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503 Arch Mal Prof Env 2005 © Masson, Paris, 2005 Toute question doit être transmise, sur papier libre,avec vos coordonnées précises, au Docteur Dominique Lafon, 85 bis, Chemin du Bas des Ormes, 78160 Marly-le-Roi. Actualité Q U E S T I O N S - R É P O N S E S Les Archives des Maladies Professionnelles accueillent dans cette rubrique les questions des lecteurs et leurs réponses rédigées par des experts choisis pour leurs compétences sur le sujet. Il s’agit de questions à visées médicales et techniques dans tous les domaines de la santé au travail (à l’exclusion de toute tribune corporative, syndicale ou politique). Toute question peut être posée, mais une sélection sera parfois effectuée pour évi- ter des redondances ou des répétitions. N’hésitez pas non plus à utiliser cette rubri- que pour dialoguer avec vos confrères et vous faire part mutuellement de vos expériences. Question Quelle est la toxicité du 2,4-diméthyl-6-tert-butyl- phénol utilisé comme additif pour la production de matières plastiques ? Dr M.V. (Jura) Réponse Le 2,4-diméthyl-6-tert-butylphénol est probablement utilisé comme antioxydant pour la production de matières plastiques. Je n’ai pas connaissance de données toxicologiques spécifiques publiées sur cette substance. Toutefois, il s’agit d’un phénol substitué en para, ce dont on peut déduire un certain nombre de propriétés toxicologiques probables. Les phénols sont fortement irritants. Ils sont très bien absorbés, quelle que soit la voie de pénétration consi- dérée. Celui-ci n’est pas très volatil et s’il n’est ni chauffé, ni utilisé en aérosol, sa voie d’entrée la plus probable en milieu de travail est la peau. L’intoxication aiguë par un phénol est responsable d’une dépression du système nerveux central (syn- drome ébrieux, puis coma), de convulsions, d’atteintes hépatique (cytolytique) et rénale (tubulaire), d’une méthémoglobinémie, d’une hémolyse, d’une rhabdo- myolyse (résultant des convulsions et d’un effet toxi- que musculaire direct), de troubles hémodynamiques (dus à un effet vasodilatateur et à une toxicité myocar- dique), d’une acidose métabolique et d’un œdème pul- monaire. Une contamination cutanée pouvant être à l’origine d’une intoxication systémique, ce type d’accident doit toujours être pris au sérieux. Il nécessite une déconta- mination immédiate et une surveillance médicalisée d’au moins 24 heures. La décontamination cutanée implique un lavage à l’eau courante de 10 à 15 minu- tes, suivi d’un deuxième rinçage prolongé avec une solution aqueuse d’un polyéthylène glycol (PEG) d’un poids moléculaire supérieur à 1 000 (les PEG plus légers sont eux-mêmes toxiques). Les effets les plus fréquemment rapportés après des expositions répétés à des phénols sont irritatifs et cuta- nés. Un eczéma de contact est également possible. Une dépigmentation au niveau des zones de contact est un effet attendu de tous les phénols substitués en para (ce qui est le cas de celui-ci). En cas de passage systémique, les effets décrits sont des troubles mentaux organiques, des atteintes rénales (glomérulaires ou tubulaires) et une ochronose (coloration verdâtre des cartilages). Dr R. Garnier Consultation de pathologie professionnelle, Hôpital Fernand Widal, 200, rue du Faubourg Saint-Denis, 75475 Paris Cedex. Question Nous voudrions connaître votre position concernant un dossier de demande de reconnaissance en maladie professionnelle, au titre du tableau 16 bis, d’un can- cer broncho-pulmonaire chez une personne d’une cinquantaine d’années, ayant eu divers emplois et considérée comme un gros fumeur, sans précisions supplémentaires. Dr X (Loire) Réponse Une demande de reconnaissance en maladie profession- nelle a été établie au titre du tableau 16 bis par le

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503 Arch Mal Prof Env 2005© Masson, Paris, 2005

Toute question doit être transmise,sur papier libre,avec vos coordonnées précises,au Docteur Dominique Lafon,85 bis, Chemin du Bas des Ormes, 78160 Marly-le-Roi.

