpos sible dans le roman policier dnigme.

    Cette limitation des possibilits favorise notre dessein.Lassassin, quel quil soit, figure parmi les personnages quenous venons de citer. Le filet commence ds maintenant se resserrer autour de lui.

    28 QUI A TU ROGER ACKROYD ?

    Extrait de la publication

  • SOMMAIRE

    PROLOGUE ........................................................ 13

    A) ENQUTE ..................................................... 19Chapitre I : Le meurtre ........................................ 21Chapitre II : Lenqute ......................................... 29Chapitre III : Le principe de Van Dine .............. 38Chapitre IV : Le mensonge par omission ........... 52

    B) CONTRE-ENQUTE ................................... 65Chapitre I : La nuit qui ne finit pas ................... 67Chapitre II : Le paradoxe du menteur ............... 76Chapitre III : Invraisemblances ........................... 85Chapitre IV : Lassassin idal ............................... 94

    C) DLIRE .......................................................... 103Chapitre I : La croise des chemins .................... 105Chapitre II : Quest-ce quun dlire ? ................. 114Chapitre III : Dlire et thorie ............................ 124Chapitre IV : Dlire et critique ........................... 135

    D) VRIT .......................................................... 147Chapitre I : Rideau ............................................... 149Chapitre II : La vrit .......................................... 159Chapitre III : Rien que la vrit .......................... 166Chapitre IV : Mais toute la vrit ....................... 174

    Josyane Savigneau, Arrt sur nigme ................. 185

  • Cette dition lectronique du livre Qui a tu Roger Ackroyd ? de Pierre Bayard

    a t ralise le 12 dcembre 2012 par les ditions de Minuit

    partir de ldition papier du mme ouvrage (ISBN : 9782707320438).

    2012 by LES DITIONS DE MINUIT pour la prsente dition lectronique.

    Couverture : D.R. www.leseditionsdeminuit.fr

    ISBN : 9782707326294

    Extrait de la publication

    CouvertureDu mme auteurTitreCopyrightDdicaceExergueLES PERSONNAGESPROLOGUEA) ENQUTECHAPITRE PREMIER - LE MEURTRE

    Table des matiresJustification