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FRANÇOIS HOLLANDE, EN MEETING, JEUDI. PHOTO SEBASTIEN CALVET Le nom de la rose François Hollande sera le candidat du PS en 2012. 10 pages spéciales. 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9464 LUNDI 17 OCTOBRE 2011 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats-Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande-Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays-Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

1,40 EURO.PREMIÈRE ÉDITIONNO...VET Lenomdelarose FrançoisHollandeseralecandidatduPSen2012. 10pagesspéciales. •1,40 EURO.PREMIÈRE ÉDITIONNO9464 LUNDI17OCTOBRE2011 IMPRIMÉ EN

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ET Lenomde la roseFrançois Hollande sera le candidat du PS en 2012.

10 pages spéciales.

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9464 LUNDI 17 OCTOBRE 2011 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €,Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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Arrivé en tête hier du second tour dela primaire, l’ancien premier secrétairedevient le candidat du Parti socialistepour l’élection présidentielle de 2012.

Hollande,haut la mainD e François à François ?

Trente et un ans après lavictoire de François Mit-terrand, François Hol-

lande est depuis hier en situation desuccéder à l’unique président degauche de la Ve République. Le dé-puté de Corrèze a été plébiscité pourêtre le candidat à la présidentiellede 2012. Après dépouillement de2,3 millions de bulletins de vote,hier peu avant 22 heures, il étaitplébiscité avec 56,38% des suffragescontre 43,62% à Martine Aubry.A 21 h 20, les deux compétiteurssont apparus main dans la main surle perron du siège du PS, s’embras-sant, s’applaudissant mutuellementavant de brandir les bras en signe devictoire. Offrant aux militants quihurlaient «on va gagner !» l’imageattendue du rassemblement des so-cialistes. Sous les flashs, Hollandeclaque la bise à Ségolène Royal, àManuel Valls qui lui tape dans le doset serre même la main à Laurent Fa-bius. «Cette victoire me confère laforce et la légitimité pour préparer le

grand rendez-vous de l’élection prési-dentielle, déclare Hollande. Ce soir,j’ai reçu le mandat impérieux, celui defaire gagner la gauche.» Un discoursde mobilisation qu’il reprend à deuxautres reprises, devant les jeunessocialistes puis ses partisans réunisà la Maison de l’Amérique latine. Leton est solennel. A plus de 200 joursdu premier tour de la présidentielle,«la vraie bataille» commence, cellecontre la droite. Dès 20h45, Mar-tine Aubry avait reconnu sa défaite:«Je mettrai toute mon énergie et toutema force pour que François Hollandesoit dans sept mois le nouveau prési-dent de la République.» Elle con-

firme qu’elle reprend son poste depremière secrétaire du PS dès au-jourd’hui, se dit prête à intégrer«l’équipe de France du changement»et part illico dîner avec sa fille etdes amis, sans aller saluer ses parti-sans réunis non loin de là. Hollandesaluera sa «dignité» et soulignera«son besoin d’un PS solidaire». Pourqu’il n’y ait pas d’accroc à l’unité,la soirée électorale avait été prépa-rée de concert par les deux équipespendant la semaine.

GROGGY. A 57 ans, Hollande enfilele costume du candidat à l’Elyséequ’il s’est patiemment taillé depuisqu’il a quitté la tête du PS, en 2008.«Il est parti tôt et il a tenu jusqu’aubout sa ligne, il a montré qu’il étaitdéterminé, solide et [il a montré]aussi sa capacité à rassembler», sa-luait son bras droit de toujours, Sté-phane Le Foll. Le candidat «nor-mal» revient de loin. Longtempschallenger, il s’est lancé enjuin 2009. Il devient «favori desubstitution», dixit lui-même,quand Dominique Strauss-Kahn seretrouve hors-jeu en mai et fait lacourse en tête dans les sondages

tout l’été. Face au «diesel» Aubry,qui monte en puissance contre la«gauche molle», il semble un peugroggy dans la dernière lignedroite. Mais, après Valls et Jean-Mi-chel Baylet, le soutien «strictementpolitique» de Royal puis celui «ex-clusivement personnel» de Monte-bourg renversent la dynamique.«Ces ralliements ont contribué à ce

que les électeurs, même idéologique-ment plus proches d’Aubry, choisis-sent le critère de l’efficacité pourbattre Nicolas Sarkozy», juge Lau-rent Baumel, proche de DSK con-verti à Hollande. «C’est Royal qui lesauve», assure Jean-ChristopheCambadélis.Seule contre tous, avec 9 points deretard au premier tour, Aubry ahaussé le ton dans les dernièresquarante-huit heures. «Elle est ap-parue trop clivante», estime la dé-

putée Aurélie Filippetti, proche deHollande. Ce qui a manqué à lamaire de Lille? «Un mois de retard,c’est tout», assure la sénatrice Lau-rence Rossignol. La première secré-taire, qui s’est lancée fin juin, avaitune fenêtre de tir le 28 mai, après leforfait de DSK, quand le PS a adoptéà l’unanimité son «projet 2012». Ace moment-là, murmurait jeudi

son directeur de cabinetJean-Marc Germain, «onaurait pu, on aurait peut-être dû».

«APAISEMENT». Lundi«ça va être la journée deconciliabules», prédit un

ténor. Et demain, le PS, toutes écu-ries confondues, reprendra sa viede parti d’opposition à l’Assembléeavant de réunir son bureau natio-nal. «Martine doit arriver sous lesapplaudissements du vainqueur etprononcer des paroles d’apaise-ment», prescrit un aubryste. «L’en-jeu, pour nous, c’est la victoire de lagauche en mai», confirme Christo-phe Borgel, proche de la maire deLille. Conclusion de Royal: «L’heureest au rassemblement joyeux !» •

Par LAURE BRETTONet MATTHIEU ECOIFFIER L’ESSENTIEL

LE CONTEXTEHollande remporte la primaireavec 56,38% des suffrages.

L’ENJEUCette large victoirerassemblera­t­elle le PS ettoute la gauche pour 2012 ?

56,38%C’est la part des suffrages(résultats à 22h40) remportéspar François Hollande, hier, ausecond tour de la primaire, con­tre 43,62% pour Martine Aubry.

REPÈRES w Demain Bureau national du PS.w 22 octobre Convention d’inves­titure du candidat socialiste àParis.w 22 avril 2012 Premier tour del’élection présidentielle.w 6 mai 2012 Second tour.w 10 et 17 juin 2012 Electionslégislatives.

«Je mettrai toute mon énergie ettoute ma force pour que FrançoisHollande soit le nouveauprésident de la République.»Martine Aubry hier

PREMIER TOUR DE LA PRIMAIRERésultats définitifs

FrançoisHollande

MartineAubry

ArnaudMontebourg

SégolèneRoyal

ManuelValls

Jean-MichelBaylet

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 20112 • EVENEMENT

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Hollande devra rassembler son parti, unir la gauche et éviter tout triomphalisme.

Du marathon au saut d’obstaclesS ouffler ? Oui, mais pas tout de suite.

François Hollande, désigné hier candidatdu Parti socialiste pour la présidentielle

de 2012, aura sans doute besoin de prendre unpeu de champ dans les semaines qui viennent,après le marathon de la primaire qui s’achèveet avant la campagne présidentielle,la vraie, qui démarrera vraiment enjanvier et sera une tout autreépreuve. Mais François Hollande sait aussiqu’il doit rapidement rassurer sur au moinstrois fronts.Victoire généreuse. Le premier défi qui at-tend le candidat du PS est de réunir les siens.Dès hier soir, il a salué «la dignité» de MartineAubry qui venait d’appeler au rassemblement.Mais après des semaines de campagne cor-diale, les derniers jours ont été rudes, les motséchangés âpres. Ils laisseront des traces siFrançois Hollande ne prend pas les devants.Sa capacité, tant moquée, à faire pendant dixans des synthèses en tant que premier secré-taire laisse penser qu’il saura avoir la victoiregénéreuse. Il devra, comme c’est souvent le

cas, se méfier de ses amis, ces fidèles qui l’ac-compagnent depuis toujours et ne l’ont paslâché quand les temps étaient durs. Le candi-dat devra les convaincre qu’ouvrir les porteset les fenêtres de l’atelier hollandais est unenécessité. Et il devra montrer la voie pour que

les électeurs de Martine Aubry, Sé-golène Royal, Arnaud Montebourg etManuel Valls se retrouvent derrière

lui. Car si son score de second tour est confor-table, les messages envoyés par les électeursle 9 octobre restent valides. Tous les ténors duPS devront aussi avoir en mémoire les campa-gnes perdues de 2002 et 2007, désastreuses enterme de coordination entre le candidat et leparti. Ségolène Royal a, de ce point de vue,parlé d’or la semaine dernière.Le second défi tient aux relations avec les par-tenaires de gauche, dans une configurationinédite, avec l’installation du Front de gauchedans le paysage. Martine Aubry a, depuis sonarrivée rue de Solférino, cultivé de bonnes re-lations avec les formations alliées, notammentles Verts. François Hollande, lui, a toujours

adopté sur ce sujet un discours volontariste.En fidèle des enseignements de Mitterrand,l’union est chez lui une matrice incontourna-ble. Mais en dix ans à la tête du PS, il n’a ja-mais vraiment pu, ou su, passer aux actespour modifier les équilibres d’une union quela déconfiture progressive du PCF rendait iné-luctable. Entre 2000 et 2002, il a en vain cher-ché la bonne formule pour prolonger la gau-che plurielle. Sa «gauche durable» est restéeune coquille vide. S’il veut changer les con-tours de la gauche, il devra, là encore, s’af-franchir des réflexes hégémoniques des élusPS en cas de victoire présidentielle.Temps. Le dernier défi est d’éviter touttriomphalisme. Oui, la primaire a été un suc-cès. Oui, elle peut contribuer à donner un élanau candidat PS. Mais le temps politique filedésormais à la vitesse du 2.0. Et le vrai ren-dez-vous avec les Français est dans six mois.Une éternité. Ce qui laisse largement le tempsà la majorité, aujourd’hui éparpillée façonpuzzle, de se rassembler derrière son chef.

PAUL QUINIO

Par NICOLASDEMORAND

Indemne

De manière nette et tranchée, ce seradonc lui. Lui qui portera les couleurssocialistes à la présidentielle. Luiqui désormais devient comptable,devant les Français, de la promessed’alternance en 2012. Pourremporter cette primaire inédite,François Hollande aura bénéficié dece mélange d’habileté, de barakaet d’intuition qui font souvent lesvictoires politiques. Parti le premier,considéré comme un outsider partrop… normal face à la rutilantehypothèse DSK, n’ayant jamais variéd’une ligne social-démocrate àmême de définir une «rigueur degauche», il aura finalement suorganiser le débat et le faire tournerautour de lui. Proposer des synthèsestactiques quand il était débordé sursa gauche, tout en refusant de laissermonter les enchères. Sortirrelativement indemne de cetteprimaire, menacée dès son originepar les frasques de DSK, rendueexplosive par les haines recuitesdes socialistes, incertaine jusqu’aubout, fait partie de ces rudesentraînements qui blindent unearmure. Et permettent de préparerla suite. C’est-à-dire le plus dur. Acommencer par le rassemblement deson propre camp, après les dérapagesdes quarante-huit dernières heuresde la primaire, quand chaque campmit bas les masques et tira à ballesréelles. Le PS, qui va entrer dans unesemaine de tractations entre lesdifférents camps, devra être uni et auservice du candidat désigné par lessympathisants de gauche. Sans quoi2012 pourra être ajouté à la longueliste des présidentielles perduesdepuis François Mitterrand. Ensuite,la campagne qui s’annonce changeévidemment d’échelle et de naturedès lors qu’il ne s’agit plus des’adresser uniquement à son proprecamp. Mais à un pays frappé par lacrise, vacciné contre les promesseset les mirages du volontarismepolitique tapageur. Un payssceptique, qui au mieux doute, maisplus certainement désespère. Auquelil faudra savoir parler et offrir desperspectives crédibles, des raisonsde ne pas considérer l’avenir commeune menace, mais comme unechance. De ce point de vue, FrançoisHollande doit élargir les horizonset trouver la voie étroite entre leréalisme, qu’il incarne depuis ledébut, et la capacité à entraîner.A tracer des perspectives.Il reste six mois.

«Il y a une dynamiqueincroyable, qui va changerla façon de faire de la politique,il y a un besoin des citoyens des’exprimer, de donner leur avis.L’hyperprésidence, c’est fini.»Jean­Marc Ayrault patrondesdéputésPS,hier

Suivez toute la journée le fil del’actualité consacré à ce lendemaind’élection à la primaire socialiste:réactions, analyses, commentaires,reportages…

Revivez la folle soirée d’hier soiravec le live de Libération.

Et retrouvez tous nos articles dans notredossier Présidentielle 2012.

• SUR LIBÉRATION.FR«Je constate ce soirqu’aujourd’hui Martine Aubry,première secrétaire du PS, estdésavouée par cette élection […].Je pense qu’il faudrait qu’elledémissionne, évidemment.»Nadine Morano (UMP) hier sur RTL

ANALYSE

A Solférino,hier soir.

PHOTO THOMASSAMSON. AFP

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François Hollandeà Paris,le 26 mai 1981.Il s’apprête alorsà affronterJacques Chiracen Corrèze,aux législativesdes 14 et 21 juin.PHOTO MICHELCLÉMENT. AFP

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 20114 • EVENEMENT

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De son enfance rouennaise à la primaireen passant par sa formation politique,la Corrèze et Solférino, retour surl’ascension du candidat socialiste.

Hollande,l’efforttranquille

«I l faut savoir d’où l’on est et avoirle sens du parcours.» Ce 5 octo-bre à Rouen, quelques heuresavant de rentrer à Paris pour le

troisième débat télévisé de la primaire,François Hollande se confie. Il revientde Bois-Guillaume, faubourg cossu del’agglomération rouennaise pourlaquelle il garde «une affection particu-lière». Normal: il y est né le 12 août 1954et y a été scolarisé jusqu’à la troisième,

chez les Frères catholiques deJean-Baptiste-de-La-Salle. Ce

jour-là, «après la rencontre avec lapresse, je me suis dit : “Il faut que j’aille

voir la maison où j’ai passé mon en-fance.” J’ai eu de la chance, la per-

sonne qui y vit m’a fait rentrer»,raconte celui qui est désormaisle candidat du PS à la prési-dentielle de 2012.

A l’extérieur de la maison, tout achangé. «Il y avait des granges, il y avaitdes vaches et des chevaux. Il ne reste plusrien. La maison existe toujours, la même,mais dans une autre géographie.» Dis-paru, le champ du voisin où Françoisjouait au foot avec son frère Philippe, dedeux ans son aîné. Disparu, le pou-lailler expérimental inventé par sonpère. A l’intérieur, en revanche, lesmurs changent moins vite que les hom-mes.Ce qu’il a ressenti à 57 ans, ce 5 octobre,François Hollande le garde pour lui. Dessouvenirs et des images. Celle de Nicole,sa mère assistante sociale à TRT, uneentreprise d’électronique, femme vi-vante et aimante. Aussi lumineuse queson père, médecin ORL, était ombra-geux et autoritaire. Imposant, selonSerge Raffy, son biographe, des «diktatsaussi martiaux qu’incompréhensibles» àses deux fils.Georges Hollande était fils d’institu-teurs, originaires d’une famille de pay-sans volaillers installée près de la fron-tière belge, à Plouvain, un villagemartyr bombardé en 1917. La ferme n’yéchappera pas. Ils portent le patronymedu pays que leurs ancêtres, des protes-

tants venus de Hollande au XVIe sièclepour échapper aux bûchers de l’Inqui-sition, avaient pris pour se reconnaîtreentre eux. Les débuts du couple Hol-lande sont modestes. Le cabinet d’ORLest aussi le domicile conjugal, et les pa-tients opérés des végétations récu-pèrent parfois dans le salon ou sur le litdes garçons. Le jeune François alternedes années scolaires chez les frères, oùil est bon élève mais un peu turbulent.Un premier communiant un peurebelle. Il lit Pif Gadget, publicationcommuniste, en cachette. Un jour qu’ilprend la défense d’un groupe de cama-rades pour atténuer une sanction, il seretrouve collé comme les autres. Cesera sa première expérience de leader.Les jeudis après-midi, le petit Françoisles passe avec Gustave, son grand-pèrepaternel. Directeur d’école et ancienpoilu, il l’initie aux ravages de la guerreet aux mots du dictionnaire. Côtématernel, on est plus chaleureux etouvert. Son grand-père, lui aussi gazédans les tranchées, est tailleur de mé-tier, chante Tino Rossi et loue chaqueété des maisons pour sa tribu. «Monmeilleur souvenir d’enfance, c’était lesvacances avec eux. On se retrouvait avecles cousins et les cousines à Carnac, auCanadel, au Chambon-sur-Lignon et àLa Franqui.»Et puis, c’est la rupture. Brutale. Sonpère, qui a réussi –il possède des partsdans une clinique–, est convaincu queMai 68 est le prélude à l’invasion sovié-tique. Il vend tout et déménage sa fa-mille à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où il se lance dans les affairesimmobilières. Il s’éloigne aussi. Etquand il vide la maison familiale, il en-voie à la décharge les petites voituresDinky Toys de François et les disques dejazz de son frère. C’est la fin de l’en-fance. «C’est douloureux, ces mo-ments-là, confie François Hollande. Monpère aimait changer de domicile. C’étaitun nomade. Moi, je suis attaché aux lieux.Enfin, je l’étais. Maintenant, c’est moinsvrai, il ne faut jamais vivre dans la nostal-gie. La vie passe.»

Les racinespolitiques

François Hollande ne vient pas d’unefamille de gauche. Chez les Hollande,les hommes sont des gaullistes, des

«conservateurs modérés», jugera Fran-çois Hollande. Son père admire l’avocatTixier-Vignancour et ne cache pas sessympathies pour l’OAS et l’Algériefrançaise. Anticoco viscéral, il sera,en 1959 et 1965, candidat malheureuxsur une liste d’extrême droite aux mu-nicipales de Rouen. C’est le goût politi-que des femmes de la famille quiimpressionne le jeune François. L’hi-ver 1965, il remarque que sa mèreécoute attentivement François Mit-terrand lorsqu’il apparaît sur l’écran ennoir et blanc du téléviseur. Sa grand-mère Antoinette fait aussi partie desfans du député de la Nièvre. Premierdéclic. «Pour moi, il n’existait que le gé-néral de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’aivu surgir de nouveaux visages: Jean Le-canuet et François Mitterrand, qui ve-naient de s’inviter comme opposants.»Au lycée Pasteur de Neuilly, où il ren-contre Thierry Lhermitte et ChristianClavier, le jeune homme s’affiche SFIO,tendance Union de la gauche. Reçu àSciences-Po, il milite pour l’Unef-Re-nouveau, proche du PCF. En 1972, il a18 ans et assiste, Porte de Versailles, àun grand meeting de Mitterrand. Levoilà emporté par la geste tribunitiennede celui qui soulève son auditoire parses évocations des hauts fourneaux etdu Front populaire. Mitterrand sera soncandidat. Tant pis pour Rocard, qu’iljuge idéologiquement moderne, maisstratégiquement naïf. «Je n’étais pris nipar la phraséologie révolutionnaire quiavait cours à l’époque ni par le confor-misme qui reconduisait la droite pour tou-jours au pouvoir.»Hollande n’est pas PCF, mais c’est unetête. La même année, en 1975, il est di-plômé de Sciences-Po, de droit etd’HEC. Réformé pour cause de myopiesévère, il se bat pour être réintégré dansl’armée. A l’ENA, il côtoie Dominiquede Villepin, se lie d’amitié avec MichelSapin, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Mau-rice Ripert. Et séduit Ségolène Royal. Ilpropose au PS, en vain, de créer unesection du parti au sein de l’école.«François a une capacité d’entraînementque je lui ai toujours connue. Lorsqu’onétait à l’armée ou quand on a créé le co-mité d’action pour une réforme de l’ENA,il s’est retrouvé naturellement leader. Paspar autoritarisme, mais parce que lecharme de son intelligence donne envie dele suivre», témoigne Michel Sapin.

