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SÉCURITÉ SOCIALE 6/1999 Revue de l’Office fédéral des assurances sociales Dossier «La réadaptation prime la rente» : simple slogan ou objectif réalisable ? Santé publique La jurisprudence du Conseil fédéral en matière de liste des hôpitaux Politique sociale L’OFAS sur Internet

6/1999 - bsv.admin.ch · Jurisprudence et pratique administrative de l’assurance-maladie et accidents l’ensemble des décisions importantes rendues par le Tribunal fédéral des

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1999

Revue de l’Office fédéraldes assurances sociales

Dossier

«La réadaptation prime la rente» :simple slogan ou objectif réalisable ?

Santé publique

La jurisprudence du Conseil fédéralen matière de liste des hôpitaux

Politique sociale

L’OFAS sur Internet

E d i t o r i a lC H S S No 6 – n o v e m b r e / d é c e m b r e 1 9 9 9

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«Le principe de la primauté de la ré-adaptation sur la rente est en dan-ger !», «les employeurs se soustraient à leurs responsabilités sociales» ou«l’administration nous mijote une révi-sion de l’AI bien maigre» … voilà ceque l’on entend dire un peu partout.

Et pourtant, les articles réunis dansce numéro témoignent, d’un côté, quel’AI est bien plus efficace qu’on ne lesuppose et, de l’autre, que cette assu-rance est tributaire de la motivation etde l’engagement des employeurs, desorganisations privées et des institu-tions. Il est donc réjouissant de consta-ter que les choses bougent à ce niveau.Les initiatives doivent cependant êtreencore plus engagées en faveur deshandicapés psychiques. Ce sont eux,en effet, dont le nombre est en fortehausse dans notre société, eux encorequi se heurtent à de grandes difficultésdans leur intégration professionnelle.

Revenons au principe de l’AI «la réadaptation prime la rente». Il n’im-plique pas seulement une réadaptationprofessionnelle, mais aussi une inté-gration dans la société. Or l’AI disposeavec les «prestations collectives» d’unoutil la favorisant : l’OFAS souhaite ini-tier dans ce secteur un projet pilote quiconcerne plus particulièrement le sou-tien financier des organisations de l’aide privée aux invalides. Ce projetconsisterait donc à introduire un sys-tème de bonus pour les entreprises quiengagent des personnes handicapées.Nous vous tiendrons au courant desexpériences faites à ce sujet.

Mais «la réadaptation prime la rente» est également un principe quisuppose un intense travail de commu-nication. Il s’ensuit qu’une informationconstante et exhaustive des em-ployeurs, des collègues et des per-sonnes handicapées sur les possibili-tés concrètes de soutien mises à dis-position par l’AI et les organisationsprivées, joue un rôle phare.

Aussi j’espère vivement que ladeuxième tentative sera la bonne etque nous réussirons à convaincre leParlement de la nécessité de mettredes moyens financiers à la dispositionde ce domaine.

Beatrice Breitenmoser, sous-directrice

Chronique octobre/novembre 1999 : L’essentiel en bref 285–286Panorama 287Dossier «La réadaptation prime la rente» : simple slogan ou objectif réalisable ? 288–307Pourquoi y a-t-il de plus en plus de rentiers AI ? 288–292

Mesures visant à promouvoir l’emploi de personnes handicapées 293–294

Jeter des ponts entre employeurs et personnes handicapées 295–296

Intégration au sein d’une entreprise de construction 297–298

Améliorer la position des personnes handicapées sur le marchédu travail 298–299

Ateliers protégés: une chance de réinsertion professionnelle 300–301

Mesures relatives au marché du travail 302–303

Jost Gross, conseiller national : Incitations économiquesà la réinsertion des personnes handicapées 304–305

Marc F. Suter, conseiller national : C’est la qualification qui estdéterminante, et non le handicap 306–307

PrévoyanceLe nouveau droit du divorce et la prévoyance professionnelle :aperçu des modifications légales 308–311

Les effets macroéconomiques du projet de 11e révision de l’AVS 312–314

Santé publiqueL’OFAS renforce la surveillance des assureurs-maladie 315–317

La jurisprudence actuelle du Conseil fédéral en matière de listedes hôpitaux 317–321

Politique socialeCotisations, primes et prestations: ce qui change en l’an 2000 322–323

L’OFAS sur Internet 324–325

InternationalCombattre l’exclusion au Canada et en Suisse 326–329

ParlementInterventions parlementaires 330–334Législation: les projets du Conseil fédéral 332

RubriquesCalendrier (réunions, congrès, cours) 334Bibliographie 335Statistique des assurances sociales 336–337Chiffres repères dans la prévoyance professionnelle 338Sommaire 1999 de la «Sécurité sociale» (CHSS) 339–340

EditeurOffice fédéral des assurances sociales

RédactionRené Meier (me), tél. 031 / 322 91 43

Les opinions émises par des auteurs extérieursà l’OFAS ne reflètent pas forcément celles dela rédaction ou de l’OFAS

Commission de rédactionWally Achtermann, Jürg Blatter, Jean-Marie Bouverat, Daniela Foffa, Géraldine Luisier, Claudine Marcuard, Stefan Müller, Christian Sieber, Jacoba Teygeler

Abonnements et renseignementsOffice fédéral des assurances sociales (OFAS)Effingerstrasse 31, BerneTéléphone 031 / 322 90 11Téléfax 031 / 322 78 41

Traductionen collaboration avec le service linguistique del’OFAS

Reproduction d’articlesseulement avec l’autorisation de la rédaction

Tirageversion allemande 6400 ex.version française 2700 ex.

Prix de l’abonnementpour 1 année (6 numéros): Suisse fr. 53.– + 2,3 % TVA, étranger fr. 58.–Prix à l’exemplaire fr. 9.–

DistributionOFCL/EDMZ, 3003 Berne,www.admin.ch/edmz

ImpressionCavelti AG, Wilerstrasse 73, 9201 Gossau SG

ISSN 1420-2689

S É C U R I T É S O C I A L E ( C H S S )

Nouvelles publications ayant trait aux assurances sociales

Distribution*No de commandeLangues, prix

Mémento AVS/AI «Modification au 1er janvier 2000 1.2000, f/d/i**dans le domaine des cotisations et des prestations»

Mémento «Cotisations des indépendants à l’AVS, à l’AI 2.02, f/d/i**et aux APG», état au 1er janvier 2000

Mémento «Cotisations des personnes sans activité lucrative 2.03, f/d/i**à l’AVS, à l’AI et aux APG», état au 1er janvier 2000

Mémento «Cotisations dues à l’assurance-chômage», 2.08 f/d/i**état au 1er janvier 2000

Mémento «Cotisations des étudiants à l’AVS, à l’AI et aux APG», 2.10 f/d/i**état au 1er janvier 2000

Mémento AVS/AI/APG/AC «Obligations de cotiser 2.11 f/d/i**sur les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail ou d’intempéries»*, état au 1er janvier 2000

Mémento «AVS/AI facultative des Suisses à l’étranger», 10.02 f/d/i/e/s**valable dès le 1er janvier 2000

Mémento AVS/AI «Réfugiés et apatrides», 11.03, f/d/i/e**état au 1er janvier 2000

Forschungsbericht Nr. 7/99: Invalidenversicherung : Europäische *Entwicklungstendenzen zur Invalidität im Erwerbsalter. Band 1 318.010.7/99 d(Vergleichende Synthese) Fr. 13.30

Forschungsbericht Nr. 8/99: Invalidenversicherung : Europäische *Entwicklungstendenzen zur Invalidität im Erwerbsalter. Band 2 318.010.8/99 d(Länderprofile) Fr. 21.70

Tables des rentes 2000. Détermination de l’échelle des rentes. *Valable pour l’an 2000 318.117.001 fd

Fr. 6.–

AVS/AI/APG/AC : 6,55 % cotisation sur le salaire déterminant *jusqu’à Fr. 8900.–. Table auxiliaire sans force obligatoire. 318.112.1 fdiValable dès le 1er janvier 2000

AVS/AI/APG/AC : Conversion des salaires nets en salaires bruts. *Valable dès le 1er janvier 2000 318.115 df

Fr. 1.10

Informations pour les médecins au sujet de l’assurance-invalidité *fédérale. Edition 1999 318.519.02, f/d/i

Les lois cantonales en matière d’allocations familiales : La juris- *prudence des autorités cantonales de recours de 1995 à 1997 318.802.11 dfi

Fr. 14.–

Statistique de l’AI 1999 de la série Statistiques de la sécurité sociale *318.124.99 f

* OFCL/EDMZ, 3003 Berne, www.admin.ch/edmz; tél. 031 / 325 50 50, fax 031 / 325 50 58

** A retirer auprès des caisses de compensation AVS/AI ou des offices AI

La revue «Sécurité sociale» (CHSS)assure depuis 1993 une information continue dans le domaine de la politique sociale et développe danschacun de ses numéros un dossier d’actualité. La CHSS a traité depuis 1996 les dossiers suivants :

No 1/96 Sécurité sociale dans le mondeNo 2/96 L’adaptation des rentes de l’AVS et de la prévoyance professionnelle à l’évolution économiqueNo 3/96 Prévoyance professionnelle : comparaison des systèmes américain et suisseNo 4/96 Le rapport du groupe de travail interdépartemental «Perspectives de financement

des assurances sociales»No 5/96 La 10e révision de l’AVS à la veille de son entrée en vigueur No 6/96 Sécurité sociale : état des lieux

No 1/97 Revenu minimumNo 2/97 L’assurance-maladie entrée en convalescence ?No 3/97 Changements à la tête de l’OFAS : Bilans et évaluationsNo 4/97 Assurance-maternité / 4e révision de l’assurance-invaliditéNo 5/97 Les soins de longue durée en Suisse et leur financementNo 6/97 50 ans de l’AVS – 25 ans du concept des trois piliers

No 1/98 Où en sommes-nous après deux ans de LAMal ?No 2/98 VIH/Sida et les assurances socialesNo 3/98 Nouvelles formes d’emploi et les assurances socialesNo 4/98 Réflexions sur une nouvelle fixation de l’âge de la retraiteNo 5/98 Les propositions du Conseil fédéral concernant la 11e révision de l’AVS et la 1re révision LPPNo 6/98 Le logement des personnes âgées

No 1/99 Les 50 ans de l’AVS : rétrospective et perspectivesNo 2/99 Sécurité sociale et solidaritéNo 3/99 Réglementation de la sécurité sociale dans l’accord avec l’Union européenne

sur la circulation des personnesNo 4/99 La retraite des femmes : situation présente, défis futursNo 5/99 Coordination entre l’assurance-invalidité, l’assurance-chômage et l’aide socialeNo 6/99 La réadaptation prime la rente : simple slogan ou objectif réalisable ?

Les numéros de la CHSS (à l’exception du 1/93) sont toujours disponibles.Prix à l’exemplaire: 9 francs. Ceux parus entre 1993 et 1998 sont disponibles jusqu’à épuisement du stockau prix spécial de 5 francs. L’abonnement annuel est maintenu au prix de 53 francs (+2,3 % de TVA).

Commande :Office fédéral des assurances sociales, «Sécurité sociale» (CHSS), 3003 Berne,tél. 031 / 322 90 11, fax 031 / 322 78 41

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Pour vous tenir informé de la juris-prudence la plus récente en matière

d’assurance-maladie et accidents, l’Office fédéral des assurances sociales

publie dans la revue

RAMAJurisprudence et pratique administrative

de l’assurance-maladie et accidents

l’ensemble des décisions importantesrendues par le Tribunal fédéral

des assurances, le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral.

Publié 5 à 6 fois par an

Abonnement annuel :fr. 27.–

Commande :OFASEffingerstrasse 313003 Bernetél. 031 / 322 91 12fax 031 / 322 90 20(aussi : numéro specimen)

288 Sécurité sociale 6/1999

Situation de départ

Les dépenses de l’AI, dont les rentesforment le poste principal, augmen-tent depuis longtemps de manièreconstante. De 1988 à 1999, lenombre de bénéficiaires de rentesAI résidant en Suisse a augmenté de4 % en moyenne par an, une crois-sance qui a légèrement ralenti de-puis 1995. Environ un tiers de cettehausse est liée à la modification de lastructure d’âge de la population. Lesdeux autres tiers sont en relationavec une augmentation du risqued’invalidité (soit la probabilité qu’unepersonne devienne invalide et touche

une rente) ainsi que l’allongementde la durée de versement des rentes,vu que l’âge moyen des bénéficiairesqui touchent pour la première foisune rente est de plus en plus bas (1).

La probabilité de devenir inva-lide a augmenté dans toutes lesclasses d’âge. En chiffres absolus, lespersonnes de plus de 60 ans repré-sentent le plus grand risque de deve-nir invalides. Mais le groupe de per-sonnes dont le risque a augmenté dela manière la plus marquée est celuides 30 à 44 ans. Le risque élevé d’in-validité dans les classes d’âge inter-médiaires implique une diminutionde l’âge moyen des personnes qui

touchent pour la première fois unerente et une augmentation de la du-rée des rentes AI. (2)

Questions

L’augmentation décrite ci-dessussuscite naturellement l’inquiétude.L’AI se trouve depuis un certaintemps déjà dans une situation finan-

«La réadaptation prime la rente» :simple slogan ou objectif

réalisable ?Depuis le début des années 90, le nombre de rentiers et de rentières AI a massivement augmenté. Même s’iln’est pas possible d’établir un lien direct entre le chômage et l’invalidité, les deux assurances ont sansconteste évolué en parallèle. D’où la nécessité évidente, confirmée par les expériences de ces dernières années, de poursuivre les efforts de réintégration des personnes handicapées, afin que le principe de l’AI«la réadaptation prime la rente» ne se concrétise pas qu’en période de haute conjoncture. Les articles réunis dans ce dossier analysent la situation actuelle, présentent les efforts déjà consentis etcontiennent des propositions et des projets visant à augmenter le taux de réussite de la réadaptation.

