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Audrey HAGE LA PLACE DES MARTYRS COMME REFLET DES CONFLITS SOCIO‐ POLITIQUES DE LA SOCIETE LIBANAISE ENSAPM – 2008 / 2009 Directeurs du mémoire : Mr François CHASLIN & Mme Françoise LIVACHE

2008 La place des Martyrs à Beyrouth

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Mémoire sur la place des Martyrs

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AudreyHAGE

LAPLACEDESMARTYRSCOMMEREFLETDESCONFLITSSOCIO‐POLITIQUESDELASOCIETELIBANAISE

ENSAPM–2008/2009Directeursdumémoire:MrFrançoisCHASLIN&MmeFrançoiseLIVACHE

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SOMMAIRE:I‐AVANTPROPOS………………………………………………………………………………………………………..4II–INTRODUCTION……………………………………………………………………………………………………….6III–DEVELOPPEMENT

I‐EVOLUTION,METAMORPHOSE,URBANISATION…………………………………………………….8

1–UNTERRAINHORSLESMURS…………………………………………………………………………………………………92–AMORCEMENTD’UNESPACEPUBLIQUE…………………………………………………………………………………133–EPANOUISSEMENTMAXIMAL:LEBEYROUTHDEL’AGED’OR…………………………………………………19

II‐DECHIRUREETFRAGILITE……………………………………………………………………………………….25

1‐LAPLACEDESMARTYRSDURANTLAGUERREDE1975AL’IMAGED’UNESOCIETEFRAGILE……..272‐REVELATIONARTISTIQUE………………………………………………………………………………………………………….333‐RETOURAUPOINTDEDEPART:RECONSTRUCTIONNATIONALE………………………………………………354‐IMPLICATIONINTERNATIONALEDELARECONSTRUCTION………………………………………………………...38

III‐REQUALIFICATIONETRECHERCHED’IDENTITE……………………………………………………….40

1‐LESELEMENTSDELAPLACEAUJOURD’HUI……………………………………………………………………………….412‐LAPLACEDESMARTYRS,UN«OPEN‐AIRMUSEUM»………………………………………………………………..453‐LIEUDEREPRESENTATIONOUMEMORIAL………………………………………………………………………………..484‐FONCTIONDELAPLACEPUBLIQUE:FIGURED’INTEGRATIONETD’IDENTIFICATION…………………51

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IV–CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………………55VI–BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………………………..57VII‐ANNEXES:………………………………………………………………………………………………………………..61

1–BROCHUREDEL’EXPOSITIONLIBAN!2–IDENTITEDESMARTYRSDU6MAI19163–BROCHURED’INFORMATION1995DESOLIDERE4–RESULTATSDUCONCOURSINTERNATIONALD’IDEES20045–PRESENTATIONDUPROJET«CADAVREEXQUISLEBANESE»6–ETUDECARTOGRAPHIQUEDELAPLACEDESMARTYRS

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AVANT‐PROPOSCette étude pourrait s’appliquer sur une multitude devilles.Ilestclair,pourtant,quepluslasituationestinstable,pluscerapportentreplacesymboliqueetpeupleestforte.J’aichoisidem’intéresserparticulièrementsur lavilledeBeyrouth tout d’abord par curiosité personnelle: étantd’origine libanaise maronite, ayant vécut huit années àBeyrouthetayantdéambuléeplusd’unefoissurcetteplace,je profite de ce mémoire pour mieux comprendre cetattachemententreleslibanaisetlaplacedesMartyrs.De plus, les évènements qui touchent Beyrouth sont trèsd’actualité. Je choisi ce sujet quelques mois après ladeuxièmeguerrelibano‐israéliennedel’été2006.En effet, entre les guerres et divers bouleversementspolitiques, cette ville fut, ces derniers temps, fortementmédiatisée. Criblée d’évènements et de changementsbrusquesdesituationsdepuisbiendesannées, laplacedesMartyrs de Beyrouth semble être une étude de casintéressanteàapprofondir.Dans ce contexte toujours délicat, ma plus grandedifficultéfutletravailsurplace(visiteduterrainetprisedephoto, mais aussi accès à de nombreux documentsd’archive). Pour le premier reportagephoto (mars 2008), àunepériodeoùdestentesoccupaientlaplace,jedujouerledétective afin de voler quelques photos de peur d’êtrearrêterouquestionnerparlesautorités.Danscettevagued’actualitésurBeyrouth,sursesespacesdétruits par la guerre et reconstruit par le peuple, denombreuses manifestations artistiques furent lancées enFranceetàl’étranger.

Deuxexpositionsm’ontprincipalementintéressé.La première nommée Beirutconcerne une expositionphotographique de Gabriele Basilico ( ‐ ), photographedocumentariste et architecte de formation .Présentée à laMaison Européenne de la Photographie en été 2006, elleréunitcertainesphotosinéditesréaliséeslorsdela«Missionphotographique de Beyrouth»1en 1991 (après la premièreguerrede1975).

Basilicorecueille,avechumilité,cesuspensentreledisparaîtreetl'apparaître,entrelamortetlarésurrection,etnousinviteàguetterlemiracledel'éternelretourdelavie.Ilobservelavillecommeuncorpsvivant,endévoilantsonanatomie.Sonanalysedépasselasimple

reproductionformelled’unpaysageurbainpourrévélerlatopographie.2

Ladeuxième:L’ExpositionLiban!,exposéeenété2007àla Cité Internationale des Arts, fut lancée juste après leconflitdel’été2006.Al’initiativedeSergeAkl(directeurdel’OfficedutourismeduLiban),etdeJeanMerhi(vidéasteetresponsabledesarchives‐vidéodelaMaisoneuropéennedelaphotographie),elleviseàobservercepaysà traversune

1 Projet collectif (Basilico, Depardon, Elkoury, Burri, Koudelka et Frank) en vue d'enregistrer la mémoire du centre ville après la fin de la guerre. Financé par la Fondation Hariri, cette mission donna lieu à la publication d'un livre : Beyrouth centre-ville. 2 Extrait du livret de l’exposition Beirut de Gabriele Basilico.

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optique de création afin de le rendre un protagoniste decultureetnondedouleur.

ÀcestroisartistesphotographesdeFrance[P.Lomascolo,Anne‐FrançoisePélissieretRobert

Holden],s’associentégalementJoannaAndraosetCarolineTabet,photographeslibanaises,quiabordentlesthèmesdela

destructionetdel’absencedansunpaysenperpétuellereconstruction.3

En plein milieu de l’élaboration de ce mémoire, mi‐juin2008,un livresur la reconstructionde laplacedesMartyrsparut4. Ce fut une source d’informations sur le devenir decette place et son impact à l’échelle internationale. Cetouvrage m’a également permis d’avoir un nouveau regardsur le Concours d’idées en planification urbaine pour lareconstruction de la place des Martyrs (Beyrouth2004/2005).

Aquoifait‐onréférencelorsqu’ondonneaulieuunesignificationsifortequ’ilenvientparexempleàincarneràluiseulleBeyrouthdel’époqueglorieuse,ouencoreàsynthétisertouslesmalaisesdel’après‐guerre?LaplacedesMartyrs,encela,estavanttoutunlieu

porteurd’imagesmultiples,contradictoiresetrévélatricesàcoupsûrdestempsprésents,maisaussi,parfois,destempsàvenir.5

3 Extrait de la brochure Liban ! (cf.annexe 1). 4 Patrimoineetguerre:reconstruirelaplacedesMartyrsàBeyrouth, Guillaume Ethier, Cahiers de l'Institut dupatrimoinede l'Uqam,Multimondes,Montréal,2008,142pages. 5 Extrait de l’introduction de Patrimoine et guerre

LaparticularitédelaplacedesMartyrs,dansuneperspectivehistorique,résideessentiellementdanslastratificationetl’enchevêtrementdesrôlesqu‘elleajouésdansl’histoire,souventdemanièresimultanée.Desonusageleplustrivialjusqu’àcequ’ilreprésentecequ’ilyadeplusuniverselsurleplansymbolique,cetespaceneprendtoutsonsensqueparcequ’ilnepeutaliénersacomplexité,seréduireparexempleàl’expressiond’uneseuleidée,d’unefacettedelaviebeyrouthine.

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INTRODUCTION

LaplacedesMartyrs.Cetterecherchenes’intéressepasqu’à l’histoiredecetteplace, symbole et lieu de représentation de tout le peuplelibanais.A traverscetécrit consacréaunoyauhistoriquedela ville de Beyrouth, il y a une leçon urbaine del’appropriationdel’espace.Reconnue par sa dimension symbolique et par l’activité quisemble l’avoir toujours habitée, la place des Martyrs a ététémoindesgrandsmomentsdel’histoireduLiban.C’estpourcela que son évolution semble être étroitement liée à celledelanationtouteentière.Parmi les seize communautés religieuses coexistant àBeyrouth, entre les nombreuses églises et mosquées, enplein cœur dumarché économique et touristique, entre lessiègessociaux, leparlementet lescafés trottoir,cetteplaceestlaboufféed’oxygèneducentrevilledeBeyrouth.A l’ombre des évènements exceptionnels qui s’y sontdéroulés de l’époque des Médicis et des sultans ottomansjusqu’à l'époquecontemporaine, lecaractèredecetteplacen’acessédesemétamorphoser.La place des Martyrs est considérée aujourd’hui commehaut lieu de représentation de toute une population. Enreconstruisant laplace,onyajouteunenouvellecouche,unnouveau design, tout en sachant pertinemment que nuln’arrivera jamais à voiler complètement les stratesinférieures sur lesquelles elle repose. Comment cette placejoue‐t‐elleunrôleprimordialdanslarecherched’identitédesonpeuple?

Cemémoireviseàclarifier l’étroite relationquiexisteentreune place publique et un peuple en conflit constant. Deuxhistoires parallèles se développent; histoire d’une place,histoired’unpeuple,quiserencontrentponctuellement.Commentpeut‐onlire,àtravers lesdifférentesstratesdelaplacedesMartyrs,lesrebondissementsetconflitsdetouteunesociété?Quelles sont les grands changementsqu’a connuet subit laplace des Martyrs? Suite à quels évènements? Est‐elledirectement affectée par les bouleversements sociaux etpolitiques qui touchent le pays? Comment arrivons‐nous àdégagercedialogueentre laplacedesMartyrset la sociétélibanaise?J’aitoutd’abordeffectuéeuneétudehistorique(ouvrages,documents et photographies anciennes traitant sur le Libanet Beyrouth) afin de mieux comprendre les documentsspécifiquesà laplacedesMartyrs.Parallèlement, jemesuisintéressée aux courts‐métrages et documentaires duréalisateur libanais Bahij Hojeij, très impliqué quand à lasituation fragile du centre‐ville de Beyrouth. Sur place, desentretiens avec le directeur général de Solidère (Société encharge du projet de reconstruction du centre‐ville eBeyrouth) et l’accès à des documents d’archives m’ontpermisdepoussermonanalyse.Pourrépondreauxprécédentsquestionnements‐Quelestl’impactdesconflitssocio‐politiquedelasociétélibanaisesurlaplacedesMartyrs? ‐ lemémoireseconstruità travers le

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développement des trois phases importantes qui ontrythméesl’histoiredecelieu.Trois phases qui concernent également le peuple libanais;l’évolution de son état d’âme, résultat de la situation del’époque.Ainsi, à travers les thèmes proposés (Evolution,Métamorphose & Urbanisation – Déchirure & Fragilité –Requalification & Recherche d’Identité) se dégage ceparallèle étroit entre la place et ceux qui la fréquentent auquotidien.Depuis bien des années, Beyrouth est victime dedestruction, de reconstruction. Touchée par de grandbouleversements politiques et culturels, ayant subi deuxgrandesguerres.La place des Martyrs, élément historique de la capitalelibanaise,a,malgrétout,survécut.Elle est, en quelque sorte, le reflet de toutes cesperturbationsquitouchentlepays.