Les premiers pas

Sorti huitième de la promotion Voltairede l’ENA, François Hollande choisit laCour des comptes. Il veut se dégager dutemps pour sa vocation, la politique.Avec Royal, il rencontre à l’au-tomne 1980 Jacques Attali, chargé parFrançois Mitterrand de monter une cel-lule secrète d’experts pour sa futurecampagne. «Nous faisions des notes,préparions des argumentaires. Nous nesavions pas très bien ce que François Mit-terrand en faisait.» Aux législativesde 1981, Jacques Delors refuse d’êtrecandidat dans sa fédération de Corrèze.Hollande y est parachuté. Il réussit àévincer le rocardien local pour obtenirl’investiture du PS, mais se heurte auclientélisme chiraquien. Mitterrand élu,Hollande devient un collaborateur deJean-Louis Bianco, conseiller politiquedu Président. «Attali m’a dit : “On vaêtre une petite équipe de quatre, avecPierre Morel, le grand diplomate, et deuxjeunes qui sont formidables, François Hol-lande et Ségolène Royal”, raconte Bianco.On était au 2, rue de l’Elysée, dans deuxbureaux dont on laissait les portes ouver-tes. C’était heureux et inventif. On rece-vait plein de gens parfois un peu givrésmais plein d’idées.» Bianco se souvientque Hollande se focalisait sur l’écono-mie, avec des idées qu’on retrouveaujourd’hui au PS, mais qui n’étaientguère en vogue à l’époque. Selon SergeRaffy, Hollande se voit aussi confier lamission de viser les comptes de l’asso-ciation France Libertés de Danielle Mit-terrand, puis de SOS Racisme. Et celle,plus délicate, de contenir l’écrivainJean-Edern Hallier, qui menace de dé-voiler l’existence de Mazarine, la fillecachée du Président.En 1983, les indicateurs économiquesvirent au rouge, le gouvernement Mau-roy est impopulaire. Pour redresserl’image de la gauche et faire passer la ri-gueur, Mitterrand nomme l’historienMax Gallo porte-parole du gouverne-ment. Hollande quitte l’Elysée pour de-venir son directeur de cabinet. Il poussenotamment son patron à alerter l’Elyséesur la déferlante qui se prépare contre laloi Savary et pour «l’école libre». Maistrop tard. C’est aussi à cette époque queFrançois Hollande se constitue un solidecarnet d’adresses parmi Suite page 6

Avec sa compagne, Ségolène Royal, en septembre 1991 à Lorient. PHOTO ERICBEN. SIPA

Pour moi, il n’existait que le général deGaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgirde nouveaux visages: Jean Lecanuetet François Mitterrand.»François Hollande

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les journalistes, no-tamment de Libération. Il est une sourcevivante, précise et précieuse pour leschroniqueurs du Palais. En 1984, lorsqueLaurent Fabius devient, à 38 ans, le plusjeune Premier ministre de la Ve Répu-blique, François Hollande suit Max Galloau Matin de Paris. Le voilà «éditorialisteéconomique». Sans carte de presse, maisaux côtés d’Alexandre Adler ou deChristine Bravo…

Delors pour sortirde l’ombre

En 1984, François Hollande a 30 ans.Ségolène Royal vient de donner nais-sance à leur premier fils, Thomas. Mais

il reste un techno, toujours pasélu en Corrèze, pas encore diri-

geant socialiste de premier plan. Ilne roule ni pour Rocard ni pour Jospin

et encore moins pour Fabius. Lors d’undîner à quatre avec l’avocat Jean-

Pierre Mignard, le député duMorbihan Jean-Yves Le Drianet Jean-Michel Gaillard, unami conseiller auprès d’Hubert

Védrine, ils inventent les «transcou-rants». Objectif: «Dépasser la vieille di-chotomie entre mitterrandiens et rocar-diens», rappelle Michel Sapin.Jean-Louis Bianco les soutient. Ils pu-blient une tribune dans le Monde en dé-cembre 1984, «Pour être modernes,soyons démocrates» et, un an plus tard,un livre, La gauche bouge. De quoi sortirde l’ombre et s’attirer les foudres deLionel Jospin, qui convoque les trans-courants rue de Solférino : «Mon club,c’est le parti.» Pour tenir face aux élé-phants, il leur faut un poids lourd. Jean-Pierre Jouyet suggère le nom de JacquesDelors, qui vient d’être désigné prési-dent de la Commission européenne etdont il est le directeur de cabinet.Le 22 août 1985, ce dernier accepte dedevenir la figure de ce mouvement,dont le nom, Démocratie 2000, est tout

un programme… «François Hollande esttrès politique. Il était mitterrandiste pourla stratégie de conquête du pouvoir, touten étant sensible à beaucoup d’idées deRocard. Il pensait que Delors étaitl’homme qui pouvait dépasser ce clivageentre la première et la deuxième gauchepour aller vers la troisième gauche», re-late Jean-Pierre Mignard. MartineAubry, la fille de Jacques Delors, rejointun court temps l’aventure. Mais ellen’aurait pas supporté que Hollande, éluen 1988 député sur les terres corrézien-nes de son père, soit très vite présentécomme le fils spirituel du président dela Commission européenne. «Peut-êtreque Martine a estimé qu’il y avait uneopération de captation de son père au pro-fit de quelques-uns. Le malentendu est néde ces deux sincérités», analyse encoreMignard. Le pari de François Hollandeest politique. Il le perd en quelques mi-nutes en décembre 1994, lorsque Delorsrenonce à se présenter à la présiden-tielle sur le plateau de 7 sur 7.

La Corrèzeet Chirac

Hollande-Chirac… Depuis trente ans,ces deux-là se sont beaucoup reniflés,affrontés et sans aucun doute respectés.Dès 1981, le jeune socialiste s’en va dé-fier le patron du RPR sur ses terres cor-réziennes aux législatives. Il prend uneveste, 26%, tandis que son adversaireest élu dès le premier tour. Mais le petitconseiller de François Mitterrand vas’accrocher à ce département. En 1983,Hollande décroche son premier mandatà Ussel comme simple conseiller muni-cipal. Cinq ans plus tard, il change decirconscription et remporte un siège dedéputé. Début d’un partage du terri-toire avec Chirac. Au gré des résultatsde la gauche au plan national, Hollandeperd (1993) puis reconquiert (1997) sonfauteuil à l’Assemblée nationale. Saprise de la mairie de Tulle en 2001 mar-que le véritable début de sa conquête dudépartement. La Corrèze vient de setrouver un nouveau champion, mêmesi la popularité du président Chiracreste ici intacte.Les deux hommes se croisent chaqueannée en janvier, aux traditionnelsvœux du chef de l’Etat à ses chers Cor-réziens. La scène est immuable. Dansun gymnase sur les hauteurs de Tulle,

Suite de la page 5 le chef de l’Etat discourt avec Hollandeà ses côtés. A chaque fin de discours, lesocialiste applaudit par politesse quel-ques secondes. Puis, pendant que Chi-rac s’en va serrer des mains, celui quiest alors patron du PS et donc opposanten chef au président de la Républiquepasse à la moulinette devant les microstoute la politique du gouvernement. Cequi n’empêche pas les fans du coupleChirac de venir le saluer chaleureuse-ment. Chacun sait ici qu’il entretient lesmeilleures relations avec la conseillèregénérale Bernadette Chirac. L’Elysée, deson côté, ne se montre jamais chicheavec la ville de Tulle et la circonscrip-tion législative de son édile. En 2008,Hollande est élu président du conseilgénéral. Son emprise sur la Corrèze de-vient totale. Seule Bernadette résistedans son canton, où Hollande ne cher-che pas vraiment à la faire battre.Avec l’âge, le vieux fond rad-soc deChirac, qui a quitté l’Elysée, finit parressortir. Jusqu’à cette fameuse visited’une exposition d’art chinois à Sarran,en juin 2011, où l’ancien président dé-clare : «Je voterai Hollande [en 2012].»Fureur de Sarkozy, qui contraindra lafamille Chirac à venir lui présenter desexcuses à l’Elysée en expliquantque «Jacques n’a plus toute sa tête». Maispolitiquement, le mal est fait. Hollandes’en tire par une pirouette en expliquantqu’il s’agissait d’une plaisanterie. Maisil sait désormais que toute une frange dela droite centriste, rurale et cocardièrepeut se reporter sur lui.

Le premiersecrétaire

Hollande l’avoue lui-même : «Je suisdevenu premier secrétaire sans vraimentl’avoir recherché.» Il le restera plus deonze ans. Un record de longévité leclassant juste derrière Mitterrand. Oucomment l’ancien transcourant, petità petit et aidé par les statuts du PS quil’obligent à composer en permanenceavec les rapports de force internes,devient un homme de parti et un ex-pert hors pair des courants et sous-courants du PS. Il passe maître, congrèsaprès congrès, dans l’art de la syn-thèse. «Molle», comme disent rapide-ment ses détracteurs. Bureau nationalaprès bureau national, il devient aussiexpert dans l’art du compromis. Le fes-

tival des sobriquets commence. De«fraise des bois» (sous laquelle ne peutsommeiller un éléphant) à «Flanby»…Lui n’en a cure. Il répète inlassable-ment : «Ma cohérence, c’est l’unité dessocialistes.»Au nom de cette cohérence-là, FrançoisHollande premier secrétaire est égale-ment celui qui, jour après jour, semaineaprès semaine, mois après mois, annéeaprès année, avale les kilomètres, tissesa toile dans le parti, mais sillonne aussila France. Pour honorer une Fête de larose, soutenir un candidat là le matin,un autre ici le soir, ou pour rentrer àTulle. Ces déplacements, François Hol-lande les effectue en voiture, les piedsparfois au-dessus de la boîte à gants. Lesjournaux –à commencer par l’Equipe–sont toujours à portée de main. Et lesommeil jamais très loin.Entre 1997 et 2002, le premier secrétairejoue parfaitement son rôle de porte-pa-role de l’action gouvernementale et decopilote de la gauche plurielle. Il est as-socié à tous les grands projets de ladream team de Jospin, qu’il voit deuxfois par semaine, le mardi matin lors dupetit-déjeuner de la majorité et le mer-credi en tête à tête : Pacs, 35 heures,CMU, emplois-jeunes… Il a alors lespleins pouvoirs sur le parti, mais pasl’autorité. Et, au lieu de faire table rasedu passé, il réintègre dans les instancesles anciens ministres, qui n’auront alorsde cesse de lui contester son leadership.Derrière l’homme du consensus, plusaccaparé par les alliances internes quele travail programmatique, se profile ungénéral en chef électoral quand les vic-toires sont là, un apparatchik enfermédans des querelles qui lassent les Fran-çais quand l’ambiance vire à l’aigre.Porté par une série de succès éclatants(régionales et européennes), il est éluhomme politique de l’année fin 2004.Tout lui sourit alors. Il fait voter le PSsur la Constitution européenne: 60% de«oui» en décembre 2004. Sur sonnuage –il pose en mars 2005 à la une deParis Match en alter ego de NicolasSarkozy–, il ne voit pas venir le «non»du 29 mai, qui brisera net son ascen-sion. François Hollande récupère leparti en lambeaux, divisé comme ja-mais sur un sujet, l’Europe, constitutifde l’ADN hollandais.Hollande raccommode à nouveau le PSau congrès du Mans: «Sinon, on partait

En campagne pour les européennes, le 23 avril 1999, à Avignon. PHOTO BERNARD BISSON. SYGMA. CORBIS Le premier secrétaire avec Lionel Jospin, en 2001 à La Rochelle. DANIEL JOUBERT. REUTERS

[Hollande] était mitterrandiste pour lastratégie de conquête du pouvoir, tout enétant sensible à beaucoup d’idées de Rocard.Il pensait que Delors était l’homme quipouvait […] aller vers la troisième gauche.»Jean­Pierre Mignard

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à la présidentielle avec un parti coupé endeux. J’ai décidé de me sacrifier dans l’in-térêt du parti.» Sa compagne, SégolèneRoyal, s’engouffre dans la faille et mar-che sur la présidentielle. «Personnealors ne s’est levé pour lui dire “François,fais ton devoir”», déplore aujourd’hui unde ses alliés. Et surtout pas Lionel Jos-pin, qui rêve alors secrètement de re-tour. «L’un attendait d’être appelé parl’autre. Et l’autre d’être adoubé par l’un»,résume Bernard Poignant, l’actuelmaire de Quimper, soutien de Hollandeet proche de Jospin. Résultat, SégolèneRoyal s’est imposée aux deux. Mais plu-sieurs témoins l’assurent: «Jospin, à cemoment-là, en a voulu à François.»

Ses relationsavec Jospin

En 1997, quand Jospin passe de Solfé-rino à Matignon, il laisse les clés du PSà son ancien porte-parole. «Il cherchaitquelqu’un de confiance, se souvient Ma-nuel Valls. Car même si les deux hom-mes ne sont pas faits du même bois,Hollande, grâce à son «agilité politi-que», a séduit l’ancien ministre del’Education de Mitterrand. «Jospin avaitaussi repéré cette faculté qu’avait Hol-lande à parler sur les radios, avec cettepointe d’humour et de cruauté qu’il saitavoir», se souvient Bernard Poignant.Une relation de confiance en tout cas estnée, même si l’humour hollandaisagace parfois l’austère, qui ne se marrepas toujours de ses facéties…Arrive le 21 avril 2002. Un traumatismepour tout le monde. François Hollandese reprochera d’avoir craint le pire et dene pas l’avoir dit. Ou pas assez tôt. Pasassez fort. Premier secrétaire, il auraitpu peser davantage pour remettre lacampagne sur les rails. «Peut-être Jospinaurait-il dû nommer Hollande directeur decampagne», soupire un jospiniste en re-pensant à la cacophonie qui régnait àl’Atelier. «François m’a confié récem-ment qu’il ne s’était jamais engueulé avecJospin, confie un proche. Peut-êtreaurait-ce été mieux s’il l’avait fait…»

François,Ségolène et Valérie

C’est au soir de la législative ratée dansla foulée de l’échec à la présidentiellede Ségolène Royal en 2007 que la nou-

A Tulle, en Corrèze, avec le couple présidentiel, en janvier 2004. PATRICK KOVARIK. AFP A Paris, le 12 juillet, Hollande officialise sa candidature à la primaire socialiste. JEAN­MICHEL SICOT

velle tombe. Via une dépêche AFP, lacandidate défaite annonce qu’entre elleet lui, c’est fini. «J’ai demandé àFrançois de quitter le domicile… Je lui airendu sa liberté… Je lui souhaite d’êtreheureux.» La phrase est reprise, com-mentée sur tous les plateaux télé de lasoirée électorale. Beaucoup d’électeursde gauche ont le sentiment désagréabled’avoir été pris en otage par les pro-blèmes de couple entre l’ex-candidateà la présidentielle et son compagnonpremier secrétaire du PS. Lequel, d’unenature réservée, voit sa vie privéesurexposée sur la scène nationale.Après trente ans de vie commune,quatre enfants et une ascension publi-que ininterrompue, la PME politico-fa-miliale licencie le patron. En fait,François Hollande est déjà parti.Pendant l’été 2005, sa relation avecValérie Trierweiler, journaliste politi-que à Paris Match et Direct 8, a pris untour plus personnel. Les deux seconnaissent depuis longtemps, la qua-dragénaire à la chevelure de feu ap-précie l’humour toxique et l’attentionpour autrui du patron du PS. Ils sonttombés amoureux. A en croire SergeRaffy, si François a laissé Ségolène luidamer le pion en 2006, c’est en partieparce qu’il avait la tête ailleurs. «Laplupart des proches utilisent une formulesibylline pour expliquer ce flottement: “Ilétait diverti.”»Le désormais candidat et la journalistehabitent dans le XVe arrondissement,près du parc André-Citroën. «Un ap-part moderne, spacieux mais pas grand.Avec une terrasse petite et sans vue sur laSeine», précise l’entourage de Hol-lande. «Il y a eu des vies communes quine le sont plus. La politique emportetout», disait François Hollande avant lepremier tour dans Libération à proposde la concurrence inédite avec SégolèneRoyal. Une situation «pas ordinaire»,reconnaissait la semaine dernière l’ex-candidate, défaite au premier tour, ve-nue sur France 2 apporter son soutienà François Hollande. «Mais je ne peuxpas renier ma vie, avouez d’ailleurs quele bilan de ce couple n’est pas si mauvaisque ça, avec quatre enfants et deux can-didats présidentiels. […] Je fais la diffé-rence entre le corps privé et le corps pu-blic. Aujourd’hui, c’est le corps public quiparle.» La politique, décidément, em-porte tout.

La mue

«Je m’y suis préparé.» Tel est le mantrade François Hollande, la phrase qu’ilrépète comme un sportif de haut niveausuit un programme d’entraînement endix étapes. Etre candidat à l’Elysée puisexercer la fonction de président de laRépublique –«normal»–, il s’y prépare«physiquement, mentalement et politi-

quement» depuis longtemps,dit-il. Depuis Lorient et le lan-

cement de son pacte redistributifen 2009.

En fait, la mue de l’ex-premier secré-taire en futur candidat socialiste a

commencé en 2008. Selon Mi-chel Sapin, «le moment où ilcrée les conditions pour êtreprésident, c’est lorsqu’il décide

de quitter la tête du PS et de ne pas pré-senter sa motion au congrès de Reims.»Eloigné des bisbilles qui culminentavec l’affrontement entre MartineAubry et Ségolène Royal, le député deCorrèze quitte sa peau de premier se-crétaire des synthèses molles. Il changed’image dans l’opinion. Celui qu’Ar-naud Montebourg qualifiait de«Flanby» maigrit. Fini les fondants auchocolat et les frites. François Hollandeperd entre «huit et douze kilos», selonsa capacité à résister aux tartelettes lorsdes Fêtes de la rose qu’il sillonne depuisdeux ans. Un opticien de l’Odéon luipose des lunettes sans montures sur lenez. Sa silhouette plus affûtée lui con-fère paradoxalement une gravité nou-velle. La sénatrice PS Frédérique Espa-gnac, qui fut longtemps sacollaboratrice, précise que «Françoisn’a pas maigri pour montrer un change-ment. C’est parce qu’il a fait le travail dese confronter à lui-même qu’il a réussi.Pendant des années, on lui a dit : “Nebouffe pas de gâteaux au chocolat” et çane servait à rien !»

