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arts Prune Nourry Serendipity Textes de François Ansermet À l’occasion de l’exposition “Holy, Carte blanche à Prune Nourry”, qui se tiendra au Musée national des arts asiatiques – Guimet à Paris, l’artiste française Prune Nourry présente une rétrospective de dix ans de projets. Ici, ses sculptures personnelles seront mises en dialogue avec des pièces historiques de la collection permanente, créant des analogies visuelles et de sens fortes. Le visiteur sera également invité à un voyage sacré à travers les salles. Ainsi, cet ouvrage met en lumière une pratique artistique riche, inspirée de voyages, d’observations, de rencontres et de recherches, qui a donné naissance à des oeuvres aussi variées que Les Bébés domestiques ou Process, en passant par le triptyque sacré Holy Daughters Holy River Terracotta Daughters, dernier projet retentissant (expositions à Paris, Shanghai, Mexico, New York et Zurich). L’oeuvre de Nourry est guidée par une réflexion sur la sélection du genre – la préférence historique pour les garçons dans certaines cultures –, et plus largement sur les effets de la procréation médicalement assistée et des avancées de la génétique. Sur l’ensemble de cette oeuvre, François Ansermet, psychanalyste spécialisé dans ces enjeux, pose un regard toujours étonné, souvent poétique, de sorte à saisir les questions posées par ce travail, qui parfois nous sautent au visage, nous dérangent ou nous interrogent au plus profond. La sérendipité – ou l’art de trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas initialement – est le fil conducteur de cet ouvrage. Plusieurs personnalités invitées ont également apporté leur témoignage, comme Sophie Makariou, directrice du Musée national des arts asiatiques – Guimet, Orlan, artiste, Tatyana Franck, directrice du musée de l’Élysée, Clifford Ross, artiste, ou Ravinder Kaur, sociologue indienne. Née en 1985 à Paris, diplômée de l’école Boulle, Prune Nourry vit et travaille à New York. L’artiste s’intéresse aux champs de la science et de l’anthropologie, et plus particulièrement aux questions bioéthiques liées à l’évolution artificielle de l’humain, à travers une pratique qui associe sculpture, installation, performance et vidéo. Engagée, Prune Nourry souhaite alerter sur ces sujets qui la touchent. Dans une démarche participative, elle mobilise autour de son propos chercheurs et scientifiques. François Ansermet est psychanalyste et psychiatre, spécialiste des sujets de procréation médicalement assistée, et des conséquences nouvelles des avancées des biotechnologies. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Fabrique de l’enfant (Odile Jacob, 2015). Il est membre du Comité consultatif de bioéthique et a créé en Suisse la fondation Algalma, qui réunit académiciens, philosophes et artistes pour croiser les regards et penser les débats fondamentaux d’aujourd’hui. 20.5 x 28 cm 272 pages 150 illustrations en quadri ouvrage relié isbn : 978-2-330-07861-4 mai 2017 prix provisoire : 45 euros ACTES SUD Repères L’existant : Il n’existe aucun livre sur l’oeuvre de l’artiste Prune Nourry, dont les expositions ont marqué la scène artistique internationale ces dernières années, notamment avec les Bébés Domestiques et l’armée des Terracotta Daughters.

ACTES SUD · 2020-01-07 · Le Spermbar prolonge la réflexion autour de “l’enfant à la carte” en s’appuyant sur l’industrie du don du sperme aux États-Unis. À New York,