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IEVOLUTION,METAMORPHOSE

etURBANISATION

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I‐EVOLUTION,METAMORPHOSEetURBANISATIONBeyrouth,interfaceentrelameretlaterre,entrel’Orientet l’Occident, a toujours été une voie de passage etl’aboutissement des grandes routes caravanières. Lesmultiples invasions et civilisations, qui au cours des sièclesontoccupélaville,ontstigmatisésontissuurbain.Le site de Beyrouth est occupé par l’homme depuis fortlongtemps.C’està l’endroitmêmeoù se trouveaujourd’huila place desMartyrs que les premiers groupes nomades sesont installés. Elle jouissait en effet de nombreusescaractéristiques géographiques: il s’agissait tout d’abordd’une vallée fertile dans laquelle coulait une rivière, maisaussid’unendroithautementsécurisé (légerretraitderrièrelapéninsule),àl’abridesagresseursvenusdularge.LapremièrecivilisationàyavoirédifiéunepetiteCité‐Etat,les Canaanéo‐Phéniciens (2500 av. J.C.), va en marquerprofondément l’identité en faisant de la ville un lieu decommerce et d’échange, ouvrant ainsi la culture locale auxinfluences les plus diverses venues de partout autour de laMéditerranée.

Les études sur les fouilles archéologiques ont égalementdégagéuneprésenceromaineauxalentourde500av.J.C.6

1‐UNTERRAINHORS‐LES‐MURSAu gré des assaillants, la ville est fortifiée, puis pillée,saccagée,démanteléeet toujoursreconstruiteenforteressepourempêcherleretourdel’ennemi.En 1516, à la suite de la victoire du sultan Salim sur lesMamelouks, l’empire ottoman consolide, durant les quatresièclesàvenir,sonemprisesurl’ensembledupourtourdelaméditerranée.Avant 1876, la place actuelle n’était qu’un ancien terrainvacantadjacentauBeyrouthintra‐muros.Pourremonteràlapremièreappropriationdecetteplace,laplacedelaTourouSahetElBourj,ilfautserendreen1553,àune époque où Beyrouth se limitait à ses quelques troismillesâmes.Selon les premiers plans trouvés sur la petite ville deBeyrouth (datant du XVIème siècle), des murailles d’unkilomètreetdemiedelongencerclaientlavillesursept‐centscinquantemètresdelongueurparquatre‐centsdelargeur,lasurface représentant ce qu’on appelle aujourd’hui le centrevilledeBeyrouth.

6 Cf. Page suivante : dégagement des tracés romains d’après les fouilles archéologiques et à l’aide des plans actuels du centre-ville

La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.

La péninsule de Beyrouth dans la Méditerranée.

Vue de l’extérieur des murs de la ville

Vue sur les murailles à partir de la mer

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Schéma du tracé urbain de la Beyrouth Romaine

Croquis du Professeur Lauffray : le forum romain et les monuments l’encadrant tels

qu’ils pourraient être intégrés dans l’actuelle place de l’Etoile (Revue « Archéologie et

Patrimoine », n°3 janvier 1996)

Berytus Romaine : les nouvelles découvertes archéologiques du centre-ville permettent

d’établir des plans de Beyrouth médiévale et romaine.

La place à l’époque Romaine et Médiévale

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Beyrouthne s’ouvraità l’extérieurquepar septportes (Babas‐Santiyyeh, Bab ad‐Dabbaga, Bab as‐Saraya, Bab ad‐Darkeh,BabYa’aqub,porteest1et2),chacuned’elleconfiéeàunefamillegrecqueorthodoxerespectéepar leshabitantsdelaville.La porte située à l’extrême est de Beyrouth (Bab as‐Sarayasignifiant «la porte du Sérail») ouvrait directement sur laplacehors‐les‐murs.Avant de faire partie de la ville, et d’être reconnu commeplace des Martyrs, on découvre ce lieu sous différentesformes.Quand L’Emir Fakhreddine accède au pouvoir en 1590,Beyrouthestunepetitevilleàl’aspectnégligé.Il fait venir des architectes de Florence pour construire sonpalais (leSérail)etses jardins.Cetteréalisationdequelquesmilliersdemètrescarrésfutconstruiteverslecôtéestdelaville. Le palais, considéré à l’époque comme une desmerveilles d’Orient, comptait plusieurs ailes, des écuries etunetourdeguethautedevingtmètresdehaut.Desjardinssomptueuxentouraientlepalais,plantésdedifférentsarbresvenusdirectementd’Italie. Ilaménageaégalementun jardinzoologiqueabritantdesanimauxsauvagesvenantdesquatrecoinsducontient.Toutfutdétruiten1882.AucoursduXVIIIèmesiècle,cetteplacedevientlemeidande Beyrouth, sorte de réserve foncière, situé en bordureextérieuredelavilleintra‐muros,temporairementinvestieàdesfinsmilitaires,commel’entrainementdescavaliers.Maisonytientaussidesparades,desfoirespubliquesetdesmarchésalimentaires.En juin 1773, la ville est fortement endommagée par lesbombardements de La marine russe. Plus de cinq centsbouletdecanondéferlentsurlaville,détruisantlestoursdegarde,leportetunepartiedelaville.

«Lebruitetlesflammesétaientterribles,Sidon,oùl’échodechaquecoupraisonnait,en

tremblait»7

Pendant la même période, des canons sont placés parCatherine II de Russie pour défendre Beyrouth des assautsmaritimes (Une carte navale britannique datant de 1831indiquaitleursemplacementsprécis).Le lieureconnualorssous lenomdeplacede laTourprendalorslenomdeplacedesCanons.

En1841,latourn’apparaîtplus,lescanonsontdésertémais le Sérail construit par l’Emir Fakhreddine reste la plusgrandestructuredeBeyrouthhors‐les‐murs8.ApartceSérailet son jardin, le terrain ne présente pas d’aménagementspécifique.Encercléausud‐estparlesétenduesdeplantationsdemûreset au nord par le cimetière musulman, l’actuelle place desMartyrsn’étaitqu’unevasteétenduedéserteenvahieparlesherbes folles,qui, selon lespériodesetévènements, servaitd’espacedefoireetdecommerce.

7 Propos du consul de France à Sidon lors des bombardements de Beyrouth du 2 aout 1773 qui durèrent plus de vingt-quatre heures. 8 Cf. page suivante plan de la ville fortifiée de Beyrouth en 1841 : profitant de la présence de leurs hommes dans les environs de Beyrouth, les « royal engineers » de la flotte britannique dressent des cartes de la ville pour des raisons stratégiques. La cartographie militaire devient dès lors une science et non plus un art. Trois de ces cartes topographiques à grande échelle de Beyrouth et de ses environs trouvés dans le Public Record Office dans le Kent en Angleterre ont été publiées par Michael F. Davie pour la première fois en 1984. Ces cartes nous permettent d’imaginer la ville de Beyrouth telle qu’elle était en 1841 avec ses murailles, ses nombreuses portes (bab), son sérail ses bourjs, ses khans et ses mosquées.

Bombardement marine russe -1773

Vue sur l’entrée est de Beyrouth

Les « Babs » ou portes de la ville.

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Carte de 1841 : la place est hors-les-murs, occupée seulement par le Sérail de l’Emir et ses jardins.

Beyrouth fortifiée

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2‐AMORCEMENTD’UNESPACEPUBLIQUEAuXIXèmesiècle, lasociétébeyrouthineaproduitetmisen scène des lieux publics qui étaient des espaces deméditation, vecteurs de la vie sociale, espaces dynamiquesdesvaleurs,dessymbolesetdessignesdelavieurbaine.Cesplacessontprogressivementdevenues lesdépositairesde lamémoireurbainecollective.Cen’estqu’à la finduXIXème siècleque l’aménagementdecetteplacedesCanonssepenseentantqueréelespacepublic. En 1876, Beyrouth se diffuse et va dépasser lesmurailles la protégeant. La place reste un espace ouvert,dont les limites formelles ne sont pas établies. De tous lescotés,l’espaceestbordédesecteursdontl’activités’organiseen fonction de ce lieu de transition. De cette place part laroute de Damas, processus d’ouverture sur lemonde de laville.

Dixannéesplustard,en1886,suruneinitiativedeHamdiPacha(gouverneurdelaSyrie)etFakhriBey(présidentdelamunicipalitédeBeyrouth),uneplaceaétéconstruiteavecunjardin public, du style turc, à l’endroitmême qu’occupaientles jardinsdeFakhreddine.DédiéeausultanAbdelHamidII,laplacedesCanonsprendralenomdelaplaceHamidiyé.Le dessin de cette place est inspiré des jardins bourgeoisconstruitsenEuropeàlamêmeépoque.En1888,len°178duquotidienthamratelfounoun(lesfruitsdel’art)décrit,dansunarticle,desaperçusdecetteplace:

« Sa majesté le président Fakhri Bey installera, au centre de ce parc entouré de balustrades, un monument en marbre, sur lequel seront inscrit les humbles personnes ayant offerts leurs dons

pour la réalisation de cet espace. Ce jardin exceptionnel bénéficiera d’espaces

pour se reposer ainsi qu’un café où l’on pourrait siroter un café en écoutant des chants

patriotiques. D’autres projets d’autant plus divertissants sont prévus sur la place

Hamadyé. » Les ottomans l’agrémentèrent de jardins et de bassins. Laplaces’organisaitautourd’unespacerectangulaireauxcoinsarrondis,entrecoupédetracésrégulierstraversantunjardindu Vieux Sérail (construit en 1882) et sa fontaine. L’espaceest doté d’un mobilier richement décoré comprenant des

1878 : La vie en dehors les murailles de la ville

1890 – vue direction nord sur le parc de la place Hamadyé.

Vue direction ouest de la place.

Vue sur le Sérail avec le kiosque en premier plan.

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bassins,unkiosqueoùvenait régulièrement jouer la fanfareturque,uncaféetunetoghra9enpleincentre.Le sérail, situé au nord de la place, remplaçant aussi celuiqu’avaitfaitconstruirel’Emir,ilservitdesiègeaugouverneurdelaville.La place est bordée de tous les cotés de constructions auxfaçades de style néo‐oriental. Dans la pensée des travauxhaussmanniens à Paris, un effetmonumental est donné enen tentant d’aligner parfaitement les édifices le long de larue.Si l’apparence de la place semble typiquement etstrictementbourgeoise,sonactivitéesttrèstôtmarquéeparl’hétérogénéité et par l’enchevêtrement des fonctionsofficielles,noblesetpopulaires.Ainsi, auxpremières constructions commeQichlat el Sawari(gendarmerie)etlesiègedelabanqueottomane(de1892à1906) s’ajoutent de nombreux hôtels, cafés, salons,restaurantsetquelquesmaisonscloses.Plustard,cesontlescommerces de toute sortes qui se multiplient et gagnentgraduellement les rues avoisinantes dans des réseaux desouks.En1906,letramwayfaitsonapparitionàBeyrouthetc’estàcetteplacequelastationcentraleestconstruite.