Le Hollande 2.0 a aussi mis un bémol àson humour pour se sortir de la carica-ture de «monsieur petites blagues». C’estégalement parce qu’il a pris du plombdans l’aile. Lorsque Lepoint.fr lui de-mande pendant la campagne quel estson plus grand regret, il répond: ne pasavoir pu être au côté de sa mère lors-qu’elle est morte. Nicole Hollande, quil’adorait et qu’il adorait. Octogénaire,elle avait pris la carte du PS en 2005pour le soutenir et croyait en son ambi-tion présidentielle. Son décès, en 2009,intervient après la séparation d’avec Sé-golène Royal et son départ de la rue deSolférino. «Quand t’as plus de boulot,que ta femme a été candidate, que tes amist’ont lâché et que ta mère meurt, il y a unmoment où il ne reste plus rien. Il a montréune capacité psychologique à faire faceseul. C’est là que je l’ai vu en hommed’Etat», raconte un proche. Michel Sa-pin, son vieux pote depuis l’ENA et leservice militaire, confirme: «Sa person-nalité, sa sensibilité d’aujourd’hui sontcelles qu’il avait il y a dix, vingt ou trenteans. Mais dans un itinéraire, il y a des cho-ses qui changent un homme dans sa rela-tion aux autres. François déteste faire dela peine, du mal. Il sait désormais qu’ar-rivé à un certain niveau, cette question nese pose plus. Il faut faire ce qu’il y a à faire.Et là-dessus, il a changé.» Comme le dé-clarait un patron de PME après l’avoirécouté à la foire de Châlons-en-Cham-pagne, François Hollande aurait donc«la moelle» pour l’Elysée.Il lui reste désormais à en convaincreles Français. «Il faut que tu parles auxFrançais et que tu leur parles de laFrance, lui conseille Bernard Poignant.Un président, ce n’est pas un Premier mi-nistre. Il doit montrer qu’il a écouté lesFrançais, qu’il connaît bien leurs problè-mes et peut les résoudre, mais aussi etsurtout qu’il a embrassé leur histoire etleur géographie.»

MATTHIEU ÉCOIFFIER,LAURE BRETTON, ANTOINE GUIRAL

et PAUL QUINIO

Sources: «François Hollande, itinérairesecret», de Serge Raffy, éd. Fayard, 2011;«le Figaro» du 25 août 2010; «Droitd’inventaires», entretiens avec PierreFavier, éd. du Seuil, 2009; «PS, les coulissesd’un jeu de massacre», de Nicolas Barotteet Sandrine Rigaud, éd. Plon, 2008;«Devoirs de vérité», dialogue avec EdwyPlenel, de François Hollande, éd. Stock,2006.

Quand t’as plus de boulot, que ta femmea été candidate, que tes amis t’ont lâchéet que ta mère meurt, il y a un moment oùil ne reste plus rien. Il a montré une capacitépsychologique à faire face seul. C’est là queje l’ai vu en homme d’Etat.»Un proche de François Hollande

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Pudeur des hollandais,légère déception desaubrystes, l’heure étaitdéjà au rassemblement hier.

DanslesQG,l’unionsecréeC urieuse ambiance, hier soir, au quartier général

de chacun des candidats et au siège du Parti so-cialiste. Chez les fidèles de François Hollande,

réunis comme au premier tour à la Maison de l’Améri-que latine, boulevard Saint-Germain à Paris, quandparviennent les premiers résultats, on comprend quel’affaire est bien engagée. Mais on ne veut pas céderau triomphalisme. Déception chez les supporteurs deMartine Aubry, dans la péniche amarrée face au quaid’Orsay. Et même réaction de pudeur: l’heure est aurassemblement.19 heures. Une confiante incertitude règne à la Mai-son de l’Amérique latine. Cet hôtel particulier duVIIe arrondissement de Paris à quelques encabluresdu siège du PS, rue de Solférino, bruisse de scores fa-vorables au député de Corrèze. «Ça fera entre 55%et 58%», glisse un militant d’un air entendu.19h30. Sur la péniche de Martine Aubry, les premiè-res tendances en faveur de Hollande assomment lapoignée de militants présents. «Ça va être très dur,reconnaît Thibault, 23 ans, venu de Malakoff (Hauts-de-Seine). On boit des bières à 5 euros en gardant unœil sur l’écran géant qui retransmet iTélé. «On est se-rein, assure Nobel, 48 ans, arrivé de Trappes (Yveli-nes). On peut gagner avec les écolos, avec le soutien deDjamel ou de Sandrine Bonnaire.»20 heures. La large avance confirmée de Hollandefinit de plomber l’ambiance. Quand le son de la télétombe en panne, plus personne n’ose parler. Pendantquelques secondes, un étrange silence qui en dit longsur l’état des troupes. Iront-ils faire la fête ce soir avecles hollandais? «Je vais peut-être attendre un peu, re-connaît Thibault. Mais je ferai ensuite la campagne pourFrançois, c’est sûr.» Delphine Mayrargue, secrétairenationale du PS en charge de l’emploi, veut positiver:«S’il doit gagner, autant qu’il l’emporte franchement.»20h30. Chez les hollandais, quand Pierre Moscovici,coordinateur de la campagne, prend la parole pour«appeler au rassemblement» et pour demander à ceque Martine Aubry ne se sente pas «humiliée», la vic-toire de Hollande ne fait plus de doute. Un photogra-phe déjà présent en 2006 pour la désignation de Ségo-lène Royal au premier tour de la primaire s’amuse dese retrouver au même endroit: «Le lieu doit être porte-bonheur. Il y a cinq ans, c’était maman, là c’est papa.»

20h55. Quand Martine Aubry prend la parole pouracter sa défaite et appeler au rassemblement, les mili-tants hollandais l’applaudissent chaleureusement.«Maintenant, on va aller bouter Sarkozy hors de l’Ely-sée», lance un vieux militant qui a connu d’autresjoutes présidentielles.Au fil des résultats qui tombent, les applaudissementsreprennent. «La pression a été forte pendant cet entredeux tours, il était temps que ça s’arrête avant que çadevienne trop destructeur», explique Annissa, mili-tante socialiste de 22 ans. «Dès demain, il faudra se

rassembler et préparer la vraie bataille de 2012», glissePierre Moscovici.A Solférino, l’opération réconciliation a commencé.Les aubrystes présents savent que «c’est râpé».«Quand vous avez tous les ralliements pour un candidat,

il y a un effet d’amplification», avance Marie-Noëlle Lienemann. Dans l’entourage de la mairede Lille, on avait fait ce calcul: il fallait «un mil-lion de votants supplémentaires à 60% pour Aubrypour inverser la tendance».21 heures. Venant de l’Assemblée nationale,Martine Aubry, précédée de quelques minutes

par son équipe de campagne –Anne Hidalgo, OlivierDussopt, Bertrand Delanoë–, arrive rue de Solférino.S’adressant aux «Françaises, Français», elle «saluechaleureusement» la victoire de son rival : «Ce soir ilest notre candidat à la présidentielle.»Lundi, elle retrouvera sa casquette de première secré-taire et promet de mettre «toutes [ses] forces et [son]énergie» au service de Hollande. Une page se tourne,insiste-t-elle : «Jusqu’à samedi, c’était le débat ;aujourd’hui, c’était le vote; ce soir, le rassemblement. Etdemain, ce sera l’équipe de France du changement.»

«Loyauté, fermeté, engagement», enchaîne ArnaudMontebourg au pupitre, qui déclare solennellementouverte «la campagne pour la présidentielle de 2012».Les proches d’Aubry martèlent le message d’un «ras-semblement absolu et sans ambiguïté» et prêchantl’anosognosie sur la fin de campagne tendue: «Les pe-tites phrases, je ne m’en souviens même pas», lance lesecrétaire national Razzy Hammadi.Ça finit par une bise sur le perron de Solférino entreAubry et le vainqueur. Sous la clameur des militantsentrés dans la cour et le regard de Manuel Valls, Ségo-lène Royal et le premier secrétaire par intérim, HarlemDésir. «Ce résultat est la première étape d’un long chemi-nement», lance Hollande. La page de la primaire –«unsuccès démocratique»– tournée, le programme de lasemaine est tout tracé: «Demain à Solférino, mardi aubureau national et samedi pour une grande convention oùtout le monde applaudira comme un seul homme ou uneseule femme François Hollande», décrit Jean-ChristopheCambadélis, pro-Aubry. «Enfin les difficultés commen-cent !» savoure Jean-Marc Ayrault, pro-Hollande.

JONATHAN BOUCHET-PETERSEN,LAURE EQUY et LUC PEILLON

Sur la pénichele Quai, QG deAubry (Paris VIIe,en haut), et ausiège du PS,dans la rue deSolférino voisine,hier. PHOTOSNGUYEN. RIVA PRESS­LAURENT TROUDE

«La pression a été forte dans l’entre deuxtours, il était temps que ça s’arrête avantque ça devienne trop destructeur.»Anissa 22 ans, soutien de Hollande

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 20118 • EVENEMENT

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Inquiète de la capacité de Hollande à capter les voix du centre, l’UMP estconvaincue que Sarkozy ne fera qu’une bouchée de la «gauche molle».

La droite lance la ripostecontre le candidat «normal»S itôt les premières esti-

mations connues, Jean-François Copé, fidèle au

front, sortait, sur le plateaude France 2 la grosse artille-rie: «C’est une pseudo-soiréeélectorale. Je pensais queFrançois Hollande serait éluavec 65% ou 70% des votes. Ilavait tout le monde avec lui etMartine Aubry avait tout lemonde contre elle.» La majo-rité souhaitait secrètementun score le plus serré possi-ble entre les deux candidats,pour contester demain la lé-gitimité du leader socialiste.Puisque la droite n’a pas ob-tenu ce qu’elle espérait, ilfaut donc minorer l’avancede Hollande. Rien de plus lo-gique, donc.Pour la majorité, la victoirede l’ex-premier secrétairen’est pas une très bonnenouvelle. «L’élection de Mar-tine Aubry pourrait nous libé-rer un espace politique au cen-tre», confiait il y a quelquesjours un proche collabora-teur du Président. En don-nant l’image d’une gauche

«responsable», François Hol-lande devrait en effet pou-voir séduire plus facilementque Martine Aubry l’électo-rat du centre. C’est en toutcas ce que craint la majorité.«Dans ce contexte, on ne voitpas comment le chef de l’Etatpourra faire l’impasse sur unrapprochement avec FrançoisBayrou. Y compris en matièrede programmatique», veutcroire un visiteur du soir del’Elysée. Ce qui va s’avérertrès compliqué.«Pyrrhus». En revanche, enmatière de personnalité, lesproches du chef de l’Etat es-péraient tous tomber surHollande. Pour eux, il ne faitguère de doute que Sarkozyne fera qu’une bouchée de la«normalité» de Hollande. Etde sa supposée «mollesse».Hier, Laurent Wauquiez, mi-nistre de la Recherche, dé-clarait: «Ce soir, c’est la vic-toire de la gauche molle quirisque d’être une victoire à laPyrrhus.» «Sarkozy craignaitAubry car il ne la connaît pasbien, soutient un proche du

chef de l’Etat. Et, surtout, ilne la comprend pas. Autant onpeut douter que Hollande soitcapable d’envoyer les Rafalesur Benghazi, autant, avecAubry, ce n’est pas le cas.»Un élu de l’UMP: «La Franceen crise n’a pas besoin du re-présentant de la gauche molle.En devenant le candidat dessocialistes, on a l’impressionqu’il est arrivé le plus hautpossible.»«Coriace». Mardi, lors dupetit-déjeuner de la majo-rité, Nicolas Sarkozy avaitpris la peine de ne surtoutpas marquer sa préférencepour l’un ou l’autre : «Celuiqui sortira de la primaire seraun candidat forcément co-riace», a-t-il déclaré. Etd’ajouter pour calmer les ar-deurs: «La campagne sera unmarathon…» En clair, il n’y aaucune urgence à se presseret donc à précipiter la décla-ration de sa propre candida-ture. Le lendemain, au siègede l’UMP, la «cellule ri-poste» de la majorité mouli-nait ses argumentaires pour

d i m a n c h e .D’abord contrele futur candi-dat socialiste.Sur le mode :«Hollande n’apas de passé,mais déjà un

passif». Les élus de l’UMPétaient appelés à cogner surson bilan à la tête du Partisocialiste et de son départe-ment de la Corrèze.L’autre angle d’attaque étaitd’ouvrir le débat contre leprogramme du PS, synthèse«d’une gauche molle et d’unegauche archaïque». «Il faudraexpliquer que la propagandedu PS, c’est fini. Maintenant,on va entrer dans le vrai dé-bat», expliquait à Libérationun participant de la cellule.Hier soir, Christian Jacob, lepatron du groupe UMP àl’Assemblée nationale, adonc récité la leçon sur lesplateaux de télé. Il a d’aborddéclaré que «le monologue duPS est maintenant terminé».Puis il a égrené les proposi-tions socialistes sur le nu-cléaire, l’embauche de60 000 fonctionnaires dansl’éducation nationale, lesemplois-jeunes… Et de poserla question qui se veut fatale:«M. Hollande a-t-il fait sesadditions ?»Enfin, la cellule riposte

s’était promis que l’on neparlerait pas de la primaire.Promis juré. Mais hier, HenriGuaino, le conseiller spécialde Sarkozy, n’a pas pu s’em-pêcher de remettre le sujetsur la table. Il a jugé «un peuconsternant que la primaire PSécrase toute l’actualité»,ajoutant que «c’est un peu li-mite, du point de vue journa-

listique». Et plus tôt, le mi-nistre du Travail, XavierBertrand, n’avait pu résisterà l’envie de balancer une pi-que à son ennemi Jean-Fran-çois Copé, en assurant que laprimaire «est un processus entrain de trouver sa place».Même hier soir, la droiteétait incorrigible.

GRÉGOIRE BISEAU.

«Dans ce contexte, on ne voitpas comment le chef de l’Etatpourra faire l’impasse sur unrapprochement avec Bayrou.»Un visiteur du soir de l’Elysée

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Drôles de retrouvailles… Quinze ans après l’avoiraffronté pour briguer le premier secrétariat du PS aucongrès de Brest de 1997, Jean­Luc Mélenchon et sanouvelle casaque Front de gauche retrouvera FrançoisHollande dans la course présidentielle. «Il y amaintenant la place pour un débat de confrontationde deux lignes à gauche», se réjouit FrançoisDelapierre, directeur de campagne de Mélenchon.Chez les communistes, on ironise sur la politique à«pâte molle» de Hollande. Porte­parole du PCF,Patrice Bessac prévient: «La gauche ne peut pasréussir si elle n’affronte pas les banques.» Côtéécologiste, malgré le faible des militants et de leurchef, Cécile Duflot, pour Martine Aubry, on jure que ladésignation de François Hollande ne change «pasgrand­chose». On le met tout de même en gardecontre un «détricotage» des négociations en cours:«Ce serait un premier mauvais signe envoyé, dit Jean­Vincent Placé, bras droit de Duflot. Il devra démontrerqu’il a les capacités de laisser les partis travailler.» L.A.

LE FRONT DE GAUCHE RAVI,LES ÉCOLOGISTES PRUDENTS

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT • 9

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Dans la banlieue de Lille, dans le Tarn, à Lyon, Marseille ou Paris,les électeurs ont choisi leur favori pour l’emporter en 2012.

«N’importe lequel pourvuqu’il batte Sarkozy»

D ans les grandes villes, lesbourgs ou les quartiers, ilssont venus, ou revenus, voter.Comme lors du premier tour,

Libération, a repris son tour de Francedes bureaux de vote de la primaire.

PARIS XVIIIE

«Nous, on vote le plusrouge possible»

Hier, Bentou, 35 ans, sans emploi, achangé de vote. Elle avait choisi Aubry.Elle a glissé un bulletin Hollande. «Jen’ai pas du tout aimé sa façon de parlerces derniers jours. Elle a eu des mots bles-sants». Nans, 39 ans, employé dans

41 ans, consultante et enseignante, ve-nues avec leurs deux enfants, ont choisiAubry car «plus moderne, plus pêchue,et parce que c’est une femme». Paul etCarole, eux, ne savaient pas qui choisir.Ils n’ont pas la télé, n’ont pas suivi lesdébats, et abhorrent «la langue debois». «Nous, on vote le plus rouge possi-ble. On vote tout le temps contre.» Cettefois contre Hollande, trop associé à Jos-pin, pas assez «socialiste». «On soutienttoujours le plus faible», sourit Paul.Frédéric, 37 ans, ingénieur, électeur duFront de gauche, avait choisi Monte-bourg pour «changer le système». Ilpense qu’Aubry sera «plus ouverte» ;sur l’économie et les banques, «c’est

elle à qui on pourra arracher des choses».Le ralliement d’Arnaud Montebourg àFrançois Hollande n’a eu aucun impactsur lui. «Les sondages nous bassinent,en disant : “C’est Hollande, c’est plié.”Non, les gens votent encore», voulait-ilencore croire.

LYON«J’ai longuement

hésité»Dans le bureau de vote de la maison dequartier de Cuire-le-Haut et de la sallede la Ficelle à Lyon (4e), l’élection d’hiera attiré de nouveaux électeurs. Ici, parrapport au premier tour, l’ambiance estbeaucoup plus détendue. Les présidentsdes bureaux et les assesseurs sont rodés,les votants aussi, et les opérations pren-nent beaucoup moins de temps. Yacine,38 ans, n’a pas pu voter le 9 octobre, caril travaillait. En 2007, il avait soutenuRoyal parce qu’elle apportait «un ventnouveau en politique». Là, il a donné sonsuffrage à Hollande: «C’est lui qui a lesplus grandes capacités de rassemblementface à Sarkozy.» Nadia, 60 ans, nes’était pas déplacée non plus, parcequ’elle en a «ras le bol des politiquesqu’ils soient de droite ou de gauche».En 2007, elle avait choisi Sarkozy «pour

l’industrie musicale, a hésité à voterAubry une deuxième fois : lui aussi àcause de son «agressivité». «Hollande,ce n’est quand même pas Sarkozy», dé-sapprouve-t-il. Lucas, cariste de 44 ans,ne croit pas au programme d’Aubry.«Avec la crise économique, c’est impossi-ble d’appliquer ses idées.» Il a voté deuxfois Hollande, dont la posture de «ras-sembleur» continue à payer.A la Goutte-d’Or, rue Saint-Mathieu,dans le XVIIIe arrondissement de Paris,Aubry était pourtant arrivée en têteavec 44% des suffrages, devant Hol-lande à plus de 23%. Beaucoup vien-nent d’ailleurs confirmer leur choix dupremier tour. Aurélie et Delphine, 42 et

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201110 • EVENEMENT

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sa capacité à agir». Une amie «très so-cialiste» l’a convaincue de participer ausecond tour de la primaire. «J’ai votéMartine, je me suis dit que les mecs vontpas trop aimer qu’il y ait une nana quil’emporte.» D’autres ont participé auxdeux tours, comme Jeannie, 81 ans.«J’ai choisi Montebourg au premier tourparce qu’il est jeune, et qu’il a de l’ave-nir.» Et au second ? «J’ai longuementhésité.» Et, à Aubry jugée «un peu troprevancharde», elle a préféré Hollande.

