9
PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli- ger le contact de ceux-ci avec les paysages ruraux ainsi que les éléments ori- ginaux qu’ils y introduisent. Ce contact s’exprime, d’une part, par un front le long duquel se dresse la silhouette de la ville, et d’autre part, par la présence des édifices résidentiels, commerciaux ou industriels qui jalonnent l’auréole périurbaine sur laquelle se dispersent la population et les activités associées à la ville. En cette pério- de actuelle d’urbanisation, cette couronne concentre quelques unes des transforma- tions les plus actives des paysages. Quelques villes s’inscrivent dans les pay- sages par certains traits de leurs silhouettes. Ainsi les villes de promontoire (Avranches, Granville, Domfront, Mortain) dressent des profils qui complètent, de manière caracté- ristique, les aménagements végétaux des éperons qu’elles coiffent. Toute nouvelle construction élevée ou colorée méritera une réflexion relative à cette écriture de la ligne urbaine sur le ciel. D’autres, telles Bayeux, Coutances ou Sées, possèdent des cathé- drales dont les flèches, par leur nombre et leur forme, représentent un signal vertical très fort et même un trait original pour les régions plates qui les entourent. Si leur présence n’est évidemment pas menacée, il convient de veiller à ce que leur effet ne soit pas atténué par d’autres constructions proches. S Des paysages entre villes et campagnes. Entre effets de front et silhouettes urbaines. Ci-contre : L’agglomération de Bayeux dominée par sa cathédrale. R

8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

PAYSAGES PERIURBAINS

799

8. Paysages périurbains

i cet inventaire n’a pas retenu lespaysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci avec les

paysages ruraux ainsi que les éléments ori-ginaux qu’ils y introduisent. Ce contacts’exprime, d’une part, par un front le longduquel se dresse la silhouette de la ville, etd’autre part, par la présence des édificesrésidentiels, commerciaux ou industrielsqui jalonnent l’auréole périurbaine surlaquelle se dispersent la population et lesactivités associées à la ville. En cette pério-de actuelle d’urbanisation, cette couronneconcentre quelques unes des transforma-tions les plus actives des paysages.Quelques villes s’inscrivent dans les pay-sages par certains traits de leurs silhouettes.Ainsi les villes de promontoire (Avranches,Granville, Domfront, Mortain) dressent desprofils qui complètent, de manière caracté-ristique, les aménagements végétaux des éperons qu’elles coiffent. Toute nouvelle

construction élevée ou colorée méritera uneréflexion relative à cette écriture de la ligneurbaine sur le ciel. D’autres, telles Bayeux,Coutances ou Sées, possèdent des cathé-drales dont les flèches, par leur nombre etleur forme, représentent un signal verticaltrès fort et même un trait original pour lesrégions plates qui les entourent. Si leurprésence n’est évidemment pas menacée, ilconvient de veiller à ce que leur effet nesoit pas atténué par d’autres constructionsproches.

S

Des paysages entre villes et campagnes. Entre effets de front et silhouettes urbaines.

Ci-contre : L’agglomération de Bayeuxdominée par sa cathédrale.

R

Page 2: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

LES UNITÉS DE PAYSAGE

800

Les villes et la topographie.

Les villes de vallée se nichent dans les replis du relief et n’apparaissent que par leursextensions récentes.

Ci-contre : Livarot, niché au creux de la vallée de la Vie.

ais d’une manière plus générale, lecontact des agglomérations urbaines

avec la campagne dépend de leur positiontopographique. Les villes de vallées se dis-simulent ; elles n’apparaissent que dansl’axe du couloir ou quand leurs extensionsrécentes débordent sur les plateaux. Parcontre, les villes de plaine offrent presquecomplètement leur silhouette aux regardsdes alentours et l’ajoutent à ces paysages.