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arts

Prune Nourry Serendipity

Textes de François Ansermet

À l’occasion de l’exposition “Holy, Carte blanche à Prune Nourry”, qui se tiendra auMusée national des arts asiatiques – Guimet à Paris, l’artiste française Prune Nourryprésente une rétrospective de dix ans de projets. Ici, ses sculptures personnelles serontmises en dialogue avec des pièces historiques de la collection permanente, créant desanalogies visuelles et de sens fortes. Le visiteur sera également invité à un voyage sacréà travers les salles.Ainsi, cet ouvrage met en lumière une pratique artistique riche, inspirée de voyages,d’observations, de rencontres et de recherches, qui a donné naissance à des oeuvresaussi variées que Les Bébés domestiques ou Process, en passant par le triptyque sacré Holy Daughters – Holy River – Terracotta Daughters, dernier projet retentissant (expositions à Paris, Shanghai, Mexico, New York et Zurich).L’oeuvre de Nourry est guidée par une réflexion sur la sélection du genre – la préférencehistorique pour les garçons dans certaines cultures –, et plus largement sur les effets dela procréation médicalement assistée et des avancées de la génétique. Sur l’ensemble decette oeuvre, François Ansermet, psychanalyste spécialisé dans ces enjeux, pose un regardtoujours étonné, souvent poétique, de sorte à saisir les questions posées par ce travail,qui parfois nous sautent au visage, nous dérangent ou nous interrogent au plus profond.La sérendipité – ou l’art de trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas initialement– est le fil conducteur de cet ouvrage.Plusieurs personnalités invitées ont également apporté leur témoignage, comme SophieMakariou, directrice du Musée national des arts asiatiques – Guimet, Orlan, artiste,Tatyana Franck, directrice du musée de l’Élysée, Clifford Ross, artiste, ou RavinderKaur, sociologue indienne.

Née en 1985 à Paris, diplômée de l’école Boulle, Prune Nourry vit et travaille à New York. L’artistes’intéresse aux champs de la science et de l’anthropologie, et plus particulièrement aux questionsbioéthiques liées à l’évolution artificielle de l’humain, à travers une pratique qui associe sculpture,installation, performance et vidéo. Engagée, Prune Nourry souhaite alerter sur ces sujets qui latouchent. Dans une démarche participative, elle mobilise autour de son propos chercheurs etscientifiques.

François Ansermet est psychanalyste et psychiatre, spécialiste des sujets de procréation médicalement assistée, et des conséquences nouvelles des avancées des biotechnologies. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Fabrique de l’enfant (Odile Jacob, 2015). Il est membre du Comité consultatif de bioéthique et a créé en Suisse la fondation Algalma, qui réunit académiciens, philosophes et artistes pour croiser les regards et penser les débats fondamentaux d’aujourd’hui.

20.5 x 28 cm272 pages150 illustrations en quadriouvrage reliéisbn : 978-2-330-07861-4mai 2017prix provisoire : 45 euros

ACTES SUD

Repères

L’existant :

Il n’existe aucun livre sur l’oeuvre de l’artiste Prune Nourry, dont les expositions ont marqué la scène artistique internationale ces dernières années, notamment avec les Bébés Domestiques et l’armée des Terracotta Daughters.

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S O m m a i R E / c O N t E N t S

Préface / Foreword 6Tatyana Franck

L’acte de l’artiste, Avant-propos / The Act of the Artist, Introduction 9François Ansermet

B é B é s D o m e s T I q u e s 15

P r o c r e A T I v e D I n n e r 41

s P e r m B A r 63

H o L y D A u g H T e r s 77Filles inutiles / Dispensable Daughters Ravinder Kaur

H o L y r I v e r 107

T e r r A c o T T A D A u g H T e r s 135 La parole du silence / silence speaking Clifford Ross

g e n e s I s 185

I m B A L A n c e 199 L’art comme réparation / Art as reparation ORLAN

A n I m A 225

P r o c e s s 239

Du temps et du mouvement / Time and motion 254Sophie Makariou

Futur antérieur / Future Perfect 260François Ansermet

Œuvres / Artworks 262Biographies 264Notes 267

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40 41

p r o c r e a t i v e d i n n e r p e r f o r m a n c e

P e r F o r m A n c e . I n v I T r o 2 0 0 9 - 2 0 1 3

The Procreative Dinners are performances associating art, gastronomy and science. Prune Nourry teams up with a chef and a scientist to design a meal that mimics the various stages of assisted procreation, with in vitro fertilization as the aperitif and the choice of the child’s sex as the main course, thus inviting the participants to reflect upon the concept of the “designer baby.“ These dinners have been held in Paris and Geneva, with the collaboration of Jacques Testart, biologist, François Ansermet, psycho-analyst and Ariane Giacobino, geneticist.