CARMAUX (TARN)«Tout le monden’avait pas suivi

Ségolène en 2007»Depuis bientôt dix ans que l’exploita-tion du charbon a cessé, il n’y a plusbeaucoup d’ouvriers à Carmaux (Tarn).Mais le «vote ouvrier» y persiste. Et sila section carmausine du PS est très ma-joritairement aubryste, c’est le candidat«utile» Hollande qui l’a emporté aupremier tour avec 50% des suffrages de-vant Aubry à plus de 20%. Montebourga obtenu près de 15% dans un corpsélectoral où les jeunes sont devenusaussi rares que les ouvriers actifs.«J’ai voté Montebourg dimanche dernier,je voterai Aubry ce coup-ci. Pour la remer-cier d’avoir fait les 35 heures, expliqueFrançois, 56 ans. Pour une fois qu’un po-litique ose mettre une claque aux pa-trons…» Le retraité mineur qui l’a pré-cédé devant les urnes a hésité mais afinalement voté Hollande. «N’importelequel des deux pourvu qu’il batteSarkozy, qui n’a rien fait pour lesouvriers», explique Lucienne, 74 ans,«fille et petite-fille de mineur».Jean-Baptiste, 54 ans, ex-électricien dela mine, aurait pu voter «pour le pape aupremier tour», mais en 2012 il sera «der-rière le vainqueur de cette primaire, quelqu’il soit». «Tout le monde n’avait passuivi Ségolène en 2007, vient dire la pre-mière secrétaire de la section, Sylvie Bi-bal-Diolo. On ne se refera pas avoir…»

LILLE ET HEM (NORD)«Un euro, c’est deux

baguettes»A Hem, salle André-Diligent, dans lequartier populaire des Hauts-Champs,l’analyse n’est guère différente. Farouk,diplômé de Sciences-Po, sympathisantPS, explique qu’«il y a des gens quin’avaient jamais voté de leur vie» et quisont venus parce qu’ils «ne veulent plusde Sarkozy». Mais, dans cette ville duNord, les faveurs vont plutôt vers Mar-tine Aubry. Reynald Bonnier, éducateurspécialisé, dit avoir voté pour celle quia «mis de l’ordre dans le parti», maisaussi parce qu’elle «est de chez nous».Certains n’ont pas voté, parce qu’«uneuro, c’est deux baguettes. Ça paraîtaffolant, mais c’est la réalité». Et l’édu-cateur assure qu’il n’y a pas eu de con-signe de vote dans les sections, «con-trairement à ce qui peut se faire dans lePas-de-Calais». Un étudiant a votéRoyal au premier tour, et Aubry hier. Ilvoit Hollande en apparatchik, «habituéaux négociations de couloirs». A la mai-rie de Lille, on se bouscule au portillonaussi. A 18 heures, il y a autant de parti-cipants qu’à la clôture des bureaux, aupremier tour. «On peut espérer que lesgens voteront pour quelqu’un de connuici», sourit une vieille dame. Une secré-

taire vacataire qui avait voté Monte-bourg au premier n’a pas voté commeson favori : «Je ne vois pas Hollande re-présenter la France dans les négociationsinternationales. [Aubry] a plus de pré-sence.» En fin de journée, un étudiantcroit encore à la victoire de la maire deLille : «Hollande, j’ai l’impression quec’est un gros soufflé au fromage qui va sedégonfler.»

MARSEILLE«On s’est réveillés

un peu tard»Thomas et Gaëlle, 38 et 36 ans, ont euchaud. Le scrutin vient de fermer àMarseille, ils ont juste eu le temps deglisser leur bulletin. «On bricolait à lamaison, on s’est réveillés un peu tard»,s’excuse Gaëlle. Ils ont couru car ils te-naient à voter. «Ce n’est pas tous les joursqu’on nous donne le choix, qu’on nouslaisse choisir notre candidat», dit-elle.

Thomas acquiesce, puis il ajoute: «C’estun tour de chauffe. Ça fait cinq ans que çanous tarde de voter.» Dans les Bouches-du-Rhône, la participation est en légèrehausse, avec de fortes dispa-rités d’un dimanche à l’autre.Quelque «10% à 20%» desvotants du premier tour neseraient pas revenus, pen-dant que d’autres décou-vraient la primaire. Les nom-breux bugs de la dernière fois (listesincomplètes ou inversées notamment)ont à peu près disparu. «Dans certainsbureaux, on sentait un peu plus de tension,mais rien de méchant, confie Jean-PierreDeschamps, ancien magistrat à qui le PSa confié le contrôle du scrutin dans lesBouches-du-Rhône. Il y avait plutôt unclimat bon élève. Les militants avaient en-vie de montrer qu’ils ne sont pas ce quel’on dit qu’ils sont.» Avec ses assesseurs,ils ont mené une soixantaine d’inspec-tions, sans rien noter de grave. Cette

fois, les bureaux les plus surveillés setrouvaient dans les quartiers Nord. C’estlà que Rafik et Lamia (29 et 26 ans) ontvoté. Pour Martine Aubry, comme le di-

manche précédent, parce que FrançoisHollande les avait inquiétés, dit Rafik,en «changeant d’avis» sur le nucléaire.En sortant, ils croisent Christian, 53 anset plein de tatouages, qui travaille à lasucrerie voisine. Lui a voté deux diman-ches de suite Hollande. «Mais, dit-il,l’important, c’est dans six mois !»

OLIVIER BERTRAND (à Marseille),CATHERINE COROLLER (à Lyon),

GILBERT LAVAL (à Carmaux),CHARLOTTE ROTMAN

et HAYDÉE SABÉRAN (à Hem)

Dans un bureaude la Goutte­d’Or(Paris XVIIIe), hier.

PHOTO JULIENMIGNOT. ÉTÉ 80

«Les sondages nous bassinent, endisant: “C’est Hollande, c’est plié.”Non, les gens votent encore.»Frédéric électeur du Front de gauche

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 EVENEMENT • 11

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EnTunisie,desislamistesagitateurscultuels

Avant le scrutin de dimanche, les intégristes s’attaquentà des symboles laïcs et tentent de noyauter les mosquées.

«A atakni» («Lâche-moi») :2 000 à 3 000 personnesont défilé sous ce slogan,hier à Tunis. Une marche

pour la défense de la liberté d’expres-sion, en réplique à la mobilisation desislamistes contre la chaîne de téléNessma, qui agite le pays depuis une se-maine. Cette télévision privée avait sus-cité la polémique en diffusant le filmd’animation Persepolis, qui contient unereprésentation de Dieu –ce que l’islamproscrit– et choqué bon nombre de Tu-nisiens. Les intégristes ontdonc ouvert les hostilités, le9 octobre, en tentant d’as-saillir les locaux de la chaîne. Toute lasemaine, des petites manifestationsavaient ensuite eu lieu. Vendredi, lamobilisation a atteint son apogée lors-que quelques milliers de personnes, is-lamistes radicaux et citoyens ordinaires,ont défilé sans grands heurts, après laprière. Devant le tollé, Nabil Karoui, lepatron de Nessma, a été contraint deprésenter ses excuses aux Tunisiens. Ilfait aussi l’objet d’une procédure judi-ciaire, de même que ceux qui ont tra-duit le dessin animé en arabe.Hier, c’était au tour du «peuple [qui]veut la liberté d’expression» de se faire

entendre. «Je suis là pour dire que ceuxqui ont protesté contre Nessma ne repré-sentent pas toute la société tunisienne»,insiste Amel Elmayel, enseignanted’arts plastiques. «Il ne faut pas laisserla rue à ceux qui appellent à un retour enarrière», ajoute Fayçal Abroug, ancienresponsable syndical. «On a un nouveautabou: la sensibilité des musulmans. C’estune notion très floue, où est-ce que ças’arrête ?» interroge-t-il.

«INFILTRÉS». A quelques jours du scru-tin de dimanche qui doit désigner uneAssemblée constituante (lire ci-contre),le débat sur la place de la religion, qui

s’était calmé ces dernièressemaines, fait un retour enforce dans la campagne. Les

deux principales formations de centregauche, le Forum démocratique pour leslibertés et le travail (FDTL) et le Partidémocrate progressiste, évitent de s’yengouffrer. Ennahda, parti islamiste quise dit modéré, a condamné à la fois Nes-sma et la violence des manifestants.Mais, la formation, donnée gagnante,dénonce aussi une campagne de discré-dit à son encontre. «Les cadres du partine sont probablement pas des salafistes,mais parmi ceux qui votent pour eux, ontrouve des salafistes. Il y a toute une classesociale qui est prête à adhérer à un islamtrès conservateur», avertit l’islamologue

Mohamed Talbi. Depuis la révolution, lesintégristes occupent le terrain, s’atta-quant à des symboles comme les mai-sons closes ou un cinéma qui diffusait ledocumentaire Ni Allah ni maître…«Avec la nouvelle liberté, ils veulent semontrer comme un groupe de pression.Mais ce n’est pas un milieu très organisé.Ils n’ont ni chef de file ni vision stratégi-que», souligne l’historien contempo-rain Alaya Allani, qui chiffre le nombrede salafistes «entre 5000 et 7000, avecun noyau dur de vrais jihadistes qui ne dé-passe pas une trentaine de personnes».Pour cet universitaire, ces violences

préélectorales peuvent être le fait d’une«instrumentalisation» de ces groupespar les forces de l’ancien régime «qui lesavaient infiltrés».Les islamistes profitent aussi de la pé-riode de transition pour pousser leurspions dans les mosquées ou les univer-sités. Dans les premières, ils ont parfoisplacé leurs imams, après avoir chasséceux à la solde de l’ancien régime. Dansles secondes, ils tentent d’imposer leurs

règles. Un peu à l’écart de l’universitéEl-Manar à Tunis, la mosquée du cam-pus a repris vie depuis neuf mois. Con-sidérée comme un foyer islamiste parl’ancien pouvoir, elle avait été ferméeen 2002, mais rouverte le 15 janvier, aulendemain de la fuite de Ben Ali.Les jeunes «barbus» y côtoient les étu-diants en jean et les habitants du quar-tier. A l’heure du déjeuner, une demi-douzaine de ces barbus devisent devantl’édifice. Aucun ne se dit salafiste.«C’est un mot de l’ancien régime pournous discréditer auprès des Tunisiens etnous réprimer, rejette Fahd. Je suis toutsimplement musulman.» Houssem se dit«proche des salafistes» pour la fidélité auCoran et à la sunna, l’enseignement duprophète, mais «prend aussi aux Frèresmusulmans leur sens de l’organisation desmanifestations». Il rejette la démocratie,car «les lois viennent de Dieu et pas dupeuple». Ali, lui, participera au scrutin,mais sans voter pour Ennahda «qui a undiscours d’ouverture envers les laïcs».«On ne cherche pas la violence. Maisquand on attaque notre Dieu, nous avonsle droit de le défendre», poursuit Fahd.

NIQAB. Sur le campus, le débat reli-gieux s’est aussi incrusté. Auparavant,le port du voile ou de la barbe pouvaitêtre source de problèmes pour les inté-gristes. En février, malgré l’opposition

de l’administration, des étu-diants islamistes ont amé-nagé une salle de prière àl’entrée d’un amphi. Unevingtaine de filles ont revêtule niqab. Les enseignants ontdû gérer seuls. Le problèmes’est transformé en crise

lorsqu’une centaine d’intégristes a en-vahi la faculté de Sousse, il y a deux se-maines, pour protester contre le refusd’inscrire une étudiante en niqab. Leministère de l’Enseignement supérieurconsidère «que c’est un épiphénomène,que la situation politique est sensible etqu’il ne faut pas mettre d’huile sur le feu,explique Monia Cheikh. Même si on nousaccuse de créer une perturbation, on nedoit pas avoir peur de cela». •

Par ÉLODIE AUFFRAYCorrespondante à Tunis

REPORTAGEAprès la diffusion de «Persepolis»,qui contient une représentationde Dieu, les intégristes ont tentéle 9 octobre d’assaillir les locauxde la chaîne de télévision Nessma.

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201112 • MONDE

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Des manifestants en faveurde la démocratie, hierà Tunis (à gauche).Une démonstration de forcedans la capitale de la partdes islamistes, vendrediaprès la prière (à droite).PHOTOS HASSENE DRIDI. AP

122C’est le nombre de partis en lice dimanchedans le cadre de l’élection de la nouvelleAssemblée constituante qui comptera217 membres.

Sans surprise le parti islamiste Ennahda(Renaissance) de Rached Ghannouchi estdonné très large vainqueur par les sondagesdes élections de dimanche. Son leader évo­quait même un score entre 40 et 50% dessuffrages. Loin derrière, on retrouverait lespartis «laïcs», dont le Parti démocrate progres­siste, suivi du Forum démocratique pour leslibertés et le travail (FDTL) puis le Pôle démo­cratique moderniste (Al­Qotb) et enfinle Congrès pour la République.

«Ces manifestations n’ont pas étéorganisées par un parti déterminémais par tout le peuple tunisien encolère contre cette provocationde la chaîne Nessma visantà entraver les élections.»Rached Ghannouchi chef du parti islamisteEnnahda

REPÈRES

Quand vous serez sur la barque du retourde Philæ, je vous présenterai mes braceletset colliers nubiens. Plus tard, ils vousrappelleront la lumière de mon pays

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AP 164x219 Youssry Mouawad Bashir.ai 1 15/09/11 13:36

Dimanche, le pays doit se doter d’une Assemblée constituante.

1600 listes, 12000 candidats…les citoyens découvrent la démocratie

L es bulletins sont imprimés. Lesurnes, les tampons, les isoloirs ontété disséminés dans les régions.

Dimanche, les Tunisiens participerontà leur première élection libre. La futureAssemblée, qui aura pour mission de ré-diger une nouvelle Constitution, comp-tera 217 membres. Les Tunisiens sontencore nombreux à s’arrêter devant lesmurs qui servent à l’affichage de la pro-pagande des partis politiques. La lectureest longue, elle s’étend sur des dizainesde mètres. Et pour cause: selon les cir-conscriptions, les électeurs doiventtrancher parmi 26 à 95 listes. Sur l’en-semble du pays, 1600 listes sont en lice,

comportant au total près de 12000 can-didats. «On ne connaît rien aux partis»,reconnaissent encore de nombreux ci-toyens. Abdelhamid, lui, n’en a «plusque deux» en tête. Encore indécise,Omelkhir «compte sur les enfants» pourl’aider à faire son choix.Les islamistes d’Ennahda sont donnésgrands favoris. Derrière eux, arrive-raient deux formations de centre gau-che, le Parti démocrate progressiste(PDP) et le Forum démocratique pourles libertés et le travail (FDTL). Ontrouve ensuite le Congrès pour la Répu-blique de l’ancien opposant MoncefMarzouki, le Pôle démocrate moder-

niste (alliance créée autour des ex-com-munistes d’Ettajdid) ou encore les for-mations qui se réclament de l’héritagede l’ancien président Habib Bourguiba,Al-Watan et l’Initiative. De même queles indépendants, qui représentent prèsde la moitié des candidats. Le taux departicipation est l’une des grandes in-connues de ce scrutin. L’instance indé-pendante chargée d’organiser le scrutina finalement décidé qu’il suffira d’avoirune carte d’identité pour voter. La rai-son? Seulement un peu plus d’un Tuni-sien sur deux avait répondu à l’appelpour s’inscrire sur les listes électorales.

É.Au. (à Tunis)

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 MONDE • 13

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LIBÉRIA L’opposition a rejetésamedi les résultats du pre-mier tour de la présiden-tielle, dénonçant des frau-des. Ces résultats donnaienten tête la présidente sortanteEllen Sirleaf Johnson, récentprix Nobel de la paix. Lesdeux camps iront malgrétout au second tour.

YÉMEN Des manifestationscontre le pouvoir ont étéviolemment réprimées sa-medi et dimanche, faisant aumoins 15 morts.

CÔTE­D’IVOIRE Le procureurde la Cour pénale internatio-nale était samedi à Abidjanoù il a rencontré des respon-sables, dont le présidentOuattara. Il a promis une en-quête «impartiale» centréesur «ceux qui ont les plusgrandes responsabilités».

LIBYE Les combats ont reprisà Bani Walid, un des derniersbastions kadhafistes, aprèsune semaine de trêve.

AFGHANISTAN Un attentat aeu lieu samedi dans le Pan-chir, une zone jusqu’ici ré-putée à l’abri. Les talibansveulent montrer qu’aucunepartie du pays n’est sûre.

KENYA L’armée a lancé hierune opération en Somaliecontre les shebab soupçon-nés d’avoir enlevé récem-ment deux Espagnoles et laFrançaise Marie Dedieu.

GABON L’opposant PierreMamboundou, 65 ans, estmort samedi. Il était candi-dat contre Omar Bongoen 1998 et 2005, revendi-quant la victoire, puis contreson fils Ali Bongo en 2009.

«Je crois que toutle monde a échouéà gérer [la transitionégyptienne], quece soit le conseilmilitaire, legouvernementou lesrévolutionnaires.»L’opposant Mohamedel­Baradei qui a demandéau conseil militaire une«feuille de route claire» pourla transition

477C’est le nombre de pri­sonniers palestiniens quidevraient être libérés dèsdemain en échange du sol­dat israélien Gilad Shalit.La liste, qui comprend27 femmes, a été publiéehier par le gouvernement.Elle permet à des particu­liers de faire appel devantla Cour suprême israé­lienne contre les libéra­tions.