Saint-Lô et Lisieux, jusqu’à une date récen-te, ne se détachaient pas sur les paysagesdes plateaux. On n’en découvrait lesformes et les couleurs qu’en descendant lesversants du Torteron et de la Dollée pourl’une, de la Touques et de l’Orbiquet pourl’autre. Pour Saint-Lô, la vallée de la Vire,étroite et sinueuse, ne ménageait même pasde vues profondes dans son axe. Lisieux,dans cette perspective, mettait mieux en

valeur les flèches de Saint-Pierre et la sil-houette de la basilique grâce à la largeur etau tracé rectiligne de la vallée de laTouques. Depuis, elles ont gagné les pla-teaux, Lisieux, vers l’est, par le grandensemble de Hauteville et les autres bâti-ments de la foire exposition et des com-merces de la route de Paris, Saint-Lô, plusdiscrètement, par des édifices des organisa-tions agricoles, les zones d’activités de laCapelle et La Chevalerie, les lotissementsd’Agneaux. Le phénomène s’accélère avecla construction des rocades périphériquesqui attirent les localisations industrielles(ouest de Lisieux, ouest et sud de Saint-Lô).Cependant, la modestie des bâtiments deces extensions, combinée à l’aménagementbocager des plateaux, atténue beaucoupleur empreinte sur les paysages périur-bains.

M

R

Page 3: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

PAYSAGES PERIURBAINS

801

Ci-contre : Vers le sud, les collectifsd’Octeville à l’assaut du coteau.

Ci-contre : Le quartier des bassins et l’avant-port.

Ci-contre : L’agglomération et ses extensionsest, depuis les hauteursd’Octeville.

L’insertion paysagère de l’agglomération cherbourgeoise, vue depuis la grande rade.

R

Page 4: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

LES UNITÉS DE PAYSAGE

802

Cherbourg, ville d’amphithéâtre littoral, serattache au même type. Jusqu’à laconstruction de la ZUP des Provinces àOcteville et de la zone commerciale de laGlacerie, la ville était invisible depuis les

Les villes de plaine, silhouettes claires posées sur le paysage rural.

plateaux du Cotentin septentrional. Parcontre, du littoral, et surtout de la GrandeRade, la ville déploie de part et d’autre dela tranchée de la Divette les traits origi-naux de son profil de Querqueville àTourlaville : lourds bâtiments de l’Arsenalet de la gare maritime, tours des nouveauxquartiers et flèches des églises de la partiecentrale, pavillons et petits immeublesmontant de l’étroite plaine côtière sur lespentes les moins raides, tandis que la digueextérieure, ponctuée de ses forts, habillel’espace maritime. Les industries de laHague ont favorisé une dissymétrie de l’airepériurbaine qui s’affirme plus vigoureuse-ment vers l’ouest, soit le long du littoraljusqu’à Urville, soit le long des routes prin-cipales.Les villes de plaine agissent sur les paysagesenvironnants, à la fois par les élémentscaractéristiques de leurs silhouettes, facile-ment visibles par les contours de leurslimites extérieures, et par les formes qu’ellesdispersent sur la campagne voisine.Alençon, dont une partie de l’aggloméra-tion est en dehors de la Basse-Normandie,est pénétrée par la vallée de la Sarthe, assezlarge en amont, plus étroite à l’aval, qui aéchappé aux constructions en dehors dunoyau central. Ce couloir, très arboré,n’ouvre pas de perspective intérieure maissépare les deux avancées urbaines, enpavillons et rares petits immeubles blancs,de Saint-Germain-du-Corbeis et de Hertré.La face septentrionale résulte d’une combi-naison complexe de coulées arboréesaccompagnant les vallons de la Briante, duLondeau et du ruisseau de Cuissai quiconvergent vers la ville, de fronts urbains,bien typés seulement pour la zone indus-trielle nord et le domaine universitaire deDamigni, et d’espaces agricoles découvertsqui s’avancent en golfes (nord de LaBoissière, Valframbert) ou s’intercalententre Les Fourneaux, Damigni et la zoneindustrielle. Celle-ci se repère par un triode châteaux d’eau en forme de verres àpied, qu’on retrouve également au sud, àSaint-Patrice.

Ci-dessous : La Cathédrale de Sées, un signaldans le paysage.

Ci-dessous : L’agglomération d’Argentan etses lotissements périurbains.