Pourquoi y a-t-il de plus en plusde rentiers AI ?

Le nombre des personnes qui touchent une rente AI augmentecontinuellement. Les spéculations vont bon train sur lescauses de ce phénomène, que l’OFAS s’efforce ici de mieuxcerner à l’aide de diverses études tant quantitatives que quali-tatives. Nous résumons ci-dessous l’état des connaissancesactuelles et indiquons les étapes à venir.

Beatrice BREITENMOSER, sous-directrice de l’OFAS, cheffe de la division Assurance-invalidité; Daniela FOFFA, Kathrin GUGGISBERG,Carmen ROUILLER, ainsi que François DONINI et Bruno NYDEG-GER LORY, OFAS

Le dossier«La réadaptation prime larente» : simple slogan ouobjectif réalisable ?réunit les articles suivants :• Pourquoi y a-t-il de plus en

plus de rentiers AI ?• Mesures d’incitation à l’emploi

des personnes handicapées• Jeter des ponts entre em-

ployeurs et personnes handi-capées

• Intégration au sein de l’entre-prise

• Fondation profil : améliorer laposition des handicapés sur lemarché du travail

• Réinsertion au sein des ate-liers protégés

• Que fait l’AC pour les handi-capés ?

• Incitations économiques à laréinsertion (Jost Gross, con-seiller national)

• Agir pour eux ! (Marc F. Suter,conseiller national)

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cière déséquilibrée. D’une part, lescotisations ne couvrent plus les dé-penses ; d’autre part, le recours à denouvelles sources de financementest une démarche politiquement trèscontroversée. Il est donc importantde fonder le débat politique sur desinformations et sur des explicationssolides.

Que recouvre l’augmentation ob-servée ? L’AI dispose-t-elle encored’une marge de manœuvre inutilisée ?

Faut-il incriminer le chômage ?

Compte tenu de l’évolution écono-mique des dernières années, on esttenté de croire à l’existence d’un lienentre le chômage et l’invalidité.

De 1985 à 1995, la probabilité dedevenir rentier AI pour une person-ne non invalide en âge de travailler(incidence) a subi une hausse d’envi-ron 30 % (2). Elle varie fortementselon les cantons. Il s’avère en géné-ral que les cantons à forte incidenceaffichent également un taux de chô-mage élevé (voir OFIAMT, «La si-tuation sur le marché du travail», dé-cembre 1995). Inversement, les can-tons dont le nombre d’invalides estinférieur à la moyenne bénéficientd’un faible taux de chômage (ill. 1).

Il existe bien un certain parallé-lisme entre le taux de chômage et laprobabilité de devenir invalide, maisles liens sont plus compliqués dansles faits.

Le chômage a certes une influen-ce sur le nombre de bénéficiaires derentes AI, mais dans une moindremesure qu’on ne le pense générale-ment.

Le nombre de chômeurs arrivanten fin de droits était en forte aug-mentation jusqu’en 1994, mais lepourcentage de ceux qui, par la suite,ont obtenu une rente AI dans un délai de 2 ans est resté stable – à unpeu plus de 2 % (ill. 2).

Cela réfute la thèse d’une crois-sance du nombre de bénéficiaires derente AI imputable à un passagequasi institutionnalisé du chômeuren fin de droits à l’AI (2). On pour-rait cependant objecter que le lapsde temps considéré par l’étude (soit2 ans) est trop court pour saisir l’im-pact du chômage de longue durée.

Effet du rattrapage par lesfemmes ?La part des femmes dans le nombredes nouveaux bénéficiaires de rentes

Les connaissances actuelles se fondent sur les évaluations et les étudessuivantes :(1) OFAS, N. Eschmann, F. Donini, «Le chômage conduit-il à l’invali-

dité ?», Sécurité sociale 6/1995 p. 321–324.(2) OFAS, F. Donini, N. Eschmann,«Quelques raisons à l’augmentation

du nombre de bénéficiaires de rentes AI», Sécurité sociale 4/1998p. 202–207.

(3) Evaluation par l’OFAS de l’étude Interface (voir [4]), F. Donini, 1998.(4) Interface, «Die ärztliche Beurteilung und ihre Bedeutung im Ent-

scheidverfahren über einen Rentenanspruch in der Eidg. Invaliden-versicherung», 1999 (OCFIM, n° 318.01.6/99 d).

(5) OFAS, M. Buri, «Statistische Wirkungsanalyse der beruflichenMassnahmen», 1999.

(6) C. Prinz (Europäisches Zentrum für Wohlfahrtspolitik und Sozialfor-schung); «Invalidenversicherung. Europäische Entwicklungstenden-zen zur Invalidität im Erwerbsalter», 1999 (OCFIM, n° 318.010.7/99 d).

Les analyses (1), (2), (3), (5) et (6) sont basées sur une exploitation quan-titative des données d’assurances disponibles. Par contre l’étude (4) estune analyse qualitative fondée sur 45 entretiens avec des experts et l’éva-luation de 90 dossiers d’assurés provenant de 9 cantons.

Taux de chômage et incidence en 1995

Les cantons à forte incidence (probabilité de devenir invalide) ont aussi un tauxde chômage élevé.

Nombre de personnes sans activité lucrative arrivant en fin de période de chômageProportion de celles qui ont obtenu une rente AI après le chômageProportion de celles ayant bénéficié d’une rente AI avant de connaître le chômage

Bien que le nombre de personnes sans activité lucrative ait fortement augmentéde 1991 à 1994, le nombre de nouveaux invalides n’a pas crû dans les mêmesproportions.

Personnes en fin de période de chômage bénéficiantd’une rente AI, de 1988 à 1994 (en pour-cent)

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290 Sécurité sociale 6/1999

AI a augmenté. Si 34 % des nou-veaux bénéficiaires de rentes étaientdes femmes en 1985, en 1995 ellesreprésentaient déjà 37 % des nou-velles entrées dans l’AI. Il restequ’en chiffres absolus, les femmesperçoivent moins souvent une renteAI que les hommes.

L’augmentation du nombre defemmes exerçant une activité lucra-tive pourrait expliquer ce phéno-mène : le taux d’activité des femmesen 1985 est de 36,3 % et en 1995 de42,3 % (Annuaire statistique 1997de l’OFS p. 107).

Evolution de la notion de maladieLa maladie, par opposition aux acci-dents et aux infirmités congénitales,est la première responsable des nou-veaux cas de rentes. Les atteintesaux os et aux organes locomoteursainsi que les maladies psychiquessont des causes d’infirmité toujoursplus fréquentes (voir ill. 4). Si, en1985, 5 rentes sur 10 étaient liées àl’un de ces groupes d’infirmités, déjà6 sur 10 l’étaient en 1995 (2).

La notion de maladie sur laquelleles médecins se basent se modifie.Ainsi, les diagnostics récents tien-nent-ils de plus en plus compte desconditions psychiques et sociales,ainsi que de leurs effets. Ce phéno-mène est particulièrement net dansle cas du diagnostic des maladiespsychiques, où le jugement du mé-decin se base surtout sur les dires dupatient (4).

Tout comme les médecins, les as-surés réagissent avec une sensibilitéaccrue aux facteurs psychiques et so-ciaux de leur environnement (4).

On constate en outre que lenombre de psychiatres en pratiqueprivée a fortement augmenté. Si,entre 1986 et 1995, le nombre totalde médecins FMH en pratique pri-vée a crû de 35 %, la hausse était de72 % parmi les psychiatres (voir Sta-tistique médicale FMH, parue dansBMS, 1987, n° 46 p. 2001 et dansBMS, 1996, n° 15 p. 615).

Les maladies psychiques ne sontplus un sujet tabou. Sans doute aussiles médecins disposent-ils dans cedomaine de moins de critères objec-tifs. Certes, toutes les maladies psy-chiques ne mènent pas forcément àl’invalidité. De nombreuses ques-tions demeurent néanmoins ou-vertes. L’AI serait-elle confrontée àune évolution des mentalités qui

mène à une banalisation du recoursaux prestations ? Quelle est l’in-fluence concrète de la forte augmen-tation que l’on observe dans l’offrede soins psychiques ambulatoires ?Les personnes atteintes de maladiespsychiques sont-elles moins bien to-lérées et plus fragiles sur le marchédu travail ? Les causes sont-elles denature sociale plutôt que médicale ?

Partialité du corps médical ?

Pour chaque demande de rente, lesoffices AI sont tenus de faire évaluerpar les médecins traitants l’aptitudeau travail du patient et ses possibili-tés restantes d’exercer une activitélucrative. Or la qualité des rapportsdes médecins de famille est souventjugée insuffisante par les offices AI.Les praticiens, en effet, portent surleurs patients un jugement globalqui ne correspond pas aux informa-tions nécessaires à l’assurance. Ils neconnaissent pas assez les exigencesliées aux différentes places de tra-vail, ils manquent de critères précispermettant de mesurer la capacitéde travail, leurs connaissances dansle domaine de la médecine du travailsont restreintes. En outre, il y a denombreuses confusions entre les di-verses notions de capacité de travail,de capacité de gain et de taux d’inva-lidité. Tous ces éléments font que lesoffices AI se fondent de moins enmoins sur les seuls rapports des mé-decins de famille. Ils demandenttoujours plus d’expertises médicales,malgré la pénurie d’experts compé-tents et les longues périodes d’at-tente qui en résultent. (4)

Réadaptation inefficace ?

La réinsertion des personnes inva-lides dans le monde professionnelexerce aussi une influence sur l’évo-lution des rentes. Les offices AI sontamenés à octroyer diverses mesuresprofessionnelles en fonction des pos-sibilités de réadaptation. C’est ainsique les deux tiers des assurés ayantbénéficié d’une mesure profession-nelle ne touchent plus de rente(55 %) ou seulement une demi-renteou un quart de rente (11 %) l’annéesuivante. Ce taux élevé de réussiteest d’une constance remarquable de-puis 1993. Il est d’autant plus surpre-nant que la notion de réussite retenuedans l’analyse est étroite. En effet,les placements dans des ateliers pro-tégés et une part appréciable de la

Bénéficiaires selon le sexe et les classes d’âge, en chiffres absolus(statistique de l’invalidité 1998)

Le taux d’invalidation des hommes (particulièrementde plus de 50 ans) demeure plus élevé que celui desfemmes.

Répartition des nouvelles rentes AIpour cause de maladie, en 1985 et en 1995

Os et organes locomoteursMaladies psychiquesAppareil circulatoireTumeursAutres

Les catégories «os et organes locomoteurs» et «maladies psychiques» sont les causes d’infirmité qui ont enregistré la plus forte progression entre1985 et 1995.

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formation donnée aux assurés âgésde moins de 20 ans en tant que première formation professionnellen’ont pas pour objectif principald’abaisser les rentes allouées.Lorsque ces mesures n’ont pas en-traîné une réduction de la rente,elles ont été comptabilisées commedes échecs, même si le but de la me-sure (soit l’intégration dans un cadreprotégé) a été atteint.

Le taux de réussite dépend large-ment de la catégorie d’infirmité. Leschances de réussite atteignent 80 %dans les cas d’accidents et à peine50 % dans les cas de maladies congé-nitales. Dans la catégorie des mala-dies, les affections psychiques etcelles du système nerveux (très fré-quentes chez les nouveaux rentiers)sont les causes d’infirmités accompa-gnées des plus basses chances deréussite. Pour l’ensemble des caté-gories, la reconversion profession-nelle est la mesure la plus concluante.Au niveau individuel, plus une per-sonne assurée est qualifiée ou possèdeun potentiel de qualification élevé,plus elle a de chances de voir sa rente réduite ou supprimée après la mise en œuvre de mesures profes-sionnelles.

Il est nécessaire de comparer lestaux de réussite cantonaux et lenombre de nouveaux rentiers. A cet effet, une analyse a comparé lenombre de nouveaux rentiers et ce-lui des mesures professionnelles ac-cordées à des tiers. Certains cantonsaffichant des taux de réussite trèsélevés sont également les plus géné-reux dans l’attribution de mesuresprofessionnelles. D’autres offices

cantonaux accordant eux aussi plusgénéreusement des mesures n’enre-gistrent qu’un modeste taux de réus-site. Cette étude ne permet pasd’établir une corrélation directeentre la sélection des rentiers bénéfi-ciant d’une mesure professionnelleet le taux de réussite. A ce jour, il estimpossible d’en dégager une règle.De même, il ne sera jamais pos-sible de déterminer scientifiquementl’utilité réelle d’une mesure profes-sionnelle (5).

L’exception suisse ?

