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Abbé Emmanuel BARBIER : Les Infiltrations Maçonniques dans l'Église. DEUXIÈME PARTIE NIHIL OBSTAT Insulis, die 27 septembris 1910. H. QUILLIET, Libr. Censor. IMPRIMATUR Cameraci, die 28 septembris 1910. A . MASSART , Vic. Gen. Domus Pontificie Antistes. APPROBATIONS ÉPISCOPALES ARCHEVECHE DE MONTPELLIER Le 18 septembre 1910. MONSIEUR L'ABBÉ, Je vous remercie d'avoir gardé si fidèlement la mémoire d'une rencontre déjà ancienne, et dans laquelle fêtais l'obligé, tandis que je trouvais auprès de vous l'accueil le plus gracieux et le plus sympathique. Vous me demandez d'appuyer de mon nom la réimpression que l'on va faire de vos articles sur « Les Infiltrations maçonniques dans l'Eglise ». Je n'ajouterai rien à la valeur de ce travail si étendu, si important et qui, pour un si grand nombre de catholiques et de membres même du clergé, aura tous les caractères d'une révélation, la révélation de ce « mystère d'iniquité », opposé au « mystère de divine condescendance », dont parlait l'Apôtre saint Paul ! J'ai quelquefois pensé que, sur le Calvaire, en assistant à l'agonie de Notre- Seigneur, le Prince de ce monde avait frémi de colère, lorsqu'il avait entendu le consummatum est du Rédempteur, triomphant par sa mort elle-même. Dès lors, mesurant tout ce qu'il avait perdu, tout ce qu'il allait perdre dans la suite des âges, le démon s'était promis de ne pas subir humblement sa défaite, de n'y pas acquiescer et de mettre tout en œuvre, au cours des siècles, pour paralyser, sinon pour détruire l'Eglise et son action dans le monde. Vos vastes études dévoilent le travail à rebours fait avec une si extraordinaire persévérance par tous les ennemis de la religion pour s'opposer d'abord, puis pour l'entraver et le retarder, au mouvement de conversion qui entraînait le monde vers Jésus-Christ. Les persécutions sanglantes ont trompé l'espoir des bourreaux : Mes ont baigné et fait pousser et fleurir les racines du grand arbre de la Croix. La foi a émergé des catacombes comme, après une aurore assombrie par les nuages, le soleil embrase tout l'horizon. Mais alors, vous le- dites, d'autres antres se sont ouverts, non plus à côté des saintes galeries où dormaient les reliques des martyrs, mais seront plus étonnés encore que, parmi les adeptes ou fauteurs de ce culte, vous comptiez des hommes qui se disent enfants soumis de l'Eglise. Mais il est, hélas, plus d'une manière de servir le le mauvais, et certains sont ses esclaves qui ne croient pas en lui.

Abbé Emmanuel BARBIER : Les Infiltrations … · Je vous félicite, cher Monsieur l'Abbé, d'avoir signalé, avec preuves à l'appui, les progrès ténébreux d!une secte qui reste

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  • Abb Emmanuel BARBIER : Les Infiltrations Maonniques dans l'glise. DEUXIME PARTIE NIHIL OBSTAT Insulis, die 27 septembris 1910. H. QUILLIET, Libr. Censor.

    IMPRIMATUR Cameraci, die 28 septembris 1910. A . MASSART , Vic. Gen.

    Domus Pontificie Antistes.

    APPROBATIONS PISCOPALES ARCHEVECHE DE MONTPELLIER Le 18 septembre 1910.

    MONSIEUR L'ABB,

    Je vous remercie d'avoir gard si fidlement la mmoire d'une rencontre dj

    ancienne, et dans laquelle ftais l'oblig, tandis que je trouvais auprs de vous

    l'accueil le plus gracieux et le plus sympathique. Vous me demandez

    d'appuyer de mon nom la rimpression que l'on va faire de vos articles sur

    Les Infiltrations maonniques dans l'Eglise . Je n'ajouterai rien la valeur

    de ce travail si tendu, si important et qui, pour un si grand nombre de

    catholiques et de membres mme du clerg, aura tous les caractres d'une

    rvlation, la rvlation de ce mystre d'iniquit , oppos au mystre de

    divine condescendance , dont parlait l'Aptre saint Paul !

    J'ai quelquefois pens que, sur le Calvaire, en assistant l'agonie de Notre-

    Seigneur, le Prince de ce monde avait frmi de colre, lorsqu'il avait entendu

    le consummatum est du Rdempteur, triomphant par sa mort elle-mme. Ds

    lors, mesurant tout ce qu'il avait perdu, tout ce qu'il allait perdre dans la suite

    des ges, le dmon s'tait promis de ne pas subir humblement sa dfaite, de

    n'y pas acquiescer et de mettre tout en uvre, au cours des sicles, pour

    paralyser, sinon pour dtruire l'Eglise et son action dans le monde.

    Vos vastes tudes dvoilent le travail rebours fait avec une si extraordinaire

    persvrance par tous les ennemis de la religion pour s'opposer d'abord, puis

    pour l'entraver et le retarder, au mouvement de conversion qui entranait le

    monde vers Jsus-Christ. Les perscutions sanglantes ont tromp l'espoir des

    bourreaux : Mes ont baign et fait pousser et fleurir les racines du grand arbre

    de la Croix. La foi a merg des catacombes comme, aprs une aurore

    assombrie par les nuages, le soleil embrase tout l'horizon. Mais alors, vous le-

    dites, d'autres antres se sont ouverts, non plus ct des saintes galeries o

    dormaient les reliques des martyrs, mais seront plus tonns encore que,

    parmi les adeptes ou fauteurs de ce culte, vous comptiez des hommes qui se

    disent enfants soumis de l'Eglise. Mais il est, hlas, plus d'une manire de

    servir le le mauvais, et certains sont ses esclaves qui ne croient pas en lui.

  • Je vous flicite, cher Monsieur l'Abb, d'avoir signal, avec preuves l'appui,

    les progrs tnbreux d!une secte qui reste toujours fidle aux procds de

    celui qui fut homicide et menteur ds le commencement.

    Veuillez agrer, cher Monsieur l'Abb, mes sentiments bien dvous en N.-S.

    V I C T O R - O N S I M E, Ev. de Cahors.

    ARCHEVCH DE Chambry, le 2 octobre 1910.

    BIEN CHER MONSIEUR,

    Excusez-moi d'avoir attendu si longtemps pour vous donner une rponse au

    sujet des pages si solides et si vraies que vous avez crites sur les Infiltrations

    maonniques dans l'Eglise. Tout d'abord, que je vous dise un merci

    affectueux. Dfenseur intrpide de l'orthodoxie catholique, vous tes sur tous

    les points o elle est attaque ou menace de l'tre. Avec une franchise et

    une sincrit que jadmire, vous dfendez la vrit, telle qu'elle veut l'tre, sans

    crainte et sans hsitation.

    Assurment, les Infiltrations maonniques, telles que vous les dnoncez sous

    le nom d'occultisme ou d'sotrisme, sont peu connues dans nos campagnes

    et ne peuvent gure par elles-mmes, tant elles sont obscures, y causer le

    moindre ravage, mais dans le monde qu'on appelle aujourd'hui intellectuel ou

    semi intellectuel, elles sont rellement dangereuses. L'ignorance de beaucoup

    en matires religieuses et la ressemblance plus ou moins affecte que l'on

    veut tablir entre ces connaissances occultes et les bases de la religion

    chrtienne, expose de rels prils des mes jeunes et inexprimentes. Il

    sera donc extrmement utile que dans ces temps de troubles et d'hsitations

    pour plusieurs, vos pages, si elles sont mises en brochure, se rpandent

    abondamment dans un certain monde o, si l'on est encore catholique on ne

    craint pas] de s'attachera certaines nouveauts doctrinales qui seraient pour

    beaucoup la ruine de la foi et du surnaturel.

    Ici, comme dans toute question doctrinale, c'est l'Eglise qu'il faut voir, l'Eglise

    qu'il faut entendre. En matire de philosophie, de dogme et de morale, c'est

    elle qui a la vrit intgrale, pure de toute erreur et de tout alliage fcheux.

    Veuillez agrer, bien cher Monsieur l'Abb, l'assurance de mes sentiments

    affectueux et dvous.

    F R A N O I S - V I R G I L E, Arch. de Chambry.

    VCH DE Bar-le-Duc, en tourne de confirmation, VERDUN le 10

    octobre 1910.

    BIEN CHER MONSIEUR L'ABBE,

    Depuis longtemps, j'applaudis l' nergie avec laquelle vous dnoncez les

    prils qui menacent la doctrine catholique, particulirement en France. Vous

  • tes une de ces sentinelles qui on peut demander avec confiance d'une

    rponse, et d'une rponse claire : Custos, quid de nocte ? Votre nouveau

    livre est un nouveau service rendu la vrit religieuse et aux catholiques.

    Vous signalez un danger que beaucoup ignoaient jusqu'ici. L'cueil

    apparaissait bien parfois la surface, mais il tait plus cach que visible et

    n'en tait que plus redoutable. Il est bien vrai que l'sotrisme nous envahit et

    qu'il est propag chez nous par la Franc-Maonnerie.

    Pour ma part, je vous flicite de votre clairvoyance et vous redis mes

    affectueux sentiments en N. S.

    J E A N , Evque de Verdun.

    VCH DE PRIGUEUX ET DE SARLAT Prigueux, le 12 octobre 1910.

    CHER MONSIEUR L'ABB,

    Vos articles sur les Les Infiltrations maonniques m'ont tristement

    intress. Eclaireur d'avant-garde, comme vous l'avez t pour le Modernisme

    et le Sillon, vous signalez, nos portes, une secte nouvelle qui tendrait

    devenir l'universelle religion, comme la Maonnerie aspire donner au monde

    la rpublique universelle. Et comme rien, prsent, dans le champ de l'ide,

    n'a l'espoir d'aboutir sans le prestige de la science, la science est, ici,

    proclame l'idal. Que sera la gnose en effet, sinon l'apothose de la

    science ? Ce point de vue n'est pas sans suggrer l'esprit un

    rapprochement entre la secte nouvelle de la gnose et le modernisme, de telle

    sorte que l'une semble devoir tre le terme fatal de l'autre. Ici et l, la

    raison mancipe reste matresse d'elle-mme, et proclame dfinitive sa

    victoire sur la foi.

    Mais, en prenant cong du dogme, l'agnostique a-t-il donc teint l'instinct

    religieux en lui ? Et les faits n'ont-ils pas dmontr qu'aprs deux sicles de

    matrialisme, il y a aujourd'hui, une faim du surnaturel qui veut tre tout prix

    satisfaite ? Comment, sous cette influence spiritualiste, en dehors de toute

    religion positive le modernisme, dt-il y trouver le chtiment de l'orgueil,

    ne subirait-il pas la magie de cette colossale synthse doctrinale,

    clectiquement faite des erreurs du pass et des plus attrayantes conceptions

    scientifiques du jour ? Cest cette synthse de l'erreur et du progrs qu' l'aide

    d'une documentation abondante et prcise, vous avez voulu rvler au lecteur.

    Celui-ci vous saura gr d'avoir soutenu son attention plus haut que le

    rpugnant naturalisme de l'cole sotrique. Il vous sait gr surtout d'avoir mis

    en lumire le danger d'une mthode spiritualiste anti-chrtienne, qui accapare

    les deux plus puissants mobiles de Fesprit humain l'heure actuelle : l'instinct

    religieux sduit par des expriences tangibles de l'au del, et les aspirations

  • scientifiques, ravies par la systmatisation doctrinale de tous les progrs. Bon

    courage dans la lutte. Nunc antchristi multi facti sunt.