P our la huitième fois de-puis mars, un jeunemoine s’est transformé

samedi en torche humaineen signe de protestation dansune région tibétaine de laprovince chinoise du Si-chuan. «Il courait le corps enfeu en criant “liberté pour leTibet” et “laissez revenir ledalaï-lama”», a raconté untémoin à Radio Free Asia, enprécisant que l’incident s’estdéroulé sur le marché de laville d’Aba. «Les policiersl’ont frappé pour le jeter à terreet éteindre les flammes avecdes seaux d’eau, puis l’ontembarqué dans une voiture.»Inaccessible. Selon le gou-vernement tibétain en exil, lebonze Norbu Dathul, âgé de19 ans, dépend du monastèrede Kirti. Cette grande lama-serie est la cible d’une ré-pression brutale des autoritéschinoises depuis une pre-mière immolation par le feusurvenue le 16 mars, qui a

provoqué des heurts entre lapolice et la population tibé-taine. Environ 300 moines,sur les 2500 que compte cemonastère, ont été ensuiteemmenés dans un lieu in-connu par les autorités chi-noises. Depuis, Pékin refusede s’expliquer sur leur sort,en dépit des demandes duGroupe de travail sur les dis-paritions forcées ou involon-taires de l’ONU et des Etats-Unis. Washington estimait,déjà en 2010, le nombre deprisonniers tibétains d’opi-nions à 824.La zone d’Aba, qui fait partiede l’ancienne province tibé-taine du Kham, est inacces-sible aux étrangers depuiscette époque. Quant à la ré-gion dite autonome du Tibet,elle est pratiquement inter-dite d’accès depuis les vio-lentes émeutes antichinoisesde 2008. Selon le tibétologueRobert Barnett, la région etses zones voisines avaient

alors été le théâtre de150 manifestations. Rienqu’à Aba, la police avait tuéune dizaine de manifestants.Symptôme. Cette dernièrevague sans précédent d’im-molations paraît être lesymptôme d’une répressionaccrue de Pékin, qui proscritle culte du dalaï-lama. «LesTibétains estiment n’avoir àprésent d’autre recours que des’immoler par le feu», com-mente Stéphanie Brigden, del’organisation Free Tibet. Pé-kin, en revanche, accuse lechef spirituel tibétain d’en-courager ces sacrifices dansun but politique. «Le dalaï-lama s’est plusieurs fois élevécontre les suicides de protesta-tion, analyse Barnett, mais ilne peut pas non plus critiquerle droit des Tibétains à protes-ter, ni récuser le fait qu’ils sontsoumis à des pressions intolé-rables.»De notre correspondant à Pékin

PHILIPPE GRANGEREAU

UnhuitièmemoinesacrifiépourleTibetCHINE Un bonze s’est immolé par le feu à Aba dans leSichuan en réaction à la politique répressive de Pékin.

Au Zimbabwe, la police apeut­être mis à jour unréseau qui faisait tremblerle pays: celui des violeusesd’hommes. Depuis deuxans, de nombreux mâlesétaient kidnappés et violéspar des femmes. Leur but:«voler» du sperme, un sym­bole de vie courammentutilisé par les guérisseurs.Trois suspectes, dont deuxsœurs de 24 et 26 ans, ontété déférées samedidevant la justice. Elles ontété arrêtées avec33 préservatifs remplis desperme qui se trouvaientdans le coffre de leurvoiture, puis identifiées par17 de leurs victimes. Parmielles, un militaire et un offi­cier de police.

LES V(I)OLEUSESDE SPERMEARRÊTÉES

L’HISTOIRE

Hommage, mardi au Népal, aux Tibétains qui se sont immolés par le feu. NIRANJAN SHRESTHA. AP

Après Ben Laden et Al-Awlaki, l’imamd’Al-Qaeda récemment tué au Yé-men, Barack Obama ajoutera-t-il àson tableau de chasse Joseph Kony, le«messie sanglant» d’Afrique cen-trale? Tel est l’objectif des 100 mili-taires qui, a annoncé le présidentaméricain, se déploient actuellementen Ouganda, en république démocra-tique du Congo, au Soudan du Sud et

en République centrafricaine pourtraquer ce qui reste de l’Armée de ré-sistance du Seigneur (LRA), les tueursde Joseph Kony. L’annonce a surpris,tant les Etats-Unis redoutent l’Afrique(le commandement américain pour cecontinent reste basé en Allemagne) ettant ils peinent en Afghanistan. Maisquelques militaires américains pour-raient «faire une différence» essen-

tielle, plaident des organisationscomme Human Rights Watch ou l’In-ternational Crisis Group. Ce geste re-lève aussi de l’échange de bons procé-dés: Washington n’a sans doute pasd’intérêt direct à affronter Kony, maiscela conforte l’armée ougandaise quise bat sur un terrain où les Américainsn’osent plus s’aventurer: la Somalie.L.M. (à Washington)

A RETOUR SUR L’INTERVENTION AMÉRICAINE EN AFRIQUE CENTRALE

Ouganda: Obama traque le «messie sanglant»Par SABINE CESSOU

Le flirt osé d’un ancienmannequin avecles Kadhafi

Q ue faisait donc en Li-bye la NéerlandaiseTalitha Van Zon, an-cien mannequin de

39 ans, pendant l’assautdonné par les rebelles sur lacapitale libyenne? Le fait di-vers passionne aux Pays-Bas,depuis que la belle blonde asauté, le 23 août, du balcondu Corinthia, un hôtel cinqétoiles de Tripoli. Elle s’estd’ailleurs cassé un bras ententant de fuir des rebellesqui voulaient la brûler au pé-trole, a-t-elle raconté plustard au journal britanniqueThe Telegraph, en raison deson appartenance au clanKadhafi. Le personnel del’hôtel l’a conduite à l’hôpi-tal, non sans risques, lescombats faisant rage dans laville. C’est là, à l’hôpital,qu’un reporter néerlandaisl’a ensuite trouvée, morte depeur. La présentant commeson assitante, Arnold Kars-kens l’a aidée à quitter la Li-bye. A son retour aux Pays-Bas, le 26 septembre, TalithaVan Zon a été arrêtée à l’aé-roport de Schiphol. Soup-çonnée de trafic d’êtres hu-mains, elle a été interrogéependant deux jours, puis as-signée à résidence.

L’ex-mannequin, qui aautrefois posé pour Playboy,va devoir s’expliquer sur sarelation avec MoutassimBillah Kadhafi, l’un des septfils du Guide. Elle l’a rencon-tré en 2004 dans une boîte de

nuit en Italie et eu une liaisonde trois mois avec lui. Quandelle a su qu’il y avait«d’autres femmes» dans savie, elle a rompu, ce qui neles a pas empêchés de resterbons amis. Officier de l’ar-mée libyenne, en charge duConseil de sécurité national,Moutassim l’a couverte decadeaux: une panoplie com-plète de sacs Vuitton, des dî-ners à Monaco et des voyagesen Boeing privé, a-t-elleconfié au Telegraph. Elle aaussi expliqué avoir fait«l’erreur de sa vie» en allantdébut août en Libye pour ychercher de l’argent afin depayer le traitement de sonpère atteint d’Alzheimer… AAmsterdam, de mauvaiseslangues se demandent si ellen’est pas plutôt allée distraireMoutassim pendant le rama-dan. Voire une espionne à lasolde des services secrets deson pays…

La réalité est moins rose.L’émission de télé EenVan-daag a révélé que la belle Ta-litha était occupée à monterun réseau de prostituées deluxe à Tripoli. A preuve, uneNéerlandaise, dont l’identitén’a pas été dévoilée, vient deporter plainte. Elle affirmeavoir suivi Talitha en Libyeau printemps et y avoir étéviolée par Moutassim.Comme elle est l’amie d’unavocat néerlandais de renom,on pourrait bientôt connaîtrele fin mot de l’histoire. •

VU D’AMSTERDAM

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201114 • MONDEXPRESSO

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Justice:MercierlaissesamarquesurleparquetLa proposition du ministre de la Justicede nommer deux personnalitésétiquetées à droite à des postessensibles inquiète les syndicats.

L e plus proche conseiller dugarde des Sceaux va-t-il pren-dre la tête du parquet de Paris,le plus sensible de France? Mi-

chel Mercier a en effet proposé le nomde François Molins, son directeur ducabinet, au poste délicat de procureurde Paris –la capitale réunit les pôles fi-nancier et antiterroriste. Dès son arri-vée, François Molins devraitainsi plonger dans l’affaire Ro-bert Bourgi, qui a accusé Chiracet Villepin d’avoir perçu des valises dela part de présidents africains… Le Con-seil supérieur de la magistrature (CSM)devra donner un avis –«favorable» ou«défavorable»– sur cette nomination.Purement consultatif, il ne lie pas l’exé-cutif, mais Michel Mercier avait lui-même promis qu’il ne passerait pasoutre les avis du Conseil…«Le poste de directeur de cabinet est unposte politique, note Mathieu Bonduelle,du Syndicat de la magistrature (gau-

che). Sa nomination à Paris posera unproblème d’impartialité. Dans un telposte, non seulement il faut être impartialmais encore faut-il en avoir l’air : quipourra le croire venant de l’ancien con-seiller d’un ministre?» La semaine der-nière, alors que les bruits du palais don-naient déjà Molins à Paris, ChristopheRégnard, de l’Union syndicale des ma-gistrats (majoritaire) confiait : «Per-sonne ne remettra en cause son profes-

sionnalisme, mais quel signaldésastreux dans le climat d’affai-res actuel…» François Molins,

58 ans, a fait toute sa carrière au par-quet et dans l’administration. En 2005,à Bobigny où il était procureur, il avaitdans un premier temps refusé d’ouvrirune information judiciaire sur la mortde Bouna et Zyed, deux garçons pour-suivis par la police et retrouvés mortsaprès s’être réfugiés dans un transfor-mateur EDF. Quand en juillet 2009, Mi-chèle Alliot-Marie, alors garde desSceaux, fait de lui son «dircab» (MichelMercier le gardera), «ses substituts l’ontpleuré comme s’ils perdaient leur père»,s’amuse un juge de Bobigny. Molins estreconnu pour être un bon juriste et chefd’équipe. Mais à Bobigny, «il a mené unepolitique pénale répressive, multipliant lescomparutions immédiates, en tout pointconforme aux attentes du gouvernement»,estime le juge.

«PARCOURS ATYPIQUE». «Quand onrapproche ce projet de nomination de celuide Martine Valdès-Boulouque au poste deprocureur général de Bordeaux – où l’af-faire Bettencourt est désormais instruite–on voit une volonté manifeste de ver-rouillage du parquet», poursuit MatthieuBonduelle. Martine Valdès-Boulouqueest procureure générale (PG) près lacour d’appel de Grenoble. Le mois der-nier, Michel Mercier a proposé son nomau CSM pour le poste, plus stratégique,de PG de Bordeaux. Le CSM doit bientôtrendre son avis sur cette nomination.Valdès-Boulouque faisait partie de cellesqu’on appelle, avec une pointe de ma-chisme parmi les magistrats, les «Datigirls». Ces procureures propulsées plusvite que de coutume à de hauts postespour féminiser la hiérarchie. «Rien quela lecture de sa notice dans l’annuaire dela magistrature dénote un parcours atypi-que», glisse Emmanuel Poinas, de FOMagistrats. Substitut à Paris, membre del’inspection des services judiciaires,avocate générale à Versailles… En 2004,elle travaille au secrétariat d’Etat aux

Projets immobiliers de la Justice, avecNicole Guedj, qui raconte: «J’avais par-tagé un certain nombre de combats avecelle au sein de la CNCDH [Commissionnationale consultative des droits del’homme, ndlr]. Nous étions notammenten phase pour réclamer une plus grandesévérité envers les délinquants sexuels.C’est une perfectionniste, avec un vraisens du devoir.» Elle est nommée à Nan-tes en avril 2007… et propulsée septmois plus tard PG de Grenoble par Ra-chida Dati. Du jamais-vu en si peu detemps. «Une véritable nomination politi-que», dit Poinas. Politique, mais pas vo-lée, estiment ses parquetiers. Femme«de caractère», «agréable au quotidien»,Valdès-Boulouque est «en général hu-mainement appréciée de ses collabora-teurs», dit-on dans son entourage. Unparquetier: «Elle avait les compétencespour ce poste.»

«AFFAIRES MÉDIATIQUES». Mais Val-dès-Boulouque s’est bien coulée dansle moule des «nouveaux» procureurs del’ère Sarkozy: «Un culte de la statistiquedément, selon un magistrat. Pour elle, ily a les affaires médiatiques et suivies parla chancellerie et les autres. Elle est

comme tous les PG: le doigt sur la couturedu pantalon, une courroie de transmissionqui n’a aucun état d’âme à faire ce qu’onlui demande, anticipant même les désirsdes hauts placés…» Lors des violences deLa Villeneuve, en 2010, les enquêteursn’avaient aucune marge de manœuvre:le moindre acte était élaboré au plushaut niveau. Les procureurs avaientpour consigne de réveiller leur PG à5 heures du matin pour la tenir infor-mée des voitures brûlées… «Elle se vivaiten concurrence avec le préfet», juge unmagistrat. En septembre 2010, un jugedes libertés et de la détention (JLD) gre-noblois place sous contrôle judiciaire unhomme suspecté de braquage: selon lui,les preuves manquent pour le placer endétention. Valdès-Boulouque juge ladécision «absolument inacceptable». Unprocureur taclant un juge: posture iné-dite, tollé dans les milieux judiciaires.Le CSM donnera-t-il des avis positifsaux transferts de Molins et Valdès-Bou-louque ? «Ses membres pourraient bienaussi montrer leur volonté d’exister en casd’alternance en 2012…», dit un magis-trat. Et dans ce cas, Michel Merciertiendra-t-il sa promesse de ne pas pas-ser en force ? •

Par SONYA FAURE

RÉCIT

François Molins,directeur de

cabinet du gardedes Sceaux, est

proposé au postede procureur

de Paris parMichel Mercier.

PHOTO LUDOVIC. RÉA

Les procureurs généraux (PG)sont les patrons des parquetsauprès de la Cour de cassation etdes 35 cours d’appels de France.Les procureurs sont les responsa­bles des parquets des tribunauxde grande instance. Ils ont sousleurs ordres des vice­procureurset des substituts. Tous sont soumisau garde des Sceaux.

REPÈRES

«Je suis de ceux quipensent qu’il faut faireévoluer ce statutvers un avis [du CSM]qui s’imposerait.»Jean­Claude Marin procureurgénéral près la Cour de cassation

LE CSMConséquence de la réforme cons­titutionnelle de 2008 appliquéedepuis janvier, le Conseil supé­rieur de la magistrature est chargéde donner un avis purement con­sultatif sur les nominations desprocureurs généraux.

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011

FRANCE • 15

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EDF, lecoureuretlehacker:fabledel’espionnagemoderneUne affaire de piratages informatiques impliquant des grands groupes françaiset l’ex-vainqueur déchu du Tour de France, Floyd Landis, est jugée à Nanterre.

L e tribunal de Nanterreva baigner pendant deuxsemaines dans la barbou-zerie. A la barre, un hac-

ker, d’ex-militaires recon-vertis détectives, poursuivispour piratage informatique,et symboles de l’espionnite quigangrène la vie des affaires.Au programme : EDF traquantGreenpeace, Vivendi surveillant sespetits porteurs, Floyd Landis (vain-queur déchu du Tour de France) enguerre contre le labo antidopage deChâtenay-Malabry (LNLD). Unprocès en suspens, EDF prévoit dedéposer ce matin une questionprioritaire de constitutionnalité(permettant de gagner du temps enreportant les audiences).Point commun aux trois dossiers,centrés sur l’année 2006 : AlainQuiros, électron libre du renseigne-

ment, qui a nié puis avoué face auxévidences informatiques: «J’ai ef-fectué ces piratages bêtement sansenvisager toutes les conséquences.»Il était mandaté par Thierry Lohro,ancien para, passé dix ans à la

DGSE, aujourd’hui à soncompte via la société KargusConsultants: «Tous les cabi-

nets d’intelligence économique peu-vent à un moment dépasser les limi-tes», concède ce dernier.

DÉTAIL. On a une idée des com-manditaires, dans ce secteur ma-lade de la sous-traitance. Le voletLandis-LNLD est le plus simple :son entraîneur, Arnie Baker, s’yétant pris comme un manche, lesenquêteurs ont facilement retrouvéson adresse IP. En septembre 2006,trois mois après la déchéance de sonpoulain, Baker faisait circuler ano-nymement des courriers confiden-tiels du laboratoire, rectifiant des

analyses antidopage de plusieurssportifs. Preuve d’une désorganisa-tion interne du labo ou de l’effica-cité de ses contre-expertises ?Après avoir arrosé anonymementles médias, les instances sportivesmais aussi l’avocat de… Landis, Ba-

ker a affirmé que ces courriers pira-tés étaient devenus «publics» etqu’il les avait donc utilisés officiel-lement pour discréditer le LNLD.Un détail tue: la demande adresséeà Quiros était accompagnée d’unnuméro censé affiner le piratage,celui de l’échantillon des urines deLandis. «C’est la signature de l’in-trusion, relève le juge d’instruction,Thomas Cassuto. Seul l’entourage de

Landis pouvait connaître ce numéro.»Baker et Landis n’ont jamais ré-pondu aux enquêteurs et font l’ob-jet d’un mandat d’arrêt. Ils serontjugés par défaut.Le cas EDF est plus emblématique.L’électricien jure qu’il n’a pas com-

mandité le hacking deGreenpeace et s’entient au libellé du con-trat passé avec Kar-gus: «Veille stratégiquesur les organisationsantinucléaires.» Mais

Lohro admet que l’objet réel ducontrat était de «pénétrer les ré-seaux informatiques de Greenpeaceafin d’anticiper les actions menéescontre EDF». Un cédérom conte-nant des comptes-rendus de réu-nions internes de l’organisation aété retrouvé dans le coffre-fort duresponsable de la sécurité d’EDF.Ce dernier prétend, au risque dedéclencher l’hilarité, ne l’avoir pas

consulté. Et EDF se couvre en déci-dant de sanctionner deux cadresindélicats (simple mutation avecmaintien de salaire). Le juge Cas-suto a renvoyé en correctionnelleEDF, en tant que personne morale,en insistant sur ce contrat avecKargus. Lohro, de plus en plus ex-plicite en fin d’instruction: «C’estévident qu’on allait faire du hackinget c’est pour ça que le contrat a étéremodelé pour le rendre le plus discretpossible.» EDF se raccroche auxbranches: antérieur à la signaturedu contrat, le piratage ne peut endécouler juridiquement… Là en-core, Lohro enfonce le clou: «Avantla signature, EDF nous a demandé sion était capable de rentrer dans lesystème. On a fait la démonstrationqu’on était capable, puis ce contrat aservi à régulariser l’intrusion et à larémunérer.» Le juge Cassuto iro-nise: «Le contenu des rapports offi-ciels de Lohro sont d’une vacuitéabsolue. Comment justifier l’externa-lisation d’une mission de veille qu’unstagiaire interne aurait pu effectueravec traduction automatique des pa-ges disponibles gratuitement sur In-ternet ?» Pour lui, pas de doute :EDF a «habillé une opération d’intru-sion par un contrat fictif». Le tribu-nal tranchera.