Un regard au-delà des frontièrespermet-il d’expliquer l’augmentationdu nombre des bénéficiaires de ren-tes AI en Suisse ? Une étude compa-rative portant sur l’Allemagne, l’Ita-lie, les Pays-Bas, la Norvège, l’Au-triche, la Suède et la Suisse (6)conduit aux conclusions suivantes :• Il est pertinent de comparer dansleur globalité les systèmes d’assu-rances sociales, pour bien rendrecompte du traitement sociopolitiquedu risque «invalidité». • Le niveau des dépenses consa-crées au risque «invalidité» est élevéet généralement en hausse constantedans les pays étudiés.• La Suisse affiche un niveau relati-vement bas de dépenses. Il ressortde l’analyse de la banque de don-nées de l’OCDE, qu’en 1995 les dépenses pour le risque «invalidité»représentaient 4,06 % du PIB auxPays-Bas, 2,67 % en Norvège, 2,42 %en Suède, 1,54 % en Autriche,1,37 % en Italie, 1,28 % (avec la pré-voyance professionnelle 1,63 %) en

Suisse et 1,09 % en Allemagne. Engroupant les risques «invalidité»,«accident» et «chômage», la Suisseprésente, avec l’Allemagne, l’Au-triche et la Norvège, le niveau de dé-penses le plus bas.• En Suisse, la part des rentiers etdes rentières AI est encore relative-ment faible, de même que celle des nouveaux bénéficiaires. En re-vanche, le taux de croissance de cesderniers y est comparativement plusélevé.• En Europe, la tendance généraleest au versement accru de rentes par-tielles d’invalidité. Dans notre pays,on observe par contre la tendance in-verse : les rentes entières consti-tuaient 71 % de toutes les rentes ver-sées en 1988 et passaient à 75 % en1998.En Suisse, comme dans tous les autrespays, la majorité des rentiers et desrentières ont entre 55 et 61 – 64 ans.Une spécificité de la Suisse résidedans la part d’entre eux plus élevéeen moyenne dans la classe d’âge desmoins de 49 ans. Il faut cependant te-nir compte du fait que les personnessans activité lucrative sont égalementassurées en Suisse, mais pas dans lesautres Etats. Enfin, une majorité desrentiers AI souffrant d’infirmitéscongénitales sont jeunes.

Et maintenant ?

Les diverses études réalisées fontressortir quelques facteurs permet-tant d’expliquer l’augmentation dunombre des rentiers et des rentièresAI :• Les nouveaux rentiers et rentièressont plus jeunes à leur entrée dansl’AI, d’où un prolongement de la du-rée des rentes AI.• Les femmes sont toujours plusnombreuses à toucher une rente AI.• Il est toujours plus courant de po-ser un diagnostic d’invalidité à la suited’une maladie psychique ou d’unemaladie des os et des organes loco-moteurs (problèmes de dos parexemple). Les assurés et le corpsmédical accordent une plus grandeimportance aux facteurs psychiqueset sociaux que dans le passé.• Le corps médical est mal informéen matière d’assurance et de méde-cine du travail.• Les offices AI assument leur res-ponsabilité dans l’évaluation desrapports médicaux, en requérant deplus en plus d’expertises spéciales etde secondes expertises.

Evolution du taux de réussite des mesures professionnelles

C’est dans les cas d’accidents que les mesures professionnelles enregistrent leplus fort taux de réussite.

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• Les mesures de réadaptation del’AI sont très efficaces, en particu-lier dans les cas d’accidents ou de re-classement professionnel. Par contre,une intégration efficace au niveaudes rentes, des handicapés psy-chiques (donc du groupe enregis-trant une forte augmentation) restedifficile tout au long des années.• Le nombre de rentiers et de ren-tières AI et les dépenses relativesaux rentes sont plutôt faibles encomparaison des autres pays euro-péens. Par contre la Suisse enre-gistre une plus grande augmentationdes nouveaux rentiers, une plusgrande tendance à verser des rentesentières et une plus grande part dejeunes.• On ne constate pas de passage ins-titutionnalisé de l’assurance-chômageà l’assurance-invalidité.

Si les éléments ci-dessus contri-buent à expliquer l’augmentationconstatée des rentes, les raisons pro-fondes de cette évolution n’ont tou-jours pas été mises suffisamment enlumière : Pourquoi la société helvé-tique souffre-t-elle d’une augmen-tation des maladies psychiquesgraves ? Pourquoi toujours plus dejeunes sont-ils malades ? Pourquoi lemonde professionnel rechigne-t-iltant à offrir des emplois à des per-sonnes vulnérables psychiquement ?Ce n’est pas à l’AI de répondre à cesquestions complexes. L’AI a pourunique et difficile tâche de prendredes décisions d’attribution ou de re-fus de rente avec un maximum d’ob-jectivité et de pragmatisme, confor-mément aux bases légales et au man-dat constitutionnel.

Marge de manœuvre de l’AI

L’AI dispose néanmoins d’un champde manœuvre qu’il s’agit d’utiliser –d’une part reconnaître les faiblesseséventuelles dans l’exécution et lesréparer, et d’autre part déceler etproposer au niveau légal les amélio-rations possibles.

• Par rapport aux dispositions légales actuelles

Depuis deux ans, les quelque 1300collaborateurs de l’AI profitent acti-vement de l’offre de formation et deperfectionnement créée à leur inten-tion. Les expériences réalisées à cejour sont bonnes et l’offre sera en-core étoffée, dans le but d’assurerune évaluation correcte des droitsaux prestations de l’assurance et une

harmonisation de la procédure danstoute la Suisse.

Certains offices AI cantonaux semontrent intéressés par un renforce-ment de la collaboration régionale.Outre la mise à profit de synergies,l’idée est d’intensifier les échangesprofessionnels et de parvenir à une«ligne commune dans les décisionscontenant une part de liberté d’ap-péciation (discrétionnaires)». L’ins-tauration volontaire d’une collabo-ration régionale contraignante estvivement encouragée.

Par ailleurs, des études sont àl’ordre du jour afin de mieux com-prendre les bases et les mécanismesde décision, notamment sur lespoints suivants :• Là où les offices AI ordonnentdes mesures de réadaptation, le tauxde réussite est élevé. Or, quels sontles critères de sélection appliqués ?Seraient-ils trop restrictifs et le hauttaux de réussite par conséquent «ar-tificiel» ?• Comment l’OFAS peut-il vérifiersystématiquement, en qualité d’au-torité de surveillance, le bien-fondédes décisions de rente prises par lesoffices AI, compte tenu des limitesde ses ressources en personnel ?• Quels sont en réalité les facteursdéterminants qui font que les em-ployeurs engagent des personneshandicapées (sur le plan psychiquenotamment) ?• Quels rôles les expertises psy-chiatriques ont-elles assumés parrapport à l’AI au cours des ans ?Comment évaluer ces rôles sur la basede comparaisons internationales ?

Ces études se feront au cours del’an 2000.

• Dans le cadre de la 4e révisionde l’AI

Un travail d’information ciblée àl’échelon national pourrait comblerle manque d’information des méde-cins en ce qui concerne l’assurance-invalidité et la médecine du travail.Davantage d’information permet-trait également de renseigner lesemployeurs sur les prestations al-louées par l’AI aux assurés actifs etde les motiver ainsi à engager despersonnes handicapées. Un tel tra-vail d’information nécessite des res-sources financières de l’assurance.

Il faudrait aussi prévoir l’intro-duction d’un service médical régio-nal – le Parlement avait déjà l’inten-tion de le faire dans la 1re partie de la4e révision de l’AI. Cette mesure

structurelle conduira à une plusgrande uniformisation des bases mé-dicales nécessaires à la procédure dedécision et à une évaluation des de-mandes de prestations de meilleurequalité et aussi uniforme que pos-sible.

En conclusion

Le nombre de bénéficiaires de rentesAI n’est pas trop élevé. C’est l’aug-mentation du nombre de rentiers etde rentières qui inquiète. Or l’AI ne peut exercer qu’une influencemarginale sur cette dynamique, lescauses de l’augmentation des renteséchappant en effet au contrôle del’assurance.

(Traduit de l’allemand)

Sécurité sociale 6/1999 293

Situation initiale

Dans son message sur la 4e révisionAI, première partie, du 25 juin 1997,le Conseil fédéral prévoit, pour le se-cond volet de la révision, de «déter-miner s’il convient d’examiner dansle cadre de la 4e révision AI des sys-tèmes d’incitation – fiscale ou rele-vant du marché de l’emploi – pourles employeurs qui comptent despersonnes handicapées dans leurseffectifs».

Présentement, l’AI accorde lesprestations suivantes dans le domainede la réadaptation professionnelle : • formation professionnelle initiale,• reclassement/perfectionnement,• service de placement,• aide en capital pour l’exercice

d’une activité professionnelle in-dépendante,

• versement d’une indemnité journa-lière pendant une durée de 180jours pour un placement par lesoffices de l’AI,

• adaptation du poste de travail, desmachines et des appareils du faitde l’invalidité du travailleur,

• acquisition d’installations supplé-mentaires et de matériel. S’ajoutent à ces prestations indi-

viduelles, des subventions versées à des organismes et institutions quiaident les handicapés à trouver unemploi, se chargent de leur encadre-ment sur le lieu de travail et leurproposent une formation continue etdes mesures de perfectionnementprofessionnel ou de caractère gé-néral. L’assurance-chômage alloueégalement des subventions au titrede l’intégration d’assurés handica-pés physiques, mentaux ou psy-chiques dans des entreprises. Les législations cantonales s’efforcent

elles aussi de promouvoir l’intégra-tion des personnes handicapées dansle monde du travail : la loi valaisannesur la réadaptation des personneshandicapées prévoit, par exemple,une aide financière en faveur des en-treprises qui comptent parmi leurseffectifs des collaboratrices et descollaborateurs handicapés et l’obli-gation, pour les services publics etles institutions subventionnées, d’at-tribuer au moins 1% de leurs postesde travail à des personnes handica-pées. Pour ce qui est de la fiscalitédirecte, les entreprises peuvent enoutre déduire de l’impôt fédéral etcantonal les charges supplémen-taires engendrées par l’occupationde personnes handicapées.

Le mandat

Afin de concrétiser l’objectif inscritdans le message sur la 4e révision dela loi, l’OFAS a institué, en automne

1998, un groupe de travail chargé dumandat suivant :

«Examiner les mécanismes di-rects mis en place en Suisse et dansdes pays proches en vue d’inciter lesemployeurs à occuper des personneshandicapées – en particulier dansl’optique du marché du travail, de lafiscalité, de l’assujettissement auxassurances sociales et des mesuresd’encadrement – et, à l’appui de cesdonnées, proposer un ou plusieursmécanismes d’incitation efficacesqui pourraient être introduits enSuisse.»

Les mécanismes d’incitation àl’emploi doivent répondre aux exi-gences suivantes :• aboutir effectivement à embau-

cher ou à maintenir en emploi unnombre accru de personnes handi-capées ;

• supprimer les discriminations àl’égard des personnes handicapéesdans la vie professionnelle ;

• éviter d’accroître la concurrenceentre les personnes sans emploi(handicapés, chômeurs, chômeursen fin de droits, bénéficiaires deprestations de l’aide sociale) ouentre les supports juridiques deces groupes de personnes.Le groupe de travail a été invité

à présenter les conséquences finan-cières (transferts de coûts inclus) des modèles d’incitation en regard de l’AI, de l’assurance-chômage, del’aide sociale, des partenaires so-

Mesures visant à promouvoirl’emploi de personneshandicapées Dans le cadre des travaux préalables à la 4e révision AI, l’OFASa mandaté un groupe de travail chargé d’analyser la questiondes mécanismes d’incitation à l’emploi des personnes handi-capées. Nous présentons dans ces colonnes un résumé du rap-port élaboré par le groupe de travail.1

Benno SCHNYDER, chef de la section Réadaptation, OFAS

Composition du groupe de travail «Mécanismes d’incitation» :

• Alard du Bois-Reymond, Pro Infirmis, représentant la Conférence des associationscentrales de l’aide privée aux invalides

• Karl Emmenegger, Service de l’orientation professionnelle du Centre suisse de para-plégiques Nottwil, représentant la Conférence des associations centrales de l’aide pri-vée aux invalides

• Ludwig Gärtner, Office fédéral des assurances sociales• Jürg Gassmann, Pro Mente Sana, représentant la Conférence des associations cen-

trales de l’aide privée aux invalides• Roland Maillard, Office AI de Bâle-Campagne, représentant la Conférence des

directeurs des offices AI• Colette Nova, Union syndicale suisse• Rosmarie Ruder, Conférence suisse des institutions d’action sociale • Dora Schilliger, Office fédéral de l’économie et du travail • Benno Schnyder, Office fédéral des assurances sociales (direction du groupe)• Armin Schöni, Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales• Hans Rudolf Schuppisser, Union patronale suisse

1 Le rapport en français peut être commandéauprès de l’Office fédéral des assurances sociales, section Réadaptation, 3003 Berne(adresse e-mail : [email protected]).

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ciaux, etc., à établir une comparai-son par rapport au droit européen età examiner la compatibilité des me-sures proposées avec la nouvelle pé-réquation financière.»

Mécanismes d’incitation dansl’espace européenLe groupe de travail a constaté queles mesures déployées dans les paysd’Europe en vue d’intégrer les per-sonnes handicapées dans le mondedu travail sont multiples. Une com-paraison des mécanismes appliquéss’avère toutefois difficile à établirétant donné que leur conception varie fortement et qu’ils relèvent desystèmes d’assurances sociales trèsdifférents les uns des autres. Les mécanismes appliqués peuvent êtreregroupés comme suit : • protection contre le licenciement,

obligation d’embauche / de réem-bauche ;

• fixation de quotas avec ou sanssystème de bonus/malus ;

• incitations financières directes,notamment subvention aux sa-laires, indemnisation en cas deperte de production, réduction des charges sociales, abattementsfiscaux ;

• financement des mesures d’ac-compagnement et d’encadrementsur le lieu de travail ;

• directives lors de l’adjudication demandats publics.Le groupe de travail a évalué ces

mesures à la lumière des critères sui-vants : efficacité – coûts/bénéfices –mise en œuvre/administration – ac-ceptabilité. Il ne lui a pas été pos-sible de se référer à des résultatsd’enquêtes fondés, ceux-ci n’existantpas dans la plupart des cas.