    Croyez, cher Monsieur l'Abb, mon affectueux respect en N.-S

    H E N R Y - J O S E P H , v. de Prigueux et Sarlat.

    SOMMAIRE DEUXIEME PARTIE UNE RENAISSANCE SPIRITUALISTE

    I. LES DOCTRINES DU NOUVEAU SPIRITUALISME.

    I. L'OCCULTISME

    Historique. La constitution de l'homme. Le corps astral. Le plan

    astral. Les lmentals. Auras ou images astrales. La mort et ses

    mystres. Les applications de l'occultisme. Occultisme chrtien.

    Un pontife de l'occultisme chrtien.

    II LA GNOSE

    Notion historique. La restauration de la Gnose. Le rle de la Gnose

    contemporaine. La profession de foi gnostique. Les mystres

    illuminateurs : le monde divin. Le monde spirituel. Le monde hylique ou

    matriel. Le Christ Sauveur. L'Ascension au Plrme. Les

    mystres purificateurs. - La Gnose et le catholicisme. La Gnose et

    l'occultisme. Le Gnosticisme et la Franc-maonnerie.

    III. LA KABBALE

    IV. LA THOSOPHIE

    V. LE MARTINISME

    VI. L'ORDRE KABBALISTIQUE DE LA ROSE-CROIX

    VII LUCIFER ET LES SECTES OCCULTES

    II. LA RORGANISATION DE LA FRANC-MAONNERIE.

    CATHOLICISME ET SOTRISME Comment se pose la question des

    infiltrations.

    LA ROSE-CROIX CATHOLIQUE M. Josphin Peladan. Le comte de

    Larmandie. Le Docteur Alta.

    LES ENTRETIENS IDALISTES

    M. PAUL VULLIAUD

    UN COLLABORATEUR : M. JOSEPH SERRE

    VENDU PAR SES FRRES

    UN POINT DE JONCTION : L'IDALISME DMOCRATIQUE

    LES SOCITS SECRTES CATHOLIQUES.

    CONCLUSION

    UNE RENAISSANCE SPIRITUALISTE.

  • Nous assistons en France une prtendue renaissance du spiritualisme sous

    laquelle se cachent un effort pour rorganiser l'occulte conjuration contre

    l'Eglise de Jsus-Christ et un nouveau pige tendu aux catholiques. On ne se

    dissimule plus que le rle politique de la Franc-Maonnerieest sur le point de

    finir, et l'on commence se rendre compte qu'il lui a fait subir une dviation.

    La ncessit d'un recrutement nombreux pour soutenir son action politique et

    l'acharnement triompher dans ce rle l'ont amene peu peu laisser au

    second plan ses doctrines secrtes, ouvrir son sein des membres qui n'en

    ont cure, oublier mme les significations profondes de son symbolisme, et,

    scandale plus grand encore, on voit ses adeptes eux-mmes ne plus prendre

    au srieux les rites qui sont l'enveloppe de ces redoutables mystres.

    Il s'agit de ranimer son esprit, de la ramener sa fin vritable qui est

    d'opposer aux doctrines du catholicisme celles caches sous ces symboles et

    ces rites, de dtruire celles-l par celles-ci et d'lever la synagogue de Satan

    sur les ruines de l'Eglise du Christ. Et la suprme habilet sera de procder

    cette restauration en adaptant l'une l'autre avec un tel art que les enfants de

    Dieu, s'ils coutent les suggestions de l'orgueil, aient un prtexte de s'y

    mprendre. Il n'a pas chapp nos ennemis que l'agnosticisme, l'immanence

    vitale, la ngation plus ou moins dissimule de l'ordre surnaturel et de la

    divinit mme de Jsus-Christ, celle des principes constitutifs de l'Eglise, qui

    sont le fond du modernisme dont se sont imbus en ces dernires annes

    beaucoup de catholiques sculiers et mme de jeunes prtres, leur ouvraient

    des facilits inespres pour faire accepter insensiblement cette substitution

    sacrilge.

    Notre intention est d'exposer ce plan et d'en faire ressortir les premires

    consquences. On n'a rien nglig pour attirer l'attention du monde intellectuel

    non chrtien; et des catholiques galement, sur ce rveil spiritualiste. Un

    premier congrs spiritualiste a t tenu en 1908, dont le compte-rendu publi

    par la librairie hermtique, forme un solide volume qui nous fournira d'utiles et

    curieux renseignements. II couronnait la formation d'une Alliance spiritualiste

    dont l'appel s'adressait indiffremment aux penseurs et aux croyants de toute

    cole. Le mouvement a aujourd'hui son organe, la revue de l' Alliance

    spiritualiste. Quelques-uns des plus grands journaux lui ont donn leur

    concours et ont feint de lui attribuer une grande importance. Rcemment, le

    Matin ouvrait une enqute bruyante sur l'angoisse religieuse qui travaille

    notre socit et le besoin d'idal qui tourmente tous les esprits. Plusieurs voix

    dans la presse se sont unies lui pour signaler l'vnement.

  • Singulire volution du spiritualisme, ou plutt des doctrines pares de ce

    nom. Un matre de la philosophie catholique crit ce sujet Vers le milieu du

    sicle dernier et longtemps aprs, le nom de spiritualiste tait noblement

    port. Les philosophes qui on accordait cette qualification n'taient pas tous

    catholiques; mais ils se distinguaient gnralement par l'lvation de la

    pense, par leur franche hostilit contre le matrialisme et les autres doctrines

    qui ravalent la nature humaine. Victor Cousin tait revenu alors de ses

    incursions dans la philosophie allemande; il avait repris contact avec le bon

    sens des Ecossais et surtout avec le bon sens chrtien. Sans embrasser

    encore la doctrine catholique, qui ajoute aux certitudes du spiritualisme l'ordre

    surnaturel de la foi, il s'attachait ne plus contredire celle-ci et dveloppait

    avec une loquence et une sincrit indniables, quoique un peu

    emphatiques, les thses prliminaires du christianisme.

    Sans doute, c'tait encore le rationalisme, avec la prtention plus ou moins

    dissimule de ramener les dogmes surnaturels aux proportions de simples

    vrits philosophiques. A ce dfaut s'en joignaient d'autres : cette philosophie

    manquait de bases solides et de consistance; elle tait incapable de rsister

    longtemps aux pousses du positivisme et du criticisme qui combinaient leurs

    efforts contre elle. Mais enfin, c'tait encore une philosophie elle offrait un

    ensemble de grandes vrits, qui appelaient pour ainsi dire toutes les autres;

    si elles n'taient point suffisantes, elles permettaient du moins aux vrits

    indispensables de venir se greffer sur elles et d'lever ainsi la raison humaine

    jusqu' la foi. L'existence de Dieu tait proclame; on saluait avec un respect

    religieux ses perfections infinies; on tenait pour sacrs le devoir, la

    conscience, le sacrifice; on croyait aux merveilleuses destines de l'me aprs

    cette vie et l'on aimait s'inspirer, dfaut des livres saints, des meilleures

    pages de Platon et de Cicron.

    L'un des hrauts, j'allais dire l'un des vanglistes, de cette religion naturelle

    , fut Jules Simon, qui, pourtant ne fut jamais dupe de son matre, Victor

    Cousin, dont il a dessin un joli portrait, ni mchant, ni flatt. En ralit, et

    malgr ses fines critiques, il a t peut-tre son meilleur disciple et son plus

    fidle continuateur. Nul n'a mieux reprsent ce noble spiritualisme franais,

    issu de Descartes et de Malebranche, fait de convictions gnreuses, d'un

    libralisme sincre, d'une franche admiration pour la doctrine chrtienne. Jules

    Simon allait ainsi jusqu'aux portes de l'Eglise catholique; mais il n'y entra que

    bien tard, aprs avoir assist la ruine de la plupart de ses esprances. La

    sincrit de son libralisme lui avait alin les sectaires de son parti, qui le

  • laissrent presque seul; et puis il avait vu grandir d'autres philosophes, qui

    jouissaient leur tour des faveurs officielles, sinon de la faveur du public. Ces

    nouveaux venus professaient peu d'estime pour l'cole clectique, dont il tait

    l'un des derniers survivants. Avec lui ou peu prs finit donc cette cole, qui

    s'tait fait un drapeau du spiritualisme. Quant au spiritualisme lui-mme, il

    avait d'autres destines. Pendant quelque temps, les promoteurs de la

    neutralit de renseignement, la suite de Jules Ferry, parurent vouloir donner

    pour base la morale scolaire l'ancien spiritualisme de l'cole clectique. On

    se souvient que M. Combes lui-mme, un peu plus tard, faisait encore devant

    la Chambre profession de spiritualisme. Avant lui, les autres taient-ils

    sincres? Quelques-uns peut-tre, mais non pas tous. Quelle que ft d'ailleurs

    leur intention, il n'tait pas possible de s'en tenir longtemlps ce spiritualisme

    indcis, battu en brche de toutes parts par les nouveaux systmes. Il devait

    voluer franchement vers la philosophie chrtienne retrempe dans ses

    sources traditionnelles, ou bien s'ouvrir toutes sortes de thories nouvelles

    et envahissantes.

    Car il ne suffit pas de se dclarer hostile au matrialisme. Qu'est ce, au fond,

    que le matrialisme pour le philosophe qui rsout la matire en pense ou en

    monades? Les positivistes, les monistes contemporains entendent bien, pour

    la plupart, n'tre ni spiritualistes, au vieux sens du mot, ni matrialistes.

    D'ailleurs, s'il suffit de rpudier un grossier matrialisme et de ne pas nier une

    certaine survivance de l'me aprs cette vie, pour adhrer au nouveau

    spiritualisme, on s'y rencontrera avec les idalistes de toutes les coles, sans

    excepter les panthistes, avec les illumins de toutes les sectes, les fidles de

    toutes les religions, les spirtes et autres esprits superstitieux, qui n'ont jamais

    manqu aucune poque. "Or, il parat que nous en sommes-l". (M. l'abb

    Blanc. La Pense contemporaine, 26 avril 1910).

    Le but apparent et trs affich de cette renaissance spiritualiste est bien la

    raction contre le matrialisme. Elle fait l'objet de tous les discours prononcs

    en janvier 1910 l'inauguration publique des travaux de l' Alliance, dont le

    compte-rendu remplit les premiers numros de son bulletin. Les chefs des

    diffrentes coles ou sectes ont donn contre lui avec un merveilleux

    ensemble. On comprendra un peu plus tard qu'ils ont d'excellentes raisons

    pour cela, car le matrialisme ruine par la base leurs thories extravagantes

    sur le monde des esprits. A cette doctrine grossire, les promoteurs de

    l'Alliance se font gloire d'opposer le spiritualisme, l'idalisme, et, ce n'est pas

  • encore assez dire, l'idalisme chrtien. Ces noms reviennent sans cesse sur

    leurs lvres. Le secrtaire gnrai du Congrs de 1908 saluait en ces termes

    les reprsentants des divers groupes : Je puis vous certifier que nous

    sommes vraiment mus de votre large participation cette grande

    manifestation du plus pur idalisme chrtien (Le Dr Papus, dans un toast,

    salue le

    premier congrs de l'occultisme franchement spiritualiste et chrtien ).