L’apparitiondutramwayauLibanadonnéuncoupdepouceausecteurindustrielbalbutiantetsadisparitionen1965laissederrièreelleplusd’unnostalgique,rêvant[…]d’unheureux

come‐back10

9 Sceau de l’autorité ottomane gravé sur une stèle de pierre. 10 Extrait de RuedeDamasd’AntoineBoulad,EditionSAQI,2008.

L’hôtelKhédivial, bien connu des voyageurs de l’époque, laremplacera les locauxde labanque.Lescinémasenvahirontlaplace,renforçantsoncaractèreludique,étantlelieuoùsetiennenttouteslesgrandesfêtespopulairesetparades.AudébutduXXèmesiècle,lavilledeBeyrouthcommenceàsefractionner.L’unitédelapopulation,autourd’unemêmetradition urbaine qui faisait de la ville historique une entitéhomogène,faitplacedésormaisàlafracturesociale.Entre 1880 et 1910, la population s’accroît de 75 %. Maisdanssacourseaudéveloppement, lavilleneparvientpasàgérer les différences et les résistances aux principesd’occidentalisation.Dans l’intervalle, la légitimité de la tutelle ottomanecommence à être sérieusement remise en cause. Lesrevendicationsdesmouvementsnationalistesarabessefontdeplus enplus entendre et Beyrouthdevient alors le foyerd’unepolitiqueréformistepuisrévolutionnaire.Face à la résurgence des agitations, les noblespréoccupationsdelaplacedesCanonscommencentàpasserau second plan. D’ailleurs, les évènements politiques del’époquenevontpas tarderàenterrerson imagebucoliqueau profit d’une image institutionnelle beaucoup plussymbolique.Ainsi,en1908,suiteaucoupd’étatmenantàladestitutionduSultanAbdelHamidIIetà laproclamationdelaConstitution,laplaceprendlenomdeplacedelaLibertéetdel’Union.En1914,débutdelapremièreguerremondiale,lavilledeBeyrouth est occupée par les Ottomans. Elle est sous leblocusdesalliés,etestpriseparlafamine.Encettepériode,la peste s’installe dans les foyers et plus d’un quart de lapopulationmeurt.Alorsque laTurquies’étaitengagéedansla première guerre mondiale, des dizaines de nationalisteslibano‐syriens sont arrêtés et comparaissent devant la courmartiale,inculpésdehautetrahisonpouravoirmaintenudescontactsétroitsaveclesAlliés.

Le Sérail en 1900.

Le kiosque du parc.

1905 - Ambiance quotidienne autour du café turc à la place Hamadyé.

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Carte de 1879 : la ville sort de ses murailles Carte de 1907 : les premières lignes de tramway autour de la place Hamadyé.

Les premiers tramways sur la place.

La place des Martyrs au XIXème siècle

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La foire de 1921.

L’appellation actuelle de place des Martyrs date de cetteépoque lorsque, le 6 mai 1916, quatorze nationalisteslibanais et syriens furent publiquement pendus par JamalBacha,legouverneurOttoman11.Cette place devient alors le lieu symbolique et historiquedédiéàlamémoiredescombattantspourl’indépendanceetlaliberté.

LaplacedesCanonssetransmueenlieud’expressiondelarévoltepopulairecontrel’occupationetsesservicesdéfaillants.12

Une annéeplus tard, la basemilitaire de l’arméeottomaneest délocalisée: le Vieux Sérail disparaît. A sa places’implantera pour la dernière fois le Petit Sérail (faisantréférence au Grand Sérail, base militaire de l’arméeottomane, d’une emprise plus importante mais assezéloignéedelaplacedesMartyrs).Pourchassercesnuageslourdsetàl’initiativedesFrançais(le mandat français date de 1920 jusqu’à 1940), une foireimportantefutorganiséeen1921etregroupadesartisansetdesantiquairesvenusdetoutleLiban.

11 Cf. En annexe la liste des Martyrs. 12 Extrait de May Davie dans La formation historique de la place des Canons.

En 1920, les jardins du Petit Sérail adoptent un style trèsquadrilléde jardinà la française lapetiteplace rondeaétéremplacéparleMaarad13deBeyrouth.Lediscretpointd’eaudu jardin ovale laisse place à une imposante fontainerectangulaire, accessiblepardeuxalléesplantéesdepartetd’autre.Lesvoitures,stationnéestoutautourettout le longdelaplace,remplacentlescalèchesetleskiosques.Laplaceapparaîtalorssousunautreaspect: ladirectiondela police libanaise occupe les locaux de l’ancien hôtelKhédivial et de nombreux cinémas célèbres poussent entreles cafés.Avec leDunia et leRoxy, le cinémaRivoli reste lepluscélèbre,remplaçantlePetitSérail,raséen1950.En1932,L’Opéra, un autre«cinéma‐theatre», s’implanteralàoùrayonnaitjadislepalaisdel’ancienEmir.La place des Martyrs se transforme en une réelle gareroutièreavecsesklaxons,lesvociférationsdeschauffeurs,levacarmedelarue,descommerces,dessouksetleballéedesapopulationbarioléeenperpétuelmouvement.Du côté sud du jardin a été érigé, en 1930, un monumentreprésentant les Martyrs. Une statue en pierre, lespleureuses,deYoussefHoyek(1883‐1962),sculpteurlibanais,grandamideGebranKhalilGebran,symbolisedeuxfemmes.L’une musulmane et l’autre chrétienne (symbolisant d’unepartlesmartyrsmusulmans,d’autrepartleschrétiens),ellesunissentleurspeinesavecleursmainsentrelacéesetposéessurunejarreconservantlescendresdesdéfunts.Ellereprésentaientégalementl’uniondesethniesquirégnaitchaquejourencelieu.

13 Structure sur une place, apte à accueillir des étalages et aménagements pour des souks.

Les souks de la place des Martyrs.

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Considérées comme pas assez «glorieuses», les pleureusesn’on connu qu’heurs et malheurs: Attaquées par coups dehache par un inconnu en 1948, déboulonnées par un autreen 1960, elles furent retrouvées enduites de goudron dansun dépôt avant d’être finalement restaurées et exposéesdanslejardindumuséeSursock.En ce début de période, la place connut une animationlégendaire. Le jardin ruisselait de bruits, de cris,d’interjections et de musique. Les calèches allaient etvenaient dans un tintement de clochette et les cafésregroupaient les portefaix, les journaliers et les hommes autarbouche14vissésurlatêtequivenaientyrefairelemonde.Lesmarchandsambulantsservaientdeslimonadesfraichesetles hakawatis15 enchantaient l’auditoire. Cette place étaitsynonymedevie,desons,decouleursetd’exubérance.

14 Chapeau traditionnel libanais de couleur rouge. 15 Comédiens de rue qui contaient et théâtralisaient les exploits militaires dans une ambiance improvisée dans le style de théâtre de rue.

Les Pleureuses de Hoyek.

Les pleureuses de Hoyeck

Les hakawatis.

Les portefaix..

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Carte de 1841 à 1912 : les nouvelles voiries (zones en gris foncée), témoignent la nécessité d’une circulation plus importante et

l’arrivée de traitement des tramway (premier système de transport en commun).

Carte 1920 : une place des Martyrs moins étroites, plus spacieuse, pour répondre à la création de ces nouvelles voies, de ces nouveaux

flux routiers.

Beyrouth hors les murailles, début XXème siècle

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3‐EPANOUISSEMENTMAXIMAL–LEBEYROUTHDEL’AGED’ORAu XXe siècle, Beyrouth, poussé par des facteurséconomiques, sociaux et démographiques, connaît un essorspectaculaire.Elleentamesonascensioncommerciale,notammentgrâceàl'essordel'économiedelasoiedansl'arrière‐pays.Tout au long de ce siècle, malgré les désaccords entrecommunautés religieuses, Beyrouth renforce son rôle deplaquetournantefinancière.Apartirdesannées1960, la capitaledraine lespétrodollarsetlesrecycle.C'estleplusgrandcentred'affairesduProche‐Orient,c'estaussiuneRépubliquedesLettresetuneoasisdeliberté.Ainsi, la place des Martyrs était le cœur économique duLiban, la terre fertile des banques, les souks les plusimportants du Moyen‐Orient et le plus grand portcommercialdelaMéditerranéeorientale.Elleétaitaussi lecœurartistique, làoùartistes,penseursetphilosophesdeslumièresseretrouvaientdansundesdeuxcafésphilosophique.C’étaitl’undeslieusderencontre(aveclarueHamra),detouslesintellectuelslibanaisetarabesquifuyaient les régimes autoritaires des pays voisins ou,simplement,lesmilieuxpeupropicesàladiffusiondesidéesprogressistes.L’un des grands centres de la renaissance culturelle arabe,ellesedotedesinfrastructuresmodernesquilaferontchoisiren1920commecapitaleduGrandLibanetsiègedumandatfrançais,puisdelaRépubliquelibanaiseen1926.

Aucoursdecettepériodefrénétique,àpartirde1950,lavilledevientunedestinationtouristique importante (surnomméelaSuissedel’Orient),d’oùlaconstructionàcetteépoquedenombreuxhôtels.Ony trouvaitégalementdesdivertissementsde toutgenre,pourtouslesâgesaveclescinémasetbordels.Lapetite ville cloitréedudébutdu siècle voit sapopulationmonterenflècheenpassantdesquelquestroismillesâmesàplusdecentmilleaudébutduXXèmesiècle.Sur la place desMartyrs, le 22 novembre 1943, jour quideviendralejourdel’indépendanceduLiban,seregroupalapopulation pour célébrer la libération du leader nationallibanaisemprisonnéparlesfrançaisàlacitadelledeRachaya.

Rassemblement le 22 novembre 1943, jour de l’indépendance

Vue sur la place avec le Petit Sérail au bout de la perspective nord aux alentours de 1930

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C’est avec l’arrivée du mandat français que la placeacquiert alors, aux alentours de 1950, son aspect quasiactuel:Elle est élargie dans l’axe nord‐sud et au bout de laperspective Nord, à l’emplacement initial du Petit Sérail, laplaceseheurteaucinémaRivoliquitourneledosàlamer.Unmonumentenbronzeà l’effigiedesmartyrs, sculptéparunitaliendunomdeMazzucatiauxalentourde1960,prendlaplacedespleureusesdeHoyeck.Elleestdélimitéepar les souksSursock etNourieh à l’Ouestetles«quartierschauds»delavilleàl’Est.AuSud,bienqu’interrompueparl’intersectiondelarueEmirBéchir,laplacedonnenaissanceàdeuxartèresprincipalesdela ville, l’ancienne rue de Damas et la plus récente AvenueBecharaElKhoury.Ce Beyrouth de l'âge d'or oscille entre deux imagescontradictoires:celled'unemétropoleouverteàtousvents,ville ouvertemoderne, à la fois orientale et occidentalisée,cosmopolite au point d'avoir développé une culture sansgrand rapport avec ce qui l'entoure et celle d'une ville quiseraitleberceaudelaculturearabecontemporaine.

Beyrouth,métropolearabeméditerranéenneoccidentalisée16

C’est durant cette période que la place des Martyrs setransformeenunlieujovial,dynamiqueetpolyvalent.

16 Définition de Beyrouth selon l’historien Samir Kassir.

Des églises, des mosquées, des fontaines, des cafés, desauberges,dessouks,descalèches,des tramwaysetdesbuss’articulaientautourdecepointdedépartquiétaitautantdezoned’arrivéepourlesmilliersd’habitantquederepère,delieuderencontreetd’échange.