Propositions du groupe de travailLe groupe de travail estime que lesinstruments existant actuellementen Suisse dans le domaine de la ré-adaptation professionnelle des per-sonnes handicapées sont suffisants,mais qu’il convient de mieux les exploiter. En particulier, les em-ployeurs devraient être mieux infor-més des prestations existantes. Ilsdevraient aussi davantage pouvoirfaire appel à des services spécialisésqui les aideraient à résoudre desproblèmes spécifiques sur le lieu detravail et être indemnisés de maniè-re appropriée pour les coûts directs

et indirects liés à l’embauche de personnes handicapées. Pour lespersonnes handicapées, il y a lieud’aménager un environnement detravail visant à supprimer les obstacles en rapport avec leur handi-cap. Par ailleurs, il convient de leurgarantir des salaires selon leur capa-cité qui, avec les rentes et autresprestations auxquelles ils ont droit,leur permettent de vivre de la ma-nière la plus autonome possible.

Pour ce qui précède, le groupe de travail propose concrètement: • de mettre davantage de moyens àla disposition de l’AI, ce qui lui per-mettra de sensibiliser régulièrement,et de manière ciblée, les employeurs,les personnes handicapées et la po-pulation en général au problème quepose la réadaptation professionnelledes personnes handicapées, et deleur fournir une meilleure informa-tion sur les prestations existantes.Les ressources en personnel des offices AI doivent être renforcées envue de développer le système de pla-cement des personnes handicapées,le cas échéant en collaboration avecd’autres organismes ;• de promouvoir activement la créa-tion de services d’assistance profes-sionnelle au moyen de subventionsdans le cadre de l’art. 74 LAI ;• de multiplier le nombre de postesde travail protégés dans l’économielibre et de les financer au moyen del’art. 73 LAI ;• de ne pas réserver exclusivementces prestations aux invalides au sensde la LAI, mais de les étendre à l’en-semble des personnes handicapées ;• de réduire les obstacles à l’emploiou au maintien en emploi des per-sonnes handicapées en instituant unéchelonnement plus fin de la demi-rente d’invalidité et de la rente en-tière.

Le groupe de travail rejette toutefoisl’idée: • de contraindre les entreprises ac-tives sur le marché public à favoriserl’engagement de personnes handica-pées, en raison, d’une part, des diffi-cultés pratiques que poserait l’appli-cation d’une telle mesure et, d’autrepart, de son incompatibilité avec ledroit international ;• d’introduire des quotas ou un système de bonus/malus, les expé-riences faites à l’étranger révélantque des incitations de ce type n’onten général que peu d’effets ;

• d’appliquer le système de bonusde Pro Mente Sana car, en dépit deséconomies qu’il permet de réaliser,un tel système occasionnerait globa-lement une charge supplémentaireconsidérable pour l’AI. Des estima-tions grossières permettent en effetde dire qu’avec un bonus annuel de 6000 francs par personne handi-capée, on aboutirait à quelque260 millions de francs d’économies(mesures professionnelles, indemni-tés journalières, rentes, prestationscomplémentaires), mais aussi à desdépenses de l’ordre de 630 millionsde francs (paiement des bonus). Lesexpériences faites à l’étranger indi-quent par ailleurs que le bonus de6000 francs dont il a été questionn’est pas suffisamment incitatif pouramener réellement les entreprises àembaucher des personnes handica-pées, surtout quand il s’agit d’unpremier emploi. En outre, des en-quêtes effectuées sur le marché dutravail allemand montrent que dans99 % des cas, les personnes handica-pées sont recrutées au sein même del’entreprise, ce qui confirme l’idéequ’un système de ce type profite enpremier lieu à ceux qui ont déjà unemploi, dans une moindre mesureseulement à ceux qui sont à la re-cherche d’un travail et pratiquementpas à ceux dont les capacités sontnettement limitées ;• de récompenser les employeursqui occupent des personnes handi-capées en les exonérant des chargessociales ou en leur accordant desabattements fiscaux. En effet, ilsemble peu probable que l’attrait financier résultant de mesures de cetype soit suffisamment grand pourinciter réellement les employeurs àengager des personnes handicapées.

Conclusion

Les expériences faites à l’étrangernous amènent à dire que l’efficacitéde mécanismes tels que les quotasou les incitations financières di-rectes, n’est pas suffisamment éta-blie pour justifier l’introduction demesures de ce type. Le groupe detravail est d’avis qu’une meilleureutilisation des instruments dont nousdisposons actuellement en Suisseconstitue une voie plus prometteusedans l’optique d’une meilleure inté-gration professionnelle des per-sonnes handicapées.

(Traduit de l’allemand)

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RLe travail, facteur d’intégrationsociale

Depuis le début des années 90, l’in-tégration professionnelle des per-sonnes handicapées s’est révéléetoujours plus difficile. En période dehaute conjoncture, les employeurs,poussés par des considérationsd’ordre éthique, n’hésitaient généra-lement pas à engager des personneshandicapées, et souvent ne rési-liaient pas non plus les contrats deleurs collaborateurs devenus inva-lides. Mais aujourd’hui les chosesont changé. La pression accrue de la concurrence internationale, en entraînant d’importantes mutationsstructurelles, a fragilisé la situationde nombreux travailleurs sur le mar-ché de l’emploi, en particulier celledes personnes handicapées. La né-cessité de comprimer les coûts et lemanque de liquidités ont considéra-blement rétréci la marge des entre-prises face à leurs obligations so-ciales. Voilà précisément pourquoiles employeurs, comme l’ensemblede la population d’ailleurs, doivents’engager davantage en faveur del’emploi des personnes handicapées.

Leur intégration professionnelle neconcerne pas seulement l’entrepriseintéressée, elle s’inscrit dans uneperspective globale. Une démocratiedirecte ne doit pas laisser desgroupes de population sur le bord dela route, sauf si elle veut s’exposer àune violente réaction politique et so-ciale. Les individus comme les entre-prises ont une responsabilité socialeégalement vis-à-vis des personneshandicapées, car elles font partie in-tégrante de notre société.

Pour l’intégration profession-nelle des personnes handicapées, ilest important que le principe posépar l’AI – «la réadaptation prime larente» – ne soit pas remis en cause.Et pour que les mesures de réadap-tation soient plus efficaces, l’Unionpatronale suisse a publié un nouveau guide intitulé «L’intégration profes-sionnelle des personnes handica-pées»1. Cette brochure offre l’arma-ture nécessaire à la construction deponts entre les entreprises et les per-sonnes handicapées. Elle fournit desinformations sur les différents typesde handicaps, relate certaines expé-riences vécues et montre quellessont les conditions nécessaires à une

intégration durable, dans l’espoird’inciter les employeurs à «jeter desponts» et à favoriser à nouveau l’in-tégration professionnelle des handi-capés. Mais bien sûr, une brochurene suffit pas : ce sont les actes quicomptent.

Aussi, après la publication decette brochure, d’autres démarchesont-elles été entreprises pour que laréadaptation ne soit jamais perduede vue, et d’autres sont encore envi-sagées. Un accent particulier a étémis sur l’information aux profession-nels de l’assurance-invalidité et desorganisations de handicapés, d’unepart, et d’autre part, aux respon-sables du personnel des entreprises.La démarche a révélé un grand besoin d’information autour de laquestion de savoir comment s’yprendre en pratique pour intégrerprofessionnellement une personnehandicapée. Ce thème et celui de lamotivation qui permet de s’engagerdans un processus d’intégration professionnelle doivent constituer le point de départ des nouvelles démarches.

Motiver sans contraindre

De nombreux facteurs déterminantle mode de vie sont liés au travail :c’est ainsi que l’intégration profes-sionnelle favorise notamment l’inté-gration sociale. Aussi l’Union patro-nale suisse et la Société pour le dé-veloppement de l’économie suisseont-elles bon espoir de faire avancerles choses en publiant leur brochure.Elles sont parties du principe qu’unrapport de travail – un contrat detravail – doit se fonder sur une colla-boration librement consentie. Celarequiert discernement et motivation.La contrainte et l’imposition deprescriptions ne permettent pas vrai-ment d’obtenir un libre consente-ment. C’est la raison pour laquelle ilfaut créer des conditions qui indui-sent un effet motivant.

Motivation ou contrainte ?

En ce qui concerne les bases juri-diques, toutes les conditions sontremplies pour l’intégration des per-sonnes handicapées. Cela sera d’au-tant plus vrai lorsqu’entrera en vi-gueur la nouvelle disposition de

Jeter des ponts entre employeurset personnes handicapées

L’intégration professionnelle des handicapés n’est pas pos-sible sans la coopération des employeurs. En période de hauteconjoncture, les entreprises n’hésitaient pas à engager despersonnes handicapées. Aujourd’hui malgré des conditionséconomiques difficiles, les employeurs tiennent à faire face à leurs obligations sociales envers elles. L’Union patronalesuisse a lancé au printemps 1999 un nouveau projet destiné à favoriser l’intégration professionnelle.

Fritz BLASER, président de l’Union patronale suisse

1 Pour plus de détails, cf. CHSS 2/1999 p. 58.

296 Sécurité sociale 6/1999

l’art. 8 al. 2 cst. Pourtant, dans lecadre de la 4e révision de l’AI et desinitiatives demandant l’égalité desdroits (initiative populaire «Droitségaux pour les personnes handica-pées»; initiative parlementaire Suter«Traitement égalitaire des person-nes handicapées»), il est moins ques-tion de discernement et de motiva-tion que de droits, de droit d’agir en justice, d’obligation d’embauche,d’interdiction de licenciement etd’incitation au moyen d’un systèmebonus/malus. Peut-on obtenir deforce, au moyen du droit, l’égalitédes droits ou l’intégration sociale ?Que penser d’une égalité des droitsou d’une intégration obtenues par lacontrainte ?

Aux yeux des employeurs, la liberté économique et contractuelleest fondamentale et il est aussi es-sentiel pour eux de ne pas être sou-mis à de nouvelles prescriptionsayant des conséquences juridiques,pratiques et financières. Il ne fautpas oublier non plus que des pres-criptions visant à intégrer et à proté-ger certaines personnes peuventsouvent être contre-productives. Lesexpériences faites à l’étranger mon-trent que si la protection contre le licenciement est trop forte, les entre-prises n’engagent plus de personnes

handicapées, ou bien l’entreprise quireçoit un malus s’estime libérée del’obligation sociale de les embau-cher.

Il paraît peu probable que desincitations sous forme de créditsd’impôts (ce que les employeurspréféreraient dans certains cas), debonus ou de paiements compen-satoires ont plus qu’un effet margi-nal… quand elles ne passent pas in-aperçues, perdues dans la comptabi-lité ou dans la distance administra-tive qui sépare le lieu de l’activitééconomique de celui où est enregis-tré le versement.

Du travail pour les personneshandicapéesAfin d’améliorer l’intégration pro-fessionnelle des personnes handica-pées, il faut procéder de manièretrès pratique et à différents niveaux : • Les blocages doivent être sur-

montés au cœur de l’entreprise,par les personnes handicapées,par les employeurs et par les sala-riés.

• Le savoir concernant les condi-tions de travail appropriées doitêtre approfondi, favorisé et diffusé.

• Le soutien par l’AI et les officesdu travail en vue de l’initiation au

travail et de la création de placesde travail appropriées doit êtrerenforcé.

• Le professionnalisme des officesde conseil et d’accueil ainsi quedes services du personnel doitêtre accru en matière d’intégra-tion professionnelle de personneshandicapées. Tout cela requiert du temps et de

l’argent. Mais la démarche est plusefficace que celle qui mise sur desdroits constitutionnels discutables,impossibles à mettre en œuvre, ousur les paragraphes détaillés concer-nant l’intégration dans l’assurance-invalidité.

L’intégration professionnelle etsociale des personnes handicapéesest un enjeu important dont tous lesmilieux doivent se sentir respon-sables. Les membres de nos associa-tions ne peuvent ni ne veulent se lecacher. Ils s’opposent cependant auxdeux initiatives en faveur de l’égalitédes droits, et ne veulent pas non plusde nouvelles charges administrativeset financières. Ils misent sur le dis-cernement, la motivation et la cons-truction, dans la pratique, de pontsentre les handicapés, leurs organisa-tions et les entreprises.

(Traduit de l’allemand)

Les personnes handicapées peuvent aussi être performantes dans leur travail. (Photo : Studio Photo Roland Blattner, Jegenstorf)

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RA la fin du mois de janvier 1999, legroupe de travail «L’intégration pro-fessionnelle des personnes handica-pées» présentait à un large public labrochure du même nom, qui résulted’un travail d’équipe sous la houlettede l’Union patronale suisse et de la Société pour le développement de l’économie suisse. Le groupe detravail auquel collaborait l’auteur de cet article se composait de spécia-listes familiarisés avec la situationprofessionnelle des personnes han-dicapées et avec leur intégrationdans le marché du travail.

Bon nombre de personnes handi-capées aptes à fournir une prestationne sont pas engagées dans un environ-nement productif. La plupart d’entreelles sont sans emploi ou occupéesdans l’un des 350 ateliers protégés. Etil arrive constamment que des em-ployés soient rejetés du processus detravail parce qu’ils ne peuvent plus

exercer leur activité lucrative pourdes raisons de santé. Leur récent han-dicap, ou un handicap plus ancien quis’est aggravé, les pénalise fortementsur le marché de l’emploi.