    Observons, sans nous y attarder, la rencontre de catholiques comme ceux du

    Sillon avec les chefs et les membres de l'Alliance spiritualiste, dont nous

    dvoilerons tout l'heure le vritable esprit, dans l'adoption d'une formule

    identique, .celle de l'idalisme, d'un idalisme chrtien exprimant leurs

    aspirations communes. L'on prtend bien d'ailleurs que cet idalisme, ce

    spiritualisme sont du bon aloi. Parmi les orateurs dont je viens de parler, M.

    Paul Duvis, reprsentant de la Revue spirite, disait : Voyons maintenant quels

    sont les principes fondamentaux communs toutes les coles spiritualistes.

    Ces principes sont : la croyance en un Dieu, crateur ternel et infini de tous

    les univers et de tous les tres, principe suprme de toute justice, de toute

    vrit, de tout amour et de toute perfection; et la croyance en l'existence,

    indpendante de celle du corps physique, de l'me humaine, de l'esprit, et en

    son immortalit...

    L'Evangile du Christ est tout entier notre vangile et notre code. Nous ne

    venons rien dtruire; nous venons, au contraire, essayer de tout consolider en

    nous efforant d'expliquer et d'accomplir les vrits prches par les messies

    et les prophtes, et mme de les dvelopper et de les affirmer avec l'aide de la

    science, de cette science dont certains savants prtendent se faire un

    monopole, un temple accessible seulement quelques privilgis. Et M.

    Jounet, l'un des prophtes de l'occultisme, qui s'est donn en mme temps

    pour le chef des catholiques modernistes : Aussi, pour former la Synthse

    spiritualiste tolrante, s'ajoutent graduellement, la Fraternit et la Vertu,

    Dieu leur origine, puis l'immortalit (consquence force, nous l'avons vu, de

    l'impossibilit du nant), puis la rtribution et le salut final, consquences

    rationnelles de l'immortalit et de Dieu.

    Ces cinq grand Principes: Fraternit, Vertu, Dieu, Immortalit, Salut final, voil

    ce que proclament l'unanimit les Ecoles spiritualistes (L'Alliance

    spiritualiste, janvier 1910, pages 23, 25). Mais le but rel de l'entreprise est

    tout autre. Il se prsente sous un double aspect. C'est, d'une part, la

  • rsurrection des hrsies des premiers sicles du christianisme, jointes aux

    superstitions de l'Inde et aux anciens mystres paens, tente par diverses

    sectes sous le nom de thsophes, de gnostiques ou d'occultistes, et, de

    l'autre, une reconstitution de la Maonnerie gare par la politique, laquelle

    cooprerait trs efficacement la fdration de ces sectes dont les chefs sont

    en notable proportion des Francs-Maons des hauts grades. Le double effort

    tend donc une mme fin. Nous aurons l'envisager sous l'une et l'autre de

    ses faces. Que dit le programme de l'Alliance?

    Aujourd'hui plus que jamais, dans le monde spiritualiste, s'lvent des appels

    d'union, se raniment ou se crent des courants de sympathies. La menace

    gnrale du matrialisme ambiant et leurs convictions gnrales communes

    portent les Ecoles diffrentes s'allier sans se confondre... Pour l'apostolat du

    spiritualisme dans le peuple et parmi les intellectuels, pour la prparation et la

    russite des recherches psychiques exprimentales, pour l'dification

    collective d'une doctrine minimale acceptable de tous, car propose par tous,

    l'Alliance Spiritualiste pourra beaucoup si ses adhrents comprennent qu'elle

    n'est pas une construction artificielle superpose eux, mais leur droit mme

    et leur devoir mme. Thosophes, spirites, chrtiens sotriques,

    Swedenborgiens, chrtiens gnreux de toutes les confessions et de toutes

    les coles, Islam, Judasme, Indousme, Religions d'Extrme-Orient,

    spiritualisme de tout nom et de toutes fois, l'Alliance n'est pas quelque chose

    d'tranger et d'autoritaire qu'on vous apporte. Elle n'est que votre me

    commune extriorise par la libert.

    Dj, au congrs de 1908, le secrtaire gnral, dans son discours

    d'ouverture, se flicitait en ces termes du mouvement accentu de la

    renaissance spiritualiste. Voil plus de vingt ans que les Chefs de

    l'Hermtisme contemporain ne cessent de rpandre la bonne parole, afin

    d'illuminer les curs et d'clairer les cerveaux embrums par les tnbres de

    l'ignorance ou du sectarisme. Quantit d'associations plus ou moins fermes

    aux profanes et de groupes d'tudes psychiques ont t crs non seulement

    en Europe, mais aussi en Afrique, en Amrique, en Asie et mme en Ocanie.

    Les savants matrialistes ou positivistes s'inquitent et se demandent

    anxieusement ce que vont devenir leurs ingnieuses hypothses. La Presse

    elle-mme s'intresse l'tude de certains phnomnes hypnotiques,

    magntiques ou mdiumnimiques. C'est ainsi que les Dbats, l'Eclair, l'Echo

    de Paris, le Figaro, le Gaulois,

    le Journal, la Libert, le Matin, le Petit Parisien, la Petite Rpublique, le

  • Temps, et tant d'autres quotidiens que je regrette de ne pouvoir citer, ont dj

    publi de nombreux articles dans lesquels on traite de tables tournantes, de

    mdiums crivains ou incarnations, de dplacements d'objets sans contact,

    de lvitations d'tres humains, d'apports de fleurs, de matrialisations et

    d'apparitions d'esprits, de tlpathie, des diffrentes phases de l'hypnose, de

    clairvoyance, de maisons hantes, d'envotement, de messes noires, de

    fakirisme, de graphologie, de cihiromancie, de physiognomonie, d'astrologie

    ou de magie.

    Et chose qu'on n'aurait pas faite il y a quelques annes, on ose crire ou

    prononcer en public les mots autrefois si mal interprts de thosophie,

    gnosticisme, mysticisme, occultisme, kabbale. Quelques journaux, notamment

    le Matin, ont mme eu l'ide de romans-feuilletons dans lesquels tout lecteur

    attentif peut retrouver de multiples donnes de la Tradition Hermtique.

    Certaines revues catholiques s'occupent aussi de ces diffrentes questions

    occultes et je ne puis que les louer d'en aborder l'tude avec moins de

    partialit qu'autrefois. Les dates de cette renaissance sont galement faciles

    marquer et intressantes connatre, elles font bien constater qu'il s'agit d'un

    puissant effort nouveau. Le spiritisme, qui a la priorit, fut import d'Amrique

    en France par Allan Kardec, en 1855, comme une doctrine renouvelant la

    croyance l'immortalit de l'me et aux rapports de l'humanit avec un monde

    surnaturel. Selon le Docteur Papus, principal chef des occultistes franais, le

    congrs runi Paris, en septembre 1889, comptait plus de 40.000 adhrents.

    Il crivait la mme poque: En Amrique, 10.000.000 de spirites font le 27

    de chaque mois la communion des mes. Cette communion est faite en

    Europe par plus de 2.000.000 d'adhrents. (Papus. Le spiritisme. Librairie du

    Magntisme, 1890). Bien entendu, nous donnons ces chiffres sous contrle.

    Vers 1875, nous arrivait galement d'Amrique une nouvelle socit

    occultiste, celle des thosophes, fonde par Mme Blavatsky. D'abord tablie

    New-York, elle eut ensuite son sige dans l'Hindoustan, Adyar. La Socit

    thosophique mit la mode, en quelques annes, les tudes sur le boudhisme

    et le brahmanisme. La premire loge thosophique fut fonde Paris en 1884,

    sous la direction de la duchesse de Pomar. Des spirites, des swedenborgiens,

    des martinistes se coudoyaient dans ses salons. Un moment, les thosophes

    esprrent accaparer la direction de toutes les sectes mystiques, lorsqu'ils

    virent se fonder par de jeunes occultistes la socit rivale de la RoseCroix.

    Stanislas de Guata en tait le grand matre, avec, autour de lui, un suprme

    conseil dont faisaient partie Albert Jounet, J. Peladan, Papus, Barlet et un

  • Docteur Alta, prtre catholique, dont nous aurons reparler. La secte des

    gnostlques fut restaure en France, vers 1888.

    Dans un synode tenu en 1893, son organisation se constitua sous la forme

    d'Eglise gnostique. En 1906, le patriarche Fabre des Essarts, ayant form une

    association cultuelle sous le nom d'Eglise Gnostique de France, cette Eglise

    se partagea en deux branches. Chacune a sa revue. Le Rveil gnostique

    fut fond en 1907, La Gnose en 1909. La reconstitution du Martinisme, qui

    est peut-tre la force la plus dangereuse et la plus redoutable de l'ordre

    maonnique, fut l'uvre de M. Encausse (Docteur Papus). Il en commena le

    groupement vers 1885. Les premires loges martinistes fonctionnrent

    Montmartre en 1889. A la mme poque, fut tabli par Papus le Groupe

    d'tudes sotriques qui devint bientt le centre de recrutement du

    martinisme. En mme temps Papus fonda l'Initiation, et le Voile d'Isis, puis

    Hiram, revues qui sont en pleine activit. C'est donc bien une renaissance.

    Tels sont les groupements que nous trouvons runis au congrs et dans

    l'alliance spiritualistes.

    Nous aurons tout dit, en ajoutant que le programme de l'une et de l'autre est

    emprunt celui de l' Initiation et du Voile d'Isis; que l'initiative du Congrs de

    1908, plac sous la prsidence du Docteur Papus, est l'uvre de ces deux

    revues, et que le Voile d'Isis a t choisi pour en tre l'organe officiel. Tout

    ceci est clairement confirm par le programme que l'Initiation porte en tte de

    tous ses numros. Les Doctrines matrialistes ont vcu. Elles ont voulu

    dtruire les principes ternels qui sont l'essence de la Socit, de la Politique

    et de la Religion; mais elles n'ont abouti qu' de vaines et striles ngations.

    La Science exprimentale a conduit les savants malgr eux dans le domaine

    des forces purement spirituelles par l'hypnotisme et la suggestion distance.

    Effrays des rsultats de leurs propres expriences, les Matrialistes eu

    arrivent les nier.

    L' Initiation est l'organe principal de cette renaissance spiritualiste dont les

    efforts tendent : Dans la Science, constituer la Synthse en appliquant la

    mthode analogique des anciens aux dcouvertes analytiques des

    exprimentateurs contemporains. Dans la Religion, donner une base solide

    la Morale par la dcouverte du mme sotrsme cach au fond de tous les

    cultes. Dans la Philosophie, sortir des mthodes purement mtaphysiques

    des Universitaires, sortir des mthodes purement physiques des positivistes

  • pour unir dans une Synthse unique la Science et la Foi, le Visible et l'Occulte,

    la Physique, et la Mtaphysique. Au point de vue social, l'Initiation adhre au

    programme de toutes les revues et socits qui dfendent l'arbitrage contre

    l'arbitraire, aujourd'hui en vigueur, et qui luttent contre les deux grands flaux

    contemporains: le clricalisme et le sectarisme sous toutes leurs formes ainsi

    que la misre. Enfin l'Initiation tudie impartialement tous les phnomnes du

    Spiritisme, de l'Hypnotisme et de la Magie, phnomnes dj connus et

    pratiqus ds longtemps en Orient et surtout dans l'Inde.