R

Page 5: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

PAYSAGES PERIURBAINS

803

Agglomération urbaine la plus importante(200 000 habitants en 1999), Caen a crééles contacts les plus variés avec les cam-pagnes proches. Ville de la vallée de l’Orne,elle se développe au pied du versant de rivegauche, de l’abbaye aux Hommes à la rueBasse, et à Vaucelles sur le versant sud-est,avant de joindre ces deux éléments par lequartier de l’Ile Saint-Jean. Les grandsmonuments anciens sont là, plantéspresque au niveau de la mer. Des quartierspavillonnaires montèrent sur le plateauoriental pendant l’Entre-Deux-Guerres.Mais après 1960, une couronne de hautsimmeubles collectifs est érigée en périphé-rie (Z.U.P. de la Guérinière, de la Grâce de

Caen, un essai de lecture de la ville. Autour de l’agglomération s’étendent plusieurs types de paysages périurbains.

Dieu, du Calvaire Saint-Pierre, ville nou-velle d’Hérouville Saint-Clair) et dresse dessilhouettes massives ou hérissées de toursau-dessus des plaines voisines du sud et dunord. La ville s’est dotée également d’unsignal emblématique, le parallélépipède deciment du Centre Hospitalier Universitaire,haut de 93 mètres, visible à 20 kilomètresà la ronde et dont le rôle paysager écrasede beaucoup le seul vestige conservé deshauts fourneaux de Mondeville, la tourronde de réfrigération. Autour de l’agglo-mération se succèdent des types de paysagespériurbains assez différents les uns desautres :

Ci-contre : Depuis Colombelles, les repèresde l’agglomération caennaise :tour de la SMN, le C.H.U et lechâteau d’eau d’Hérouville.

Les limites de l’agglomération

Ci-dessus : La silhouette de l’usine deMondeville avant la démolition.Croquis P. Girardin.

R

Page 6: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

LES UNITÉS DE PAYSAGE

804

Ci-dessus : Le talus de l’ancien chemin de fer minier qui, pendant longtemps, constitua un rempartoriental de la ville.

La vallée de l’Orne, événement majeur dans le paysage urbain.

1- Vers l’ouest, des contacts en coulissessont dessinés par des apophyses urbainesou rurales de sens opposés. Le long de laRN.13 et de la voie ferrée Paris-Cherbourg,de Carpiquet à Bretteville-l’Orgueilleuse,une large bande d’entrepôts commerciauxet industriels est projetée vers l’ouest. Uneautre digitation de résidences villageoisesou pavillonnaires accompagne la D.675 dela même manière de Bretteville-sur-Odon àMouen. Plus courte, celle de Cussy etAuthie s’étoffe sans cesse de lotissementsde pavillons. Entre ces avancées demeurentdes golfes de campagnes nues, couverts devastes champs de céréales et de plantesindustrielles, et l’aérodrome de Carpiquetque ponctuent seulement quelques raresfermes isolées, l’abbaye d’Ardenne et lesbâtiments militaires de l’aéroport. Mais le plus remarquable et le plus pro-fond de ces golfes, puisqu’il atteint le cœurde la ville, est la vallée de l’Orne dont lelarge fond plat a été préservé de construc-tion par les inondations et le classement,dès la reconstruction, en zone non aedifi-candi. Dans cette coulée de verdure, lesprairies, qui laissent ouverte une longueperspective de vision, l’emportent sur lesrideaux d’arbres.

2- Au nord-ouest, la banlieue des villagesélargis de lotissements est trouée de clairièresde champs ouverts d’un diamètre maximalde deux kilomètres dont la périphérieconquérante de pavillons, de hangars

agricoles, de parcs, de bosquets ou de haiestend à les réduire et menace de détruire lerelatif équilibre actuel.

3- Au nord, le front urbain prend soit l’as-pect d’un front boisé étoffé d’une frangebocagère au Bois de Lébisey, soit d’un arcde pavillons au-dessus du long versant nuet en pente douce qui descend jusqu’au tal-weg du Dan souligné de ses bois de rivegauche.

4- La vallée septentrionale, au double tracéde l’Orne et du canal maritime, est unmélange de bâtiments industriels, de réser-voirs d’hydrocarbures, d’équipements por-tuaires et de prés que surmonte le viaducaérien de Calix.