Lesouk,lesautobusrougesetjaunes,lescinémasetleursaffichescriardes,les

marchandsambulantsetlesbadauds.17Issud’unreportagesursessouvenirsd’enfance,SamirKassir(1960‐2005), historien et journaliste libanais, mentionne àmainte reprise cette ambiance de foule bruyante et devoituresaméricainesrythmantsanscessel’espace.LecœurdeBeyrouthétaitunplaisirpourlesyeux.Deuxcentsansd’histoireetd’architectureMéditerranéenneétaient encore préservés sur les façades d’immeubles quirappelaient tour à tour Florence, Gêne, Marseille, Venise,SaloniqueetIstanbul.Unparfumd’épicesdesancienssouks,mêlé a celui du café renvoyé par les nombreux vieux caféspittoresques,flottaitsurceslieux.

[…]Beyrouth,ville‐jardin,étaitl’unedesplusbellesvillesdelaméditerranéeetdesplus

agréablesàvivrepourtousseshabitantssansdistinctiond’appartenancesocialeoude

fortune.18

17 Extrait des propos de Samir Kassir dans son livre Histoire de Beyrouth. 18 Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30.

La place dans les années 50 avec le cinéma Rivoli au bout de la perspective et l’arrivée massive des

automobiles.

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Les cinémas sur la place 1937 – 1969 – 1974

Les cinémas : EMPIRE, OPERA et RADIOCITY

Le « quartier rouge » partants de la place des Martyrs : chez Marica, filles de joie.

La place du XXème siècle : lieu de divertissement

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Le « Master Plan » de 1930 indiquant les nouveaux tracés de tramway et la destruction du petit Sérail

Le Plan Ecochard de 1963 montre la convergence de toutes les voies sur la place des Martyrs

Beyrouth et le centre-ville sous l’occupation du mandat Français :

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Commeépargnédeshorreursquiagitaientlemondeextérieur,Beyrouthcontinuaitàvivredesaproprevieàsonproprerythme,loindelaguerrefroide,duconflitIsraélo‐arabe,desdifférendsentrelesrégimesArabes.Encestemps‐là,laplaceetsoncentre‐villesontsymbolesdelaréussiteéconomiqueetfinancièreduLiban.Creuset de la coexistence sociale et confessionnelle, leséglises,mosquéesetsynagoguesdeBeyrouthreprésentaientvéritablement une symbiose unique de cultures et decroyances différentes, les seuls critères en vigueur étant lafamille, laprofession, lequartieret l’amitiémillénaireentrelesdifférences.Le Suisse de l’Orient va voir le dynamisme de ces beauxjours disparaître brutalement, comme si les excès de lamodernisationeffrénéeàl’âged’oravaientservid’étalondemesureàceuxdelaguerrecivile.

La place dans les années 70 avec la stèle des Martyrs et l’arrivée des bus remplaçant les

tramways.

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IIDECHIRUREetFRAGILITE

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II‐DECHIRUREETFRAGILITEApartirde1975,laguerredevientlelangageprivilégiédelapolitique.Langage de l'imprévoyance, de l'impuissance, del'irresponsabilité, que, selon Samir Kassir19, seul eût puécarter «un personnel politique d'une plus grandeenvergure».Pourplusieurs,laguerrecivileestleretourd’uneunesociétéqui avait couvé certaines dissensions internes depuis troplongtemps, notamment sur la question du traitement defaveurréservéàlaminoritémaroniteparlesFrançaislorsdumandat.20SelonMichelFani,écrivainlibanais,c’estprécisémentdanslesilence des oubliés de l’Etat, mais, plus généralement danscelui des oubliés de la modernité, qu’est née la guerre duLiban,leberceaud’unedesguerrescivileslesplussanglantesduXXèmesiècle.Pendantdesannées,obsessionnellementprésentesdans lescolonnes de journaux et sur les écrans de télévision, lesagitationsdelasociétélibanaisenetardèrentpasàsevoilerd'incompréhensions,àdésorienteretperdredescitoyensdebonne volonté, si désireux qu'ils soient, de déchiffrerl’énigme.

19 Samir Kassir, la Guerre du Liban, de la dissension nationale au conflit régional, Karthala (Paris) et CERMOC (Beyrouth), 1994 20 le « Pacte national » conclu en 1943 institue un système de représentation confessionnelle, dans lequel, en déclinaison selon l’importance, le président de la République est maronite, le président du Conseil (le premier ministre) est sunnite et le président du Parlement est chiite.

Diffusémédiatiquement comme simple confrontation entremusulmansetchrétiens, ils’agitréellementd’uneguerredetoutes lesreprésentations identitairesà l’intérieurde l’unitépolitiquelibanaise,cequiexpliqueenpartielesconflitsintraconfessionnels.Les médias projettent des images de Beyrouth en ruines,finissantparbanaliserl'horreur,Desdéclarationsimpossiblesàinterpréterpourquiconqueneconnaissait que superficiellement les attaches et les viséesdesprincipauxprotagonistes,Des analyses simplificatrices, reflétant les préjugés et partisprisdeleursauteursplutôtquelesenjeuxduconflit.

Les dégâts du centre-ville et les barricades au début de la guerre de 1975.

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1‐LAPLACEDESMARTYRSDURANTLAGUERREDE1975,AL’IMAGED’UNESOCIETEFRAGILEEn1975,laguerreéclateentrelesdifférentesconfessionsqui constituent lepays. LaPhalange, laplus importantedesmilices extrémistes chrétiennes et le mouvement nationalmusulman coupe Beyrouth en deux secteurs antagonistesdistincts: l’est étant contrôlé par les milices chrétiennestandisque l’ouestétait contrôlépar lespalestinienset ceuxdumouvementnational.Durantcettepériodedeguerreetlespremièresannéesdereconstruction, l’image de cette place se rapprocheétroitementdelaPotsdamerPlatzàBerlin.En effet, la représentation du mur de Berlin pour lesallemands rappelle fortement celle de la «ligne verte»imaginairepourleslibanais.Les «deux Beyrouths» (Beyrouth‐Ouest majoritairementmusulmane et Beyrouth‐Est majoritairement chrétienne)sont divisées par une ligne de démarcation que personnen’osepénétrer:laligneverte.Traverséeparcette ligne(dansunaxenord‐sudtout le longde la rue de Damas), la vaste place des Canons n’a jamaisaussibienportésonnom.Devenuàlafoisespacedésertetchampdebataille,lesimmeublestoutalentoursontdevenusdugruyèremaissontrestésdebout.Lemonumentàl’effigiedesMartyrsestcriblédeballes,amputémaistoujoursdebout.La place, quadrillée par des meurtrières, abandonnée auxpilleurs et désertée par les commerçants du centre‐ville,devient lieuderépulsionetd’exclusiondetouscontretous,un véritableNoman’s land vidé de ses habitants et de sesusagers.

Terrain de chasse idéal où l’on pouvait rencontrer des gensde toutes les communautés, donc forcément celles des«Autres», la ligne verte était non pas l’expression d’unedualité historique de la ville, mais plutôt celle de la criseexistentielledelavilleelle‐même,conséquencedel’échecdel’État‐Nationlibanais.Autrefois le cœur et le centre dynamique de Beyrouth,cette place se résume alors à un plateau de végétationluxuriante; herbes sauvages et figuiers envahissantl’asphalte.Laforceprincipaleducentre‐villedevenaitainsisaprincipale faiblesse: pour se venger ou pour fairepolitiquement pression, pour faire passer u n message oupour se faire un nom, les milices commençaient à laconsidérercommeunlieudeviolence«légitime»,unespaceprivilégié.Commeune jungleurbainecoupant lacapitaleendeux,cettescissuren’ajamaisaussibienreflétél’étatd’âmedeslibanaisdurantcetteguerredequinzeans.

AmonretourauLibandurantl’été1977àlafaveurd’uneaccalmieaprèslatempête,je

décidaisuruncoupdenostalgiedemerendresurlalignededémarcationoùs’étaient

déchiréeslesfactionsetlescommunautésdelasociétélibanaise.Khadige,aumilieudesdécombres,officiaitcommeunermite,danscetteruedeDamasquiressemblaitàuntroudemémoire.Departetd’autre,lesbelligérants

chrétiensetmusulmans,libanaisetpalestiniens,avaientéchangéleursplaies.21

21 Extrait de RuedeDamasd’AntoineBoulad,EditionSAQI,2008. La ligne verte en 1985 (deux images du haut) et

à la fin de la guerre (1991).

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Durantlanuitdudouzeautreizeaoût1961,le«murdelahonte» est érigé en plein Berlin. Séparant physiquement laville en Berlin‐Est et Berlin‐Ouest, ce simplemur concrétisece qu’était la ligne imaginaire de la place desMartyrs pourBeyrouth.Uneséparationcontrôléeetsanspitié.Plusieurscentainesd’allemandsontperdulavieenessayantdelafranchir,lesgarde‐frontièresetsoldatsn’hésitantpasàtirersurlesfugitifs.CommelaplacedesMartyrsauLiban, laPotsdamerPlatzétait, dans les années 1920 à 1930, un des centres les plusanimésdupaysetd’Europe.LaplupartdesbâtimentsdelaplacefurentdétruitsaucoursdesbombardementsintensifsdelafindelaSecondeGuerreMondiale.En 1963, la place, coupée en deux, devint un endroitcomplètementdésoléetdélaissé.Certaines scènes du film de Wim Wenders «les Ailes duDésir», tournées en 1987 sur cette Potsdamer Platzdénudée,donnentunebonneimagedecequ’étaientlaplacedesMartyrsetsesenvironsàl’époque.

Laplacepubliqueetlemursontlerectoetleversod’unemême réalité, ils sont les modalités antagoniques de lamédiationentrelaSociétéetl’Etat.Dansun cas commedans l’autre, c’est la responsabilité desdétenteursdupouvoirfaceàlasociétéquiestenjeuetiln’ya que l’une des deux formes (la place publique) quicorrespondà l’idéaldémocratiquede la libreexpressiondescitoyens.Le confessionnalisme politique, la structure d'un Etatconstruit par la France autour desmaronites, les disparitéséconomiques et sociales, avec les « ceintures de misère »autourdesquartiersriches,etenfinleclientélismepratiquéàleur profit par des familles de notables, conféraient à lasociété libanaise, en dépit de sa vitalité culturelle, uneextrêmefragilité.

Danscetterégiondumondeoùnotreappartenancecommunautairetisseindéfiniment

l’écheveaudenotreidentité,jen’auraifinalementréussiniàdevenirFrançais,nià

resterSyrien.Pleinementlibanais,jenelesuispaspourautant.Niréellementmoi‐même!J’aurainéanmoinsapprisàdéclinerlamortà

touslestemps,sansl’apprivoiser.22Cette fragilité interne sera soumise à rude épreuve parl'influence déstabilisatrice d'événements extérieurs23 quibousculent les perceptions superficielles de l'identiténationale.

22 Extrait de RuedeDamasd’AntoineBoulad,EditionSAQI,2008.23 Impact des rivalités américano‐soviétiques, défaite desArabes dans la guerre de six jours (1967), afflux dePalestiniensquitrouventauLibanune«basesûre»,guerreisraélo‐arabede1973,interventionsisraélienneetsyrienne.

Durant le tournage de « Der Himmel Uber Berlin » Wim Wenders, 1987 – titre

français « Les Ailes du Désir ».

La place des Martyrs, un No Man’s Land envahie par la végétation.

Bombardement du cinéma Rivoli.