    L'Initiation expose les opinions de toutes les coles, mais n'appartient

    exclusivement aucune. Elle compte, parmi ses 60 rdacteurs, les auteurs les

    plus instruits dans chaque branche de ces curieuses tudes. L'Initiation est, en

    France, le seul organe officiel des centres suivants: Ordre Martiniste,

    Dlgus et Loges dans toutes les parties du monde. Ordre Kabbalistique de

    la Rose-Croix, rserv aux anciens Martinistes. cole Suprieure libre des

    Sciences Hermtiques. Union Idaliste Universelle. Rite Ancien et Primitif de

    la Franc-Maonnerie (Chapitre et Temple INRI). Rite National Espagnol (Loge

    symb.-. Humamdad). Comme pour ne laisser subsister aucun doute sur le

    double but poursuivi, la circulaire de Papus, annonant le grand vnement du

    congrs spiritualiste de 1908; disait aussi: Un couvent maonnique des Rites

    spiritualistes sera organis la mme poque par l'Ordre Martiniste sous la

    directionde notre Fr.-. Teder, 33e. Ce couvent sera prpar par la revue

    Hiram. En ralit congrs et couvent furent une mme uvre et le mme

    compte-rendu rsuma les travaux de l'un et de l'autre.

    Un triple objet s'offre donc nos tudes. Ce sont d'abord les doctrines du

    nouveau spiritualisme. Mais on ne s'attendra pas trouver ici un expos tant

    soit peu complet de ces systmes abstrus, enfants par des efforts d'esprit

    aussi prodigieux que striles. Leur littrature remplirait une bibliothque.

    Quelques notions sommaires, clairant l'antagonisme radical de ces systmes

    avec la doctrine catholique et l'infernale entreprise qu'ils dissimulent, suffiront

    notre dessein. En second lieu, nous aurons montrer les rapports de ces

    sectes spiritualistes avec la Franc-Maonnerie et le vritable but auquel tend

    cette prtendue renaissance d'un idalisme chrtien. Enfin, il y aura lieu de

    constater comment s'oprent ses infiltrations dans l'Eglise et parmi les

    catholiques.

    Ce n'est pas sans un regret poignant, ni mme sans quelque hsitation, que

    nous talerons sous les yeux de nos lecteurs tant d'impits et

  • d'pouvantables blasphmes profrs avec un hypocrite amour de la vrit

    religieuse. Il est cependant ncessaire de leur dvoiler ces horreurs. Cette vue

    les portera renouveler notre divin Sauveur l'ardente profession de leur foi

    et leur fera mieux comprendre l'tendue de l'infinie misricorde qui suspend

    encore l'effet de sa justice vengeresse. Mais sans cet aperu, il serait

    impossible de se rendre compte des infiltrations que nous entendons

    dnoncer et de mesurer l'immensit du pril qu'elles nous font courir. En outre,

    trop de catholiques accordent aujourd'hui aux monstrueuses fantaisies de

    l'esprit humain, dvoy par l'orgueil, une attention qu'ils ne donnent plus

    l'tude de leur religion, pour qu'il n'y ait pas une utilit directe dcouvrir leur

    illusion insense.

    Il est cependant une prcaution que la prudence nous impose. C'est de ne pas

    favoriser une curiosit dangereuse en indiquant par des rfrences prcises

    les passages des livres et des revues spciales auxquels seront emprunts

    les divers traits de cet affligeant tableau. Nous viterons mme le plus souvent

    d'en donner les titres. Le lecteur ne doutera pas de notre probit. Notre

    expos ne sera dans toutes ses parties qu'une reproduction souvent textuelle

    de ces crits.

    I. - LES DOCTRINES DU NOUVEAU SPIRITUALISME

    Avant d'esquisser un rapide aperu des principaux systmes, que rend assez

    ardu la contradiction dont ils ne s'embarrassent pas les uns vis--vis des

    autres et mme chacun avec lui-mme, il sera bon de dgager leurs traits

    communs. Leur premier caractre gnral est l'essai d'une grossire

    adaptation au christianisme. Il importe de paratre en rgle avec lui. A chaque

    instant se trahit l'effort pour dguiser sous le nom de ses dogmes les erreurs

    qui leur sont le plus contraires. On ira mme jusqu' une sacrilge et

    abominable parodie de ses mystres et de sa liturgie sacre.

    Il y a un principe fondamental, commun toutes ces sectes, et sur lequel

    toutes leurs thories reposent. C'est l'sotrisme, c'est--dire l'existence d'une

    tradition secrte, la conservation d'un enseignement rserv aux seuls initis,

    qui se serait perptu depuis l'antiquit travers les ges, que Jsus-Christ lui

    mme aurait recueilli et communiqu quelques-uns de ses disciples pour

    tre gard avec le mme soin au sein du christianisme, et qui, dfigur ou

    trahi par l'Eglise, aurait t fidlement recueilli par les sectes occultes dont la

    chane ininterrompue se rattacherait aux origines mmes du christianisme (Il

  • est presque superflu de faire remarquer que cette absurde et mensongre

    supposition, si oppose l'uvre de la Rdemption et son plan, est en

    contradiction flagrante avec toute l'histoire de l'Eglise, et, premirement, avec

    les paroles les plus formelles de Jsus-Christ disant ses disciples : Ce que

    vous avez recueilli de ma bouche, en particulier, prchez-le sur les toits ;

    Pilate : J'ai parl ouvertement au monde et n'ai rien enseign de secret.

    Interrogez ceux qui m'ont entendu ; ses aptres, avant de remonter au ciel

    : Allez, enseignez toutes les nations... ).

    Celles-ci se trouveraient donc avoir hrit de la mission de l'Eglise. Et leur

    mission est identiquement celle de la Franc-Maonnerie. Leur thme commun,

    c'est une explication du monde permettant d'carter le dogme de la cration et

    conduisant la divinisation de l'homme. De l, le panthisme manatiste qui

    se retrouve au fond de presque tous ces systmes. Parmi les erreurs

    ncessaires cette explication spiritualiste et que les occultistes s'efforcent de

    prsenter comme conformes la doctrine catholique, il faut signaler la

    prexistence des mes, leur rincarnation et la pluralit des existences pour le

    mme individu.

    Aprs un court expos du panthisme manatiste, le secrtaire gnral du

    Congrs de 1908, s'criait : Incrdules et croyants peuvent-ils adhrer cette

    synthse dogmatique? Nous osons l'esprer. Sans doute, quelques

    catholiques romains Intransigeants crieront, tout d'abord, l'hrsie. Qu'ils se

    rassurent. La thorie expose par nous laisse, en effet, subsister intacts le

    baptme et la rdemption par le Christ. Mais, elle implique comme corollaire la

    pluralit des existences de l'me rejete, il est vrai, par plusieurs thologiens,

    mais admise par toutes les grandes religions orientales et que l'Evangile

    mme ne condamne pas. Ce dernier dogme, uni au prcdent, rsout bien

    des objections inhrentes aux diverses solutions exotriques du problme du

    mal (*).

    De son ct, M. Jounet disait dans les mmes runions : Quelles que soient

    d'ailleurs les affirmations de certains thologiens, la Rincarnation n'a jamais

    t condamne par l'Eglise, comme va fort bien dmontr notre ami et ancien

    matre le docteur Rozier, dans une tude qu'il a publie nagure dans

    l'Initiation. J'ajouterai mme que l'Eglise catholique peut trs bien reconnatre

    officiellement la vrit mtaphysique de cette consolante doctrine, sans pour

    cela abandonner jamais le dogme du Ciel, du Purgatoire et de l'Enfer. Je

  • vous rappellerai aussi que la Rincarnation a t admise par le Druidisme, le

    Brahmanisme, la Kabbale, les Chaldens, la Tradition orphique, les

    Pythagoriciens, les Essniens, le No-Platonisme, la Primitive Eglise

    chrtienne les Gnostiques, le Nouveau Coran, les Troubadours et les

    Trouvres, la Chevalerie du Moyen-Age, les Templiers, les Rose-Croix, la

    Haute-Maonnerie du XVIe sicle, le Martinisme, les Occultistes, l'Eglise

    gnostique moderne, la Socit thosophique et les Spirites. Et depuis le

    commencement de l're chrtienne, un grand nombre de potes, de

    philosophes et de savants n'ont pas craint d'y faire allusion dans leurs uvres

    ou mme de s'en montrer partisans convaincus, etc..

    Enfin, ce qui est vraiment le comble, le F.:. Tder, prsident du couvent

    maonnique annex au Congrs spiritualiste, nous apprend que la Franc-

    Maonnerie, gardienne de cette doctrine sotrique, a t introduite en

    Europe par ... les Papes (En effet, ce dogme supprime la responsabilit

    humaine; il fait de l'existence du mal la consquence inexorable d'un

    enchanement de faits antrieurs celui qui le commet; il ferme l'enfer comme

    le ciel, remplaant l'un par les rincarnations, l'autre par l'absorption de

    l'homme dans le grand Tout, ou, suivant les cas, comme on le verra; par son

    anantissement). Dans une lecture prcdente, publie par Hiram, j'ai prouv

    que la FrancMaonnerie nous est venue des Essniens et qu'elle fut introduite

    en Europe par des Moines envoys partout comme Missionnaires et comme

    Maons par les vques de Rome.

    Comme il a t annonc, ce que nous dirons de chaque systme sera

    presque textuellement emprunt ses docteurs. Le lecteur voudra donc bien

    se souvenir que ce n'est pas moi qui parle. Parmi ces divers systmes, il en

    est un qui, dans sa forme et son tat actuels, runit et combine, au moins

    dans leurs traits gnraux, les doctrines de tous les autres. C'est l'occultisme.

    Commencer par lui, sera simplifier et abrger le reste.

    I. L'OCCULTISME.

    On comprend sous le terme d'occultisme l'tude des phnomnes qui ne

    peuvent tre perus par nos sens physiques, mais qui sont compris et

    interprts par nos sens hyperphysiques, (cette expression s'expliquera plus

    loin). Cela veut dire, dans un autre langage, que l'occultisme enseigne non ce

    que paraissent tre l'homme et la nature, mais ce qu'ils sont en ralit. Son

    but est donc de donner une solution la fois positive et mystique aux grands

  • problmes qui nous tourmentent tous : Dieu, le Bien, le Mal, le Monde visible

    et invisible, l'Homme, l'me humaine et ses destines.

    L'occultisme remonte la plus haute antiquit, mais le mot ne date gure que

    du moyen ge. Auparavant, il existait un sotrisme. Par section sotrique

    les philosophes alexandrins et grecs entendaient une sorte de classe

    slecte parmi leurs meilleurs lves, et o ils donnaient leurs enseignements

    les plus abstraits que n'auraient pu comprendre les disciples ordinaires. Cet

    sotrisme se perptua dans le Christianisme pendant les premiers sicles

    par le moyen des initis qui, sous le nom de gnostiques donnrent un appui

    considrable au Christianisme naissant. Peu peu, une scission s'opra dans

    le Christianisme; le nombre des chrtiens exotriques (xotrisme

    : enseignement commun et public) s'tant considrablement accru, les initis

    finirent par disparatre peu prs; ils furent perscuts et obligs de se

    cacher. Ils se runirent en secret, fondrent des socits secrtes, o fut

    conserve intacte la tradition occultiste. Telle fut l'origine de ces mystrieuses

    associations d'hermtistes, de chevaliers initis, d'adeptes de Saint-Jean et

    enfin des Templiers.