ActualitéQ U E S T I O N S - R É P O N S E S

Les Archives des Maladies Professionnelles accueillent dans cette rubriqueles questions des lecteurs et leurs réponses rédigées par des experts choisispour leurs compétences sur le sujet. Il s’agit de questions à visées médicaleset techniques dans tous les domaines de la santé au travail (à l’exclusionde toute tribune corporative, syndicale ou politique).Toute question peut être posée, mais une sélection sera parfois effectuée pour évi-ter des redondances ou des répétitions. N’hésitez pas non plus à utiliser cette rubri-que pour dialoguer avec vos confrères et vous faire part mutuellement de vosexpériences.

Question

Quelle est la toxicité du 2,4-diméthyl-6-tert-butyl-phénol utilisé comme additif pour la production dematières plastiques ?

Dr M.V. (Jura)

Réponse

Le 2,4-diméthyl-6-tert-butylphénol est probablementutilisé comme antioxydant pour la production dematières plastiques.Je n’ai pas connaissance de données toxicologiquesspécifiques publiées sur cette substance. Toutefois, ils’agit d’un phénol substitué en para, ce dont on peutdéduire un certain nombre de propriétés toxicologiquesprobables.Les phénols sont fortement irritants. Ils sont très bienabsorbés, quelle que soit la voie de pénétration consi-dérée. Celui-ci n’est pas très volatil et s’il n’est nichauffé, ni utilisé en aérosol, sa voie d’entrée la plusprobable en milieu de travail est la peau.L’intoxication aiguë par un phénol est responsabled’une dépression du système nerveux central (syn-drome ébrieux, puis coma), de convulsions, d’atteinteshépatique (cytolytique) et rénale (tubulaire), d’uneméthémoglobinémie, d’une hémolyse, d’une rhabdo-myolyse (résultant des convulsions et d’un effet toxi-que musculaire direct), de troubles hémodynamiques(dus à un effet vasodilatateur et à une toxicité myocar-dique), d’une acidose métabolique et d’un œdème pul-monaire.Une contamination cutanée pouvant être à l’origined’une intoxication systémique, ce type d’accident doittoujours être pris au sérieux. Il nécessite une déconta-

mination immédiate et une surveillance médicaliséed’au moins 24 heures. La décontamination cutanéeimplique un lavage à l’eau courante de 10 à 15 minu-tes, suivi d’un deuxième rinçage prolongé avec unesolution aqueuse d’un polyéthylène glycol (PEG) d’unpoids moléculaire supérieur à 1 000 (les PEG pluslégers sont eux-mêmes toxiques).Les effets les plus fréquemment rapportés après desexpositions répétés à des phénols sont irritatifs et cuta-nés. Un eczéma de contact est également possible. Unedépigmentation au niveau des zones de contact est uneffet attendu de tous les phénols substitués en para (cequi est le cas de celui-ci). En cas de passage systémique,les effets décrits sont des troubles mentaux organiques,des atteintes rénales (glomérulaires ou tubulaires) etune ochronose (coloration verdâtre des cartilages).

Dr R. GarnierConsultation de pathologie professionnelle, Hôpital Fernand Widal, 200, rue du Faubourg Saint-Denis, 75475 Paris Cedex.

Question

Nous voudrions connaître votre position concernantun dossier de demande de reconnaissance en maladieprofessionnelle, au titre du tableau 16 bis, d’un can-cer broncho-pulmonaire chez une personne d’unecinquantaine d’années, ayant eu divers emplois etconsidérée comme un gros fumeur, sans précisionssupplémentaires.

Dr X (Loire)

Réponse

Une demande de reconnaissance en maladie profession-nelle a été établie au titre du tableau 16 bis par le