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La ligne verte

Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans.

Le mur de Berlin

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Le tracé de la ligne de démarcation dans Beyrouth et en poché gris foncé les principales zones d’affrontement.

Beyrouth et le centre-ville durant la guerre de quinze ans.

Aperçu plus rapproché de cette ligne de démarcation sur la place des Martyrs au milieu de la guerre (1882).

(Source : Michael Davie « La formation historique de la place des canons»)

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La place des Martyrs en 1989 ou la ligne verte

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Acetteépoque,toutévénementquiannonceunespoirpourcertainslibanaisapparaîtàd'autrescommeunemenace.

Peudevillesdansl’histoireontétéaussidéfiguréesqueBeyrouth[…],ladisparitiondesjardinsprivésentourantlesmaisonsquiavaient

faitlabeautédeBeyrouth,étaitdevenuegénérale.Lecimentenvahissaittoutetdes

immeublesàl’architectureparfoisinnommablepoussaientçàetlàdefaçonanarchique,

s’étouffantlesunslesautresetviolantsansvergognetouslesrèglements.Lacorruptiongénéralerégnantdanslesservicesdela

municipalitéetdel’urbanismeavaitpermislemassacrecouslecouvertdesimplesamendes.

Laconséquenceavaitétél’augmentationabusivedunombred’étagesautorisés24etlasuppressionpresquetotaledetouslesgaragesd’immeuble,entrainantunengorgementdelacirculationetdesembouteillagesinextricables.25

Le Beyrouth des trois B (Banque, Baccarat, Bordel) n’existeplus. Il n’est plus que paysage de ruines avec figurehallucinéesoucloses.

24 Voir première image du haut. 25 Extrait de la préface de Gaby Daher dans le Beyrouth des années 30

Les constructions « hors-normes » effectuées pendant la guerre.

Les stigmates de la guerre.

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2‐REVELATIONARTISTIQUESLa guerre civile se solde quelque part à l’automne 1990,quand l’accalmie temporaire s’avère durable et quand lesfeuxontétééteintsàpeuprèspartout.Lafinduconflitseprésenteavecl’entréedécisivedel’arméesyriennecommeagentde l’ordresur le territoire libanaisetla grave crise économique26 en cours provoquantl’épuisementdesressourcesdesmilices.Aprèslessouvenirsdecesilence,entrecoupédesbruitsdela guerre, pesant et lourd, déchirant et long, lesreprésentations artistiques essayent de redonner vie à laplace,àsonpeuple.Un soir de septembre 1994, la place de tous les martyrs,inondée de lumière, résonne d’espoir avec la voix deFayrouz27 (1935 ‐ ), plus grande chanteuse libanaise connuejusqu’àprésent.Devantquarantemillenostalgiques,aucœurdelaplacelibanaisedévastée,FayrouzrechanteBeyrouth.La réappropriation de la cité devait être une étapeindispensablepourlareconstructiondupays.Lagrandedivadonnasonrécital,premiermomentdecommunioncollectivepourunpeuplesortidequinzeansdebrûlures.Les années suivantes Fayrouz ne reviendra pas et sesnombreux fans devront quitter la ville pour assister à sesprestationsauxfestivalsdeBaalbecketdeBeiteddine.

26 Durant la guerre, la livre libanaise a été dévaluée d’à peu près 1000% et a été virtuellement remplacée par le dollars. Depuis 1992, l’économie s’est rapidement relevée. 27 Née sous le nom de Nouhad Haddad, son nom de scène, Fairuz (orthographié Fairouz ou Fayrouz) signifie turquoise en arabe.

Plus tard, au lendemain d’une autre guerre (guerre israélo‐libanaise en été 2006), le célèbre chanteur popMika choisideclôturersatournéemondialepoursonpremierdisquesurcettemêmeplacedevantplusde15000spectateurs.

Cesoirlà,lafouleenliessearemplacélesfoulesendeuil.28

Parallèlement, le 9 novembre 1989, le grand spectacleberlinois,aveclachutedumurdeBerlin,symboliselareprisede la vie et du dialogue par‐delà le mur, réduit à l’état depoussière.Huitmoisplustard,le21juillet1990,RogerWaters(1943‐)ex membre des Rolling Stones, organise un concert sur laPotsdamer Platz vide de construction: il se produit sur unescènegigantesquepourunereprésentationdeTheWallafinde commémorer la fin de la séparation entre les deuxAllemagne.Denombreusesautrescélébritésyparticipèrent.

28 Propos du quotidien An-Nahar au lendemain du concert.

Les concerts sur la place : 40 000 en 1994, 15 000 en 2007

L’installation temporaire en bois

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Les expositions temporaires, à leurs tours, tentent derythmeretdedynamiserlaplacedénudéeenapportantdelafraicheur artistique de tout genre. Insolite, monumentale,traditionnel, les artistes se laissent approprier la place desMartyrsd’après‐guerre.Bien que la dernière installation temporaire tienne le coup(un monument en bois s’élevant sur plus de douze mètrescentréausuddelaplace)lessériesderévélationsartistiquesenpleinair furentsouventvandaliséespar lesusagersde laplace.Selon Nadim Karam, étudiant à l’alba (atelier libanais desbeaux arts) «trouver notre place sur la place des Martyrsnousaétéimpossible»29.L’étudiantayanttentéd’yplacersaProcessionarchaïque,elleapresqueétéjetéeàlamer.Lesvachescolorées,expositiontemporaire,quieffectuaitsatournée dans différent pays, ont survécu un petit momentavantd’êtrelamentablementmalmenées.N’ayant pas trouvé sa place dans une place pourtant vide,l’atelier de recherche choisi la dissémination, en publiantfinalement une «installation sur papier» distribuée à 4000exemplaires.Dansuneautre installation«Beyrouthditnonà laguerre»,NadaSehnaouidisposedescuvettesdetoilettesenenfilade,d’une blancheur immaculée, presque à l’infini, àcomplètement dérouté le passant. C’est un étonnantspectacle jaillissantdece terrainvaguepourdirenonàunenouvelleguerrealorsqueleslibanaiscommémorentledébutdecelledequinzeans,etqueleursreprésentantspolitiquespeinentàélireunprésident.Letitredesonexpositions’interroge:Quinzeannéesdanslestoilettesn’ont‐ellespassuffi?

29 Exposition Pas de Place, installation atelier de recherche alba – Nadim Karam.

Lesphotographessontvenusreleverunétatdeslieux.En1991, six photographes célèbres participent à la MissionPhotographique de Beyrouth (Basilico, Depardon, Elkoury,Burri,KoudelkaetFrank).Envued’enregistrelamémoireducentre‐villeaprèslafindelaguerre,ceprojetcollectiffinancéparlaFondationHaririadonné lieu à la publication d’un livre de photographie«Beyrouthcentre‐ville».LesphotosdelaplacedesMartyrsdévastéeontétéexposéesauPalaisdeTokyoàParisautempsoùcelieuétaitdévoluàlaphotographie.Joseph Koudelka (1938‐ ), photographe français d’originetchèque,sortunlivreintituléChaos,GabrieleBasilico(1944‐), grand photographe «documentariste italien, publieBeyrouth 1991 et Fouad Elkoury (1952 ‐ ), photographefrançaisd’originelibanaise,sortLibanProvisoire. La fait qu’il y ait déjà eu unmur (concret ou imaginaire)rappelle la fragilité voués à la vie commune et montre enquoi la condition même de l’existence d’un tel lieu estégalementunearmeàdoubletranchantquipeutmeneràsafermeture, devenant le théâtre de toutes les dissensionssociales.C’estcequiestarrivéàBerlincommeàBeyrouth.Lesplanchersdecesespacessesonteffondrés,devenantlessymbolesdesaprès‐guerresqueparcequ’ilssontdevenusdeschamps de ruines, évoquant l’impossibilité de reconstruirel’urbanitésansfairefaceàl’échecdesaconditionantérieure. Les diverses autres installations sur la place

déserte.

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3‐RETOURAUPOINTDEDEPART:RECONSTRUCTIONNATIONALELa place est d’ordinaire une composante urbaineparticulièrementchoyéeparlespouvoirspublics.On l’aménage, on la restaure et on l’entretient avec le plusgrandsoincarlaplaceporteàelleseulel’imagedelaville,oudu quartier, et par conséquent l’image de sesadministrateurs. Place du pouvoir ou place du peuple,monumentale ou chargée d’affectivité, la place draine unpublic en quête de reconnaissance, soucieux de sortir del’anonymatquiendortlaville.L’effetmagiquedelaplacen’ad’autreraisonquecelled’êtreun lieu de valorisation sociale pour les uns et dedépaysementpourlesautres.A l’instar de la ville, elle se forme avec le temps. Lesvariationsquesubissentsonarchitectureetsafréquentationtémoignentdeschangementsdegoûtsetde l’évolutiondesmœurs. Une place n’est jamais parfaitement achevée, elles’adapteauxbesoinsdelacollectivitétoutenconservantlesstratesdupassé.30

30 Ci contre étude sur l’évolution morphologique de cette place au cours des années avec en foncé ses délimitations et composants importants.

Depuislafindelaguerrecivilelibanaise,en1990,lepaysrentredansuncontextedereconstructionnationale.Dansceprojet,l’opérationsurlaPlacedesMartyrsapparaît,avec celle des souks traditionnels, comme le projetfondamental non seulement parcequ’elle constitue une despièces maitresses du patrimoine public libanais, mais aussiparcequ’elle incarne pour un grand nombre de libanais etd’étrangersayantvécutauLiban,toutelamagiedeBeyrouthd’avant‐guerre.Apres deux années d’études et de mise au point, lareconstructionducentrevilledeBeyrouthadémarré.La société en charge du projet, Solidère (SOciété LIbanaisepour le DEveloppement et la REconstruction du centre‐villedeBeyrouth)aétéconstituéepardécretgouvernemental,aulendemaindelaguerrecivile,le5mai1994.31Dans le cadre d’une politique globale de modernisation detout le site, sur 1.8milliondemètres carrésont étéprévusdes hôtels, des bureaux et des immeubles résidentiels ainsiqu’une infrastructuremodernede routes,deservicepublicsurbainsetdetravauxportuaires(laréalisations’étendraitsur25ans).La place des martyrs deviendrait une avenue large de 80mètres.

31 Annexe Brochure d’information Solidère de 1995

Logo de Solidère et réalisations au centre-ville.

Maquette de projets du Master plan pour le centre-ville.

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Présentéaupublicen1991, ceplandirecteur secaractériseparlegigantismes:destours,unWorldTradeCenter,uneileartificielle dans la baie de Saint‐André, des marinas, destranchéespourvoiesrapides.Surtout,enlieuetlaceduBurj,symbole de la division, une avenue «plus large que lesChamps Elysées» exigea Hariri, débouchant sur uneesplanademarine.On pourrait rapprocher ce projet à une sorte deDallas‐sur‐Méditerrannée, sans aucun rapport avec la ville d’avant, nimêmelavilleautour.Au dessus de tout cela, ce projet pharaonique réclame nonseulement le déblayage des décombres, mais aussi ladémolition de plusieurs quartiers qui avaient résistés à laguerre.Aprèslesnombreusescritiques,Solidèremodifiasonplanenlerendantplus«raisonnable».Lesportsdeplaisancesetlapromenadesonttombésàl’eau.Les démolisseurs sont quand même venus et un a un, lesimmeubles se sont écroulés. Quatre vingt cinq pourcent dupatrimoinearab‐ottomanfut«bulldozé».Ilfallaitbienconstruirel’avenir.Danscecadredereconstruction,lesinfrastructuresdelavilleontété repensées,prèsde300bâtimentsontété restauréset denouveauxprojets ont vu le jour. Ainsi, le «nouveau»centre‐ville que les visiteurs découvrent depuis l’an 2000résulte d’une écriture qui relève de la volonté d’acteurspublicsetprivés.