PSEUDOS. Dernier volet avec Vi-vendi. L’ordinateur visé est celui deMe Frédérik-Karel Canoy, avocat dela remuante Association des petitsporteurs actifs (Appac). Quiros l’apiraté afin de vérifier si Me Canoyétait l’utilisateur de pseudos lors dedébats enflammés sur le site Bour-sorama. A la demande de qui? Dansle bureau de Jean-François Dubos,secrétaire général de Vivendi (etancien du cabinet Hernu, pendantl’affaire du Rainbow Warrior), on aretrouvé un cédérom contenant deséléments sur l’Appac, recueillis parle cabinet Atlantic Intelligence,fondé par l’ancien patron du GIGN,Philippe Legorjus. Encore de la«veille stratégique», mais rien nedémontre que les détectivesauraient bénéficié de ce piratage.D’autant qu’Atlantic semble avoirusé de bonnes vieilles méthodes :l’un de ses limiers s’est infiltré ausein de l’Appac pour en devenir lesecrétaire! «Démarche plus que dou-teuse et révélatrice de méthodes criti-quables sur le plan éthique sinon lé-gal», observe le juge. Mais difficilede remonter au commanditaire dupiratage: en plus des fariboles desintermédiaires soucieux de «cloi-sonner», Me Canoy a égaré son or-dinateur de l’époque. Impasse in-formatique et humaine. Faute deprévenus en face de lui, il a déposéune citation directe contre Vivendi.Pour que ses dirigeants viennent aumoins s’expliquer à la barre. •

Par RENAUD LECADRE

«J’ai effectué ces piratagesbêtement sans envisager toutesles conséquences.»Alain Quiros électron libre du renseignement

RÉCIT

Les protagonistesont été renvoyésen correctionnelleen 2010.PHOTO GILLES COULON.TENDANCE FLOUE

22C’est, en millions d’octets, levolume du cédérom retrouvéchez EDF contenantdes documents piratés surun ordinateur de Greenpeace.

w Novembre 2006 Plainte dulabo LNLD suite à une intrusiondans son système informatique.L’entourage de Floyd Landisest très vite suspecté.w Juillet 2008 Mandat d’arrêtinternational contre Alain Quiros,un hacker réfugié au Maroc.w Février 2009 Perquisition chez

EDF, visé par extensionde l’enquête pénale.w Avril 2009 Les enquêteurstombent sur un troisièmepiratage, celui de Me Canoy.w Octobre 2010 Le juge Cassutorenvoi les protagonistesen correctionnelle.w Octobre 2011 Procès à Nanterre.

REPÈRES «On n’est pas dans unesimple veille mais dansl’introduction d’uncheval de Troie dansmon ordinateur.»Yannick Jadot ancien militant deGreenpeace, eurodéputé vert

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201116 • FRANCE

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Environ 600 personnes, pour la plu-part issues de la communauté algé-rienne, se sont rassemblées, hier, àNanterre (Hauts-de-Seine) pourinaugurer un boulevard du 17-Octo-bre-1961 et réclamer la reconnais-sance de la répression sanglante desmanifestants algériens à Paris commeun «crime d’Etat». «Ces Algériens sontmorts pour la liberté, l’égalité et la jus-

tice. Aujourd’hui nous questionnons cin-quante ans de silence […] entretenu parl’Etat pour enterrer la mémoire de nosparents, qui ont participé à la construc-tion de la France», a déclaré, au nomdes associations, Mohamed Kaki, surla place des Droits-de-l’homme, oùdes gerbes de fleurs ont été déposées.C’est de cette artère que partirent lesmanifestants il y a cinquante ans. La

demande de reconnaissance «estd’abord une exigence de justice pour lesvictimes et pour leurs familles, une de-mande de vérité et de morale pour nous-mêmes», mais aussi «une nécessité quese construisent enfin des relations nou-velles de part et d’autre de la Méditerra-née», a lancé le maire de Nanterre,Patrick Jarry (Gauche citoyenne), endévoilant la plaque du boulevard.

A RETOUR SUR LES HOMMAGES AUX MANIFESTANTS ALGÉRIENS TUÉS

Un boulevard du 17-Octobre-1961 à Nanterre

Liliane Bettencourt a brandi la menace de partir «àl’étranger» si la décision qui doit être rendue aujourd’huipar la juge des tutelles de Courbevoie (Hauts­de­Seine)devait la placer sous l’autorité de sa fille Françoise. «Sic’est cela, je pars à l’étranger. Si ma fille s’occupe de moi,j’étoufferai», a déclaré l’héritière de L’Oréal au Journaldu dimanche. Et quand on lui a demandé si elle comptaitpartir en Suisse, elle a répondu: «Non, je ne fais plusbeaucoup de ski!» Liliane Bettencourt, c’est la franchisetout schuss. PHOTO REUTERS

LILIANE BETTENCOURT FERA­T­ELLESES VALISES ?

LES GENS

VIOLENCES Un conducteurde bus a été agressé samedi àGennevilliers (Hauts-de-Seine) par deux hommes quil’ont aspergé d’essence etont tenté d’enflammer le li-quide sans y parvenir.

FADETTES Le directeur cen-tral du renseignement, Ber-nard Squarcini, est convoquéaujourd’hui comme témoinassisté dans l’affaire d’es-pionnage téléphonique dejournalistes du Monde.

D ominique Strauss-Kahn s’est retrouvé,hier, en pleine pri-

maire socialiste, sous les feuxde l’actualité dans le cadrede l’affaire de proxénétismedu Carlton de Lille. Alorsmême que la menace d’unenouvelle procédure dans ledossier Tristane Banon sem-ble s’éloigner, il a annoncéqu’il demandait à être en-tendu «le plus rapidementpossible par les juges» dansl’enquête mettant en causedes responsables hôtelierslillois, un avocat et un chefd’entreprise, afin de mettrefin à des «insinuations mal-veillantes».«Extrapolations». Plu-sieurs médias ont mentionnéle nom de l’ex-patron duFonds monétaire internatio-nal (FMI) comme possible

client de prostituées enten-dues dans le cadre de l’infor-mation judiciaire ouverte enmars par le parquet de Lillepour des faits de proxéné-tisme aggravé en bande or-ganisée, association de mal-faiteurs et blanchiment.Dans une déclaration faite àl’AFP juste après avoir voté àla mairie de Sarcelles(Val-d’Oise), DSK a expliquéqu’il voulait «mettre un termeaux insinuations et extrapola-tions hasardeuses et encoreune fois malveillantes».Son audition en tant que té-moin par les enquêteurs estenvisagée, «comme des tasd’autres personnes», maisune convocation n’est pasprévue «dans un proche ave-

nir», a affirmé une sourceproche du dossier. Selon leJournal du dimanche, l’en-quête porte aussi sur des dé-placements à New York deprostituées du réseau lillois,fin 2010. Les enquêteurscherchent à savoir si DSKaurait bénéficié de ces dépla-cements, affirme l’hebdo-madaire. En l’état actuel desinvestigations menées pardeux juges d’instruction lil-lois, DSK apparaît de ma-nière «largement secon-daire». «On est loin du cœurdu dossier», selon unesource.Cinq personnes ont déjà étémises en examen : le pro-priétaire du Carlton, le di-recteur de l’établissement etson chargé des relations pu-bliques, ainsi qu’un entre-preneur et l’avocat lillois

Emmanuel Ri-glaire –le seul quin ’ a p a s é t éécroué. Des liensavec des person-nes gérant plu-sieurs établisse-

ments de prostitution et barsen Belgique ont égalementété mis en évidence.Fermeture. Au moins qua-tre ou cinq policiers lillois,dont un commissaire divi-sionnaire et deux retraités,seraient aussi concernés, se-lon une source policière. A cejour, ils n’ont pas été enten-dus, ni par la PJ locale ni parl’IGPN (la «police des poli-ces»). Vendredi, les jugesd’instruction ont pris une or-donnance de fermeture tem-poraire de trois mois frappantles trois hôtels de la ville im-pliqués dans ce dossier.Toujours hier, on a apprisque l’avocat de Tristane Ba-non, Me David Koubbi, con-seillait à sa cliente de ne pas

engager une nouvelle procé-dure contre DominiqueStrauss-Kahn après le clas-sement sans suite de saplainte pour tentative deviol. Mais il réclame toujoursdes excuses de DSK.

D’après AFP

L’enquête porte égalementsur des déplacementsà New York de prostituéesdu réseau lillois, fin 2010.

Lille:DSKveutprendrelesrumeursdecourtPROSTITUTION Dominique Strauss-Kahn a demandé,hier, à être entendu dans l’affaire du Carlton.

Plusieurs malfaiteursont brièvement enlevéune employée de bijoute­rie à son domicile, samedidans les Vosges, et l’ontemmenée en pleine nuitsur son lieu de travailpour l’obliger à leur ouvrirle coffre, avant de la relâ­cher saine et sauve. Leconjoint de l’employéeet son fils de 14 ans ont étéréveillés en même tempsqu’elle par l’irruptiondes voleurs, vers 2heuresdu matin dans la nuit devendredi à samedi, à leurdomicile de Contrexéville.Ils ont ensuite été mainte­nus sous bonne gardepar les intrus pendant quela salariée était emmenéede force à la bijouterie,a précisé une source pro­che de l’enquête. Surplace, à la bijouterie situéeà Vittel, à environ 5kmdu domicile de la famille,les voleurs se sont faitouvrir le coffre. Ils ontemporté un butin estiméentre 140000 et150000 euros, puis ontramené la salariée chezelle et ont pris la fuite.Le mari de l’employéea reçu un violent coupde poing au visage, maisles autres membres de lafamille n’ont pas subide violence. Indemnes,ils sont très choqués.

UN CASSE ENTREVITTEL ETCONTREXÉVILLE

L’HISTOIRE

6,9%C’est la hausse en un andu nombre d’étudiantsfrançais partis à l’étrangerpour un stage, de troismois en moyenne, ou desétudes, de sept mois enmoyenne. Les plus mobilessont les étudiants en scien­ces sociales, commerceet droit. Les pays d’accueilpréférés sont l’Espagne,le Royaume­Uni et l’Alle­magne.

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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 FRANCEXPRESSO • 17

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Chine:pasd’eurobonds,maisunpetitpasA l’issue de la réunion du G20,samedi, Pékin aurait indiquéêtre disposé à investir dansdes infrastructures de la zone euro.Par PHILIPPE GRANGEREAUCorrespondant à PékinPhoto JEAN­MICHEL SICOT

L a Chine et son coffre-fort de3000 milliards de dollars de réservesen devises veut-elle et peut-elleaider l’Europe à sortir de la crise ?

Des signaux positifs semblent être sortis dela réunion du G20 qui s’est tenue samedi àParis. Les représentants chinois auraient in-diqué que Pékin était prêt à investir des di-zaines de milliards dans la zone euro à traversdes achats d’infrastructures dans les pays en-dettés. «Pékin s’est engagé, dans les coulisses,

à soutenir la zone euro enéchange de politiques de ré-duction du déficit et de cou-

pes budgétaires draconiennes», assurait hierle quotidien britannique Sunday Times en ci-tant une source proche des discussions. Seloncette même source, les banques chinoisespourraient également augmenter leurs achatsde dette souveraine de la zone euro, «mais laChine veut s’assurer que l’Europe connaît l’am-pleur du trou et qu’il ne va pas se creuser avantde commencer à le remplir».

CHASSE. Ces belles promesses assorties deconditions paraissent plus constructives queles quasi-rebuffades décochées, quelques se-maines auparavant, au sommet du FMI deWashington. Le gouverneur de la Banquecentrale chinoise, Zhou Xiaochuan, avait faitsavoir que c’est «aux économies [européennes]concernées de régler leur problème». Le prési-dent de la China Investment Corp (CIC, lefonds souverain chinois) avait expliqué quela Chine n’achèterait de futures obligationseuropéennes (eurobonds) que si celles-ci«présentent un risque convenable». «Mais,

avait-il averti, ne vous attendez pas à ce qu’onachète des quantités allant au-delà des risquesordinaires.» Selon nos informations, le CIC,qui pèse 409 milliards de dollars (295 mil-liards d’euros), prendra bientôt pied enFrance avec l’achat, pour 3 milliards de dol-lars, de 30% de la branche exploration deGDF Suez. Ce contrat, qui se situe dans le ca-dre de la chasse chinoise aux sources d’éner-gie, doit être conclu le 30 octobre à Pékin.Bien que cet accord soit significatif, il de-meure que, pour l’instant, les investisse-ments chinois en Europe restent maigres.«Volvo, TLC, port du Pirée… les Chinois fontcertes leur marché, mais c’est très marginal, etce n’est pas ça, loin de là, qui sortira l’Europede l’ornière», commente l’économiste Jean-François Huchet du Centre français d’étudessur la Chine contemporaine (CFEC), basé àHongkong. Qu’a fait concrètement la Chinedepuis le début de la crise? «Il semble qu’elle

soit intervenue sur le marché des changes pourempêcher l’euro de chuter, explique Huchet,mais personne n’en est sûr car Pékin garde ceschiffres secrets.»L’Union européenne est le premier partenaireéconomique de la Chine, et Pékin disposeentre 22% et 25% (500 à 600 milliardsd’euros) de ses réserves libellées en euros.Selon le Conseil européen des relations exté-rieures, la Chine posséderait, entre autres,13% de la dette espagnole. Il n’est toutefoispas certain que Pékin ait acheté davantage

d’euros en 2011. Plusieurs experts pensentmême que la Chine a continué d’acheter dudollar. «Certes, la Chine est convaincue qu’ilfaut diversifier ses avoirs et rendre le systèmemonétaire international plus multilatéral en fai-sant baisser l’importance relative du dollar,note Jean-François Huchet. Dans la pratique,toutefois, les Chinois ne peuvent pas lâcher trop

le dollar car un effondrement dela monnaie américaine provo-querait, d’une part, une chutede la demande américaine enbiens made in China, et,d’autre part, une baisse de20% à 30% de leurs avoirsen dette américaine.» Bien

qu’elle dispose des plus grandes réserves endevises du monde, la Chine est de toute façonbien incapable, même si elle le voulait, dejouer au chevalier blanc, assure l’économiste.«Les sommes nécessaires pour sortir l’UE dela crise sont colossales, et Pékin n’est pas habi-tuée à octroyer de tels prêts.»

PACTOLE. La Chine aurait une autre raisonde rester en retrait: elle a elle-même un pro-blème lancinant de dette publique. De l’ordrede 17% du produit intérieur brut fin 2010, se-

lon le gouvernement, cette dette atteindraiten réalité les 89%, selon Dragonomics, uncabinet d’études basé à Pékin. La StandardChartered Bank avance, elle, le chiffrede 77% du PIB. Ces experts prennent encompte des créances qui n’apparaissent pasdans les calculs officiels, entre autre la detteconsidérable des gouvernements locaux etrégionaux, et les emprunts non performantsaccordés aux entreprises d’Etat dans le cadredu colossal plan de relance de 2008(400 milliards d’euros) injecté pour aider lepays à passer le cap de la crise mondiale. El-les ont permis de maintenir artificiellementla croissance pour palier la baisse de la de-mande mondiale en produits chinois. Ce pac-tole a encouragé une frénésie de constructiond’infrastructures et alimenté une bulle im-mobilière qui menace d’éclater.Les conséquences d’un tel scénario seraientdramatiques car les emprunts publics despouvoirs locaux sont en grande partie garan-tis par l’immobilier. Certains y voient unecrise des subprimes à la chinoise. «Si la bulleéclate, juge Yi Xianrong, économiste à l’Aca-démie des sciences sociales de Pékin, onpourrait alors se retrouver nous-mêmes enpleine crise financière.» •

ANALYSE

Lors de la réunion du G20, samedi, à Paris. Pékin se serait engagé à soutenir les Vingt­Sept si l’Union

«Les sommes nécessaires pour sortir l’UEde la crise sont colossales, et Pékin n’estpas habituée à octroyer de tels prêts.»Jean­François Huchet du Centre français d’étudessur la Chine contemporaine

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201118 • ECONOMIE

Page 19: 1,40 EURO.PREMIÈRE ÉDITIONNO...VET Lenomdelarose FrançoisHollandeseralecandidatduPSen2012. 10pagesspéciales. •1,40 EURO.PREMIÈRE ÉDITIONNO9464 LUNDI17OCTOBRE2011 IMPRIMÉ EN

La vulnérabilité des banques fait craindre le pire.

Le G20 met la pressionsur l’EuropeU n air de déjà-vu. Réunis vendredi et

samedi à Paris dans le cadre du G20,les ministres des Finances assurent

avoir pris la mesure de la gravité de la situa-tion. Mais, une fois de plus, l’adoption d’unesolution «globale et durable» devra attendre.Au moins jusqu’au prochain sommet deschefs d’Etat et de gouvernement du G20,prévu les 3 et 4 novembre à Cannes. De fait,tous les protagonistes se disent soucieux de«soutenir et rééquilibrer l’économie mondiale

face aux risques importants de détérioration».Mais pour la quasi-totalité, le mal se trouveen Europe. Le Conseil européen de dimancheprochain à Bruxelles est donc un préalableindispensable pour que se dessine un débutde solution à cette crise désormais mondiale.A bras­le­corps. Les réponses à la crise sont«dans les mains des Européens», a déclaré leministre brésilien des Finances, Guido Man-tega. Selon lui, «la principale vulnérabilité vientdes banques, car elles peuvent déclencher unecrise systémique». Et c’est pour éviter ce scé-nario du pire que les ministres des Financesdu G20 ont rappelé que les banquiers centrauxcontinueront à faire le maximum pour assurerla liquidité des banques. Au nombre des gran-des résolutions à venir, le G20 Finances épin-gle désormais ouvertement les banques systé-miques, celles dont la taille est telle que leurnaufrage emporterait pléthore d’autres éta-blissements financiers ou d’entreprises. Leursidentités devraient être communiquées lorsdu sommet de Cannes.A défaut de proposer déjà une solution glo-bale, le G20 a tout de même pris à bras-le-corps un dossier qui tenait jusque-là de la pa-

tate chaude : la régulation des flux de capi-taux spéculatifs, dont les allers et retoursviolents déstabilisent les économies des paysémergents depuis 2008. «C’est une évolutionfondamentale, s’est félicité le ministre françaisdes Finances, François Baroin. Auparavantcette question était marquée par une doctrinequi récusait toute restriction à la libre circulationdes capitaux.» Depuis le début de la crise, lespays émergents dénoncent les effets néfastesdes politiques monétaires pratiquées aux

Etats-Unis ou en Europe. «De plus enplus d’investisseurs empruntent à bastaux aux Etats-Unis et placent lesfonds obtenus sur les places financièresdes pays émergents, comme le Brésil,explique un analyste financier. Ducoup, ces derniers craignent à la foisun ralentissement des économies riches

et la forte appréciation de leur monnaie, qui ren-chérit leurs exportations.»Explicite. C’est ouvrir là un dossier nonmoins épineux, celui des déséquilibresmacroéconomiques mondiaux. Les regardsse sont cette fois tournés vers l’ogre chinois,sans qu’il soit explicitement nommé. En lan-gage G20, cela donne: «Les pays émergentsen situation d’excédent accéléreront la mise enœuvre des réformes structurelles visant à réé-quilibrer la demande pour donner une plus largeplace à la consommation intérieure, tout enpoursuivant leurs efforts pour se diriger versdes systèmes de taux de change davantage dé-terminés par les marchés et parvenir à uneflexibilité accrue des taux de change.» Une dé-claration relativement explicite, mais qui nedit pas quand, ni comment, pourrait s’opérerun tel mouvement de bascule. De son côté,la Chine fait valoir que l’UE est le premierdébouché de ses exportations, pour environ380 milliards de dollars (275 milliardsd’euros) par an. Façon de rappeler que pourelle aussi, l’effondrement de la zone eurocoûterait fort cher.