    Les Templiers taient sur le point de reconstituer l'ancienne fraternit des

    anciens temples; ils s'apprtaient infuser de nouveau dans la chrtient la

    vraie doctrine, qui aurait fait avancer l'humanit de plusieurs sicles, quand en

    1312, ils furent trahis et bientt disperss. Les survivants du massacre se

    runirent nouveau et donnrent naissance la Socit des Rose-Croix, puis

    la Franc-Maonnerie. C'est apparemment cette poque que prit naissance

    l'appellation

    d'occultisme. Les ides qui faisaient le fond de la doctrine, issues la fois, du

    noplatonisme, de la kabbale et de la Gnose sentaient le fagot l'poque o il

    n'tait que trop facile de se rendre coupable du crime d'hrsie et d'tre

    condamn au bcher. Aussi, les occultistes d'alors, Reuchlin (1455-1522),

    Agrippa (1486-1535), Paracelse (1493-1541), Cardan (1501-1576), Postel

    (1510-1581), Robert Fiudd (1574-1637) envelopprent-ils leur style de

    mystrieuses priphrases et de symboles obscurs; et encore, malgr cette

    ruse, ils n'chapprent que pniblement aux perscutions.

    Plus tard, vinrent Van Helmont le pre (1577-1674), surnomm le Paracelse

    du XVIIe sicle, Anglius Silzius (1624-1677), Poiret (1646-1719) et enfin

    Swedenborg (1688-1777). C'est Swedenborg que se rattachent toutes les

    socits occultistes et illumines du XIX* sicle, car il fut l'inspirateur de

    Martins Pascalis (1715-1799), de Claude de Saint-Martin (1743-1803), de

  • Lavater (1741-1804) qui nous conduisent Wronski, Eliphas Lvi, Louis

    Lucas, Henri Delaage, et aux occultistes modernes. L'occultisme est donc une

    philosophie traditionnelle en mme temps qu'un positivisme transcendant.

    La mthode de l'occultisme, sa loi fondamentale, est l'analogie, dont le

    principe est ainsi formul : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas;

    pour tout ramener l'unit (Dans l'application, il faudrait plutt dire, ce qui est

    en bas est comme ce qui est en haut, ainsi qu'on va le voir plus loin). La loi du

    Ternaire, reconnue en Dieu par toutes les religions (Trinit) domine tout, en se

    refltant dans les trois mondes qui composent l'univers: le monde divin, le

    monde psychique et le monde physique. Elle se rvle particulirement dans

    l'homme, o nous allons surtout l'tudier. C'est sur cette loi du Ternaire que

    repose toute la thorie occultiste.

    La constitution de l'homme. L'occultisme enseigne que l'homme est form

    de trois principes primordiaux: le corps physique, le corps astral (ou spirituel)

    et l'esprit. Ainsi, entre le moi et le non-moi, entre l'esprit et le corps,

    l'occultisme enseigne l'existence d'un principe intermdiaire. Saint Paul et

    saint Thomas ont toujours trs nettement distingu le corps, le corps astral ou

    me et l'esprit : corpus, anima et spiritus (Qu'on veuille bien ne point oublier

    que ce n'est pas moi qui- parle ici). Dans l'me humaine, la fois, principe de

    la vie corporelle et doue de la vie surnaturelle, la philosophie chrtienne

    distingue logiquement, non physiquement, deux parties : une partie ou une

    tendance suprieure, illumine par la foi et attire vers Dieu par la grce, et

    qu'elle appelle spirituelle relativement la partie infrieure o s'agitent les

    passions. Mais, nulle part, cette unit de l'me n'est plus clairement suppose

    que dans ce rapport du principe spirituel avec le principe matriel constitue un

    des plus importants problmes de la psychologie occultiste.

    Sur ce point, les occultistes n'ont jamais vari leurs enseignements, depuis les

    Egyptiens de la XVIIIe dynastie (1500 ans avant Jsus-Christ) enseignant

    l'existence du corps, du double et de la substance intelligente; les kabbalistes

    distinguant le corps, le corps astral et l'esprit; jusqu' Paracelse enseignant au

    XVIe sicle l'existence du corps lmentaire, du corps astral et de l'me

    spirituelle; et enfin Eliphas Levi tudiant au XIXe sicle les proprits du

    Double fluidique ou mdiateur plastique intermdiaire entre le corps et

    l'esprit. L'tre humain est donc compos de trois principes: le corps

    physique, ce qui supporte tout; le corps astral ou me, ce qui anime et

    meut tout; et enfin l'esprit, ce qui gouverne l'tre tout entier.

  • Le corps physique supporte tous les lments constituant l'homme incarn. Le

    corps astral anime tous les lments constituant l'homme incarn. L'esprit

    gouverne l'organisme tout entier. Il a son point d'appui dans le cerveau

    matriel, quoiqu'on gnral, il ne soit pas compltement incarn dans l'tre

    humain. Dirig dans sa marche organique par l'instinct, le corps physique se

    manifeste l'Esprit conscient par les besoins. Le corps astral constitue, lui

    aussi, une ralit organique; il a des organes physiques, des centres d'action

    et des localisations, qui sont les organes de la respiration et de la circulation et

    toutes leurs dpendances. Dirig par le sentiment, le corps astral se manifeste

    l'esprit conscient par la passion. L'Esprit est ce qui gouverne l'tre humain

    tout entier, ce qui sent et ce qui veut. Il a un domaine d'action bien dlimit,

    avec un centre d'action, des organes et des conducteurs particuliers. Un

    exemple va nous mettre mme de nous rendre exactement compte des trois

    principes humains.

    L'homme peut tre compar un quipage dont la voiture reprsente le corps

    physique; le cheval, le corps astral, et le cocher, l'me ou l'esprit. C'est

    l'emblme que Papus a choisi pour dmontrer ce principe dans son Trait

    mthodique de Science occulte. Cette image permet un passage de l'ptre de

    saint Paul aux Hbreux o la division est le plus nettement dans les mots :

    Car la parole de Dieu est vivante et efficace, et elle perce plus qu'une pe

    deux tranchants; elle entre et pnlre jusque dans les replis de l'me et de

    l'esprit; (pertingens usque ad divisionem anim ac spiritus), jusque dans les

    jointures et dans les moelles, et elle dmle les penses et les mouvements

    du coeur. (IV. 12.) En outre, est-ce que tout le monde n'emploie pas les deux

    expressions d'me et d'esprit, pour dsigner tantt, le principe commun

    d'oprations multiples, tantt, plus particulirement, celles de l'intelligence? Et

    faudrait-il conclure que quiconque dit tantt l'me, tantt l'esprit de l'homme,

    admet par la mme l'existence du corps astral?

    Nous ferions tous de l'occultisme, comme M. Jourdain faisait de ta prose, sans

    nous en douter de bien saisir le rle de chaque principe. La voiture est inerte

    par ellemme et rpond bien au corps physique; le cocher commande la

    direction par les rnes, sans participer la traction directe, c'est l le rle de

    l'Esprit. Enfin, le cheval, uni par les brancards la voiture et par les rnes au

    cocher, meut tout le systme sans s'occuper de la direction, indique bien le

    caractre du corps astral, vritable cheval de l'organisme qui meut et ne dirige

    pas.

  • Le corps astral. Ce qui distingue les occultistes des physiologistes ordinaires

    relativement la question de la constitution de l'tre humain est donc

    l'existence de ce corps astral, intermdiaire entre le corps et l'esprit. Il est le

    double parfait du corps physique. Cette ide du corps astral, sous des

    dnominations diverses, est une des plus anciennes et des plus persistantes

    qui aient travers toutes les philosophies anciennes. Elle se retrouve dans

    toutes les religions orientales. Le boudhisme enseigne l'existence du linga

    sharira, les Persans du kaleb, les Zoroastriens du keherpas. Le panthisme

    grec dsigne le corps astral sous le nom de Ochma, le substratum matriel

    de l'esprit. C'est surtout dans la kabbale que nous trouvons l'ide du corps

    astral nettement exprime.

    D'aprs elle, les trois lments de l'homme sont: Nephesch; le corps; Ruach,

    le corps astral; Neschamah: l'esprit. Ruach est un corps interne, idal,

    expression virtuelle, passive de l'action extrieure de la matire. Il est le miroir

    de la vie corporelle. Compos des forces qui sont la base de l'tre matriel, il

    est un individu spcial, disposant de lui-mme par une action libre et

    volontaire toutes les fois que l'action de Nephesch, du corps, n'est plus

    suffisante pour le retenir. Il peut s'vader, sortir du corps dans le sommeil, la

    prostration, tout en y tant retenu par un lien dont la rupture entranerait la

    mort du corps matriel. Le corps astral est en l'homme et en mme temps hors

    de l'homme; c'est--dire que tout en l'emplissant entirement, il a, en outre,

    une sorte d'manation fluidique, que l'on appel aura et qui entoure le corps

    comme une sorte d'estampage (C'est sur la mirifique invention de ce a double

    , du corps astral, que les occultistes de toutes sortes font reposer l'explication

    des prestiges de leur science).

    Par une forte concentration de volont, l'homme peut projeter hors de lui une

    partie de son corps astral qui sera alors comme une sorte de prolongement de

    son propre corps. Il peut aussi sortir compltement de son corps et apparatre

    en corps astral. Dans ce cas le corps astral n'est reli au corps physique que

    par un fil vaporeux et brillant qui lui forme comme une espce de cordon

    ombilical.

    Mais cette opration est extrmement dangereuse et il n'est donn qu' de

    trs rares personnes, voues depuis de longues annes la pratique des

    sciences occultes de la tenter. On ne peut y arriver que par un trs long

    entranement et l'on risque chaque instant la mort. Il arrive aussi qu'un

    mourant peut apparatre en corps astral. Le cas n'est mme pas rare. Pendant

  • les maladies graves, il s'chappe parfois du corps des souffrants et se place

    ct d'eux; ou, s'extriorisant davantage, il va s'asseoir prs du lit ou dans un

    autre point de la chambre. Parfois, le malade peut voir son double qu'il

    prend d'ordinaire pour un tranger s'obstinant rester ses cts, et dont il

    demande instamment tre dbarrass.

    En nous, le corps astral veille sans cesse; jamais il ne dort. Le corps astral n'a

    par lui-mme ni intelligence, ni conscience. C'est lui qui vit dans les rves, qui

    erre dans le plan astral (ou intermonde) et y rencontre les visions qui hantent

    notre sommeil.

    Le plan astral. Nous avons dit que la loi du ternaire domine tout en

    occultisme. En effet, l'occultisme enseigne que trois mondes composent

    l'univers: Le monde physique, le monde astral, le monde mental ou spirituel.

    Supposons un peintre qui a conu un tableau, ce tableau existe (?) dans ses

    lobes crbraux ou dans son imagination, comme l'on voudra. Eh bien, le plan

    astral est au plan divin ce que l'imagination est au peintre, et l'on pourrait

    appeler le plan astral l'imagination de Dieu. Les trois mondes peuvent tre

    figurs comme trois enveloppes se pntrant l'une l'autre, la fois unies et

    distinctes.

    Le monde spirituel produit et remplit le monde astral qui produit et remplit le

    monde matriel. Le monde astral est la manifestation du monde spirituel et le

    monde physique est la manifestation du monde astral. Ainsi ce plan

    intermdiaire est charg de recevoir les impressions du plan suprieur et de

    les raliser en agissant sur la matire, de mme que la main de l'artiste est

    charge de recevoir les impressions du cerveau et de les fixer sur la matire.

    Tout est troitement embot dans la nature aussi bien que dans l'homme.

    Ce plan nous enserre, comme il enserre l'infusoire, comme il enserre l'univers.

    Comment le monde spirituel produit et remplit le monde astral qui son tour

    produit et remplit le monde matriel : rservons la Gnose dont nous ferons

    plus loin l'expos, cette explication qui est de son domaine propre.