LareconstructionnationaletouchalaPostdamerPlatzàlamême époque: après 1990, la place retint de nouveaul’attention, spécialement de par sa localisation proche ducentreville.Cette reconstruction se développe d’une manière assezdifférentequepourlaplacedesMartyrs:leconseilmunicipalchoisitdediviserlaplaceenquatreparties,chacunelaisséeàuninvestisseurprivé,quiyimplanterasonpropreprojet.Aucoursdecettephasede reconstruction,PotsdamerPlatzfutleplusgrandchantierd’Europe.Commeceluidudevenirdelaplacebeyrouthine,leprojeten totalité fut objet de nombreuses critiques au départ, ettous n’apprécient toujours pas la façon dont l’endroit futréaménagé. Cependant, la place est devenue une réelleattractiontouristique:unlieudeshoppingpourlesBerlinoisetlerendezvousdescinéphiles.

Manifestation contre la société. Projet d’infrastructure en cours

Maquette et vue 3D du projet.

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Autres projets proposés.

Projet de Reconstruction Nationale

Master Plan de Solidère.

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4‐IMPLICATIONINTERNATIONALEDELARECONSTRUCTIONAfin d’identifier de nouvelles visions et conceptionsurbainespourlaplacedesMartyrsetleGrandAxe,lasociétéSolidèrelança,en2004,unconcoursinternationald’idées.Le grand Concours international d’idées en planificationurbaine pour la reconstruction de la place des Martyrs en2004‐2005.Ceconcours,ouvertetanonyme,s’adresseàlacommunautédes architectes du monde à laquelle il a souhaité associer,lorsd’unepremièrephase,lesétudiantsenarchitecture.L’objet du concours était l’élaboration d’un concepturbain capable de donner à ces deux éléments historiquesune nouvelle identité, d’engendrer un nouveau profilrégionalpourBeyrouthetdeparticiperà la réunificationdelavillequi,unequinzained'annéesaprèslaguerreduLiban,sereconstruit.Les projets devront offrir aux Libanais l’opportunitéd’appréhenderl’aspectarchéologiqueethistoriquedelavilleselon une nouvelle dimension culturelle tout en luipermettant de se situer dans le réseau extra territorial desfonctionsd’unecitémondiale.32Le premier prix, (accordé aux architectes grecques AntonisNoukaki,VasilikiAgorastidou,Litoloannidou,BoukiBabalou‐Nounaki) présente une proposition convaincante pourredéfinir la place des Martyrs. Le schéma dégage quatresectionsurlegrandaxe.Chacunedecestranchesconstituant

32 Cf. Annexes : brochure des résultats du concours international Soliderequarterly – Martyrs’ Square Grand Axis international design compétition.

uneréponseaucontextedans lequel il s’implante.Leprojetoffreuneorganisationsymboliquedesespaceslelongdecetaxe pédestre, condensant le flux automobile sur la partieouestdelaplace.Ceprojeteuplusdesuccèsparsondesigndel’espaceapteàoffrir un nouvel ordre urbain sur lequel s’ajouterait lesaspirationsetattentesdelacommunauté.Leprocessusdereconstructionchoisichercheàédifierunenouvelledynamiqueurbaineenmisanttoutsur lapérennitédes conditions de la paix actuelle qui est relative à desfacteursautresquelaseulereconstructionducadrebâti.Ca serait aussi, pour lesparticipants au concours, l’occasionde mettre en forme de nouvelles conceptions de la ville,d’élaborer ou de faire émerger de nouveaux discours endépassant la stricte nécessité de «reconstruire» pourplonger dans un univers tiraillé par les fantasmes et lesutopiesdetoutessortes. PremierprixdugrandConcours

internationald’idées

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Quelquesmoisaprèslelancementdececoncours,danslecadre de la Biennale International d’Architecture àRotterdam,WORKArchitectureCompany (architectesAmaleAndraosetDanWood)proposentCadavreExquisLebanese–Channeling the Power of Imagination33 sur la place desMartyrsàBeyrouth.Le sujet choisi pour cette Biennale à Rotterdam tourneautourdeVisionaryPower,ProducingtheContemporaryCity.Jamais tant de personnes n’ont vécut dans cetenvironnementurbain.Visionary Power: la production de la ville contemporainesert de source et d’inspirations aux nouvelles expertisessouhaitant s’impliquer dans le futur des villes du XXIèmesiècle.Leconcourssedéveloppetoutd’abordsurunerecherchedesfondations de la ville contemporaine (the city of today, thecity of the future), précisant les forces ayant un impactspécifique sur ces environnements, aboutissant à uneprésentationdestratégieauxarchitecteseturbanistes.

33 Cf. Annexes : extrait du livre Visionary Power sur Cadavre Exquis Lebanese

L’agence WORK Architecture Company s’intéresse à cethèmesurlavilledeBeyrouthetsoncentre‐ville.Derrièreunprocessussurréaliste,leurprincipaleintentionetd’aller dans le sens contraire que ce que propose Solidèredansleurprojetdereconstructionnationale.Au lieuderéduire lavilleàunsimple«masterplan» (où laplace sepenseenpriorité commeun symbolique fortetunlieude rencontre), ils proposent une série de séquencesdescénarios.La combinaison de ces scénarios aboutirait au «CadavreExquisLebanese»,Dansunedecesséquences,ilsconsidèrentlestentesetnonpaslesgratte‐cielscommevéritablesymboledelamodernitéduXXIèmesiècle.La place revit son passé nostalgique en tant que point derencontrepourlesdébatsetdesintellectuels.En construisant sur l’occupation actuelle, une épaisseinfrastructuredetentesestdéveloppéedans lecentre‐ville,servant une série de fonctions allant de l’auditorium auxpetits «coffee shops» où toutes les confessions seregrouperaientpourdébattre.

CoupesurlapropositiondeWORKarchitecture Lesscénariosàtraversleursinfrastructures.

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IIIREQUALIFICATIONetRECHERCHED’IDENTITE

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III‐REQUALIFICATIONETRECHERCHED’IDENTITEA travers une mosaïque d'îlots paisibles et de zonessinistrées,laviecontinue.Les libanais renaissent, en dépit d'une cruelle détériorationéconomique,dont tousnesouffrentpasaumêmedegré,etd’unealternancedepériodesdecalmerelatifetderegaindeviolences.La réflexion qui a été engagée, lors du concours d’idéeprécédent, portait sur la capacité de réinventer un lieu enconsidérant tout d’abord son rôle historique de cœur de laville, touché d’un passé «idéalisé» et figé dans les formesd’unearchitecturenéo‐traditionnelle.Cette attention doit être traitée habilement étant donné lasituationdélicatedupasséimmédiatdecettenation.Acessujetscorrespondentsurplacedesimagesdelaguerres’effaçant difficilement, comme cette statue desMartyrs etcette impression de vide lissée par l’intégral «bulldozage»del’après‐guerre.Un vide qui structure l’absence du lieu de rencontre et demixitéqu’étaientlaplaceetsonpourtourautrefois.

1‐LAPLACEAUJOURD’HUIBien que l’engouement politique prenne une placeimportante dans la vie du libanais, sa confession religieuserestemalgrétoutprioritaire.34C’est ainsi qu’en entrant de n’importe quel coté sur laplace, lapremièrestructurequinoustombesur lesyeuxestlaplusrécenteédifiéedelaplaceetducentre‐ville.La mosquée Mohamed el Amine, dédiée à Rafic Hariri(représenté par la statue couchée qui regarde vers Dieu etversleciel),s’imposeaupaysagedemanièrecolossale.Remarquablementhorséchelleetanachronique,elleécraselittéralement sa voisine, la cathédrale Saint Georges desmaronites et monopolise l’image actuelle que veut donnercette place: un terrain vague voué à la seule fonction demémorialdelapersonnalité.Au niveau de lamosquée, au centre de l’espace, la stèledesmartyrsn’aretrouvésaplacequ’enété2004.Criblésd’impactsdeballesetd’obusdurant laguerre,elleadisparuauxalentoursde1980.

34 l’Etat libanais reconnaît officiellement dix-sept confessions religieuses. Les musulmans (six confessions différentes) comptent pour 59,7 % de la population, tandis qu’il y a 39 % de chrétiens (divisés en douze confessions). (CIA, The World Factbook-Lebanon sur www.cia.gov)

LamosquéeMohamedElAmineetlastèledesMartyrsenpremierplandelaplace.

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Lorsquelesrestaurateursdulaboratoirede l’UniversitéSaintEsprit Kaslik ont achevé leur travail (ayant pris le parti deconserver les traces de la guerre), les martyrs n’ont pasdirectementretrouvéleurplace.La statue a pitoyablement croupi dans un coin du parkingjusqu'à ce qu’on décide de la faire revenir, peut être pourcalmerunepopulationauborddelarévolte.Pourlesgénérationsprécédentes,ceretourdansl’histoireaveclaremiseenplacedelastatueàsonsocleinitialréveilledans leurs âmes la nostalgie du passé. Pour la nouvellegénération, elle est représente un symbole d’espoir d’unmeilleurfutur.En entrant au sud de la place, l’église arménienneAltounian–Saint‐Pauletlaseulestructure(aveclastèledesMartyrs)àavoirsurvécutauxquinzeannéesdeguerre.Anotregauche,labulle.C’estlenomdonné,audébutdesannées1990,àcettecoqueovoïdalecribléedetouslescotés.Préalablement connu sous le nom du City Center (un cinéthéâtre d’avant guerre), son concepteur, Joseph PhilippeKaram, avait l’ambition d’en faire le plus grand centred’affaires du Moyen Orient. Il resta cependant inachevéavantd’êtredémoli.Resté pendant une longue période un espace «en margede»,labulleservitdepointderencontrepouryorganiserles«raveparty»àl’époquedesmodestechno,transeethouse.Etant l’un des bâtiments préférés de Zaha Hadid (1950‐ ),grandearchitecteiranienne,l’avenirdecettecoqueestentreles mains de l’architecte libanais Bernard Khoury (1968‐ ),ayant principalement œuvré à la reconstruction du Libandévasté.

Toujoursànotregaucheenmontantlaplaceverslenord,au bord des trous, générés par les fouilles archéologiques,s’élèventdeuximmeubles:«l’Opéra»prisparl’enseigneduVirginMegastoreetl’immeubledujournalAn‐Nahar.Cet immeubleblancet lissede l’architectePierreEl‐Khoury,fameux architecte libanais, frappé du célèbre logo du coqhurlantdugrandquotidien libanaisAnNahar, renferme,sursesseptétages,lesbureauxdeproductiondujournal.Au niveau du rez‐de‐chaussée s’implante un restaurant«branché»delacapitaleainsiqu’unelibrairieaunomdelaplacelibrairie«El‐Bourj».Deux discothèques situées au dernier et huitième étage dumêmeimmeuble(moitiécouverte,moitiéterrasse)rythmentlesnuitsdelaplace(leWhiteetleEight).Sur tous les trois cent cinquante mètres de long,l’environnementestdelaplaceseprésenteentantqueréelterrainvague.Encadré par le récent projet immobilier du Saifi Village35(avec les façades inspirées de l’architecture traditionnellelibanaise, les ouvertures en khané36 et célèbres courscentrales intérieures beyrouthines), ce terrain sert tantôtd’espace de stationnement pour les clubbers ou touristes,tantôtzonededépôtpourlestravauxentreprisparlasociétéenchargeduterrain(Solidère).L’écart de densité entre l’environnement est et ouest de laplaceestimpressionnant.