Les Dîners Procréatifs sont des performances associant art, gastronomie et science. Prune Nourry s’associe à un chef et à un scientifique pour concevoir un repas qui suit les différentes étapes de la procréation assistée, faisant de la fécondation in vitro un cocktail, du choix du sexe de l’enfant un plat principal, invitant ainsi les participants à réfléchir au concept de “l’enfant à la carte”. Ces dîners ont notamment eu lieu à Paris et Genève, en présence de Jacques Testart, biologiste, François Ansermet, psychanalyste, et Ariane Giacobino, généticienne.

P R O c R E a t i v Ed i N N E R

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s p e r m b a r p e r f o r m a n c e

P e r F o r m A n c e 2 0 1 1

The Spermbar further extends her questioning of “designer babies” by addressing the sperm donation industry in the United States. In New York, on Fifth Avenue, just across from Central Park, a food truck has been reconverted into a Spermbar. A few days earlier, around one hundred anonymous and symbolic donors had filed their applications online, via forms similar to those used by sperm banks (education level, physical fitness, religion, hobbies, etc.). Each characteristic is then paired by Prune and a mixologist, with a flavor and an ingredient. Assisted by the Spermbar’s nurses, passersby can choose their “ideal” donor and take away a unique cocktail, the fruit of their selection.

Le Spermbar prolonge la réflexion autour de “l’enfant à la carte” en s’appuyant sur l’industrie du don du sperme aux États-Unis. À New York, sur la célèbre 5e Avenue, face à Central Park, un food-truck est détourné. Quelques jours plus tôt, une centaine de donneurs anonymes et symboliques ont candidaté en ligne via des formulaires semblables à ceux proposés par les banques de sperme (niveau d’études, aptitudes physiques, religion, hobbies, etc.). Chaque caractéristique est alors associée par Prune et un chef mixologiste à une saveur et un ingrédient. Avec l’aide des infirmières du Spermbar, les passants choisissent leur donneur “idéal” et repartent avec un cocktail unique, fruit de leur sélection.

S P E R m B a R

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h o l y d a u g h t e r s p e r f o r m a n c e

P e r F o r m A n c e . A r T W o r k s . e x H I B I T I o n s . H o L y H o L I 2 0 1 0 - 2 0 1 3

Holy Daughters is the first part of a project spanning several years in Asia, regarding gender imbalance and the misuse of new scientific techniques for the purpose of gender selection. The Holy Daughters sculptures, hybrids between cows — sacred animals and fertility symbols — and girls — instruments of fertility but undesired — challenge the preference for male children in India. In September 2010, Prune Nourry abandoned several sculptures in the streets of New Delhi and documented the reactions of its inhabitants.

Holy Daughters est le premier volet d’un travail de plusieurs années en Asie, réflexion sur le déséquilibre des sexes et le détournement de nouvelles technologies scientifiques à des fins de sélection.Les sculptures Holy Daughters, hybrides entre la vache, animal sacré et symbole de fertilité, et la fille, vecteur de fertilité mais non désirée, interrogent la préférence pour le garçon en Inde. En septembre 2010, Prune Nourry abandonne plusieurs sculptures dans les rues de New Delhi et documente les réactions des habitants.

H O l Y d a U G H t E R S

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h o l y d a u g h t e r sh o l y d a u g h t e r s p e r f o r m a n c e p e r f o r m a n c e

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h o l y r i v e r f a c t o r y

P E R f O R m a N c E . a R t W O R k S . E X H i B i t i O N S 2 0 1 1 - 2 0 1 2

Second volet d’un triptyque sur la sélection du sexe, Holy River prend la forme d’une sculpture hybride de 6 mètres de haut en ar-gile provenant du Gange, le fleuve sacré. Prune propose aux artisans du quartier de Kumartuli à Calcutta de réinterpréter sa Holy Daughter selon leurs codes. La sculpture géante intègre la procession au cœur de ville, à l’occasion de la fête Durga Puja. Suivant le rituel de cette célébration, la sculpture est finalement immergée dans les eaux du Gange, aux côtés d’autres divinités.