Proposer et maintenir des emplois appropriésD’un côté, les personnes handica-pées ont besoin d’être soutenuespour prendre une part plus active à la vie économique et sociale. Del’autre, les employeurs peuvent leurproposer des postes appropriés et les aider à s’intégrer professionnelle-ment. L’adaptation des places detravail ou un changement de sphèred’activité permettent aux collabora-teurs qui ont des problèmes de santéde rester productifs dans l’entreprise.Par ailleurs, en intégrant des per-sonnes handicapées, l’employeur ap-porte la preuve de son ouverture so-ciale et de sa flexibilité – deux condi-tions importantes pour s’affirmer àlong terme sur les marchés face à laconcurrence.

Propriétés de la réadaptation

Pour les personnes handicapées, unevaleur thérapeutique est attachée à

l’idée de travail. Une réadaptationphysique et psychique suit donc tou-jours leur (ré)insertion profession-nelle. Le travail donne tout parti-culièrement aux personnes handi-capées le sentiment de ne pas êtreexclues et d’être utiles. Il contribue à leur faire «oublier» leur maladieou leur handicap, et les aide à l’ac-cepter.

Maintenir les handicapés dansle circuit du travail L’intégration dans une entreprise est moins coûteuse lorsqu’elle peuts’appuyer sur une expérience profes-sionnelle antérieure, voire même surun rapport de travail. Les collabora-teurs dont le handicap s’aggrave, ouvient de se produire, doivent donc,dans la mesure du possible, conti-nuer à travailler dans leur entre-prise. Il convient de les soutenirpour qu’ils puissent s’intégrer à unnouveau poste ou à une place de tra-vail adaptée à leur handicap.

Le concept du bonus/malus etdu système d’incitation de l’AIEn mai 1997, pro Mente Sana propo-sait deux modèles d’encouragementà l’intégration économique et pro-fessionnelle de collaborateurs han-dicapés dans l’économie suisse. Se-lon le premier, appelé système dubonus/malus, l’employeur qui n’oc-cupe pas le nombre prévu de per-sonnes handicapées est tenu de ver-ser une certaine somme (malus) àune caisse de compensation. Parcontre, celui qui dépasse le nombrefixé reçoit un bonus. Dans le deuxièmeconcept, le système d’incitation del’AI, les employeurs reçoivent un«bonus» pour chaque personne han-dicapée qu’ils emploient. Ce bonusdoit être assez élevé pour les inciterà participer à l’opération, mais pasau point de donner l’impressionqu’ils peuvent assainir leurs financesaux dépens de l’AI. Les deux mo-dèles ont chacun leurs avantages etleurs inconvénients.

Vue sous l’angle de l’employeur,la mise en place du concept du bo-nus/malus occasionne de nouveauxfrais aux entreprises qui ne peuventemployer aucune personne handica-pée (notamment pour des raisonsliées à leur exploitation). Il ne fautpas non plus sous-estimer la chargeque représente pour les employeursl’application administrative des deux

Anton HANSELMANN, chef du personnelde l’entreprise de construction Frutiger SA, à Thoune 1

1 L’entreprise de construction Frutiger SAemploie environ 1300 collaborateurs. Depuis1994, elle travaille dans le cadre de la promo-tion de la santé au projet «Gestion de la santéet de l’absentéisme». Le but est, d’une part, de garantir la santé des collaborateurs et del’autre, d’augmenter la satisfaction générale autravail par une diminution du taux d’absentéisme.

I n t é g r a t i o n a u s e i n d ’ u n e e n t r e p r i s e

Du travail pour les personneshandicapéesMalgré leur handicap, beaucoup de personnes sont aptes à tra-vailler dans un environnement axé sur les prestations. Or troppeu d’entre elles sont intégrées au processus du travail. Fruti-ger SA s’efforce d’intégrer des personnes handicapées au seinde l’entreprise – une intégration bien souvent couronnée desuccès, notamment pour ceux et celles qui travaillaient déjà làavant leur invalidité.

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F o n d a t i o n p r o f i l

concepts, ni celle qui en résulte pourles institutions. Nous ne pouvonsque le répéter : les entreprises qui intègrent des personnes handicapéesprouvent leur ouverture sociale. Si l’on veut néanmoins que cette démarche ait un succès durable, ellene peut être que volontaire. Il fautrevoir à la base la formation de noscadres et à tous les niveaux celle desresponsables du personnel. Car si les futurs cadres sont confrontés de bonne heure à cette situation, jepense qu’il va de soi qu’ils donne-ront leur chance à des personneshandicapées dans la vie profession-nelle.

Si l’Etat souhaitait collaborerdans ce domaine, il pourrait, parexemple, le faire au moment des ap-pels d’offres. C’est en effet l’occa-sion de s’assurer non seulement queles cotisations aux assurances so-ciales ont été versées, mais égale-ment que l’entreprise donne deschances d’embauche aux personneshandicapées. L’occasion aussi de sa-voir combien elle occupe de per-sonnes handicapées et si elle a fait lenécessaire pour une promotion du-rable de la santé.

Le secteur de la constructionpeut aussi employer deshandicapés

L’expérience menée chez FrutigerSA a montré qu’avec de la bonne vo-lonté, les handicapés peuvent conti-nuer de travailler même dans le sec-teur de la construction. Notre but estde réintégrer les collaborateurs acci-dentés ou malades au sein de notreentreprise (là où c’est possible) et deles encadrer avant et après la ré-adaptation. Cela n’aboutit malheu-reusement pas toujours à une inté-gration, car l’engagement sur unchantier n’est souvent plus possible.Malgré tout, nous pouvons montrerde nombreux cas de réussite. Je sai-sis l’occasion de parler ici du soutiende l’AI et des médecins, qui joue unrôle important en l’occurrence. Lesrentes partielles de l’AI en particu-lier permettent de compenser la di-minution de la capacité de travail etde briser une éventuelle résistance à l’intégration dans un autre poste.Comme par exemple, une occupa-tion sur le chantier transformée enoccupation au magasin ou (le plussouvent possible) au bureau.

(Traduit de l’allemand)

Le monde du travail, centre del’existence

Même à l’ère de la haute technologieet de la globalisation, le monde du tra-vail demeure le centre de l’existencede tous ceux qui ont l’âge d’exercerune activité lucrative. Il marque deson empreinte l’identité personnellede chacun et contribue dans une me-sure essentielle à l’intégration socialedes individus. Les personnes handica-pées, aux performances réduites, sonttoutefois souvent exclues du mondedu travail. Or, non seulement ellessont désireuses de travailler, maiselles se distinguent par une très grande loyauté et disposent de com-pétences et de connaissances qui peu-vent en faire des collaborateurs trèsappréciés. Une enquête représenta-tive, effectuée en 1997 auprès desclients de Pro Infirmis dans toute laSuisse, fait clairement ressortir à quelpoint cette situation constitue un pro-blème majeur pour toutes les per-sonnes concernées. Dans la hiérar-chie des problèmes encore non réso-lus pour elles, les questions portantsur l’intégration se situent au centrede leurs préoccupations.

Une évolution hors de prix

La tendance à l’exclusion des mail-lons les plus faibles du monde du tra-vail a été renforcée ces dernières an-nées par deux facteurs : d’une part,les entreprises de l’économie suisseet les administrations publiques sontsoumises à une pression toujourscroissante ; d’autre part, on saitqu’un bon réseau d’assurances so-ciales fait office de tampon, empê-chant que les personnes concernéessoient frappées trop durement parles conséquences les plus graves deces exclusions. Toutefois, la richeHelvétie ne peut éternellement sepayer une telle évolution dont lesconséquences sociales sont imprévi-sibles à long terme.

Pro Infirmis étend son engagementC’est en partant de cette analyse quePro Infirmis a décidé d’étendre sonengagement en faveur de l’intégra-tion des personnes handicapées dansle monde du travail. La création dela fondation profil et le lancementde l’action «travail et handicap» ont

Maillon pour une meilleure posi-tion des personnes handicapéessur le marché du travailDans notre société, la valorisation de l’individu dépend étroite-ment de son intégration dans le monde du travail et passe par lareconnaissance et le prestige liés à l’exercice d’une profession.Les personnes en situation de handicap sont tout aussi concer-nées par cette réalité : une exclusion soudaine du marché du tra-vail a souvent des conséquences importantes sur le comporte-ment social et la santé psychique de l’individu. C’est pourconsolider la situation des personnes handicapées sur le mar-ché du travail que Pro Infirmis vient de créer la fondation profil.Son directeur nous expose ses objectifs et son plan d’action.

Michel GOLLIARD, directeur de lafondation profil, Zurich

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permis la mise en place d’un cadrepropice au développement de pres-tations et de programmes appro-priés, conjointement avec les em-ployeurs, les organisations de per-sonnes handicapées et les œuvres etinstitutions des assurances sociales.Une étude scientifique de Pro Infir-mis dans le canton de Zurich a misen évidence le fait que les em-ployeurs seront notablement plus favorables à l’emploi de personnessouffrant d’un handicap si des orga-nisations spécialisées les assistentdans leurs efforts de manière à lafois compétente et permanente. Les structures de la fondation sontconçues de telle sorte que les employeurs et les organisations de personnes en situation de handicappeuvent exercer une influence ap-préciable sur ses activités.

Coopération avec la fondation«Intégration pour tous»Avec la fondation Intégration pourtous IPT, la Suisse romande disposed’une organisation de service qui tra-vaille non sans succès depuis des an-nées, dans des buts comparables etavec une philosophie similaire. Lesdeux fondations vont donc conclureun accord de coopération : IPT conti-nuera à exercer ses activités en Suisseromande et étendra progressivementson offre de prestations à tous lescantons romands, et profil dévelop-pera son activité en Suisse aléma-nique. Pour le Tessin, la solution quisera la mieux appropriée à ce cantonest encore à discuter.

Qu’y a-t-il avant l’intégration ?

Dans toute entreprise ou adminis-tration, il y a des collaborateurs quidoivent continuer à vivre avec unhandicap à la suite d’un coup du des-tin – qu’il s’agisse d’une maladie oud’un accident. Ce handicap affecteleurs performances et leurs possibi-lités de fournir des prestations. Dansde telles situations, la fondation profilentend apporter un soutien aux em-ployeurs, aux responsables des res-sources humaines, aux supérieurshiérarchiques ainsi qu’aux collabo-rateurs concernés, en vue de trouverdes solutions à l’intérieur de l’entre-prise ou de l’administration. L’ob-jectif premier consiste à trouver ou àcréer au sein même de l’organisationen cause des places de travail con-venant à cette catégorie de tra-

vailleurs. Les collaborateurs de profil accompagnent le processus de recherche de solution, s’assurentlorsque cela est nécessaire les com-pétences spécialisées d’experts pro-venant d’un réseau d’assistance exis-tant, et, à l’issue de ce processus, de-meurent les interlocuteurs attitrésdes personnes concernées si des pro-blèmes surviennent ultérieurement.Cette tâche préventive assumée parprofil revêt une importance considé-rable, car l’expérience a montré – etla statistique a prouvé – que l’exclu-sion entraîne souvent le versementd’une rente complète et que leschances de réintégration sont d’au-tant plus faibles que la durée de l’ex-clusion aura été plus longue.

Modes d’intégration : le placement, le «social try and hire», le «coaching» et l’accompagnementProfil va mettre sur pied son propresystème de placement de personnelen vue de favoriser l’intégration des personnes handicapées dont les possibilités sont limitées. En cas debesoin, la fondation fonctionneracomme employeur pendant la phased’introduction et d’essai, dans l’es-prit du «try and hire». L’épine dor-sale de ses prestations visant à l’inté-gration sera constituée d’une offrede «coaching» et de conseil destinéeaussi bien aux supérieurs hiérar-chiques et aux responsables des res-sources humaines qu’aux collabora-teurs en situation de handicap. Dansce cadre, profil assumera dans toutela mesure du possible les tâches ad-ministratives en relation avec l’em-ploi de collaborateurs handicapés.Elle organisera et mettra à disposi-tion les ressources nécessaires envue d’assurer une existence normale,en plus du revenu du travail. Ses col-laborateurs seront présents non seule-ment pendant la période de mise aucourant, mais aussi pour résoudred’éventuels problèmes qui survien-draient tant dans le domaine socialque dans le domaine technique.

A la recherche des partenairesd’entreprises etd’administrations

Pour réaliser ce projet, la fondationprofil souhaite établir un partenariatavec des entreprises et des adminis-trations publiques intéressées à sou-tenir ses idées et ses objectifs. Ce

partenariat représente, de la partdes entreprises et des administra-tions, un engagement social qui in-clut une participation financière auxcoûts de fonctionnement de la fon-dation, le soutien de «l’esprit profil»dans le cadre de l’action «travail ethandicap», et enfin, selon les possi-bilités, le maintien de l’emploi ou del’engagement de personnes handica-pées aux possibilités restreintes. Lesentreprises et les administrationsamélioreront ainsi leur compétencesociale et leur plage de communica-tion, ainsi que l’identification descollaborateurs à leurs employeurssociaux, tout en favorisant leur moti-vation. L’exercice d’une influencedirecte de la part des entreprises et administrations partenaires surl’orientation et l’aménagement desprestations de la fondation profil, estassuré par la création d’un conseildes entreprises et des administra-tions partenaires, organe consultatif.En contrepartie de cet engagementde la part des entreprises et adminis-trations, la fondation garantit lesprestations de soutien et d’assistancedécrites ci-dessus.