35 L’entreprise de Solidère étant vouée à faire du centre-ville un espace ludique, luxueux, reconstruit en en grande partie mais imitant les styles du passé, donc pensé dans un rapport superficiel avec les enjeux actuels de la ville. 36 Fenêtres traditionnelles libanaises se présentant en une série de trois arcades doubles hauteurs accolées.

L’égliseSt‐Paulavant,pendantetaprèslaguerrede1975(deuximagesduhaut)L’ancienOpéra,aujourd’huileVirgin.

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Ce n’est pas par hasard si les témoins de la placed’autrefoisparlentdela«vie»encemilieupourledécrire.Cetagencementdepratiqueetd’usagesmultiplescréaitunecertaineambiance,uneexpériencesensoriellecomplexequicaractérisait la place des Martyrs et qui en faisait un lieud’attraction.L’expériencedes usagers nouspermetdedéfinir la placepubliquesoustroiscritères: lasociologie, lerôlestructurantdes usagers qui donne sens à un espace autrement désert,l’architecture, s’intéressant à la forme du lieu et sonincidence sur son occupation et l’urbanisme et l’urbanisme,voyantlaplacepubliqueàtraverssafonctiondanslavilleetlesliensquilarelieautissuurbain.Toutes ces facettes constitutives de l’espace publique secomplètentetdoiventêtrecomprisecommeuntout.

An‐Nahar,lalibrairieElBourjetles

résidencesSaifi.

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La place des Martyrs aujourd’hui : terrain vague ou chantier ?

PanoramadelaplacedesMartyrsaujour’dhui

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2‐LAPLACEDESMARTYRS,UN«OPEN‐AIRMUSEUM»Pendant de longues années, la Place desmartyrs a sombrédans l’oubli, comme du reste Beyrouth et tout le Liban,abandonnés au sort d’une guerre interminable, face àlaquelle on décidait de masquer l’indifférence par unsentimentd’impuissance.Le centre ville, détruit, recèle un véritable trésorhistorique et archéologique représenté par les vestiges duBeyrouth ottoman, mameluk, croisé, abbasside, omeyyade,byzantin,romain,perse,phénicienetcananéen.Les premières traces écrites sur Beyrouth remontent auXIVème siècle av. J.C., mais l’archéologie permettaitd’affirmer l’occupation continue du site au IIèmemillénaireav.J.C.voireplustôt.PetiteCité‐EtatsousladépendancedeByblos,Beyrouthprissonvéritableessordurantlapériodehellénistique.Sonstatutdecolonieacquis sous ladomination romaineen31 av. J.C., s’accompagna de la construction de temples etautresédificespublics.LestravauxmenésdepuisleXIXèmesiècleetlesvestiges(enélévation ou en plan de ces monuments) ont permis decirconscrire le centre antique de Beyrouth. Ce centrecorrespond au cœur de la ville moderne mais ses limitesallaient,seloncequelesarchéologuesavaientpressenti,bienau‐delà.La ville atteint son apogée entre le IVème et VIème siècle,pour devenir capitale régionale et un des grands centresintellectuels du bassin méditerranéen avec son Ecole deDroit, ainsi que la cathédrale byzantine Anastasia, enfouie

sous les décombres causéspar le cataclysmede l’an551etjamaisretrouvée.D’aprèsleplandesfouillesarchéologiquedeBeyrouthdejuillet2005,onretrouveaunorddelaplacedesvestigesdescivilisationsphéniciennes,ottomanes,mamelouk,byzantines,romaines,grecques,hellénistiques,persesetphéniciennes.Au sud de la place émergent des restes de civilisationsromaines,byzantines,grecquesethellénistiques.37Le prétexte fournit par une catastrophe est l’occasionidéaled’investirtouteunefantasmagorieduparadisperduetdesarenaissancedanslavilleàreconstruire.Parl’entremisedel’archéologie,leparadoxefondamentalduréinvestissementdesvestigesdupasséàBeyrouthconsistantà donner une valeur symbolique implacable à tout ce qui aété transformé en ruines, une inviolabilité qui légitime, ducoup,l’entrepriseurbanistiquedeSolidèrepuisquecelle‐ciseprésentecommegarantedelamiseenvaleurdelamémoireducentre‐ville.Les extractions et restaurations archéologiques dans lecentre‐ville deBeyrouth, commepour plusieurs autres sitesrichesenhéritage,connudenombreusescomplications.Le problème qui régnait tournait surtout autour de laquantitédevestigesàsortirdeterreetàpréserver.

37 Voir le plan des fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth, juillet 1995, extrait du n°316 de la revue « Archéologica », octobre 1995.

Lesfouillesarchéologiquesaprèslaguerre.

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La place des Martyrs, un « open-air » muséum.

Lesfouilles

LeprojetduJerdinduPardon

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Bien que la guerre fut destructive à plusieurs échelles, ellepermis,par ladécouvertedecesfouilles,d’enrichir lesavoirarchéologique. En «buldozant» les restes de l’ancien cœurhistorique, la guerre permis ironiquement l’accès à cesdécouvertes historiques. Ainsi, la guerre offrit l’opportunitéd’extraire leplus largesiteurbainaumonde(60000mètrescarrés).A ce jour, pas moins de 136 lots urbains (14 000 mètrescarrés)ontdéjàétésortisdeterre,démystifiantpeuàpeules5000annéesdel’histoiredeBeyrouth.L’une des découvertes les plus récentes de la périoderomaine est la route en pavée Nord‐Sud rythmée par desstylobatespoursupporterlesanciennescolonnesexistantes.Plusieurs la qualifierontde la routeCardoMaximus (undesdeuxaxesprincipauxdelagrilleromaine).Par pur coïncidence, cette route se faufile entre les deuxcathédrales St Georges (celle des maronites et celle desorthodoxes), les rendant spectaculaires par ce gouffrearchéologique.Alabase,cesiteconsistaitenunparcarchéologique.Ilaétérécemment incorporé dans le projet du Jardin du Pardon(Hadiqatal‐Samah).L’idée de faire de ce jardin un sanctuaire pourl’introspection et la guérison vient de la vision d’AlexandraAsseily.

Unjardindanslequellespersonnespourraientrassemblerforceetinspiration,unendroitpour

lecalmeetlaréflexion.Unjardinpourl’introspectionindividuelle,unsanctuaireaccessibleàtous.Archétypesdelafloredu

Liban,unerivière,parfaitementensoleilléeetombragée,faisantressortirunesensationdepaix,guérison,bénédictionethumanité.

Selon Alexandra, le concept du pardon est clé de réussitepour la reconstructionet réhabilitation.Un lieu symbolique,réconciliantlesgénérationsdupassé,duprésentetdufutur.La place des Martyrs était le pont de rencontre desdifférentescommunautésetstratessocialesdanslepays.En restant vide et sans fonctions, elle ne participe pas à laségrégation.Ellepeutpourtantoffriruneimportantelocationneutre pourvue d’une histoire multi‐communale qu’aucuneautrevillen’a.Laconstructionetdéconstructionde laplacedesMartyrsdoiventserepenseràpartirdecejardin.Dans lecascontraire, lamémoirede laguerrepourraitêtrebanaliséeetoubliée.

VueaérienneduJardinduPardon. Sitesarchéologiques.

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3‐LIEUDEREPRESENTATIONOUMEMORIALIlyaquelquesannéesde là,personnen’auraitosépariersurlarenaissanceducentrevilledeBeyrouth,tantcettevilleétaitdéciméeetcontinuaitd’agircommeunepoudrière.Malgré une trêve de quinze années de guerre durantlesquellesellefutdésertéeàlapointedesfusils,etmalgréladestruction de la presque totalité des édifices entourant laplace,laplacedesMartyrsestredevenuetoutnaturellement,depuis la fin de la guerre civile, le lieu où les libanais serendent pour manifester, défiler, protester ou encorecélébrer lors des grandes occasions. Elle renait en quelquesorteàtraverslepeuple.La manifestation monstre du 14 mars 2005, avec sonmillion de participants, a été l’une des démonstrations durôle important que joue la place des Martyrs malgré safermetureetsasituationactuelle.Organiséepourdénoncer laprésencesyrienneauLibanà lasuitede l’assassinatde l’ancienpremierministreRaficHaririainsiqu’unevingtainedepersonnes, le14 février2005, soitunmoisplustôt.Quelquespersonnes,lespremiersjoursaprèsl’attentat,plusd’unquartdelapopulationlibanaiselemoisd’après.A croire que cette place et ses environs avaient été laissésvidesquinzeansdurantpourcetteseule journée,quetoutelareconstructionou,danslecasdecetespacedevenusivide,la déconstruction du centre symbolique de Beyrouth avaitétéprogramméepouraccueillirlepaystoutentier.Mise à part l'approche émotionnelle, les espoirs etl'engouement patriotique, il y a dans cette histoire la leçonurbainedel'appropriationdel'espace.

La place des martyrs reste à ce jour le haut lieu de lareprésentationetdescontestations.Plusd'unanaprès leprintempsdeBeyrouth (février ‐mars2005),etprenantencomptelesleçonsdecedernier,lecamppolitiqueadverse,passédansl'opposition,vas'yinstaller.Ils ont employé une arme redoutable comme élément derepérageetd’identification:latente.Représentant historiquement le nomadisme des tribusarabesd'avant la sédentarisation, cetteprisedeposition futsurtout le moyen le plus pratique de s'approprier l'espacepublic, voire de bloquer une partie de la ville, avec leminimumdemoyensetlemaximumd'efficacité.Plantées sur tout le long de la place, formant comme unedeuxièmecouche,cestentes,architecturemobile,nomade,légèreetbonmarchés’opposentbrutalementàl'architecturemonumentaleexistante.

Manifestationsdu14Mars2005

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Pourquoi choisir cette place comme lieu demanifestation?A‐t‐elle pris une signification symbolique trop importantepour être requalifiée? Restera‐t‐elle comme une sorte demémorialgéantqu’onnepeutsepermettredetoucher?Sinousprenons,commeréférence,lemémorialdeBerlindePeter Eisenman, très médiatisé, on retrouve d’étroitessimilitudesaveclesiteétudié.Tout d’abord, la succession de bloc de hauteurs différentesconcentréssurceterrainvagueenpleinmilieudelavilledeBerlin crée une rupture soudaine avec l’environnementalentour. Ce terrain, certes, chargé de blocs en béton,contraste fortement avec l’espace très dense alentour. OnremarquelemêmecontexterelationnelenregardantleplandesituationdeBerlinetdeBeyrouth.Ilyaaussi lefaitquel’espaceesthomogènepar lefaitqu’iln’yaitpasd’endroitprécispouryaccéderouensortir.Iln’yani commencement, ni fin, mais un rassemblement defragmentsarchitecturauxethumains.

«LaplacedesMartyrsestdevenue,denosjours,unlieudepèlerinagepourserecueillirsurlatombeduprésidentRaficHariri,unlieuderassemblementpourlesjeunesetlesmoins

jeunes.»38La situation trouble du Liban contemporain fait dire àcertains auteurs que la guerre civile n’a peut‐être jamaisvraiment pris fin et que la requalification de l’espace et lareconstruction physique est freinée par un manque devolontéderéconciliationàl’échellenationale.