The second part of a triptych on gender selection, Holy River takes the form of a six-meter-tall hybrid sculpture made of clay from the Ganges, the sacred river. Prune asked artisans of the Kumartuli quarter of Kolkata to reinterpret her Holy Daughter on the basis of their codes. The giant sculpture joins the procession through the heart of the city on the occasion of the Durga Puja festival. In keeping with the ritual of this celebration, the sculpture is finally immersed in the waters of the Ganges, alongside other divinities.

H O l Y R i v E R

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h o l y r i v e rh o l y r i v e r f a c t o r y

L ’ H y B r I D A T I o n I n v I T e à un mélange des temporalités et est aussi un pas vers l’immortalité. C’est ce que met en scène la procession de la performance Holy River, où une monumentale Holy Daughter est rendue aux eaux du Gange, à Calcutta. Haute de 6 mètres, elle a été créée devant la caméra sous la direction de Prune Nourry, par une équipe d’artisans du quartier des sculpteurs de la ville, et réalisée de façon traditionnelle à partir de l’argile provenant du Gange. De nouveau l’argile. Mais cette fois l’argile du fleuve sacré. Une autre argile que celle d’Adam et du monde judéo-chrétien. Nous sommes là dans un monde où le temps est circulaire. Un autre statut du temps, mis en jeu à travers la boue qui est extraite du fleuve, transportée puis sculptée, avant d’être rapportée au Gange pour y dis-paraître et accomplir un nouveau cycle.

Ce gigantesque être hybride trouble et rappelle l’une des sages figures mythologiques : Chiron. Le centaure Chiron aurait été le maître d’Asclépios, le dieu gréco-romain de la Médecine (Esculape dans le monde latin), qui mourut fou-droyé par Zeus pour avoir ressuscité les morts grâce aux re-mèdes que lui aurait transmis son maître (Iliade, IV, 219). Des remèdes eux-mêmes hybrides, marqués par la conjonction de contraires. Pour ressusciter les morts, Asclépios utilise le sang de la méduse Gorgone qui lui a été remis par Athéna. Le sang qui a coulé du côté gauche de la tête de la Gorgone est un poison violent. Celui qui a coulé du côté droit est un remède. Là aussi, tout est à la fois double, divisé, disjoint, relié, contradictoire.L’hybride, à travers tout un réseau d’associations, nous ren-voie inévitablement à une hybridité fondamentale de l’hu-main, dont Prune Nourry joue dans ces créations. Asclépios vise le traitement de la mort. Prune Nourry vise le traitement de la procréation, de l’ori-gine, de la naissance, qu’elle met en lumière grâce au jaillis-sement des Holy Daughters et de cette cérémonie Holy River. L’imagination donne son empreinte au vivant.

H y B r I D I z A T I o n m I x e s timelines and takes a step towards immortality. the Holy River procession performance is another illustration of this idea: a monu-mental Holy daughter is paraded through the streets and immersed in the Ganges River along with countless other sculptures of Hindu deities as part of the annual durga Puja festival in kolkata. Prune Nourry commissioned a team of all-male artisans from kolkata’s kumartuli pot-ters’ district to create a 6-meter-high hybrid sculpture in front of her camera, a sculpture made from Ganges clay in a traditional durga style. clay again. But holy clay, this time. Not the clay of adam and the Judeo-christian world. Here, time is circular and this different understanding of time is revealed in the transformation stages of the mud: it is extracted from the river, transported and sculpted, before returning to the river, only to disappear and com-plete a new cycle.

this disturbing gigantic hybrid being is reminiscent of a wise mythological figure: chiron (kheiron). the centaur chiron was the revered teacher of asclepius, the Greco- Roman god of medicine (Esculape in the latin world), who was hit by Zeus’s thunderbolt for bringing people back from the dead thanks to his master’s remedies (Iliad, iv, 219). marked by the conjunction of the opposites, these remedies were hybrids themselves. athena gave asclepius a magic potion made from the blood of the Gorgon and asclepius used this remedy to raise the dead. the blood of the Gorgon has a different effect depending from which side the blood was taken. if taken from the right side of the Gorgon, it has a miraculous effect, and is said to be able to bring the dead back to life, but taken from the left side, it is a deadly poison. Here again, everything is two-faced, divided, loose, connected, conflicting. the multiplicity of references related to the hybrid alludes to the funda-mental human hybridity which Nourry explores in her art. asclepius deals with death. Nourry deals with procreation, origin and birth, and shines the spotlight on these themes with her Holy Daughters and this Holy River ceremony. imagination permeates every aspect of life.