VITTORIO DE FILIPPIS

Pour la quasi-totalité des membresdu G20, le mal se trouve en Europe.Le Conseil européen de dimancheprochain est donc un préalable pourque se dessine un début de solution.

REPÈRES

LE G20C’est un groupe de 19 pays, plus l’UE,dont les ministres, les patrons de banquecentrale et les chefs d’Etat, se réunissentrégulièrement. Créé en 1999, après lescrises financières des années 90, il vise àfavoriser la concertation internationale,en tenant compte du poids économiquecroissant pris par les pays émergents.Le G20 représente 85% du commercemondial, les deux tiers de la populationet plus de 90% du PIB de la planète.

«L’évolution de l’économiemondiale ces dernièressemaines est négative.La crise est en train de toucherégalement les paysémergents.»

Christine Lagarde la directrice généraledu FMI, samedi à l’issue du G20

25%C’est la part des réserves monétaireschinoises qui sont libellées en euros,soit quelque 600 milliards d’euros.La Chine est le premier détenteur deréserves de change au monde devant leJapon et la Russie. L’Union européenneest son premier partenaire commercial.

«La crise de la zone euro,c’est d’avantage un problèmepolitique que financier. Je nepense pas que les Brics [Brésil,Russie, Inde, Chine et Afriquedu Sud, ndlr] aient un rôleà jouer à ce sujet.»Vladimir Poutine mercredi, en Chine

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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 ECONOMIE • 19

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FISCALITÉ Xavier Bertrands’oppose à l’extension de lataxe sur les boissons sucréesà celles contenant des édul-corants. «Il existe une diffé-rence entre consommer desboissons light et des boissonsavec sucre ajouté», expliquele très pointilleux ministre dela Santé. Coca-Cola (et sonCoca zéro) passera à traversles gouttes, pas Danone et sesFanta, très fâché de cettedistorsion de concurrence.

AFFAIRES L’avocat d’EricWoerth, Me Jean-Yves LeBorgne, a réaffirmé hier quela privatisation de l’hippo-drome de Compiègne, dili-gentée par l’ex-ministre duBudget, aurait été «conformeavec les exigences légales». Ilrépliquait au Snui (syndicatdes agents des impôts) pourqui la vente aurait été «illiciteet appauvrissante» pourl’Etat français, car «complai-samment consentie».

«Samsung, malgréles disputesjudiciaires, a gardédes liens étroits avecApple en tant quefournisseur decoques et puces.»Jay Lee héritier du PDGde Samsung, qui assisteraaux obsèques de SteveJobs, en dépit de la rivalitéentre les deux fabricants detéléphones mobiles

L e mouvement des Indi-gnés a mobilisé ceweek-end 950 mani-

festations dans 82 pays. Issudes pays hispaniques, il s’estfortement internationalisé. ARome, des affrontements sesont soldés par 135 blessés(dont 105 policiers), le maireemployant un ton martial :«Nous devons agir avec la fer-meté appropriée à l’encontrede ces brutes»… A Chicago,175 manifestants anti-WallStreet ont été arrêtés hiermatin, évacués d’un parc ouils comptaient prendre ra-cine. A Londres, les Indignésde la City ont installé leurs70 tentes sur le parvis de lacathédrale Saint-Paul. AFrancfort, 200 militants ontdressé une trentaine de ten-tes devant le siège de la Ban-que centrale européenne, vucomme l’épicentre de la criseau sein de la zone euro.Christophe Aguiton, ex-AC!ou SUD, aujourd’hui actif ausein d’Attac, analyse le mou-vement.Existe-t-il une mondialisa-tion des revendications ?Je ne parlerais pas de reven-dications mais de racinescommunes, liées à une mul-tiplicité de systèmes qui re-produisent les mêmes effetset les mêmes victimes: jeu-nes privés d’emploi, de dé-bouchés, d’avenir. Autrepoint commun, issu des ré-volutions arabes, la méthoderevendicative: l’occupationde longue durée de l’espacepublic. La place Tahrir hier,Wall Street aujourd’hui. Et à

chaque fois, lemouvement est pa-cifique dans sesméthodes mais ra-dical dans ses re-vendications.C’est aussi en rup-ture avec les orga-nisations traditionnelles, po-litiques ou syndicales.Cela varie d’un pays àl’autre, mais globalement,on y parle du moi, du je,mais jamais au nom desautres. Dans les cas grec ouaméricain, on trouve ponc-tuellement des passerellesavec le mouvement syndicalet les banderoles qui vontavec. Mais les Indignés n’ontpas de véritables revendica-tions, du type retraite à60 ans ou revalorisation duSmic. Le mouvement renvoieà l’individualité tout en met-tant en avant des demandesfédératrices, comme un toitet un travail pour tous en Es-pagne. Au Mexique, il a étéinitié par un poète pointantla police et les trafiquants dedrogue sur le thème: ras-le-bol de la corruption. Quipourrait être contre ?Frustration individuelle oucollective ?Le point de vue est davan-tage moral que politique. Dèslors, il déclenche plus facile-ment l’unanimité. Personnene s’oppose au contrôle ac-cru des banques, ce qui va desoi. Mais il y a derrière unbruit de fond très antisys-tème. Derrière l’aspect con-sensuel, voire Bisounours, lediscours est beaucoup plus

radical.Au risque de dé-bordements ?Finalement, celanous ramèneaux révolutionsarabes. Unm o u v e m e n t

non-violent mais basant lerapport de force par la masseet la force de l’occupation del’espace public. Après, la po-lice peut toujours essayerd’évacuer une place, au Caireou à New York…Le gouverneur de la banquecentrale d’Italie, Mario Dra-ghi, ex de chez GoldmanSachs, vient d’apporter sonsoutien aux Indignés…C’est le signe que le systèmeest à bout de souffle. Des res-ponsables comme Jean-Claude Trichet, le présidentde la Banque centrale euro-péenne, disent comprendreles Indignés sans pour autantles soutenir. Le mouvement,qui se caractérisait par la vi-tesse de diffusion entre sesmembres, va devoir gérer sarelation aux autres, ou l’onretrouvera les ONG, les partispolitiques et les syndicats.Reste à savoir comment gé-rer ces alliances sans trans-former l’âme et l’originalitédu mouvement. Il a démarréle 15 mai et nous sommes le15 octobre : en cinq mois, lamobilisation a traversé lemonde! Mais quand un mou-vement s’inscrit dans la du-rée, il ne peut pas se conten-ter de vivre sur lui-même.

Recueilli parRENAUD LECADRE

«Ilyaunbruitdefondtrèsantisystème»

INDIGNÉS Christophe Aguiton, d’Attac, revient sur lesmobilisations de ce week-end à travers le monde:

Les agriculteurs français,fumant moins et se dépen­sant physiquement plusque les autres, meurentmoins du cancer que leurscompatriotes. «Ça n’a rienà voir avec leur travail maisavec leur mode de vie»,nuance Pierre Lebailly,épidémiologiste effectuantun suivi auprès de180000 paysans. Toute­fois, selon plusieurs étudesrécentes, la santé des agri­culteurs reste problémati­quement liée à l’usage despesticides. Chez les viticul­teurs en Poitou­Charentes,une enquête fait état d’une«surmortalité significative»,de l’ordre de 19%, en cor­relation à l’intoxication deproduits chimiques. Laveuve d’un agriculteurdécédé d’une leucémie,reconnue comme maladieprofessionnelle, a créé uneassociation de victimes despesticides.

LA SANTÉ ESTDANS LE PRÉ, LAMALADIE DANSLES PESTICIDES

L’ÉTUDE

A Rome, la manifestation de samedi a fait 135 blessés. PHOTO GREGORIO BORGIA.AP

Jean­Michel Germa va réintégrer ce matin son bureau deprésident de la Compagnie du vent (LCV), PME de pro­duction d’électricité éolienne qu’il a fondée en 1989. Lacour d’appel de Montpellier a infirmé, jeudi, une décisiondu tribunal de commerce qui avait eu pour conséquencesa révocation fin mai par GDF­Suez, actionnaire majori­taire de LCV. S’il juge «trop tard» pour faire revenir le pro­jet éolien en mer des Deux Côtes au sein de LCV, Germaespère éviter les suppressions de postes qu’il soupçonneGDF­Suez d’avoir programmées. Trente salariés pour­raient être poussés à partir sur trois ans. «GDF­Suez avidé tous les actifs de LCV et ils ont le cynisme de consta­ter qu’il faut réduire les coûts», s’insurge celui qui resteactionnaire minoritaire de LCV. Il n’a que quinze jourspour agir. GDF­Suez a déjà convoqué une nouvelleassemblée générale le 31 octobre, pour le révoquerdans les formes. C. Rp (à Montpellier) PHOTO GILLES FAVIER. VU

JEAN­MICHEL GERMA DANS LE VENT

LES GENS

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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201120 • ECONOMIEXPRESSO

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MMAATTIINN Un peu de grisaille est aen-due sur un tiers nord. Pour le reste,temps parfois brumeux puis largestrouées.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Temps plus nuageuxdans le nord-ouest. Ailleurs, largeséclaircies et températures plutôt agré-ables.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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La perturbation affaiblie gagne lesrégions centrales. Gris au nord, soleilau sud-est.

MARDIQuelques pluies éparses des Pyré-nées aux Alpes. Ciel variable ailleurs,rares averses. Frais.

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associéeunique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €.Président du directoire Nicolas Demorand Directeur de la publication et de la rédaction Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction Vincent GiretDirecteurs adjoints de la rédaction Stéphanie AubertSylvain BourmeauPaul QuinioFrançois SergentDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefLudovic Blecher(éd. électronique)Christophe Boulard(technique) Gérard LefortFabrice RousselotOlivier Wicker (Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition)Eric Decouty et Pascal Virot(politique)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot (éd. électronique)J.Christophe Féraud (éco-terre)Mina Rouabah (photo)Françoise Santucci (Next)Marc Semo (monde)Sibylle Vincendon (spéciaux)Directeur des EditionsElectroniquesLudovic BlecherDirecteur administratif et financierChloé NicolasDirecteur commercial Philippe [email protected] du développement Max ArmanetABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte& 03 22 19 25 [email protected] abonnement 1 an Francemétropolitaine : 324€.PuBLICITÉ Directrice générale de LIBERATION MEDIAS Marie Giraud 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 67Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONPOP (La Courneuve), Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)Ouest-Print (Bournezeau),Imprimé en France Tirage du 15/10/11:

185 853 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: C 80064. ISSN

0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments

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H. I. Souhaitons que sa voiemène vers la victoire.-II. Jolies nymphes aquatiques. - III. Bien circonscrit.Une façon de faire plutôt meilleure qu’une autre.- IV. Pas le dessus du panier, c’est même tout lecontraire. Biendans le coeur. -V.Toujours très grave.Invitait naguère àmeHre un tigre dans sonmoteur.- VI. Article.Mélange épicé à Cochin. - VII. Etroitpassage entre deuxmers. Personnel. - VIII. Simplecompétition hippique parfois. - IX. Jadis célèbrepourseschevauxetsacavalerie, commeentémoignela légendedesCentaures ou des Lapithes. - X. Aucoeur de la ficelle après demi tour. Lieux dedivinsséjours. - XI. Evidemment pas un colosse.V. 1.Ontpassé avecmention leur certificat d’étudesprimaires. - 2. Taches sur plumes. Fait un malheurau palmarès académique. - 3. Va bientôt s’arrêterde ronger pour aller dormir.Oblige à remeHre lespoints sur les i. - 4. De vrais pantins. - 5. Epousa lafille du roi de Troie en premières noces. Fait riresans fin. - 6. Premiers fans de Valéry. Beau tapageparfois. - 7. Pâris y rendit jugementenAsieMineure.Note. Petit troudu côtédeGros-Morne. - 8.On s’ybaigne dans l’Allier. Joli pétard. - 9. Indispensableà la construction d’une solide charpente.

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LES MOTS D’OISEAU G DECE

H:I. Elle ou lui. II. Laïcisant. III. Embole. Ti. IV. Pies. Sven.V. Hersa. Ale. VI. Artaban. VII. Inclina. VIII. Tant. Eton.IX. Egâ.Osent. X. Aigris. Né. XI. Urétrites.V:1. Eléphanteau. 2. Lamier.Agir. 3. Libertinage. 4. Ecos-sant. nt. 5.Oïl. ABC.Oir. 6. Usés. Alessi. 7. La. Vanité. 8.Untel. Nonne. 9. Itinérantes.

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w LES MOTS D’OISEAU PPoosstt SSccrriippttuumm......

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a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z a b c d e f g h i j l m n o p q r s t u v w x y z

Open de Dieren, Pays-Bas 2011Les Blancs jouent et gagnentB. Fier N.DeepanAprès Étienne, Maxime ? Après son succès à Poikovsky (Russie), ÉtienneBacrot n’est plus qu’à deux points élo de MaximeVachier-Lagrave (2711 pour 2713) au moment pré-cis où nous écrivons ces lignes. La place de n° 1 tri-colore est de nouveau en balloOage, pour notreplus grand plaisir. Maxime entre en scène ceOesemaine à Hoogeven (Pays-Bas) dans un tournoiquadrangulaire en double ronde face à Kramnik,Giri, Judit Polgar, le tout en parties longues. Si cesnoms ne vous disent rien, sachez qu’il s’agit d’unancien Champion du Monde, d’un Champion desPays-Bas et de la meilleure joueuse de tous lestemps. Inutile de dire que l’exercice de style est àrisques, et que Maxime a intérêt d’être en forme. Morozevich revient (suite).Comme Morozevichpar exemple. Dans la « Coupe du Gouverneur »qui se dispute à Saratov (Rus), la star russe de 34ans semble parvenue à l’apogée de sa carrière,après deux années de floOement. Ce tournoi fer-mé de 12 joueurs en comporte 8 au-dessus de labarre des 2700 élo, soit des super-GMI. Malgrécela, Alexander enchaîne victoire sur victoire et,avec 6 points acquis en 7 rondes, en possède deuxd’avance sur Peter Leko. Sa performance à 3000élo lui vaudra, s’il maintient la cadence, un remar-quable retour en trombe dans le top 10 mondial,comme une boule dans un jeu de quilles.

11..CCdd22!!!! C’est une jolie illusion d’optique qui prévautdans notre solution du jour. Les noirs possèdentune figure de plus, mais la tour d6 et le Ce8 sontcloués. Le sacrifice d’un cavalier permet de rem-porter la qualité: 11...... RRgg88(1... Cxd2 2.Fxd6+ Rg8 3.Txe8+Rh7 4.Fxe5 etc.) 22..TTxxee88++ RRhh77 33..FFxxdd66 CCxxdd66 44..TTdd88 CCbb5555..TTdd77 et 11--00 45 (!) coups plus tard. JJ--PP MMeerrcciieerr

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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 JEUX­METEO • 21

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XVdeFrance:unevictoireen contreplaquéServis par les

circonstances,les Bleus ont

petitement battules Gallois (9-8):

les voilà en finale.Par FRANÇOIS MAZETET SYLVAIN MOUILLARDEnvoyés spéciaux à Auckland

L es rugbymen français s’ensont remis au win ugly pourrejoindre la finale de laCoupe du monde, diman-

che face à la Nouvelle-Zélande. Ga-gner mochement. Mais gagner,comme des générations d’Anglaisavant eux. Cette fois, les Bleus secontenteront d’être du bon côté del’histoire. Le sélectionneur, MarcLièvremont, qui avait eu le triom-phe modeste après le quart definale remporté face au XV de larose (19-12), n’a cette fois pu s’em-pêcher de régler quelques comptesà l’issue de la victoire de samedi endemie contre le pays de Gal-les (9-8). «Cachez votre enthou-siasme», lança-t-il aux journalis-tes, sourire vengeur en coin, àpeine assis pour la conférence depresse d’après-match.

S’il se défend de touterancœur, on sent chezcet homme-là une

profonde envie de revanche. «Per-sonne ne croit en nous, on est le vilainpetit canard de la compétition. On neva pas reprendre les propos de DiegoMaradona. Ils sont assez célèbres[après la qualification de l’Argen-tine pour le Mondial 2010, celui quiétait alors sélectionneur avait dé-claré: “A ceux qui ne m’ont pas cru,pardon aux dames, qu’ils me la su-cent et qu’ils continuent de me la su-cer. Vous, qui m’avez traité de cettemanière, continuez à vous mastur-ber”, ndlr]. On ne va pas avoir cettegrossièreté-là mais d’une certainemanière, sur le fond, on le pense unpetit peu.»

LÉGENDE URBAINE. Lui, labélisé«entraîneur de Pro D2 arrivé là parhasard» par une partie de la pressesportive, a mené ses hommes en fi-nale. «Je vais vous dire un truc : jem’en fous que le match n’ait pas étébeau, qu’on ait eu de la réussite et queles Gallois méritaient plus que nous.Si on doit être champions du mondeen jouant le même rugby, on jouera lemême rugby !» Voilà une chose defaite : la légende urbaine du french

RÉCIT

Imanol Harinordoquy (à gauche) et Leigh Halfpenny lors de la demi­finale du Mondial de rugby, samedi à l’Eden Park d’Auckland. PHOTO THEMBA HADEBE.AP

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201122 • SPORTS

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XVdeFrance:unevictoireen contreplaquéflair est bel et bien enterrée. Le plusétonnant, finalement, c’est queLièvremont ait embringué avec luison capitaine Thierry Dusautoirdans sa croisade contre des sui-veurs jugés pas assez chauvins parle coach. D’habitude atone, le troi-sième-ligne a eu ces mots : «Il y abeaucoup de personnes que ça ennuiequ’on soit en finale. On n’a peut-êtrepas beaucoup de talent, mais le cœurpeut suffire.»Une sortie révélatrice. Déjà, elletord le cou à l’idée selon laquelle lesjoueurs auraient pris le pouvoir oulâché le coach pour écrire leur des-tin. Comme pas mal de ses devan-cières, cette équipe de France fonc-tionne mieux en vase clos. Ou dumoins, elle veut le croire. Car enzone mixte, là où les joueurs vien-nent répondre aux questions desjournalistes après-match, c’est uneautre chanson. Il y a des carrièresà gérer, pas question de flinguer àtout-va. On en revient alors à desanalyses plus factuelles. Cetteéquipe a joué «la peur au ventre»,dixit Vincent Clerc. «On était cris-pés, on était tendus, on avait un peula pression parce qu’on avait déjàbattu les Gallois trois fois, expliquaitle demi d’ouverture Morgan Parra,14 plaquages réussis sur 14 tentéssamedi. En plus, avec ce cartonrouge, on se disait qu’on ne pouvaitpas perdre ce match.»Pour ce XV de France, seule la vic-toire compte. On le comprend. Pourle reste, il n’y a pas de quoi plas-tronner. Les Bleus ont joué avec lefeu et auraient mérité de se brûler.A partir de la 17e minute et l’exclu-sion définitive du capitaine galloisSam Warburton pour un plaquagedangereux sur Vincent Clerc, ils ontdonné l’impression de gérer. C’étaitimperdable. Mais s’il y a une équipecapable de foirer un match imper-

dable, c’est bien la France et sonèthos autodestructeur. Les Diablesrouges, eux, peuvent s’en vouloir.Trois pénalités, deux drops et unetransformation ratés, et des regretsqu’on ressassera encore dans qua-rante ans dans les pubs de Cardiff.A l’image de l’ancien internationalEddie Butler, dépité dans le bus leramenant dans le centre-ville, ettentant de relativiser: «C’est justeun match de rugby.»