38 Extrait de l’article la «PlaceduCanon» racontéeparNinaJidejian,n°11368du18mai2005

Manifestationsdu14Mars2005

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La place des Martyrs, lieu de représentation.

1920 1943INDEPENDANCE 2008

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4–FONCTIONDELAPLACEPUBLIQUE:FIGURED’INTEGRATIONETD’IDENTIFICATIONLesévènementsde2005à2007(attentatdeHariri,guerreisraélo‐libanaise)montrentàquelpoint les fondationsde laformepolitiquedel’Etatlibanaisdemeurentfragiles.On irait jusqu’à se demander si ces dix‐huit années detravauxsur laplacedesMartyrsconstitueraientunmotifdediversion, dans le but d’étouffer, par le bruit des chantiers,lesgrondementsd’unesociétéenpleinecrise,àl’imagedesaclassepolitique.L’histoire de la ville est étroitement liée à celle de sesplaces quand celles‐ci sont le reflet de la qualité de sa viepublique.L’espacedupublicdans lavilleestentresautres laplace,cefragmentde foncier destiné auxpratiquesde la collectivité,un vide urbain fermement délimité par le domaine privé etun support pour les activités déterminées par la collectivitéelle‐même.A part les pratiques urbaines improvisées qui témoignent,des le départ du «désir de ville39» du beyrouthin, c’est lacohabitation que l’on cherche d’abord à éviter, du moinsveut‐on polir les rapports interconfessionnels, quitte à fairedisparaître les traces de la guerre tout comme celles del’ancien modèle d’urbanité beyrouthin, jugé dangereux etconsidéréàl’originedelaguerre.40

39 Expression employée par Sawsan Awada-Jalu pour signifier le désir des citoyens d’occuper librement l’espace public après la guerre (dans Le désir de ville) 40 cf. Page suivante le désir de ville selon les époques

Pendantunmoment, laplacedesMartyrs,encherchedequalification, servit de parking pour les clients du VirginMegastore et de terrain de jeux pour les amateurs deplancheàroulettes.Après un âge de gloire au service du cinéma, l’Opéra deBeyrouth,bâtimentdestyleartdécosignéBahjatAbdelnour,aétérelookéauxcouleursdelafirmeinternationale.Apres les réactions autour de l’Opéra banalisé puis lapolémiquedu«freeparking»,laplacedesMartyrsreprissonaspect après‐guerre: un terrain vague. Les skaterscontinuentàs’yrencontrer.Selon Hubert Tonka41, écrivain et collaborateur de JeanNouvel, «concevoir la place, c’est faire de la place». Ledilemme est de faire non seulement «de la place»fonctionnelle mais aussi «de la place» favorisant larencontre.Il affirme l’importance du geste architectural qui consiste àmettre en forme le lieu de la rencontre, cet espace d’arrêttemporaire s’opposant au flux, du vide complémentaire auplein,del’ouvertfaceaufermé.Bienqueleterraindestationnementetleterraindeplancheà roulettes répondentà ladeuxièmepartiedu théorèmedeTonka, en étant statique, ils réfutent l’idée de convergenced’uneplacepubliquedynamique.

41 Dans la place dans l’espace urbain de Jacques Sauvageot, article de Hubert Tonka « La place n’a plus de place », cahiers paysages et espaces ubains, Presses Univesitaires de Rennes, 1996. LeparkingduVirgin‐pochoir«espacepublique»sur

lesocledelastatuedesMartyrs.

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Désirs de ville post et pré 1975

DésirdevilledurantlaguerreComment les habitants s’approprient l’espace

public

Désirdevillemoderne:Lesjeunesetlesskatterss’yrencontrent.

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Ainsi, l’histoire des places est double: formelle etfonctionnelle.Laformetraverseletemps,letracédavantagequel’architecture.Seuls les dispositions et les rythmes qui composentl’entouragedelaplacepardes interventionssur ledomaineprivépeuventaltéreret transformer sensiblement la forme,enrevanche,labaserestesensiblementstable42.Au contraire de la caractéristique précédente, la fonctionsubitpresqueinvariablementlesaléasdelaconjoncture.Laplacedugouverneur (placeduSérail)devient laplacedupeuple (place des Martyrs publique au XIXème siècle), lessouks sont transformées en commerces, le marché enparkingmaislaplaceresteplacecarlanotiondelieupublic,qui se construit tant sur des lois que sur les consensus,demeure.Compte tenu de la constance du formel par rapport aufonctionnel, on devrait croire qu’il n’existe aucune relationpossible entre eux. Pourtant, à priori, le fonctionnelconditionnedansbiendescasleformel.Simultanémentàsonrôled’échangeetderencontre,laplaceestdevenueunedesfiguressymboliquesdelaville.Dansunegrandeville,lenomdelaplacedépasseleconceptpropredesonterritoire.Demandezàunparisien,àunromainouàunlibanaisdesituersonlieuderésidence,ilrépondra«j’habiteàBastille,àl’Etoile,auCapitole,surlaplacedesMartyrs…»,sans que cela signifie pour autant qu’il habite sur la placemême.

42 Michel-Jean Bertrand et Hiéronim Listowski « Les Places dans la ville – Lecture d’un espace public » Edition Dunod – Paris 1984 Dans le chapitre 2, « la forme », les auteurs comparent la forme de la place à une boite. La découpe au sol est la base de la boite, les façades qui d élimitent la place sont les cotés et le ciel constitue le plafond.

Acela,onpourraitsupposerdeuxraisons:parsaforme,laplace est un espace divergent. Elle irrigue les structuresurbaines voisines par les tracés et les itinéraires qu’elleconditionne.Par sa fonction, elleestunespace convergent.Lesélémentsattractifsimplantéssurcesplacessollicitentlescitadinsetprovoquentl’installationdenouvellesactivités.On pourrait en conclure que la place est dans la ville unefigurederepérageetdecentralité.Ons’ydonnerendez‐vouscar elle est directement repérable sur le plan et qu’elle estconnuedetousmaisons’yrendégalementparcequel’onestconvaincued’ytrouvercequel’oncherche.Implicitement alors, les fonctions de la place remplacentcellesdelaville: lavillenecessedes’étendre,cumulantlesnouvellesstructureséconomiques,socialeseturbaines.Elle devient de plus en plus imperceptible dans sonensemble. De cet handicap de la ville, la place acquière undoubleprivilège:parsatailleréduiteplusprochedel’échellehumaine,parlaconcentrationdesactivitésqu’ellegénèreouqui l’on générée et par son pouvoir de repérage et decentralité vuultérieurement, la placedavantageque la villedevientunefigured’intégrationetd’identification.LaplacedesMartyrsselonLeRobert:

Martyr:Originedumot:terminologiechrétienne,celuiquiconsentàallerjusqu’àselaissertuerpour

témoignerdesafoiplutôtqued’abjurer.Parextension,lemotdésigneceluiquiesttorturé,

tuépourunecauseouunidéal.Comme un martyr, cette place, torturée, déformée,remodelée, déguisée, convertie, semble vouloir s’éteindrepeuàpeu,pourgardercetanonymatsocialetrefusertouteidentité que nous, investisseur, citoyen, constructeur,tentonsdeluiattribuer.

PlacedesMartyrs,EspacePublique–chantier

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CONCLUSIONPar sa situation exceptionnelle au centre‐ville et par sonrôle historique de haut lieu de la sociabilité, la place desMartyrs constitue, comme cœur de la nation libanaise, unlieu porteur d’images multiples. Lieu de nombreusesbatailles, mais aussi lieu de représentation desparticularismesstructurantl’identitébeyrouthineetl’identitélibanaise.Elleestl’imagedelasociétéetconstituel’objetsociologiquerésumant presque à lui seul tous les problèmes du Libancontemporain.Sur le plan symbolique, elle incarne l’espoir d’uneréconciliation d’envergure entre toutes les fractions dupeuple.Eneffet, ce lieuaprisunesignificationsi fortequ’ilen vient à incarner à lui seul le Beyrouth de l’époqueglorieusemaisaussitous lesmalaisesde laguerreet l’aprèsguerre. Etant l’une des seules à jouer ce rôle de point derencontredetouteunepopulation,elleracontelepeuple.Aujourd’hui,laPlacedesMartyrsreflèteplusquejamaislasituation de la société libanaise. Il y a quelquesmois, le 21mai2008,lespartisansdel’oppositionontrangéleurstentes,dénudantànouveauceterrainqu’estlaplacedesMartyrs.Desfleursysontdéposéesafinderedonnerunsemblantdevie à cette place qui, comme son peuple, n’arrive toujourspasàseretrouver.Ellen’atoujourspasétéreconstruite.Plusieurs défenseurs de sa reconstruction reconnaissentpourtant le potentiel thérapeutique du design urbain etvoientdans l’édificationd’un lieupropiceà la réconciliationlaconditionpremièredesaréussite.

Qu’il s’agisse d’une place médiévale populaire, avec sonmarché coloré et achalandé, son église et ses bistrots, ouqu’il s’agisse d’une place ordonnancée où pouvoirs etinstitutions s’expriment et se rivalisent, toutes s’inscriventdans ces relations mouvantes qui unissent aux différentesépoqueslescitadinsàleurcadredevie.Autrementdit,laplaceestchargéed’histoire,del’histoiredeceuxqui l’ontaménagée,habitéeet fréquentéeauparavant,de l’histoire de leur mode d’organisation sociale, de leursystèmededéfenseetdeleursréseauxd’échanges.Par la superposition des styles, par la concentration et ladiversité des activités, la place offre la vision synthétiqued’unvécu.Ensomme,elleestletémoignageetlerefletd’unhéritagehistoriqueetactuel.Pour toutes les raisonsévoquées,on comprendmieuxalorspourquoilaplacesuscitetantd’intérêtetpeutdéchainertantdepassionsitôtqu’onenvisagedelatransformer.Son pouvoir dans la ville va bien au‐delà de l’exhibition debâtiments remarquables, de la facilité des échangescommerciauxoudelafluiditédesréseauxdetransportetdecommunication.Ledéfitaujourd’huiestpeut‐êtred’arriveràsedécalerparrapport à la situation actuelle de la population, considéréecomme chaotique, toujours à la recherche d’identité, et defairede cetteplace tout à la fois un lieudemémoireet unlieu de rencontre. Ainsi, en transparence du traitement del’espace,de l’anatomieduprojetetdudiscours sur laplacepublique,unjeustratégiquedel’urbainetdelamémoireestàprendreencompte.

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Cette place, à la fois prévisible et imprévisible, reflet del’hommeetdesonpeuple,refusededisparaître.Laviereprendtoujoursledessus,coûtequecoûte,malgrélesattentats, les pillages, les défaites, les destructions, lesassassinatsetlesguerres.Elleestlerefletdecepeuple.Confrontéauproblèmedelamémoire,confrontéauvide.Videquistructurel’absencedulieuderencontre,dulieudemixitéqu’étaitcetteplaceavant1975.

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ANNEXES

1–BROCHUREDEL’EXPOSITIONLIBAN!2–IDENTITEDESMARTYRSDU6MAI19163–BROCHURED’INFORMATION1995DESOLIDERE4–RESULTATSDUCONCOURSINTERNATIONALD’IDEES2004

5–PRESENTATIONDUPROJET«CADAVREEXQUISLEBANESE»6–ETUDECARTOGRAPHIQUEDELAPLACEDESMARTYRS