    L'occultisme enseigne en outre que, de mme que toute chose ou tout tre

    projette une ombre sur le plan physique, de mme tout projette un reflet sur le

    plan astral. Quand une chose ou un tre disparat, son reflet en astral persiste

    et reproduit l'image de cette chose ou de cet tre, telle que cette image tait

    au moment de la disparition. Chaque homme laisse donc en astral un

    reflet, une image caractristique.

  • Le plan astral a, de mme que le plan physique ses habitants : Le monde

    astral, dit l'occultiste Guymiot, n'est pas moins vari que le monde physique:

    tout comme celui-ci, il est peupl d'tres qui ont en lui leurs conditions

    d'existences comme nous avons les ntres dans le monde matriel.

    Il y a d'abord des entits directrices prsidant la marche de tout ce qui

    volue en astral. Ces entits sont constitues par les hommes suprieurs des

    humanits antrieures, volus par leur propre initiative (esprits directeurs de

    la kabbale) ou par des tres spciaux du plan divin (anges et receveurs de

    lumire). Viennent ensuite les grgores, ou images astrales formes

    spciales, entretenues par les aspirations des collectivits (dieux particuliers

    des religions); les corps astraux d'tres surchargs de matrialit (suicids),

    d'tres en voie d'volution, d'entits humaines traversant l'astral, soit pour

    s'incarner, soit aprs s'tre dsincarns. Enfin, on y rencontre des tres divers

    susceptibles de subir l'influence de la volont humaine : les lmentals. Ces

    tres constituent une des classes les plus importantes des habitants du

    monde astral.

    Je reprends un instant la parole pour admirer la puissance cratrice de

    l'occultisme. Quel chef-d'uvre d'imagination, si ce n'est une mystification

    impayable, que celle de ce double du corps matriel, du corps astral ! Et

    cependant ce n'est rien encore, en comparaison des merveilleux esprits dont il

    va peupler le monde des lments. Il est vrai que ce sera en poussant la

    contradiction ses dernires limites. Mais s'il faut prendre cette doctrine au

    srieux, s'il se trouve des catholiques qui se laissent fasciner par son mirage, il

    est peine besoin de remarquer qu'elle est inconciliable avec celle de l'Eglise

    sur la nature du compos humain.

    Ni l'esprit ni le corps astral, ainsi distingus l'un de l'autre, ne peuvent

    s'accorder avec ses dfinitions de l'me. L'me est spirituelle: le corps astral a

    des organes physiques et est en partie matriel . L'me est par elle-

    mme et immdiatement la forme du corps, c'est--dire, comme le rappelle

    Pie IX dans un acte du 30 avril 1860, le seul principe dont le corps reoit la

    vie, le mouvement et le sentiment; et ce Pape a dclar qu'on ne peut nier

    cette vrit sans erreur contre la foi.

    Or, l'occultisme pose un principe double, dont l'un, qui est un individu spcial

    , donne au corps le mouvement, mais sans diriger l'homme; dont l'autre

    gouverne, mais sans tre compltement incarn dans l'tre humain , et

  • sans partager directement le rle du corps astral. Inutile d'insister. Venons la

    nouvelle cration de l'occultisme, destine organiser le monde dans lequel il

    prtend oprer.

    Les lmentals (D'autres disent : Les lmentaux. On peut bien accorder la

    syntaxe un peu de la libert que prend le bon sens). Ce sont aussi des esprits.

    Il y en a de deux sortes : les lmentals du monde matriel et ceux du monde

    astral. Voici pour les premiers. Avant tout, il faut bien se pntrer de l'ide que

    les lments des choses ne sont pas de simples entits mtaphysiques, mais

    des tres rels, dous de vie, de forme et de volont. Les lmentals ne sont

    donc pas en ralit infrieurs l'homme puisqu'ils jouent dans sa constitution

    un rle dont on ne saurait mconnatre l'importance : on peut mme dire que

    l'homme est, en tant que corps matriel, sous l'influence de la force

    lmentale. Ils sont des puissances de la nature, mais des puissances

    bornes.

    Par le vgtal, ils pntrent en l'homme pendant sa vie, autant du reste que

    par les lments minraux, gazeux, essentiels la matire. Il existe donc

    entre les lmentals et l'homme une connexion, une relativit.

    De ces lmentals, les uns, sont bons, les autres mauvais, les autres neutres.

    En fait, les lmentals sont soumis l'homme; en tant que forces, ils vaguent

    travers l'univers, toujours en qute d'action; tout ce qui se trouve sur leur

    passage leur sert d'instrument et, si l'homme cherche leur barrer le passage,

    malheur lui. Le corps astral ne leur chappe mme pas, en sa partie

    matrielle. L'homme en sa vie terrestre est environn d'lmentals qu'il

    provoque et qui le harclent. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, ils jouent un

    rle dans la constitution de l'homme.

    On distingue parmi les lmentals, les esprits des lments : air, eau, terre,

    feu. Les esprits de l'air gouvernent les fonctions de la respiration et les

    organes qui l'accomplissent. Les esprits de l'eau dirigent les humeurs et les

    scrtions du corps, en particulier le sang. Les esprits de la terre ont pour

    domaine les diffrents tissus du corps, et les esprits du feu dirigent

    l'assimilation et la nutrition. Un initi en agissant par une impulsion de sa

    volont sur les lmentals peut gurir les troubles du corps et rgnrer ses

    fonctions.

    Il y a galement d'autres lmentals que l'on peut appeler les astraux. Ils ne

    sont en aucun cas des entits ou des personnalits intelligentes, mais des

  • rflexions, des chos; ns des fluides du corps, ils n'ont aucune spiritualit et

    vivent du corps. Non seulement leurs aspirations ne vont pas au-dessus du

    corps, mais ils ignorent et nient mme l'existence d'une sphre au-dessus de

    la leur. Ils se mlent cependant de prophtiser et sont prodigues de menaces

    ou de promesses. Ils semblent tre inconscients des contradictions que

    prsentent leurs affirmations, et, quelque grossires qu'elles soient, ils ne s'en

    troublent nullement. Lorsqu'on les laisse dblatrer leur aise, ils descendent

    jusqu'au blasphme et l'obscnit; ils poussent la sensualit, au vice, la

    cruaut; ils encouragent la vie grossire, la luxure; se nourrissant des esprits

    vitaux du sang, ils puisent l'nergie et sont les vampires de ceux auxquels ils

    s'attachent. Ils sont impersonnels, et par consquent n'ont aucun organe de

    connaissance.

    Comme ils ne possdent pas d'me, ils ne peuvent avoir d'individualit, et

    n'ont aucune ide du bien et du mal, du vrai et du faux; ils ne possdent pas

    plus une volont ou une action indpendante; ils ne sont que des vhicules.

    Mais, quoiqu'ils ne soient pas des personnalits intelligentes ils sont souvent

    des agents des ides intelligentes et servent de moyens de communication

    entre des personnalits intelligentes. Ce sont eux qu'voquaient les Rose-

    Croix et les magiciens du Moyen-ge et qu'voquent encore certaines

    personnes aujourd'hui. Ils rpondent aux pentagrammes et aux autres

    symboles et il est dangereux mme de les nommer dans certains lieux et en

    certaines saisons.

    C'est principalement par le moyen des lmentals que l'adepte accomplit ses

    merveilles. D'autres personnes que des adeptes peuvent avoir des rapports

    avec les lmentals; mais cette association est dangereuse pour tous ceux qui

    ne sont pas purifis et perfectionns dans leur esprit. On peut les dominer;

    mais qu'on ne cesse pas un seul instant une active surveillance, qu'on ne

    commette pas la moindre des erreurs, car aussitt ils prennent leur revanche.

    L o les lmentals ne sont pas domins ils deviennent les matres et ils se

    montrent sans piti dans leur vengeance pour qui dsobit leurs ordres. Ils

    s'emparent des corps astrals: alors, ils apparaissent sous des formes diverses.

    Le sorcier leur livre lui-mme une partie de son influx astral et contribue leur

    donner une existence phmre et presque toujours terrifiante en les projetant

    dans un but dtermin soit sous forme de pierres invisibles qu'il jette son

    ennemi, soit sous forme de vnfices que la passion et le vice ardent

  • projettent sur l'tre dsir. Ils peuvent aussi galvaniser le cadavre d'un animal

    ou s'emparer du moule ou coque astrale qui a abandonn son corps matriel.

    Ils raniment des dbris pars et constituent des formes monstrueuses qui

    restent pendant de longues annes dans l'imagination des peuples. Les

    lmentals constituent en un mot le monde du mal et du vice.

    Voil donc des tres-esprits, qui n'ont aucune spiritualit, aucun organe de

    connaissance, aucune volont ou action indpendante, comme il convient

    des lments; et qui, cependant, prophtisent, dblatrent, poussent au mal,

    au vice, et dterminent la moralit des actions humaines. Quelles insanits, et

    quel impie bouleversement de l'uvre divine !

    Auras ou images astrales. Nous ne sommes pas encore au bout de cette

    cration fantasmagorique. Il reste voir comment ces spiritualistes

    matrialisent jusqu' nos penses. L'occultisme enseigne que chaque tre

    porte autour de lui un rayonnement invisible l'il de chair, mais perceptible

    pour l'me entrane. Ce rayonnement s'appele Aura, d'aprs la tradition, et il

    y a une aura pour chaque principe. Il y a donc un rayonnement ou aura du

    corps physique trs peu tendu, un rayonnement ou aura du corps astral,

    enfin un rayonnement ou aura de l'me ou esprit (On voit que l'occultisme

    appelle galement me le corps astral et l'esprit. Nouvelle preuve que ce nom

    ne convient ni l'un ni l'autre). C'est cette aura qui est connue dans les

    traditions religieuses qui ont entour d'auroles lumineuses les ttes de saints

    pour la symboliser. (Sic.)

    Dans les rayonnements de l'aura sont inscrits, sous forme d'images, les

    rsultats les plus importants de nos penses et de nos actions. C'est grce

    ce rayonnement des principes de l'tre humain que s'expliquent beaucoup de

    phnomnes en apparence tranges, comme les sympathies et les antipathies

    subites lors de la premire rencontre d'un tre, comme les intuitions et les

    prvisions dites inconscientes. L'occultiste entran, c'est--dire qui a

    dvelopp ses facults de perception de l'invisible, se rend compte,

    premire vue, de la valeur relle d'un tre humain, non pas d'aprs ses

    manires extrieures, ses habits, mais d'aprs son rayonnement invisible.

    L'homme qui se croit bon, ou suprieur aux autres, celui qui juge et critique les

    autres, l'goste, tous ceux-l peuplent leur atmosphre invisible de vilaines

    images, que le voyant et mme le somnambule verront parfaitement. Les

    objets, les nations, les astres, ont chacun leurs clichs bons ou mauvais. Cette

  • existence d'manations invisibles nous amne la thorie des images

    astrales. L'occultisme enseigne que de mme que toute chose ou tout tre

    projette une ombre sur le plan physique, de mme tout projette un reflet sur le

    plan astral.

    Quand un tre ou une chose disparat, son reflet persiste en astral, et l'image

    de cette chose ou de cet tre persiste telle qu'elle tait au moment prcis de

    sa disparition. Chaque homme laisse donc, en astral, un reflet, une image

    caractristique. C'est en se mettant en relation avec ces images astrales, que

    le voyant retrouve toute l'histoire des civilisations vanouies et des tres

    disparus.