Projets ultérieurs

Il n’est pas possible de traduire d’unseul coup dans les faits et dans toutela Suisse un concept de cette enver-gure. C’est pourquoi profil a décidéde mettre, dès l’an 2000, ce serviceprogressivement sur pied dans deuxrégions pilotes (vraisemblablement àBerne et en Suisse orientale), puis detirer parti des expériences faites pourdéterminer la suite de son extension.La fondation Intégration pour tousIPT a, quant à elle, déjà fait des expé-riences enrichissantes dans la partiefrancophone du canton du Valais,dans le canton de Vaud et à Genève.Elle prévoit d’étendre en l’an 2000ses activités au canton de Fribourg, etles premiers contacts sont d’ores etdéjà pris avec les cantons de Neuchâ-tel et du Jura.

(Traduit de l’allemand)

Adresses• Fondation profil, Feldeggstrasse 69,case postale 1332, 8032 Zurich; tél.01 / 421 40 20, fax 01 / 421 40 29, e-mail : [email protected]• Fondation Intégration pour tousIPT, secrétariat général, rue des Condémines 36, 1950 Sion; tél. 027 /323 77 00, fax 027 / 323 77 03.

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Certains journalistes continuentd’employer la notion d’«ateliers pro-tégés» dans un sens péjoratif. Ilstitrent par exemple «des offices can-tonaux comme ateliers protégés» ou«une entreprise de la Confédérationcomme atelier protégé», et veulentainsi démontrer que ces centres dé-veloppent des activités peu produc-tives et surtout inutiles et que les per-sonnes qui y travaillent sont traitéesavec ménagement et payées (enplus). Ces journalistes montrent bienqu’ils ont une méconnaissance, oualors des connaissances très som-maires, du bien et des instants pré-cieux que ces institutions apportent àdes milliers de personnes souffrantd’un handicap. Ils semblent égale-ment ignorer quelle contributionelles apportent à l’économie et à quelpoint elles soulagent les pouvoirspublics et les assurances sociales –comme l’assurance-chômage, l’assu-rance-invalidité et l’aide sociale.

Notion des ateliers protégés

Les ateliers protégés au sens de l’as-surance-invalidité (art. 73 LAI) sontdes entreprises de production et de

services, de statut d’utilité publique,gérées de manière commerciale, pourdes personnes qui souffrent d’un han-dicap et qui n’ont aucune perspective(ou une perspective très mince) detrouver une activité lucrative satisfai-sante vu les conditions qui règnentsur le marché du travail. Ces institu-tions disposent d’une large offre deproduits et de services qu’elles four-nissent sur commande du secteur in-dustriel et aux conditions habituellesdu marché, ou qu’elles développentet mettent elles-mêmes sur le marché(leur propre production).

Les institutions protégées ontune double mission. D’une part,elles veulent procurer aux employésmoins performants un travail utile,rétribué et adapté à leur handicap.D’autre part, elles encouragent éga-lement l’intégration sociale des per-sonnes handicapées en les accompa-gnant par un soutien socio-éducatif(pour autant que cela soit nécessaireet souhaité) jusqu’à leur insertiondans la communauté. Elles les en-couragent à devenir autonomes.

Pour pouvoir assurer cette tâcheexigeante et demeurer malgré toutconcurrentielles sur le marché, les

institutions sont soutenues par dessubventions de l’AI aux frais d’ex-ploitation et de construction. Enpratique, l’occupation de personnesdémontrant une capacité productiveréduite ou particulière occasionne cequ’on appelle les frais supplémen-taires liés au handicap. Et pour pou-voir s’acquitter à la fois d’une tâcheéconomique et pédagogique, l’ate-lier occupe un certain nombre deprofessionnels qui ne produisentrien eux-mêmes, mais assistent lescollaborateurs handicapés dans leurtravail en préparant et dirigeant ledéroulement du travail. En outre,ces centres de production ont besoinde plus grandes surfaces de travail,de stockage et de délassement, etelles proposent à leurs employés desoffres complémentaires telles que lesport ou les activités artistiques. Or,l’AI rembourse uniquement les fraissupplémentaires mentionnés plushaut par rapport aux autres coûtshabituels d’exploitation qui, eux,sont financés par la production del’atelier. Les ateliers ne sont donc enaucun cas avantagés du fait qu’ils re-çoivent des subventions de l’Etatcomme on le laisse ordinairemententendre. L’Etat essaie seulementde leur donner les moyens néces-saires, afin que leurs produits etleurs services aient une chance sur lemarché. Et il y a belle lurette quel’on ne commande ou n’achète pluspar pitié…

L’atelier protégé, lieu de travail

Les personnes handicapées fournis-sent dans les ateliers un travail quicorrespond à leurs aptitudes men-tales et psychiques. Il s’agit d’un tra-vail rémunéré et utile à l’économie.Depuis des décennies, INSOS (Insti-tutions sociales suisses pour les per-sonnes handicapées) – l’organisationfaîtière de ces institutions – recom-mande d’appliquer aux rapports detravail dans les ateliers le droit relatifau contrat de travail figurant dans lecode des obligations (CO). Chaquecollaborateur et chaque collabora-trice doit recevoir un contrat de tra-vail écrit qui fixe ses droits et ses de-voirs de manière claire et qui re-cueille l’approbation des deux par-ties.

En conséquence, les personneshandicapées ont, comme les autres

Ateliers protégés : une chance de réinsertion professionnellepour des milliers de travailleursEnviron 27 000 personnes, pour la plupart atteintes dans leursanté mentale ou psychique, travaillent dans des ateliers pro-tégés et des centres d’occupation. Avec des recettes supé-rieures à 250 millions de francs par année, ces ateliers contri-buent de manière significative à l’économie de notre société.Néanmoins, c’est un marché de la main-d’œuvre qui n’est pasconsidéré comme telle.

Thomas BICKEL, secrétaire centrald’INSOS1

1 INSOS : Institutions sociales suisses pourpersonnes handicapées.

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employés, des devoirs envers leuremployeur. Le premier de ces de-voirs étant qu’ils fournissent leurtravail dans la mesure du possible etdu raisonnable et qu’ils s’en tiennentaux horaires convenus.

L’application à la lettre du droitrelatif au contrat de travail (art. 324ss CO) ne pose problème que surdeux points seulement – notammenten ce qui concerne la dissolution durapport de travail et le maintien dela rémunération lorsque le travail-leur est empêché de travailler pourdes causes inhérentes à sa personne.En ce qui concerne le premier point,les ateliers protégés peuvent effecti-vement être considérés comme des«espaces de ménagement» du faitque l’employeur renonce de facto àdissoudre le rapport de travail enraison d’une insuffisance de presta-tions ou de travail. Les personneshandicapées ne sont pas congédiées,sauf cas d’exception. Le maintien dela rémunération en cas de maladie

est naturellement aussi probléma-tique puisque des types de handicapbien précis entraînent des absencesrépétées pour raison de santé. Enrègle générale, il est pourtant pos-sible, depuis quelques temps, de con-clure des assurances pour perte degain.

Au bout du compte il faut garderà l’esprit que les rapports de travailsont fixés par un contrat, dans lesateliers protégés comme dans touteautre branche de l’économie.

L’atelier protégé, centre de réinsertion professionnelleet socialeL’atelier protégé n’est pas simple-ment un lieu dans lequel les per-sonnes moins performantes sont re-foulées faute d’avoir trouvé unemeilleure solution. Il représentepour bon nombre d’entre elles unealternative véritablement utile pourse réinsérer dans le monde du travail

et dans la communauté – à celaveillent également les conditions dequalité fixées par INSOS et l’OFASqui figureront sur les futurs contratsde prestations à partir de 2001. Onprésuppose ainsi qu’il existe une offrede travail variée adaptée aux capa-cités individuelles des employés. En outre, INSOS recommande à sesmembres d’attacher une importancetoute particulière à ce que les étapesdu déroulement du travail soient in-telligibles et logiques. L’atmosphèrede travail doit elle aussi être agréable.Les personnes handicapées doivent,dans la mesure du possible, pouvoirtravailler individuellement et enéquipe. Enfin, les collaborateurs etles collaboratrices handicapés sontrégulièrement conviés à des entre-tiens afin d’évaluer leur travail et leur rémunération. Un travail ré-gulier leur permet aussi de trouverune place dans la communauté et les encourage dans leur intégrationsociale.

Les ateliers protégés, élémentscomplémentaires du marché dela main-d’œuvre L’offre des ateliers d’occupationpermanente peut être considéréecomme partie complémentaire (ousecondaire) du marché de la main-d’œuvre dont il est de plus en plusquestion depuis le début de cette dé-cennie. Pour des milliers de per-sonnes souffrant d’un handicap quidiminue leur prestation et qui les ex-clut de plus en plus du marché dutravail primaire, ces ateliers repré-sentent une excellente opportunitéde fournir une contribution à la so-ciété, significative du point de vueéconomique. Cela étant, il reste quele marché primaire de l’emploi doitpouvoir offrir des places de travail àla majorité des travailleurs handica-pés. Le but à atteindre est un emploidans le circuit normal pour le plusgrand nombre d’entre eux.

Pour les personnes plus grave-ment handicapées cependant, uneactivité dans un environnement pro-tégé peut offrir de meilleureschances d’intégration. C’est pour-quoi il serait déplacé d’opposer lesdeux marchés pour des raisons idéo-logique. Il s’agit tout d’abord de dé-terminer dans quel environnementune personne handicapée peut utili-ser dignement ses capacités.

(Traduit de l’allemand)

Les ateliers protégés apportent aussi leur contribution à l’économie.

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A s s u r a n c e - c h ô m a g e e t h a n d i c a p é s

«Colin-maillard» – quel enfant n’ajamais joué à ce jeu où l’un desjoueurs, les yeux bandés, doit cher-cher les autres à tâtons, en saisir unet le reconnaître ? Etre aveugle …pour la plupart d’entre nous, une ex-périence amusante le temps d’unjeu ; pour d’autres une réalité quoti-dienne.

«Colin-maillard», c’est aussi lenom d’un projet de restaurant et de centre culturel pour aveugles etmalvoyants lancé à Zurich. Grâce à l’aide de l’assurance-chômage, deschômeurs aveugles ou malvoyantsont suivi un cours de formation debase en restauration organisé à l’hô-tel Solsana, à Saanen. Le restaurantdont ils assurent l’administration etle service, a ouvert ses portes en sep-tembre 1999. Les réactions ont étéd’entrée de jeu extrêmement posi-tives. Ce succès encourage d’ailleursles initiateurs à faire des projetsd’avenir : ils envisagent d’envoyerd’autres aveugles ou malvoyantssuivre le cours de base ou parfaireleur formation. Cet exemple dé-montre que les chômeurs handica-pés peuvent suivre des mesures demarché du travail et se réinsérer.

Conditions générales

Le but primordial de l’assurance-chômage est de permettre aux chô-meurs de trouver le plus rapidementpossible une activité lucrative du-rable. A cet effet, elle encourage pardes subventions la reconversion, laformation et l’intégration profes-sionnelle des chômeurs dont le place-

ment est impossible ou très difficilepour des raisons inhérentes au mar-ché du travail (art. 59 al. 1 LACI).Ces mesures doivent être dictées parles exigences dudit marché et amé-liorer l’aptitude au placement desbénéficiaires. Concrètement, ellesdoivent accroître les chances du chômeur concerné de retrouver ra-pidement un emploi (art. 59 al. 3LACI).

L’aptitude au placement consti-tue donc une condition importantedu droit à l’indemnité de chômage(art. 8 al. 1 let. f LACI). Aux termesde la loi, une personne handicapéeest réputée apte à être placéelorsque, compte tenu de son infirmi-té et dans l’hypothèse d’une situa-tion équilibrée sur le marché du tra-vail, un travail convenable pourraitlui être trouvé sur ce marché (art. 15al. 2 LACI). Le chômeur a droit àl’indemnité de chômage et à des me-sures de marché du travail seule-ment s’il est établi qu’il est apte auplacement. S’agissant des handica-pés, les autorités cantonales clari-fient l’aptitude au placement enétroite collaboration avec les or-ganes de l’assurance-invalidité (art.15 al. 1 LACI).

Un salarié handicapése retrouve au chômageSi un travailleur souffrant d’un handi-cap physique ou mental perd sonemploi pour des motifs inhérents aumarché du travail, l’assurance-chô-mage admet en principe que la per-sonne handicapée est apte à être pla-

cée, sans égard au fait qu’elle toucheou non une rente AI (complète).Cette règle part de l’idée qu’unepersonne qui, malgré son handicap,a exercé pendant des années un emploi à temps plein ou à temps par-tiel normalement rémunéré, ne doitpas se voir dénier d’office toute apti-tude au placement au motif qu’elletouche une rente complète AI1 ouune rente d’invalidité de la SUVAdès lors qu’elle perd son emploi. Lehandicapé est réputé apte à être pla-cé jusqu’à ce qu’il puisse lui être dé-montré de manière pertinente qu’ilne l’est plus.2

Cette aptitude au placement dechômeurs handicapés depuis long-temps autorise l’assurance-chômageà leur verser des indemnités de chô-mage s’ils remplissent toutes lesconditions préalables à l’ouverturedu droit (art. 8 LACI). De même,toutes les mesures de marché du tra-vail adéquates et nécessaires dansl’optique du marché du travail leursont ouvertes.