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Actualité

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patient avec l’aide de son pneumologue. L’enquête de laCaisse régionale d’assurance maladie retrouve uneexposition aux huiles de coupe durant quinze anslorsqu’il était conducteur de tours et opérateur régleurdans une fonderie. L’huile de coupe utilisée était à based’huiles minérales raffinées d’origine pétrolière dont lateneur en HAP mesurée selon la méthode IP 346 estinférieure à 3 % d’après la fiche de données de sécurité.On note également l’utilisation de solvants, coupespétrolières à moins de 5 % d’hydrocarbures aromati-ques.Bien que cette enquête ne retrouve pas d’exposition auxsubstances indiquées au tableau 16 bis, le Comité régio-nal de reconnaissance des maladies professionnelles astatué au titre de l’alinéa 3 (travaux non mentionnés surla liste limitative des travaux du tableau 16 bis). L’avisrendu est défavorable car « la preuve d’un lien directentre la pathologie déclarée et le travail ne peut êtreétablie ».Nous avons étudié les données de la bibliographie con-cernant la relation éventuelle entre cancer broncho-pulmonaire et exposition aux huiles de coupe. Concer-nant les études parues avant 1997, les experts du NIOSH(National Institute of Occupational Safety and Health)concluent, dans leur rapport de janvier 1998, àl’absence d’élément suffisant en faveur d’une associa-tion entre cancer du poumon et exposition aux huilesde coupe (1). En effet, les résultats des études publiéessont discordants. Dans la littérature récente, deux étu-des concluent à l’absence d’excès de mortalité par can-cer broncho-pulmonaire chez les salariés exposés auxhuiles de coupe (2, 3). Une autre étude retrouve un trèsfaible excès de mortalité par cancer broncho-pulmo-naire chez les salariés exposés aux huiles de coupe entre1941 et 1994, cependant aucun ajustement sur le tabacn’a été effectué (4).Le dossier de ce patient a été étudié au titre de l’alinéa 3du tableau 16 bis, alors que, vu son exposition aux hui-les de coupe, il relèverait plutôt du tableau 36« affection provoquée par les huiles et graisses d’origineminérale ou de synthèse ». Le tableau 36 ne permettantpas la reconnaissance du diagnostic de cancer broncho-pulmonaire, un alinéa 4 s’imposerait donc. Deux situa-tions sont envisageables : soit ce patient a travaillé surdes pièces encore enduites de sables au noir utilisés dansl’atelier de fonderie, et on peut alors considérer qu’il aété exposé aux hydrocarbures aromatiques polycycli-ques mentionnés au tableau 16 bis, soit il n’a pas étéexposé à ces sables au noir et la demande pourrait êtreenvisagée au titre de l’alinéa 4. Dans cette secondesituation, deux points semblent important à souligner :d’une part, les données de la littérature sus-citées ne

mettent pas en évidence de lien entre cancer broncho-pulmonaire et exposition aux huiles de coupe, et,d’autre part, le fait qu’il s’agisse d’un alinéa 4 supposede démontrer un lien direct et essentiel entre la nuisanceet la pathologie, ce qui ne semble pas être le cas étantdonné le tabagisme élevé de ce patient.

Dr C. De ClavièreConsultation de pathologie professionnelle, Centre hospitalier intercommunal de Créteil, 40, avenue Verdun, 94 000 Créteil

Références1. Criteria for a recommended standard. Occupational exposuresto metal working fluids. Cincinnati, NIOSH, 1998.

2. Schroeder J.C.,Tolbert P.E., Eisen E.A., Monson R.R.,Hallock M.F., Smith T.J., Woskie S.R., Hammond S.K.,Milton D.K. : Mortality studies of machining fluid exposure inthe automobile industry. IV: A case-control study of lung can-cer. Am J Ind Med, 1997 ; 31 : 525-533.

3. Park R.M. : Mortality at an automotive engine foundry andmachining complex. J Occup. Environ. Med, 2001 ; 43 :483-493.

4. Eisen E.A., Bardin J., Gore R., Woskie S.R.,Hallock M.F.,Monson R.R. : Exposure-response models based on extendedfollow-up of a cohort mortality study in the automobile indus-try. Scand J Work Environ Health, 2001 ; 27 : 240-249.

Question

Que sait-on de la toxicité du diméthylsulfoxyde(DMSO) qui est utilisé comme décapant et solvant derésines dans une entreprise que je surveille ?

Dr R. (Indre-et-Loire)

Réponse

Le diméthylsulfoxyde est, de fait, un bon solvant denombreuses matières organiques.Comme beaucoup de solvants organiques, il est bienabsorbé quelle que soit la voie de pénétration consi-dérée, y compris à travers la peau. Il est métabolisé auniveau du foie : principalement oxydé en diméthyl-sulfone et réduit en sulfure de diméthyle. Il a une éli-mination principalement urinaire sous formeinchangée et sous celle de diméthylsulfone ; 10 à15 % sont excrétés dans l’air expiré, les 2/3 sousforme inchangée, 1/3 sous forme de sulfure de dimé-thyle qui donne une odeur alliacée à l’haleine.Le diméthylsulfoxyde est irritant pour la peau dès que saconcentration dans les préparations est au moins égale à10 %. Il est également histaminolibérateur et, par cemécanisme, il est responsable d’urticaire de contact.