    Il serait particulirement intressant de savoir ce que peut tre ce

    rayonnement, l'image produite en particulier par l'esprit distinct du corps astral;

    et, mme quant ceux qui manent du corps astral et du corps physique,

    comment et dans quelle atmosphre ils subsistent et se conservent. Sont-ils

    matriels ou ne le sont-ils pas?

    La mort et ses mystres. Nul ne sera surpris que l'occultiste possde aussi

    les secrets de la mort. On va voir comment ces habiles gens remplacent par

    une solution vraiment scientifique et morale les enseignements trop simplistes

    de la foi catholique. Et c'est l que leur spiritualisme va de nouveau se donner

    carrire. La mort est produite par la sparation de l'esprit entranant le corps

    astral (me) hors du corps physique. La voiture est brise. Il ne reste plus que

    le cocher et le cheval. Mais n'oublions pas que celui-ci est la fois bte et

    esprit. Ce double devra lui-mme se ddoubler.

    Il faut comprendre aussi que cette thorie de la mort est imagine pour

    prparer le retour de l'esprit la Divinit, au Plrme, ainsi que la Gnose nous

    l'expliquera. A l'instant de la mort, le lien entre le corps physique et l'esprit

    vient d'tre rompu et le corps astral tend se diviser en deux parties : l'une,

    infrieure, qui restera dans le plan physique, et l'autre, suprieure, qui

    voluera jusqu'au plan astral suprieur. Cette lutte se manifeste ordinairement

    par l'agonie.

    Peu peu, les liens qui retiennent l'esprit se brisent et celui-ci sort de sa

    prison corporelle. Cette sparation se produit plus ou moins rapidement selon

    la plus ou moins grande matrialit de l'individu.. Chaque cellule physique

    reprend alors son autonomie, la dcomposition du cadavre commence, et

    chacun des petits tres cellulaires qui le constituait se dirige vers ses affinits

  • spciales. De son ct, l'esprit traverse une priode de trouble. Il flotte au-

    dessus de son corps qu'il vient de quitter et ne peut se rendre compte de son

    nouvel tat; d'abord plong dans l'obscurit, il n'a que la sensation d'un demi-

    sommeil, mais insensiblement son engourdissement disparat, il commence

    percevoir ce qui l'entoure : son corps rigide tendu sur le lit, des cierges

    allums, des personnes agenouilles murmurant des prires; ce spectacle

    l'tonn et l'effraye; il veut crier, mais il ne peut; soudain, la lumire dans

    laquelle il baigne augmente d'intensit; il voit comme un torrent lumineux qui

    parat l'entraner vers un inconnu qu'il redoute; des formes hideuses

    surgissent (lmentals) et se prcipitent sur lui; des figures humaines, des

    entits animales grimacent affreusement; il veut fuir, il veut monter, mais,

    nouveau phnomne, toutes les actions de sa vie passe lui apparaissent

    comme dans un mirage et fou de honte et d'pouvante, il va vers ce corps qu'il

    a quitt, cherche fbrilement ressaisir la vie; en vain les esprits suprieurs

    l'exhortent, il ne les voit pas, ne les entend pas, le vertige le saisit, il tournoie

    un instant sur lui-mme comme une barque dans la tempte et disparat enfin

    dans le torrent fluidique qui l'enserre de ses mille replis (Les frais d'imagination

    mis part, voil, pour des spiritualistes, une description bien matrielle de

    l'esprit).

    Cet tat de trouble peut se prolonger pendant longtemps. Enfin, l'esprit sort de

    son cauchemar, la conscience de son moi lui revient, il comprend alors ce qui

    s'est produit en lui et se rend compte du milieu o il se trouve et les htes avec

    lesquels il vit ne l'effrayent plus. II s'aperoit qu'il est plus rellement vivant

    que sur la terre, mais que de nouveaux organes, signes de facults aussi

    nouvelles, sont ns et que la communication physique avec le plan matriel

    devient rapidement de plus en plus difficile; seuls, les sentiments servent de

    liens entre les deux plans. Mais l'esprit se rend compte qu'il n'est pas encore

    dans son vritable centre, et il va tendre de son mieux vers la seconde mort, la

    mort au plan astral, qui acclrera son volution.

    Nous avons pris comme exemple l'volution d'un esprit moyen; en effet, si

    l'homme a t bon, honnte, s'il a dvelopp sa conscience, ses lments

    psychiques, sa partie spirituelle voluera librement dans le monde astral.

    Examinons maintenant le cas contraire. la brutalit physique; dtraquement de

    l'organisme par des excs, par des privations, par le vice ou par culpabilit de

    l'individu. Brutalit morale, existence criminelle, vicieuse, subordination

  • perptuelle de l'lment psychique l'lment matriel. Ici, la naissance

    astrale s'accomplit dans les pires conditions. L'volution rgulire ne s'est pas

    accomplie. Les parties matrielles de l'Etre, loin de s'tre affines, se sont

    alourdies, les parties spirituelles se sont en quelque sorte matrialises; la

    balance penche du ct de la matire, de l'animalit.

    Dans ces conditions, l'esprit est pour ainsi dire encore li la terre. Il est

    encore soumis aux forces humaines dont il ne s'est pas compltement

    dgag. Il erre, flotte prs de la terre, attendant du temps sa libration de

    l'animalit. Le poids est lourd, la chane auquel il est riv est solide, car c'est

    lui-mme qui l'a forge. Ainsi, par exemple, un avare restera attach aux biens

    matriels, son seul amour ici-bas. Mais il sera dans l'tat du pauvre hre qui

    se rveille affam aprs avoir rv qu'il tait subitement devenu riche et jetait

    de l'or poigne ses nombreux courtisans. Les biens matriels sont

    devenus aussi insaisissables l'avare et l'gosme que l'or du rve pour le

    pauvre hre. Avec cette diffrence, que l'avare a conscience de la dilapidation

    de son trsor par ses hritiers, tout joyeux de cette aubaine, et qu'il assiste

    impuissant et souffrant mille tortures la dispersion de ses chers cus.

    Plus terrible encore est la situation de ceux qui sont morts par le suicide ou en

    tat de crime brutal. Pour les suicids, attachs au corps dont ils ont cru se

    dbarrasser jamais, ils prouvent les mmes besoins qu'ils prouvaient

    tant vivants, car ils appartiennent aux besoins ou aux passions qui les ont

    pousss au suicide, mais le moyen de satisfaire ces besoins et ces passions a

    disparu. S'ils taient violents, ils subsistent violents. Alors, ils engagent une

    lutte perptuelle avec les corps astraux des hommes mal quilibrs afin de se

    substituer eux. Ils guettent les hommes en tat de sommeil, et si leur corps

    astral s'loigne un instant, il lui faut engager une vritable lutte pour reprendre

    possession de son domaine, d'o les cauchemars et les affres des visions

    monstrueuses.

    Quand l'poque de la mort normale arrive, l'esprit du suicid ou du criminel

    retrouve ses anctres, et, trs rapidement il est rincarn dans un nouveau

    corps, le plus souvent difforme ou estropi pour recommencer la lutte qu'il

    avait dserte une premire fois (Pour d'autres, la rincarnation est la loi

    commune. Peu peu, l'Esprit a conquis un peu de libert dans son nouvel tat

    d'tre, son double s'est peu peu dissous, et il aspire la seconde mort. En

    sa nudit, revtu seulement du corps spirituel, l'Esprit comprend la ncessit

  • d'une autre incarnation pour continuer payer ses dettes et se rapprocher du

    but. Lorsqu'il n'est pas assez volu pour se dcider de lui-mme revenir

    prendre une forme matrielle, on le guide, on l'endort et on choisit pour lui la

    famille o il va venir continuer son volution).

    Les applications de l'occultisme. On voit quel vaste champ, rel ou

    suppos, l'occultisme s'est ouvert. Il embrasse plusieurs sciences.

    I Science des tres normalement invisibles qui nous entourent et de leurs

    rapports avec nous. C'est la pneumatologie (spiritisme).

    2 Science des forces ou puissances mal connues de l'organisme humain,

    dont les manifestations constituent ce qu'on appelle suggestion, hypnotisme,

    magntisme, lectricit animale, etc., e t c . ; c'est une nouvelle physiologie.

    3 Science de l'action du moral sur le physique, prise dans le sens le plus

    tendu; action du moral sur l'organisme et de l'organisme sur les hommes, les

    animaux, les vgtaux, les phnomnes mtorologiques. C'est la magie.

    4 Science de l'action du physique sur le moral, prise aussi dans le sens le

    plus tendu : action des phnomnes mtorologiques sur l'organisme et de

    l'organisme sur le moral. Et comme en dernire analyse, les phnomnes

    mtorologiques sont dus l'action des astres, et particulirement du soleil et

    de la lune, c'est l'astrologie.

    5 Science des transformations molculaires des corps inorganiques et

    organiques. C'est l'alchimie grce laquelle certains occultistes se vantent

    encore aujourd'hui de raliser la fabrication de l'or et celle de l'lixir de longue

    vie.

    Occultisme chrtien. Aprs tout cela, n'est-ce pas une gageure et un

    blasphme de parler d'occultisme chrtien? Tel a t cependant l'objet d'une

    communication de M. Phaneg au Congrs spiritualiste de 1908. Mais on ne

    saurait croire jusqu'o cette audace blasphmatoire est pousse, si nous ne

    citions. Aprs avoir expos que l'occultiste est le reprsentant de la science

    formidable du pass, appuye par une tradition cent fois sculaire qui n'a

    jamais vari sur la Nature, l'Homme et Dieu, il explique que cette science

    morale et divine, ne fait qu'un avec l'Evangile et le christianisme.

    Mais l'Occultisme n'est pas seulement intellectuel. En donnant l'Initi une

    connaissance plus complte de la nature, en le mettant mme de connatre

    la vritable constitution de l'Homme, et de pressentir la source de toute vie et

    de toute lumire, en lui montrant comment la Morale est vivante, comment tout

    est vivant, la Science Occulte dveloppe en lui le ct moral et le ct

    spirituel, et l'homme, alors triplement illumin, dans son cerveau, dans son

  • coeur, dans son me, comprend que seul, l'Abme de Puissance, de Bont, de

    Science absolue, de lumire, le centre crateur de tout ce qui vit et respire,

    peut lui donner la clef universelle de la vie. Voil pourquoi l'Occultisme ne

    mrite rellement ce nom que lorsqu'il est non seulement spiritualiste, mais

    mystique, c'est--dire vivant en Dieu.

    Maintenant, pourquoi l'occultiste vrai a-t-il t et est-il chrtien, ou plutt

    christique? Il y a eu plusieurs courants diffrents partant du tronc unique de la

    Tradition primitive, parce qme si la Vrit est une, les instruments humains

    chargs d'en recevoir les rayons, sont multiples. Mais nous pouvons dire que

    les Initis de notre Race blanche, Gnostiques, Hermtistes, Rose-Croix, se

    sont toujours rattachs au Christ, dans l'Invisible. En voici la raison :

    L'Homme dans son volution douloureuse vers la lumire, n'a jamais t

    abandonn. De tout temps, des Etres divins, des Hommes rgnrs sont

    venus sur terre pour l'aider. Chaque race a eu son Sauveur, son aide : Lao-

    tz, Krischna, les Bouddhas, les Zoroastres, Odin et tant d'autres sont

    descendus du Ciel pour eux. La Race Blanche est venue la dernire sur terre

    et, comme les autres races, elle a eu son Sauveur, son Rvlateur, mais venu

    le dernier, il a t, pour ainsi dire, le Sauveur par excellence, le Sauveur

    central. Il est venu enseigner tout ce que les autres Sauveurs avaient dit et

    aussi ce qu'ils n'avaient pu ou pas voulu dire. Seul, il a pass travers la Mort

    et Fa vaincue. Chacune de ses paroles est devenue un ange vivant qui est

    encore prsent parmi nous, et Lui mme est toujours avec nous et y sera

    toujours, ainsi qu'il l'a promis.