f R a N ç O i S a N S E R m E t

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t e r r a c o t t a d a u g h t e r s f a c t o r y

P E R f O R m a N c E . a R t W O R k S . E X H i B i t i O N S . E a R t H c E R E m O N Y 2 0 1 2 - 2 0 3 0

The last part of the triptych, Terracotta Daughters questions gender selection in China. Taking her inspiration from the famous Terracotta Army of Xi’an, Prune Nourry made eight hybrid sculptures, combining the style of the Terracotta Soldiers and the portraits of eight young Chinese girls. With the help of artisan-copyists from Xi’an, she then created an army of 108 unique combinations from the eight original molds. Following a World Tour (Shanghai, Paris, Zurich, New York and Mexico City), the Army was buried in a secret location in China, in a performance titled Earth Ceremony, held in October 2015. The participants became witnesses to the birth of this “contemporary archeological site.” The excavation of the Army will take place in 2030, when, according to Chinese demographers, the male / female imbalance will have reached its peak.

Dernier volet du triptyque, Terracotta Daughters interroge la sélection du sexe en Chine. S’inspirant des célèbres soldats de Xi’an, Prune Nourry réalise huit sculptures hybrides mixant le style des “Terracotta Soldiers” et le portrait de huit petites filles chinoises. Elle collabore ensuite avec des artisans copistes de Xi’an afin de créer une armée de 108 combinaisons uniques, issues des huit moules originaux. Après un tour du monde (Shanghai, Paris, Zurich, New York et Mexico), l’Armée est enterrée en octobre 2015 en Chine dans un lieu tenu secret, durant une performance intitulée “Earth Ceremony”. Les participants deviennent les témoins de la naissance de ce “site archéologique contemporain”. L’ excavation de l’Armée aura lieu en 2030, date identifiée par les démographes chinois comme l’apogée du déséquilibre hommes–femmes en Chine.

t E R R a c O t t ad a U G H t E R S

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t e r r a c o t t a d a u g h t e r st e r r a c o t t a d a u g h t e r s f a c t o r y f a c t o r y

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t e r r a c o t t a d a u g h t e r st e r r a c o t t a d a u g h t e r s f a c t o r y f a c t o r y

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i m b a l a n c e a r t w o r k s

a R t W O R k S . E X H i B i t i O N S 2 0 1 4

In the Imbalance series, Prune Nourry draws her inspiration from Chinese philosophy, at the heart of which is the quest for equilib-rium. Contrasting this principle with contemporary disequilibria (demographic and ecological), she uses tools and objects of Chinese traditional medicine, such as acupuncture needles or suction cups. The way they are used however, which differs from their original function, invites viewers to reinterpret them.

Dans la série Imbalance, Prune Nourry s’inspire de la philosophie chinoise qui érige la recherche d’équilibre comme objectif fondamental. Mettant ce principe en miroir avec les déséquilibres d’aujourd’hui (déséquilibre démographique ou écologique), elle reprend les outils et objets utilisés en médecine traditionnelle chinoise pour préserver les harmonies, telles que les aiguilles d’acu-puncture ou les ventouses. Mais, ainsi détournées de leur fonction première, ces dernières invitent à une nouvelle interprétation.

i m B a l a N c E

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i m b a l a n c ei m b a l a n c e a r t w o r k s a r t w o r k s

Imbalance Head #8 Jianwei (Needles), 2014

“étonnamment, je me suis prise d’amour pour l’acupuncture juste avant de partir pour le projet au long cours Terracotta Daughters. Tout au long de ces trois années passées entre la chine et new york, chacun de mes départs et arrivées était rythmé par une séance chez mon acuponcteur.” “Surprisingly, I became enamored with acupuncture just before embarking on my extended terracotta daughters project. Throughout the three years spent between China and New York, each of my departures and arrivals was marked by a session with my acupuncturist.”