Un salarié perd son emploi à la suite d’un accidentLa situation se présente différem-ment lorsqu’un travailleur a un acci-dent qui le rend infirme et qu’il perdde ce fait son emploi. Lorsque l’infir-mité est toute récente, la question del’aptitude au placement se pose entermes simples : ou la personne estprésumée apte à être placée, ou elleest totalement inapte.

Présomption d’aptitude au placementSi le travailleur qui a eu un accidentn’est pas, malgré son infirmité, ma-nifestement inapte au placement et

Mesures relatives au marché du travail

Les chômeurs handicapés, mais sans être totalement inva-lides, sont considérés par l’assurance-chômage comme des in-terlocuteurs valables pour leur «capacité de travail restante».Ils peuvent dès lors toucher des indemnités journalières del’assurance-chômage ou participer aux mesures relatives aumarché du travail prises par cette assurance. Dans l’article quisuit, l’auteur évoque les divers droits et possibilités des per-sonnes handicapées.

Kathrin MARTHALER, lic. phil. I, division Marché du travail etAssurance-chômage, secrétariat d’Etat à l’économie

Mesures de marché du travail soutenues par l’assurance-chômage :• cours de formation continue et de reconver-

sion,• stages de formation, • entreprises d’entraînement, • allocations de formation, • programmes d’emploi temporaire, • semestre de motivation, • stages professionnels, • allocations d’initiation au travail, • encouragement à exercer une activité indé-

pendante, • contributions aux frais de déplacement et de

séjour quotidien ou hebdomadaire, • projets nationaux.

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s’il s’est annoncé à l’AI ou à uneautre assurance, il est présumé apteà être placé jusqu’à ce que l’AI aitrendu sa décision.3 En vertu de cetteprésomption, il peut jusque-là tou-cher l’indemnité de chômage. Il adès lors le droit de bénéficier de me-sures de marché du travail si celles-cisont indiquées pour des raisons in-hérentes au marché du travail. Cetterègle vise à éviter qu’une personneassurée devenue infirme ne toucherien, ni de l’une ni de l’autre assu-rance, jusqu’à ce que la question deson aptitude à être placée soit cla-rifiée.4 La présomption d’aptitude au placement ne préjuge en rien dela décision de l’assurance-chômageconcernant son aptitude au travailou sa capacité de gain.

Exemple : Un informaticien de-vient paraplégique à la suite d’un ac-cident de la route. Malgré son infir-mité, il peut continuer à exercer sa

profession et reste ainsi fondamen-talement apte au placement. Il adroit, jusqu’à la décision de l’AI, àl’indemnité de chômage et au finan-cement de mesures de marché dutravail s’il remplit toutes les condi-tions préalables à l’ouverture dudroit.

Inaptitude au placementSi l’infirmité subie par le travailleurl’empêche d’exercer la professionqu’il exerçait avant ou qu’il avait ap-prise, il est alors réputé inapte auplacement. La diminution de l’apti-tude au travail pour des raisons desanté entre dans le champ d’applica-tion de l’assurance-invalidité. Celle-ci finance aux assurés les mesures deréadaptation propres à rétablir leurcapacité de gain, à l’améliorer ou à la sauvegarder (art. 8 al. 1 LAI).C’est elle aussi qui détermine la ca-pacité de gain du handicapé et fixe ledroit à la rente et sa hauteur.

L’assurance-chômage établit l’ap-titude au placement en fonction dela capacité de gain reconnue par l’as-surance-invalidité. Il convient de re-lever que le fait pour l’assuré de tou-cher une rente complète n’exclut pasqu’il puisse être déclaré apte au placement.5 L’aide de l’assurance-chômage interviendra seulementlorsque l’assuré handicapé aura étéjugé apte au placement. A l’excep-tion des cours de développement dela personnalité (cours de bilan pro-fessionnel, techniques de recherched’emploi – indiqués en général pourtous les demandeurs d’emploi), queles handicapés peuvent suivre gra-tuitement déjà avant la décision del’AI.

Exemple : A la suite d’un acci-dent, une danseuse est condamnée àse déplacer en fauteuil roulant. Sonemployeur ne peut plus la gardercomme danseuse et la licencie. A cestade, du point de vue du droit del’assurance-chômage, elle est inapteau placement comme danseuse. Unefois remise de son accident, elle ac-complit une formation commercialeaux frais de l’assurance-invalidité.Cette reconversion lui permet de retrouver sa capacité de gain, et elleredevient donc apte au placement.Si elle remplit toutes les conditionspréalables à l’ouverture du droit àl’indemnité de chômage, elle peutdemander cette indemnité ainsi quele financement des mesures de mar-ché du travail nécessaires et appro-priées.

Remarque finale

Comme on l’a vu plus haut, les chô-meurs handicapés aptes au place-ment ont en principe les mêmesdroits à l’indemnité de chômage et à des mesures de marché du travailque les autres chômeurs. Le cas despersonnes handicapées fait l’objetd’une mention spéciale dans la Cir-culaire relative aux mesures du mar-ché du travail6, au chapitre qui traitedes allocations d’initiation au tra-vail. Prenons par exemple le cas d’unassuré qui exerçait un métier manuelet qui, à la suite d’un accident entraî-nant une infirmité permanente, a ac-compli une formation commercialereconnue par l’AI. Si, au moment oùil s’inscrit comme demandeur d’em-ploi, cet assuré ne possède encoreaucune (ou pas assez) d’expériencedans son nouveau champ d’activité,l’employeur qui acceptera de l’enga-ger et de le mettre au courant pour-ra bénéficier de subventions sous laforme d’allocations d’initiation autravail.

Comme le montre l’exemple don-né au début de cet article, il existed’autres mesures spécialement conçuespour les handicapés. Par exemple,des cours de techniques de recherched’emploi pour les aveugles, les mal-voyants et les malentendants – etpour ces derniers également descours d’informatique de différentsniveaux. Au demeurant, les handica-pés peuvent, comme cela a été ditplus haut, participer à toutes les mesures de marché du travail.

(Traduit de l’allemand)

1 Une rente complète AI est versée à partird’un taux d’invalidité de 66,6 %. Un chômeurhandicapé reste apte à être placé à raison de sa«capacité de travail restante».

2 Gerhards Gerhard, Kommentar zum Ar-beitslosenversicherungsgesetz (AVIG), t. I,N87 à propos de l’art. 15 LACI, p. 221–222,Berne 1987–1993

3 idem, t. I, N98 à propos de l’art. 15 LACI,p. 225, Berne 1987–1993. Voir aussi OACI, art.15, al. 3

4 idem, t. I, N99 à propos de l’art. 15 LACI,p. 225, Berne 1987–1993.

5 idem, t. I, N93 à propos de l’art. 15 LACI,p. 223, Berne 1987–1993.

6 Circulaire relative aux mesures du marchédu travail (MMT), Office fédéral de l’industrie,des arts et métiers et du travail, Berne 1997.

«blindekuh» – ou «Colin-maillard» pour les Romands –, projet prometteur de reconversion professionnelle pour aveugles et malvoyants du bord de la Limmat.

blindekuhbbaarr rreessttaauurraanntt kkuullttuurr iimm dduunnkkeellnn

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Situation actuelle : tendancecroissante à exclure lespersonnes handicapées dumarché du travail primaireLe préjudice croissant qui affecte leshandicapés sur le marché du travaila déjà été abondamment décrit.Rappelons le rapport de la Confé-rence des organisations faîtières de l’aide privée aux handicapés(DOK) intitulé «Discrimination despersonnes handicapées en Suisse»(2e édition, Zurich, 1998). Les rai-sons qui poussent à cette fréquenteexclusion du processus de travailsont notamment les suivantes : • exigences de rendement plus éle-

vées dans l’économie ;• manque de bonne volonté des em-

ployeurs de tenir à disposition desplaces de travail adaptées, peurd’éventuelles charges et presta-tions d’encadrement supplémen-taires, diminution du sens des res-ponsabilités sociales ;

• peur des conséquences négativesau cas où l’état de santé des handi-capés devait se dégrader (recourscroissant aux prestations sociales).

Les personnes touchées par l’ex-clusion sont en particulier les handi-capés psychiques, dont le nombreparmi les nouveaux bénéficiaires de rentes augmente dans une pro-portion fortement supérieure à lamoyenne (cf. Pro Mente Sana Ak-tuell 3/98 ainsi que CHSS 4/1998p. 202)

Le système de sécurité socialeexistant offre un éventail de mesuresde réadaptation favorisant l’inser-tion professionnelle et sociale, parmilesquelles des cours d’encourage-ment professionnel qui préparent àune formation, à un reclassement, àun stage ou à une place sur le mar-ché général du travail. Les frais decours sont pris en charge par l’AIqui, de plus, octroie aux participantsune indemnité journalière pour ladurée du cours. L’AI finance égale-ment d’autres mesures de réadapta-tion importantes, comme les servicesde placement et l’orientation profes-sionnelle. Dans le cadre du marchédu travail secondaire, il faut signalerles ateliers protégés qui proposentaux handicapés un emploi dans uncadre protégé. A ce propos, des

lacunes demeurent dans l’offre deplaces de travail protégées, en par-ticulier pour les handicapés psy-chiques occupés dans des ateliersnon spécifiques et souvent à destâches dépréciées.1 Il est évident queles instruments actuels ne sont passuffisants et qu’il faudra trouver,lors de la 4e révision de l’AI, de nouveaux modèles d’incitation sup-plémentaire visant à améliorer la réadaptation des handicapés.

Modèles de mesures touchantle marché du travail et les assurances sociales

La fondation Pro Mente Sana a pro-posé en 1997 deux modèles sociopo-litiques pour la promotion de l’inté-gration économique et profession-nelle des employés handicapés. Leconcept du bonus/malus veut, ens’inspirant de modèles étrangers, en-courager l’engagement de personneshandicapées par l’entremise d’unquota. Ce concept se base sur leprincipe de paiements compensa-toires entre les entreprises : les em-ployeurs qui comptent parmi leursemployés une proportion de per-sonnes handicapées inférieure à 6 %alimentent un fonds qui servira àfinancer les prestations de bonuspour les entreprises dont la propor-tion d’employés handicapés est su-périeure à un quota donné.

Etant donné que le modèle desquotas a très peu de chances de voirle jour en Suisse compte tenu desréalités politiques, une variante a étéproposée. Il s’agit d’un modèle d’in-citation pure qui renonce à définirquotas et malus. Tous les em-ployeurs des secteurs public et privéreçoivent de l’AI un «bonus» pourchaque personne handicapée enga-gée. Le financement des bonus se-rait assuré par les économies faitesen évitant de nouveaux cas de renteset en augmentant légèrement lesprimes.2 Les conséquences finan-cières et les retombées sur le plandes économies ont été quantifiées :l’AI consacre annuellement environ500 millions de francs aux mesuresd’ordre professionnel et aux indem-nités journalières. Si ce bonus incita-tif devait éviter le licenciement depersonnes atteintes dans leur santé,il pourrait en résulter une économiede 50 millions de francs, soit une ré-duction des mesures d’ordre profes-sionnel nécessaires estimée à 10 %.De 1991 à 1996, le nombre de béné-

Jost GROSS, conseiller national PS/TG,président de la fondation Pro Mente Sana,Herdern TG

Incitations économiquesà la réinsertion des personneshandicapées

La situation se dégrade sur le marché du travail depuis le dé-but des années 90. Cette détérioration a surtout rendu difficilel’insertion professionnelle des personnes atteintes de mala-dies psychiques, et multiplié ainsi le nombre de cas d’invalidi-té. Jost Gross, conseiller national et président de la fondationPro Mente Sana, entend promouvoir l’engagement de per-sonnes handicapées par des modèles d’incitation. Dans l’ar-ticle qui suit, il commente les modèles soumis à discussion.

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ficiaires de rentes AI ordinaires aaugmenté de 135 000 à 166 000, cequi correspond à une augmentationannuelle de 6000 cas. Sans l’intro-duction de nouveaux scénarios deréadaptation, il faudra s’attendre àune augmentation dans des propor-tions similaires. Des incitations sup-plémentaires permettraient d’éviterenviron 1500 nouveaux cas de rentespar année, et les économies an-nuelles qui en résulteraient seraientde l’ordre de 160 millions de francs.

D’autres systèmes d’incitationactuellement en discussion visent lemême objectif : • Avantages fiscaux ou remise de

charges salariales pour les exploi-tations qui engagent des handica-pés.

• Extension du soutien financier del’AI en cas de réinsertion dans leprocessus de travail, par exemplepar le versement d’indemnitésjournalières pendant la périoded’adaptation.