5- Le long des deux tiers orientaux, laplaine de grande culture affronte brutale-ment la bordure urbaine faite de pavillonsbas (Giberville-Démouville et Ifs) ou qui semasque derrière le remblai de l’ancien che-min de fer minier semblable à un rempart.Les vastes horizons y sont cependant ani-més par les nombreux pylônes des lignesélectriques à haute tension qui dansent surla plaine.Quelques repères très visibles ponctuentcette auréole : la tour de télécommunica-tions de Saint-Contest au nord-ouest et lacheminée de la cimenterie de Ranville àl’est, les châteaux d’eau de la Guérinière etde Mondeville.

R

Page 7: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

PAYSAGES PERIURBAINS

805

Ci-dessus : L’urbanisation au nord de Caen.Luc-sur-mer.

La ville imprime sa marque sur la campagne.

Partout les villes introduisent dans leurauréole rurale des éléments paysagers quiles marquent plus ou moins profondé-ment. Les plus importants sont lesconstructions résidentielles que le défautd’imagination architecturale et le rôle desconstructeurs industriels ont banalisé sousla forme de pavillons aux crépis clairs, parfois ocres et aux toitures mélangéesd’ardoises bleues et de tuiles rouges. Cesnouveaux bâtiments tendent à effacer lescaractères locaux si variés qui existaient enBasse-Normandie.Leur rôle paysager dépend de leur nombre,car ils peuvent se présenter groupés en

lotissements qui élargissent les centres vil-lageois et renforcent leur image, ou sediluer en touches discrètes lorsqu’ils sontdispersés au long des voies de communi-cation. Leur disposition obéit à des attrac-tions préférentielles, vers la mer pourCaen, sur l’adret de la retombée de la forêtd’Ecouves pour Alençon. Mais cespavillons s’accompagnent aussi d’un décorvégétal à feuillage persistant étranger, dû àl’emploi systématique de haies de laurierset de faux cyprès. D’une manière plusexceptionnelle, ces auréoles périurbaineslocalisent des vergers basses-tiges encueillette directe.

R

Page 8: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

LES UNITÉS DE PAYSAGE

806

Les enjeux.

L’enjeu essentiel pour ces paysages est l’in-terpénétration des formes urbaines et del’espace rural, cultivé et végétal. Dans lesplaines découvertes, on peut identifierquatre difficultés.

Les villages anciens étaient entourés d’unecouronne de prés enclos dont les haies ren-daient très évidente la lecture de cet élé-ment paysager sous la forme d’une lignearborée d’où émergeaient toitures et clo-chers. Or, trop souvent, les lotissements depavillons sont plantés sur la plaine sansécrin végétal, tels des ensembles bâtisincongrus.

Le maintien d’un caractère rural, recherchépar les nouveaux habitants, exige qu’unéquilibre soit conservé entre espaces bâtiset espaces agrestes. L’opposition entre cesdeux espaces risque d’être altérée par

l’érection au milieu des champs, soit d’ha-bitations isolées, soit de bâtiments agricolesrejetés du centre des villages.

Les zones d’activité négligent complète-ment leur contact avec l’espace agricole etle réduisent à une publicité criarde et dis-parate le long des routes.

En pays bocager, où la dispersion des nou-velles habitations est plus fréquente et s’in-tègre mieux dans les paysages, l’enclos devégétaux exotiques serait heureusementamélioré par l’emploi des arbustes de laflore indigène à feuilles caduques. Si tradi-tionnellement certains conifères ou palmiersont été plantés près des habitations, cen’était que sous la forme d’un ou deuxarbres dont la silhouette originale se dres-sait comme un repère.

Ci-contre : Le processus d’altération desfigures villageoises : en haut, état initial, le village et son écrin de pâtures closes de haies et de vergers. En bas, état actuel, un «écrin»fait de pavillons.Croquis : P. Girardin.

R

Page 9: 8. Paysages périurbains€¦ · PAYSAGES PERIURBAINS 799 8. Paysages périurbains i cet inventaire n’a pas retenu les paysages urbains, il ne peut négli-ger le contact de ceux-ci

PAYSAGES PERIURBAINS

807

Ci-dessous : Lotissement en périphérie caennaise à Cuverville.

R