Imbalance Head #3 Huiyun (Cups), 2014

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i m b a l a n c e

e n T A n T q u ’ A r T I s T e , écrire sur l’œuvre d’une autre artiste est une “opération” délicate.Il est nécessaire de trouver les endroits où l’on se rejoint, se respecte et s’admire. Il me semble qu’un des points sail-lants du travail de Prune Nourry est que ses œuvres sont non seulement très abouties matériellement mais aussi dans leur processus de création, d’expérimentation et de

“monstration”.Imbalance, qui suit l’exceptionnel Terracotta Daughters, in-terroge la difficile articulation entre équilibre et déséquilibre, que l’artiste cherche à rétablir grâce à des techniques tradi-tionnelles chinoises, comme l’acupuncture. Dans cette pratique non conventionnelle, qui ne relève pas de l’acte médical, les méridiens invitent à la découverte em-pirique de ce territoire qu’est le corps et plus généralement des objets que nous pensions connaître : n’en est-il de même avec l’art ?Pour Prune Nourry, il s’agit avant tout de maîtriser son destin, de maîtriser une œuvre faite à partir de son propre corps, d’autres corps, de fragments et de planches anato-miques. Contrairement à ce que disait Freud, l’anatomie n’est plus le destin.

Les sculptures d’Imbalance sont hérissées, habillées, em-bellies, rendues aériennes et océaniques. Le spectateur se sent comme un poisson qui évoluerait dans des coraux. On imagine la précision nécessaire pour enfoncer dans la ma-tière chacune des aiguilles de cuivre, à distance égale et régulière, sur des méridiens artistiques, créateurs de sensa-tions, de douceurs aériennes, qui donnent envie de toucher et de caresser les œuvres. On y trouve des sculptures en cire, des œuvres en bronze sombre, comme ces pieds de géant noués entre eux qui prennent des airs d’animaux surréalistes, des mains saisissantes recouvertes d’aiguilles, des oreilles agrandies, des corps et des visages qu’il faut deviner, entre le noir et le cuivré. Lors de son exposition à Paris, Prune Nourry recrée un salon de “foot massage” inspiré de Chinatown, invitant les spectateurs, comme souvent, à participer à son œuvre en devenir. Une masseuse les accueille dans le sous-sol de la galerie, transformé en aquarium dérangeant avec une

l ’ a R tc O m m ER E P a R a t i O N

a R ta S R E P a R a t i O N

F o r A n A r T I s T to write about the work of another artist is a delicate “operation.” it is essential to locate the points of convergence, mutual respect and admiration. One of the distinguishing features of Prune Nourry’s work, in my opinion, is that her creations are extremely accomplished, not just as material artworks, but also in terms of their process of creation, experimen-tation and “monstration.” Imbalance, which follows on from her exceptional Terra-cotta Daughters, examines the complex interface between disequilibrium and equilibrium, which the artist attempts to restore using traditional chinese techniques, such as acupuncture. in this non-conventional practice, not a med-ical procedure per se, the meridians serve as an invitation to an empirical discovery of the territory the human body constitutes, and, more generally, of the objects we take for granted: is it not the same with art? for Prune Nourry, the point is, above all, to control her own destiny, to master a work from her own body, from other bodies, from frag-ments and anatomy charts. contrary to freud’s statement, anatomy is no longer destiny.

the sculptures of Imbalance are pin-studded, dressed, embellished, airy and oceanic. the viewer feels like a fish swimming in the corals. Just imagine the precision needed to sink each one of the copper needles, spaced evenly and regularly, into the matter, along artistic meridians that elicit sensations, an airy softness, the desire to touch and caress the objects. they comprise wax sculptures, others in dark bronze, such as the intertwined feet of the giants that evoke surreal animals, dramatic hands covered with needles, enlarged ears, bodies and faces that are merely suggested, between black and coppery.for her Paris exhibition, Prune Nourry recreated a “foot massage” parlor like those in chinatown, inviting specta-tors, as she often does, to participate in her work in the making. a masseuse welcomed them in the gallery’s base-ment, transformed into a disquieting aquarium invaded by crabs, and interacted directly with the bodies present. Prune Nourry reappropriates chinese traditional medicine to create magnificent artworks that seek an equilibrium