• Minimalisation des risques pourles employeurs. En particulierdans la prévoyance profession-nelle : prise en charge des presta-tions d’invalidité par un fonds derisque, afin de réduire les chargesde la prévoyance en faveur du per-sonnel de l’entreprise.3

A l’étranger également on optede plus en plus pour des incitationséconomiques avec pour priorité lessubventions salariales.4

Modèles incitatifs concernantl’ensemble de la politique de l’emploi

Une stratégie plus radicale mise surdes mesures d’incitation à l’emploidans l’ensemble du secteur à bas sa-laires, par exemple en exonérantd’impôts plus largement les salairesmensuels inférieurs ou équivalents à 3000 francs et en combinant cettemesure avec la remise ou la réduc-tion des cotisations patronales et sa-lariales aux assurances sociales. Lescotisations seraient financées parl’Etat ou par les organes compétentsen matière d’assurances sociales ; onsupprimerait simultanément la dé-duction de coordination dans laLPP. Les incitations d’accès à l’em-ploi concerneraient avant tout lesecteur des prestations de servicesoù les réserves de travail sont encoreconsidérables – précisément pour lespersonnes moins performantes etqui n’arrivent plus à faire face à lapression ou aux exigences du mondeindustriel. Le taux d’activité dans lesecteur tertiaire de même que laproportion des personnes occupéesà temps partiel ne sont pas excep-tionnelles en Suisse, en comparaisonpar exemple de la Hollande ou desEtats-Unis. Les exonérations fis-cales et de redevances visées per-mettraient une très nette augmenta-tion des bas revenus et créeraientainsi un pouvoir d’achat supplémen-taire, avant tout dans l’économie in-térieure qui en a bien besoin. Detelles mesures laisseraient entrevoirà toutes les personnes à revenus mo-destes une amélioration de leurbien-être social, et leur éviteraientainsi de porter les stigmates de lamarginalisation ou d’être confrontésà de lourds problèmes de délimita-tion entre maladie, handicap, dépen-dance et invalidité.5

Les mesures dans le domaine dessalaires et des assurances socialespourraient aller de pair avec une ex-tension des prestations complémen-taires en faveur de nouveaux groupestouchés par la pauvreté, pour leurfournir une sécurité de base selon leprincipe du besoin même en dehorsde l’AVS/AI.6 Des tentatives poli-tiques allant dans ce sens sont enpasse d’être réalisées. Priorité estdonnée au droit pour les non-actifsâgés de toucher des prestations,comme le réclame le conseiller na-tional Paul Rechsteiner dans une ini-tiative parlementaire.

Oser changer de tendanceLa 4e révision de la LAI ne doit pasaboutir à une minirévision même sion a renoncé à la suppression duquart de rente AI, mesure qui allaità l’encontre de la réadaptation. LeConseil fédéral partage visiblementcette opinion. Il est cependant partrop prudent et craintif en ce quiconcerne les modèles d’incitation, etpenche pour une meilleure utilisa-tion des instruments dont disposentdéjà l’AI et l’assurance-chômage.Mais les mesures de réadaptationprofessionnelle de l’AI sont trop for-tement marquées par l’hypothèsed’une situation équilibrée du marchédu travail. Elles ne tiennent pas nonplus compte du fait que la suppres-sion du travail non qualifié pour cau-se de rationalisation, intensifie l’iso-lement économique des personneshandicapées. Cette mesure entraîneégalement chez les salariés plus qua-lifiés, mais moins efficaces, un chô-mage structurel dans des propor-tions beaucoup plus importantes queprévues. Nous disposons de connais-sances et de bases de décision suffi-santes pour permettre l’introductionde modèles d’incitation. Il serait aus-si envisageable d’expérimenter detels systèmes dans certains cantonsou dans certaines régions, commepar exemple des modèles d’horairede travail dans l’assurance-chômage.

Les systèmes d’incitation écono-mique comportent indiscutablementun risque : ils pourraient encouragerles employeurs à reporter sur l’Etatleurs coûts salariaux même lorsquela situation financière de leur entre-prise ne les y oblige pas. Il seraitpeut-être avantageux d’expérimen-ter les modèles branche par branche,par exemple dans le secteur desprestations de services de faible ren-tabilité. Le Conseil fédéral doit fairepreuve de courage et de créativité ence qui concerne la réorganisation del’AI, s’il veut briser la tendance fu-neste vers une érosion du principede la primauté de la réadaptation. Et il devrait également porter uneattention particulière à une meil-leure coordination entre l’assuran-ce-invalidité, l’assurance-chômageet l’aide sociale (voir CHSS 5/1999p. 228 ss).

(Traduit de l’allemand)

1 Cf. Baer/Amsler, Wirksamkeit beruflicherMassnahmen bei psychisch behinderten Men-schen, Pro Mente Sana, Zurich.

2 Pro Mente Sana, Des emplois pour les per-sonnes handicapées, Zurich, 1997.

3 Cf. le rapport de la CSSS du Conseil nationalconcernant l’initiative parlementaire Suter ausujet du traitement égalitaire des personneshandicapées, du 13 février 1998, p. 6 s.

4 Cf. Hans Schmid, Zukunft der Arbeit – auchfür Behinderte, dans Eigenmann, Beruflich-soziale Lebensplanung schwieriger Kinder undJugendlicher, Lucerne, 1991, p. 29 ss.

5 Jost Gross, IVG-Revision – Die Wieder-eingliederung Behinderter stärken, nichtschwächen, NZZ du 29 mai 1999.

6 Cf. Jost Gross, Besonderheiten des Schwer-behinderten-Problems und der Politik zur Inte-gration Schwerbehinderter in den Arbeitsmarktin der Schweiz, dans Knappe/Frick, Schwerbe-hinderte und Arbeitswelt, Frankfurt a.M.,1989, p. 193 ss.

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RLe travail est au cœur même del’existence. Ce principe devrait êtrevalable également pour les per-sonnes en situation de handicap, sitel est leur désir. Or, la tendance vadans une toute autre direction. Surle marché du travail, les travailleurshandicapés sont les premières vic-times d’une concurrence toujoursplus rude – une des raisons de la forteaugmentation des rentes, avec le corollaire obligé du déséquilibre financier de l’AI. Face à cette évo-lution, la politique et l’économie se résignent par fatalisme. La volontémanque pour changer de cap. L’ob-jectif fondamental de la LAI depuis1960 – «la réadaptation prime la ren-te» – n’a pourtant pas changé, mais ilse réduit à une bonne intention.

Passer des objectifs aux faits

La population est-elle d’accord avecce «laisser-faire» ? Nous ne le croyonspas, même après la victoire électora-le de Christoph Blocher. Le succèsdu référendum contre la 4 e révisionde la LAI, en juin 1999, est un signalclair du refus de faire des économiesdéraisonnables sur le dos des handi-capés. Il apporte aussi un soutien à l’un des principes fondamentauxde l’AI : une assurance sociale qui

aide à s’aider soi-même. Simul-tanément, l’aboutissement en untemps record de l’initiative popu-laire «Droits égaux pour les per-sonnes handicapées» souligne queles beaux discours sur plus d’égalitéde chances et une meilleure intégra-tion devraient enfin se traduire dansles faits. Il faut bien reconnaître queles personnes handicapées ont, ellesaussi, le droit de choisir leur vie et deprendre leurs propres responsabili-tés. Si nécessaire, l’accès à «l’espacepublic» doit leur être assuré via lapossibilité de se plaindre d’une vio-lation de leurs droits constitution-nels devant les tribunaux.

C’est pourquoi l’initiative popu-laire permettant aux handicapés deporter plainte pour violation de leursdroits constitutionnels constitue uninstrument efficace pour s’opposeraux limitations nettement discrimi-natoires. Cette disposition qui donneenfin des armes dans le cadre dumandat légal énonce que «L’accèsaux constructions et aux installationsou le recours à des équipements ou àdes prestations destinés au publicsont garantis dans la mesure où ils sontéconomiquement supportables.» Lesconditions d’existence doivent d’unemanière générale être amélioréesdans tous les domaines importants.

L’art. 8 de la nouvelle constitu-tion fédérale va dans la même direc-tion en rendant inconstitutionnelletoute forme de discrimination et enexigeant du législateur qu’il élimineles entraves existantes imposées auxpersonnes handicapées. Il n’en vapas seulement des barrières archi-tecturales. Pensons aux nombreuxobstacles et limitations dans la viequotidienne, à l’école et pendant laformation, dans le monde du travail,dans les télécommunications et dansla circulation. Tous ces domaines del’existence sont interdépendants.«Participation totale et égalité desdroits des personnes handicapéesdans notre société» est la devise des Nations Unies depuis 1981. Cetobjectif ne peut être atteint qu’à la condition de recourir à une ap-proche globale, et en prenant sontemps (personne ne demande d’yparvenir du jour au lendemain !),tout en adoptant une politique prag-matique qui, pas à pas, ira dans labonne direction.

Passer à l’offensive

Pourquoi ne pas commencer par me-ner une offensive dans le domainedu travail et à la réaliser dans lecadre de la révision en cours de laLAI, plutôt que de présenter, com-me on peut le craindre, une proposi-tion minimaliste et anémique ? Lespoints centraux et prioritaires decette réforme en faveur des tra-vailleurs handicapés devraient êtreles suivants :

• Quotas minimaux d’engagementde personnes handicapées avec, simultanément, un assouplissementdes horaires de travail (notammentpar le biais d’emplois à temps par-tiel) en faveur de cette catégorie de travailleurs, en commençant parles administrations publiques et lesgrandes entreprises.

Marc F. SUTER, avocat et notaire,conseiller national PRD, Bienne

C’est la qualification qui estdéterminante, et non le handicapLa politique d’intégration est traitée en parent pauvre. Résul-tat, les personnes handicapées sont les premières à pâtir desconditions économiques défavorables : telle est l’opinion duconseiller national Marc F. Suter – atteint lui-même de paraplé-gie et sur chaise roulante depuis son accident de 1973 – qui sebat depuis des années pour que soit donnée aux personneshandicapées la possibilité d’épanouir leurs capacités et de par-ticiper de plein droit à la vie professionnelle et sociale (réd.).

Les beaux discours sur

l’égalité des chances et une

meilleure intégration

devraient enfin se traduire

dans les faits.

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• Encourager financièrement (sub-ventions sociales, abattements fis-caux) les employeurs qui engagentdes personnes handicapées.• En cas de qualification égale, don-ner la priorité aux personnes han-dicapées lors de l’embauche et despromotions (y compris pour lespostes à temps partiel) et introduirele droit de plainte donné aux asso-ciations comme dans le cas de l’éga-lité entre femmes et hommes.• Échelonner d’une manière plus fine les rentes et la reprise des mesures d’adaptation du poste detravail par l’AI.• Offrir des possibilités de forma-tion professionnelle continue com-prenant une année sabbatique à lacharge de l’AI pour chaque «vie active». • Introduire une indemnité d’assis-tance dans l’AI pour compenser lacharge imposée à ceux qui s’oc-cupent de personnes handicapées.Cette indemnité encouragera lemaintien et le travail à domicile.• Encourager les personnes handi-capées à exercer une activité lucra-tive indépendante, en particulier parun fonds de capital risque et un financement de moyens auxiliairesélectroniques.• Donner accès à la prévoyance pro-fessionnelle (suppression de l’exi-gence d’une rémunération minimalepour les personnes handicapées).• Exempter d’impôts les personneshandicapées invalides et nécessitantdes soins, afin de compenser lescoûts supplémentaires liés au handi-cap qui constituent au sens large duterme des frais d’obtention du revenu.• Faire nommer par le Conseil fédé-ral un préposé à l’égalité qui (commec’est le cas du préposé à la protec-tion des données ou du préposé à la surveillance des prix) prendra ladéfense des intérêts des personneshandicapées dans la législation etdans les administrations fédérale et cantonales, et qui renseignera lepublic sur l’état d’avancement de sestravaux et de ses efforts.• Sélectionner et appeler des per-sonnes handicapées à des postes im-portants dans l’administration, dansla justice et dans les entreprisesd’économie mixte.

Un tel programme ne se fera cer-tainement pas sans frais, mais il s’agitsans aucun doute d’un investisse-ment pour l’avenir. En fin de compte,le total des dépenses consenties nemanquera pas de diminuer, car plus

grand sera le nombre de personneshandicapées capables de subvenir àleurs besoins, moins les assurancessociales auront de rentes à verser.C’est le cas dans l’assurance-maladieoù les solutions «ambulatoires» coû-tent toujours moins cher que les trai-tements hospitaliers.

Tirer parti du potentiel des personnes handicapéesEn 1990 aux Etats-Unis, est entréeen vigueur sous la présidence deGeorges Bush, partisan de la libertééconomique, une loi historiquecontre la discrimination, de trèsgrande portée et touchant à ungrand nombre de domaines exis-tentiels (dont l’activité lucrative) :l’«Americans with Disabilities Act».Les personnes handicapées béné-ficient maintenant de l’égalité deschances quand elles postulent unemploi : c’est leur qualification quiest déterminante, et non leur handi-cap. Jusqu’à ce jour, nous n’avonspas entendu les employeurs améri-cains se plaindre de mauvaises expé-riences faites à cause de la nouvelleloi. Au contraire, ils semblent bien

plutôt avoir remarqué qu’il est avan-tageux non seulement au plan social,mais aussi au point de vue l’écono-mique, de pouvoir tirer parti du marché potentiel du travail des personnes handicapées et de faired’elles des membres précieux de lasociété, moyennant bien sûr l’amé-nagement de conditions cadre favo-rables.

C’est un exemple que nous de-vrions suivre, en l’adaptant à nospropres conditions locales. Ce seraittout à l’avantage de notre pays, sidifférencié et par ailleurs fondamen-talement favorable aux personneshandicapées, que de rallier pas à pasl’ensemble de la société aux idéespropices à l’épanouissement et à laparticipation de tous. Changeons decap, misons sur l’intégration plutôtque sur l’exclusion, sur la responsa-bilité assumée plutôt que sur l’assis-tance, sur l’égalité plutôt que sur ladiscrimination. Ce sont les capacitésqui sont déterminantes et non leshandicaps, la vie plutôt que les infir-mités, la valeur de chacun plutôt queles coûts.

(Traduit de l’allemand)

De meilleures perspectives … aussi pour les personnes en situation de handicap psychique ?(Photo : Studio Photo Roland Blattner, Jegenstorf)