    Ce Sauveur a port parmi nous le nom de Jsus-Christ et son enseignement

    est contenu dans l'Evangile. Or, tout l'Occulte, la Science intgrale des races

    humaines, la morale vivante de toutes les nations, le summum de la science,

    toute la Vrit qui peut tre donne aux hommes, tout cela est contenu dans

    l'Evangile. Comment pouvons-nous l'y trouver? En le vivant chaque jour

    davantage, c'est cela que tous les vrais Initis blancs ont su lire non

    seulement dans le Livre terrestre, mais aussi dans l'Evangile vivant crit dans

    les Cieux de toute Eternit. Voil pourquoi nos grands anctres ont t

    chrtiens. Voil pourquoi les occultistes blancs d'aujourd'hui essaient de l'tre.

    En un mot, Mesdames et Messieurs, l'Occultisme est chrtien parce que les

    enseignements du Christ et ses enseignements rels se confondent :

  • Occultisme et Christianisme sont un mme mot et n'ont qu'un nom, eux

    deux, la Vrit.

    Un pontife de l'occultisme chrtien. Dans ce mme Congrs de 1908, on

    entendit un discours sur le Christianisme sotrique prononc par M.

    Albert Jounet qui peut tre considr comme un pontife de l'occultisme

    chrtien. Lui-mme ne s'est-il pas fait dcerner dans la presse, aprs

    l'Encyclique Pascendi, le titre de chef incontest des catholiques modernistes

    (L'intransigeant, 8 mars 1908)? Ceux-ci trouveraient peut tre un tel chef

    compromettant; on verra cependant tout l'heure qu'il n'est pas sans titre

    cette prtention et qu'il y a entre eux, du moins sur les points de dpart, un

    accord incontestable. Ce n'est pas le ct le moins intressant de la situation.

    M. Jounet, auquel nous ne refusons ni la sincrit de l'enthousiasme et des

    aspirations gnreuses, ni la puissance d'esprit et la fcondit du talent, a pris

    la part la plus active depuis vingt ans un vaste effort qui, sous le nom de

    renaissance spiritualiste, tend une vaste synthse des antiques hrsies

    adapte l'tat actuel de la socit et des sciences modernes. Ecoutons son

    biographe (E. Bellot. A. Jounet et son uvre).

    Comme la plupart des Franais, Albert Jounet est n catholique, mais il

    appartient une famille dont les deux branches, paternelle (Jounet) et

    maternelle (Serre!) taient, dans la majeure partie de leurs membres,

    rpublicains, et cela depuis la premire Rvolution. Il fut donc lev avec une

    grande libert d'esprit. Ses aspirations personnelles le portrent d'assez

    bonne heure au mysticisme, sans paralyser une curiosit clectique qui

    l'intressait simultanment la philosophie, la littrature, aux diffrents arts,

    la sociologie. La passion de la synthse le possda toujours, encore que la

    tendance religieuse restt dominante en lui.

    Le hasard d'une lecture faite quinze ans lui fit dcouvrir l'Esotrisme, la

    Kabbale, le no-spiritualisme, qui le frapprent sans doute par ces deux ides

    : l'une, que les symboles religieux contenaient un sens plus profond, plus

    rationnel que leur lettre extrieure; l'autre, que le monde invisible pouvait se

    manifester l'me non seulement par des conceptions abstraites ou

    imaginatives, mais par une action sensible, exprimentale. Il tudia donc

    avidement et pendant des annes l'Esotrisme, celui bien entendu qui

    demeure attach la mtaphysique thiste et un minimum de croyances

    chrtiennes.

  • Au cours de cette tude, combine d'ailleurs avec d'autres tudes

    philosophiques, esthtiques, etc.. et traverse d'intuitions personnelles, il se

    formait lui diverses conceptions religieuses successives, identiques par le

    sens gnral, distinctes par des nuances; et ces conceptions s'exprimrent

    dans la premire srie de ses livres: L'Etoile sainte (1884), le Royaume de

    Dieu (1887), les Lis noirs (1888), le Livre du Jugement, Ier volume, (la

    cration, la chute) (1889), le Livre du Jugement, 2 volumes (la rdemption)

    (1892), Esotrisme et socialisme (1893), et dans la Revue L'Etoile (1889-

    1895). En toutes ces publications, sauf pour l'Etoile sainte, qui ne renferme

    rien que d'orthodoxe, il tente une rnovation religieuse sans se soucier d'tre

    ou non d'accord avec le Catholicisme, qu'il combat l'occasion.

    Mais, paralllement l'tude abstraite et l'oeuvre littraire, il avait poursuivi

    un effort de relation exprimentale et sensible avec Tau del. Il fut ainsi

    amen faire intervenir dans ses expriences mystiques l'influence des saints

    et de la mystique catholiques. Enfin, pendant une priode de danger pour un

    tre cher, il perut que l'influence invisible venue de l'au-del catholique tait

    suprieure aux autres influences invisibles; ce qui dtermina sa conversion.

    Cependant, converti au Mystre catholique divin, et par une influence directe

    de l'au-del, il ne se rendait point approbateur ni complice des erreurs ou des

    fautes que le catholicisme humain peut avoir commises dans son histoire.

    La preuve eu est qu'il ne renonait pas la rnovation religieuse, seulement il

    la cherchait dsormais dans un catholicisme rnov, qu'il n'a cess de

    prconiser depuis (C'est l une dmonstration par le fait de l'impossibilit de

    concilier l'occultisme avec le catholicisme. Nous en verrons d'autres exemples

    la fin de cette tude). Ce catholicisme devait runir l'enseignement de

    l'Eglise, en ce qu'il a de divin, toutes les gnrosits et vrits modernes.

    Albert Jounet entreprit donc d'riger, sous le nom d'Harmonie Messianique,

    une synthse qui, dresse entre l'Eglise et le monde nouveau, incorporerait

    les vrits modernes aux vrits chrtiennes, mais rejetterait les erreurs de

    l'Eglise et les modernes erreurs. L'Harmonie Messianique est, par

    consquent, la concentration de toutes les vrits dans le christianisme

    intgral et l'adhsion ce christianisme de tous les hommes qui librement

    acceptent d'y adhrer.

    Voici, de la mme plume, le portrait de ce rformateur philosophique et

    religieux, qui est en mme temps un pote. Incarnation brune de Lohengrin,

  • son effigie, d'une patine insolite, encadre de chevelure fine comme une

    ombre, s'allonge anxieuse avec des lignes mues de jeune Christ. Dans cette

    estompe, des yeux plors, mourants, palpitent doux et tendres, ainsi qu'au

    firmament embruni le seraient deux toiles lointaines. Et de cette crature

    manent des effluves attractifs, bienfaisants, qui pntrent, charment, purent,

    sa voix chantante, comme un luth berce doucement et suavement transport

    dans de beaux rves... ralits anticipes d'un avenir qu'il croit meilleur. Dans

    son imprcision insaisissable, nous le voyons l devant nous, prsent par

    l'vocation, nous temprant de sa sagesse, nous stimulant de sa croyance.

    Puisse-t-il nous envoter de lumires et de voyance pour pntrer l'abscons

    merveilleux de son uvre !

    Chaque fois qu'un livre nouveau a man du jeune aptre, des critiques trs

    srieux l'ont admir sans en pntrer toujours l'essence mtaphysique. Eux

    mmes, les initis, ne savent toujours dire ce qu'ils comprennent. Ils

    s'entendent, parat-il, par une intuition attractive, par la sympathie de leurs

    mes, par la langue spirituelle, la seule et vritable langue des parfaits, pour

    eux. Nanmoins, Albert Jounet sait se faire tout tous : aux profanes il sait

    parler la vertu vulgaire, mais sans la moindre vulgarit. Dans sa synthse

    messianique, son jet la force, l'ampleur, la posie des grands matres, et la

    limpidit des pages sublimes d'exgse furent admirablement mises par lui

    la porte de chacun. Tout le monde comprit cette langue, qui n'est point

    pourtant la langue de tout le monde.

    Sa langue est une plume parlante, sa plume est une langue crivante, soit qu'il

    allocutionne un public, soit qu'il articule un priodique. Qu'il prononce des

    confrences l'htel des Socits savantes, qu'il crive des chapitres dans

    son journal, c'est toujours cette pntrante mlodie qui s'pand et qui captive

    lecteurs ou auditeurs. Son succs dans le double apostolat est considrable,

    et on est tout surpris, quelque profane qu'on soit, d'our la vrit, tel l'animal

    qui ne sait pas la musique est charm par les accords d'un instrument.

    Pourtant, il est des heures o le mage dialogue avec un monde suprieur en

    des termes familiers l'au del, mots trangers notre sphre. Ce n'est pas le

    philosophe, mais le pote. De ces confabulations thres rien ne nous arrive

    qu'un bruit de voix dont l'articulation nette nous chappe.

    Son Livre du Jugement, pome en deux gros volumes, est un cho

    d'outremonde devant lequel les plus grands se trouvent les plus petits. L-

  • dedans, dit le kabbaliste Franck, on n'avance que lentement, en appelant

    soi le souvenir, l'esprance et la mditation. C'est ainsi que je me reprsente

    le travail des gnrations recules, lisant, ds leur apparition, les premires

    rvelations crites qu'aient reu.es les hommes. C'est galement de cette

    faon qu'on a d lire les oeuvres philosophiques de Pythagore et de

    Parmnide. Tout cela est trs beau, trs original, trs profond. C'est de la

    kabbale, de l'apocalypse et autre chose encore...

    On comprendra que devant de telles immensits intellectuelles nous ne nous

    hasardions de risquer un vol tmraire, crainte d'en retomber foudroys. Pour

    nous, profanes, de telles hauteurs le vertige s'empare du plus brave; les

    ailes les mieux empennes doivent se dsagrger dans les flammes

    empyres, et comme de malheureux Icares on doit rouler dans les flots

    tumultueux de l'incroyance. C'est la face contre terre qu'on approche de ces

    symboles, ainsi qu'autrefois les patriarches devant le Saint des Saints.

    Gardons-nous donc de cette tmrit. Aussi bien, un simple coup d'oeil

    embrassant le portique du temple nous permettra d'en entrevoir les

    profondeurs.

    Le gros volume que M. Jounet a crit pour rfuter les impies blasphmes de

    Strada sur Jsus-Christ n'est pas une de ses uvres les moins curieuses

    (L'crivain cach sous le pseudonyme de Strada, issu galement d'une famille

    catholique, est mort rcemment. Philosophe, pote et artiste, comme M.

    Jounret, il dploya un immense effort dans la mme uvre de synthse. Ses

    publications sont innombrables. L'esprit humain n'a gure ralis un

    plus parfait chef-d'uvre d'garement. Par une disposition merveilleuse de la

    Providence, et grce aux prires de la sur de Strada, femme vertueuse,

    le prtre qui crit ces lignes a pu pntrer auprs du philosophe mourant et

    retourner vers son Crateur cette me aveugle par un

    incommensurable orgueil) (Jsus-Christ d'aprs l'Evangile, 1900). La prface

    contient une tude de la foi et de ses rapports avec la science qui donne au

    distingu reprsentant d