O R l a N

invasion de crabes, et interagit ainsi directement avec les corps en présence. Prune Nourry se réapproprie la médecine traditionnelle chinoise pour créer de magnifiques œuvres qui recherchent l’équilibre entre concept et matérialité, entre des corps fra-giles qui, au moindre déséquilibre, peuvent chuter, s’effacer. Des aiguilles pour aider à se soigner soi-même et à soigner les autres. Particulièrement quand l’artiste interroge le phé-nomène démographique de déséquilibre des naissances entre filles et garçons, qu’elle a observé en Inde ou en Chine.Ces œuvres saisissent le corps, le provoquent. Mais elles ne renvoient pas à “de l’art pour l’art” : l’artiste endosse sa responsabilité, son œuvre se situe pleinement dans notre monde. Comme Prune le dit, “il faut partir des faits réels, comprendre, vérifier, car être artiste c’est avoir une responsabilité”.

Prune Nourry démultiplie ainsi les points d’entrée d’énergie, de flux, les points de contact avec le regard de l’Autre, inte-ractions qui agissent comme autant d’interrogations.

between concept and materiality, an equilibrium among fragile bodies that, at the slightest upset, can fall, dis- appear. Needles to help heal oneself and others. Particularly when the artist questions the demographic imbalance in the number of male and female births that she observed in india and in china. these artworks grasp the body, and provoke it. But they are not examples of “art for art’s sake”: the artist does not shirk her responsibility, and her work is solidly rooted in our world. as Prune says, “we must start with the facts, understand and verify them, because being an artist means bearing a responsibility.”

Prune Nourry uses multiple points of entry, of flow, of con-tact with the eyes of the Other, interactions that are, at the same time, questionings.

ORlaNArtiste

orLAnartist

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224 225

a n i m a e x h i b i t i o n

R E S E a R c H . E X H i B i t i O N 2 0 1 5 - 2 0 1 6

Anima is based on the legend of K’in Obregon, an enigmatic figure of the Lacandon Maya tribe, exhibited in a human zoo in 1937, to explore the boundaries between animate and inanimate, human and animal, naturalism and animism. Following two trips to the Mexican jungle, Prune Nourry and Valentine Losseau, an anthropologist working with the Lacandon Mayas for many years, created a multisensory exhibition and invited magicians, artists and scenographers to participate. By immersing ourselves in this imaginary forest in the heart of the city, we are prompted to meditate on the difference between human and animal, and on the concept of a “soul.“

Anima s’inspire de la légende de K’in Obregon, figure énigmatique de la tribu maya des Lacandons exposée dans un zoo humain en 1937, pour interroger la frontière entre l’animé et l’inanimé, l’humain et l’animal, le naturalisme et l’animisme.Après deux voyages dans la jungle mexicaine, Prune Nourry et Valentine Losseau, anthropologue travaillant depuis de nombreuses années avec les Mayas Lacandons, créent à New York une exposition multisensorielle et invitent magiciens, artistes et scénographes à collaborer. La plongée dans cette forêt imaginaire au cœur de la ville invite à une méditation sur la différence entre l’homme et l’animal et à une réflexion sur la notion d’âme.

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Ce projet a été réalisé en collaboration avec Benjamin Gabrié, scénographe, Raphaël Navarro et La Compagnie 14:20, artistes-magiciens, Valentine

Losseau, anthropologue et dramaturge, Étienne Saglio, magicien, et Takao Shiraishi, artiste.

This project was carried out in collaboration with Benjamin Gabrié, scenographer, Raphaël Navarro and La Compagnie 14:20, artist-magicians,

Valentine Losseau, anthropologist and dramatist, Étienne Saglio, magician, and Takao Shiraishi, artist.

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