«BANDE D’ÉCLOPÉS». Sous les vi-vats de la foule de l’Eden Park, leshommes de Warren Gatland onttout tenté malgré l’infériorité nu-mérique. Et les Français sont sortisde la pelouse sous les huées d’unepartie du public. «On a joué commeune équipe de Fédérale [la troisièmedivision française, ndlr], lâchaitdans un sourire le pilier Fabien Bar-

cella. On s’est jeté sur tous les bal-lons, sans fond de jeu, sans rien. Maisil y a nos défaites en Italie, en Argen-tine, en Afrique du Sud. On a pris descorrections, des bouffes. Peut-êtreque mentalement, ça nous a rendusplus forts. Si on s’en est sorti, c’estparce qu’on avait une paire bien ac-crochée.» Le champ lexical de la vi-rilité est la ligne de vie des Bleusdepuis deux semaines, depuis cettedéfaite infamante contre les Ton-giens, dans le sillage d’un entraî-neur à forte personnalité qui a putester l’efficacité de la méthodecomme joueur lors du Mon-dial 1999. Cette fois, Lièvremontcompte pousser le raisonnementencore plus loin, en jouant un peusur la provoc et sur la seule véritédu sport : le vainqueur a toujoursraison. «Pour ceux qui ont la mé-moire courte, je vous rappelle qu’on

est parti il y a quatre mois avec unebande d’éclopés, qu’ils étaient toussur le terrain, et qu’on est en finale dela Coupe du monde en Nouvelle-Zélande. Je ne vais pas bouder monplaisir. Ce match montre que cetteéquipe a beaucoup de caractère etqu’on va certainement être cham-pions du monde.»

ÉGOÏSTES. Drôle de coach. Hier, ila avoué s’être couché «énervé»après la victoire de ses hommes :«J’ai appris que certains joueursétaient sortis malgré mon interdic-tion. C’est une bande de sales gosseségoïstes et indisciplinés, toujours à seplaindre et à râler. Depuis quatre ansque je suis avec eux, ils me les cassenttoujours autant.» Lièvremont acette croyance chevillée au corpsque son groupe peut gagner diman-che contre les Blacks. Pas questionde laisser se répéter les erreurs qu’ila commises comme joueur.«En 1999, on avait fait la bringuependant quatre jours après notre de-mi-finale victorieuse contre lesBlacks, explique-t-il. A l’époque, jefaisais partie de ces sales gosses dis-sipés qui ne savent pas toujours pren-dre la mesure des choses.»Douze ans plus tard, on ne sait tropcomment, les Bleus sont dans lamême position. Sur le plan du jeu,la France est certainement le fina-liste le plus faible d’un Mondial de-puis l’Angleterre en 1991. Mais lesjoueurs, déjà battus deux fois dansla compétition, veulent survivre.Limités offensivement, ils s’accro-chent à l’envie dans des fins dematch étouffantes. La semaine pas-sée contre les Anglais. Ce week-end contre les Gallois. C’est lerugby du Top 14, rarement brillant,toujours âpre. Le legs de Marc Liè-vremont sera le suivant: une Coupedu monde ou le néant. •

Hier, la Nouvelle-Zélande a battul’Australie 20 à 6.

All Blacksà l’aiseà l’EdenV ingt-quatre ans après

leur victoire en Coupe dumonde, les All Blacks ont

empoché hier leur billet pour lafinale aux dépens de l’Australie(20-6). A l’Eden Park d’Auc-kland, le lieu même de leur titrede 1987. Un stade où ils sont in-vaincus depuis 1994 et la tour-née victorieuse de Tricolorescornaqués par Pierre Berbizier.Il fallait bien la venue des cou-sins de la mer de Tasmanie pourque les supporteurs des Blacksdonnent un peu de vie à l’en-ceinte, habituellement biensage. Cible des quolibets, ledemi d’ouverture australienQuade Cooper, désigné commetraître à la nation kiwie depuisdes semaines. Après la rencon-tre, on entendait les «Four moreyears» («quatre ans de plus»)résonner dans les travées, allu-sion chambreuse à la sortie dudemi de mêlée mythique GeorgeGregan en 2003, quand les Wal-labies avaient éliminé leurs ri-vaux. Les Blacks ont développéleur nouveau rugby : au largequand il le faut, au près quand ille faut, au pied quand il le faut.Un équilibre mis en place pourempêcher les hommes en noirde subir les mêmes désillusionsque par le passé. Et puis de lapuissance, de la rage, de l’abné-gation. Les Blacks ne cuisentplus leurs adversaires au gril,mais à l’étouffée. Prochaineproie en vue: un coq gaulois à lacrête fière mais pas très vive.

F. M. et S. M. (à Auckland)

REPÈRES

Finale: Nouvelle­Zélande­France, dimanche à Auckland(10 heures, en direct sur TF1)Match pour la 3e place: Aus­tralie­Pays de Galles, vendredià Auckland (9h30, TF1)Résultat des demi­finales:France­Pays de Galles 9­8,Nouvelle­Zélande­Australie 20­6

«Le pays ne s’y trompepas. Je crois qu’il y aun gros engouementderrière cette équipe,derrière ce parcourschaotique et quelquepart très français.»Marc Lièvremont hier

2finales de Coupe du mondedisputées par les Bleus:deux défaites, contre la Nou­velle­Zélande (9­29) en 1987et l’Australie (12­35) en 1999.

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2finales de Coupe du mondedisputées par les All Blacks:outre leur succès de 1987, ilsont perdu celle de 1995 contrel’Afrique du Sud (15­12 a.p.).

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 SPORTS • 23

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Sebastian Vettel, remercie, hier en Corée, les mécaniciens Red Bull. PHOTO LEE JAE­WON. REUTERS

U ne semaine aprèss’être offert letitre mondial despilotes, l’Alle-

mand Sebastian Vettel a ap-porté celui des constructeursà l’écurie Red Bull et à sonmotoriste, Renault, en l’em-portant hier en Corée du Suddevant l’Anglais Lewis Ha-milton et l’Australien MarkWebber. Un deuxième titreconsécutif qui permet àl’écurie autrichienne d’affi-cher des statistiques qui enfont une des équipes les plustitrées du peloton.

L’homme : DietrichMateschitzL’homme d’affaires autri-chien, à la tête de la sociétéRed Bull dont il détient 49%des parts, est le patrond’écurie le plus discret dupaddock. Il se contente detrois ou quatre visites parsaison sur les Grand Prix,n’arrivant que le matin de lacourse, pour s’échapperaussi furtivement une foiscelle-ci terminée. Passionnéd’aviation, le milliardaireautrichien est aussi un vi-sionnaire dans le domaine dumarketing.Ignorant les sports tradition-nels, c’est via les sports ex-trêmes les plus prisés par lesjeunes –autant de consom-mateurs potentiels de la bois-son énergétique dont les ca-nettes sont décorées d’untaureau rouge– que Mates-chitz a développé la notoriétéde sa marque avant de s’inté-resser aux sports essentielle-

ment mécaniques (Red Bullsponsorise également Citroënen rallye), afin de profiter deleur plus forte exposition mé-diatique.Ainsi, son implication en F1s’est avérée incontournable etla marque Red Bull y est ap-parue, d’abord comme sim-ple sponsor à partir de 1995(Sauber puis Arrows), avantque l’Autrichien décide de ra-cheter l’écurie Jaguar mori-bonde, fin 2004. Puis, un anplus tard, la modeste forma-tion italienne Minardi, pour

en faire son équipe bis, aprèsl’avoir rebaptisée Toro Rosso,(traduction italienne de RedBull). Comme Mateschitz voitloin, il a fait de cette petiteéquipe le «centre de forma-tion» de la pépinière de jeu-nes pilotes que la marqueRed Bull finance en marge deson activité en F1. SebastianVettel en est à ce jour le pro-duit le plus abouti.

Le tandem gagnant :Red Bull­RenaultUn marchand de boisson augoût étrange qui débarqued’une manière assez tapa-geuse en F1 et parvient àtailler des croupières auxéquipes historiques, Ferrari,Williams et autre McLaren :voilà qui a fait se tordre quel-ques nez dans le paddock.

Après avoir reconstruitl’écurie sous la houlette d’unjeune manager, ChristianHorner, Red Bull s’est dotédes outils techniques les plusperformants et surtout d’untechnicien de génie avec leBritannique Adrian Newey.Red Bull a également eu labonne idée de construire unpartenariat de longue duréeavec le motoriste françaisRenault. Depuis 2007, c’estassocié à la firme au losangeque Red Bull a gagnéses 25 victoires (dont 10 cette

saison), décroché35 poles positionsdepuis 2009, si-gné 10 doublés etenchaîné 62 de ses63 podiums. Lamauvaise nou-

velle pour la concurrence :cette association de choc aété prolongée au moins jus-qu’à la fin de la saison 2014.

La phrase : «J’ai justepensé qu’il serait erronéde ne pas en avoir un»De Sebastian Vettel au sujetdu meilleur tour obtenujuste avant de passer la ligned’arrivée en vainqueur.«C’est idiot, car il n’y a pas depoint pour cela, mais nousavons eu tant de victoires cettesaison sans aucun meilleurtour…» a déclaré un Sebas-tian Vettel enjoué et joueur.L’Allemand a donné dessueurs froides à son chefmotoriste qui venait juste-ment de lui demander deménager sa mécanique.

LIONEL FROISSART

Depuis 2007, Red Bullet Renault ont décroché25 victoires, 35 polespositions et signé 10 doublés.

RedBulletRenaultsacrésenCoréeduSudF1 Vainqueur hier, Sebastian Vettel, champion du mondedes pilotes, a apporté le titre des constructeurs à son équipe.

FOOT Bordeaux coule à pic.La 10e journée de Ligue 1 dis-putée ce week-end aura cir-conscrit les ambitions duclub girondin d’Henri Saivet(photo), écrasé (0-3) à Niceet désormais relégable (18e).PHOTO AFP

10e journée. Samedi. Brest-Caen 1-1, Evian-TG-Saint-Etienne 1-2, Nice-Bordeaux3-0, Toulouse-Marseille 0-0,Montpellier-Dijon 5-3,Auxerre-Lille 1-3, Lyon-Nancy 3-1. Dimanche. Va-lenciennes-Sochaux 3-0, ACAjaccio-Paris-SG 1-3, Ren-nes-Lorient non parvenu.

MOTOGP Second titre pourCasey Stoner. Déjà titréen 2007 chez Ducati, le piloteaustralien de l’écurie Hondaest redevenu champion dumonde en remportant hier leGrand Prix d’Australie.

GYMNASTIQUE Cyril Tom-masone a pris l’argent aucheval d’arçon samedi auxMondiaux de Tokyo : la3e médaille mondiale fran-çaise à cet agrès depuis 1907.

Quand la boxe utilise lavidéo pour appuyer sesverdicts, elle ne fait passemblant: détenteur de laceinture IBF des lourds­lé­gers depuis sa victoirecontre l’Américain Cunnin­gham le 1er octobre, leCubain Yoan Pablo Her­nandez devra accorder unerevanche dans les 120 joursà son adversaire: aprèsexamen des images, l’IBF adécidé que les coupuresfaciales subies par Hernan­dez sur coups de tête invo­lontaires aux 3e et6e reprises n’étaient pas unobstacle à la poursuite ducombat. Le 1er octobre,l’arbitre avait estimé lecontraire et arrêté lecombat à l’appel de la7e reprise. On avait alorsregardé les pointages: leCubain de 26 ans en avaitdeux pour lui (58­55 et59­55) alors que Cunnin­gham, 35 ans, avait le troi­sième (57­56). Le vainqueurde la revanche défendra letitre le 11 mai face au Cana­dien Troy Ross.

BOXE : LA VIDÉOSONNE LAREVANCHE

L’HISTOIRE3C’est le nombre de médailles remportées par l’équipede France d’escrime à l’issue des Mondiaux qui se sontachevés hier à Catane (Italie). Les épéistes français ontdécroché samedi leur 8e titre consécutif par équipe. Hier,les fleurettistes hommes disputaient la finale par équipeface aux Chinois (résultat non parvenu). Seule médailleindividuelle: le bronze pour Victor Sintes au fleuret.

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«Mourir est beau.» Ces motsde la dernière strophe denotre hymne nationalexaltent les vertus guer-

rières d’un peuple qui, le seul dansl’histoire de l’humanité, sut convertirune révolte d’esclaves en épopée de laliberté. Une exaltation passionnée de lamort comme sacrifice, telle une quêteesthétique pour transcender lesmalheurs à l’origine de son existence.C’était voilà cent huit ans.Depuis, nous traînons l’angoisse de lamort entre catastrophes naturelles etcalamités politiques. Ce que nousavions pris pour la sublimation d’unvœu d’homme est devenu misères auquotidien. Misères du quotidien. Deséismes en cyclones, de sécheresse eninondations et en épidémies, nous voilàseuls avec nous-mêmes, nus et désar-més devant l’histoire, condamnés à su-bir la vie parce qu’incapables de nouscréer un destin de nation. Un constatd’échec dont malheureusement nousn’avons pas appris à tirer les multiplesleçons. Peuple amnésique! Nation sansmémoire autre que celle d’une guerrede libération que nous nous sommesévertués à ne pas mériter. Mourir nesaurait être beau.Sous les décombres des maisons le

12 janvier 2010, ballottés par des oura-gans en séries, décimés par toutes sor-tes d’épidémies la même année, mourirn’était pas beau. Mourir n’est plusbeau. Il fut même franchement laid caril n’est plus une exhortation à l’hé-roïsme pour nous obliger à forger l’ave-nir. Il s’impose comme une fatalité duprésent qui nous met face à une évi-

dence : être un peuple en sursis sousperfusion de l’aide internationale.L’aide internationale ! Parlons en jus-tement. Entre menterie des mots et hy-pocrisie des nations et des institutions,ceux qui dans le monde font métierd’avoir bonne conscience en auront dé-noncé les méfaits. De la corruption auxintentions d’asservissement. Pratiquesérigées en système, elles finissent parsacraliser toutes les formes de perver-sion. Au bénéfice d’intérêts qui de plusen plus cessent d’être occultés parcequ’ils arrivent à la limite ou ne font quebafouer ostensiblement l’ordre moral

du monde. L’aide internationale, cellequi jongle avec la sécheresse ici et là aubénéfice de famines à répétition, fautede s’ingénier à réinventer l’irrigation,celle qui force à la guerre pour expéri-menter de terrifiants et meurtriers jou-joux au profit de marchands hilares,faute par eux de connaître et de mesu-rer à sa juste valeur le prix de la vie, est

moins un marché dedupes qu’une vaste en-treprise de spoliationdes peuples. Ceux quidonnent autant queceux qui reçoivent. Ilfaudrait parler d’unemondialisation du vice

sinon du crime pour rendre l’exacteétendue d’un fléau desservant des inté-rêts très particuliers. Ruinant du mêmecoup toute conscience que les peuplesdevraient avoir de la notion d’entraideet de solidarité entre les hommes.Vous voici en ce lieu avec bien en têtedes intentions sinon la volonté d’aider.Un peuple à un autre ? Un Etat à unautre? Non point! Des gens simples, desgens ordinaires qui ont appris, quelquepart, que dans un ailleurs inclémentd’autres gens simples, d’autres gens or-dinaires eux aussi, fouettés par l’injus-tice du sort, sont en quête d’une solida-

rité agissante pour résoudre desproblèmes premiers. Solidarité agis-sante parce qu’elle devra aller au-delàde la commisération, de la compassion,de l’élan de générosité, de l’offrande,du don pour s’inscrire dans la perma-nence d’un choix. Celui d’accompagnerdes efforts et de créer des espérances.D’un côté, un besoin de dépassementde ses propres soucis, des réactionsémotionnelles à des détresses multi-formes et récurrentes pour construireune action dans la durée. Autant direune promesse à soi-même d’engage-ment à aller au-delà de ses simples ten-tations d’altruisme, à les ordonner pourqu’ils cessent d’être pulsions afin decautionner des appels, même limites,à partenariat.De l’autre une volonté d’être, de sortirde ce ghetto à la fois physique et psy-chologique qui enferme dans des cer-titudes de pauvreté, pour s’ouvrir auxautres, être présent au monde par la ré-cupération de soi (illusions et rêvesmêlés) par besoin de reconstruction desoi au mitan même des malheurs pourla reconquête d’un destin… Un destinde grandeur parce qu’il interpellaitd’abord et par-dessus tout un idéal deliberté qui magnifiait un besoin profondde dignité.

De séismes en inondations, nous voilàseuls avec nous-mêmes, nus etdésarmés devant l’histoire, condamnésà subir la vie parce qu’incapablesde nous créer un destin de nation.

Par JEAN­CLAUDEFIGNOLÉEcrivain et mairede la communeles Abricots(Haïti)

Haïti:au-delà de la compassion et de l’offrande

A Tomas Tranströmer,une lettre suédoise

Que le prix Nobel ait enfin été attri-bué au poète suédois TomasTranströmer, ce n’est pas fran-chement une surprise. Il figuraitdepuis de nombreuses annéesparmi les lauréats potentiels. Etceux qui militaient pour sa can-didature venaient pratiquement

du monde entier.Il a donc reçu le Nobel. Cela ne change rien au faitscandaleux qu’il n’ait jamais été élu à l’Académie sué-

doise. Là-bas, il estaussi maltraité que lefut, par exemple,August Strindberg– qui, lui, d’ailleurs,n’a jamais reçu le prixNobel.

Quoi qu’il en soit, cette académie vermoulue s’est en-fin décidée à lui attribuer son prix, et c’est une bonnechose. Non que Tomas Tranströmer ait grand besoinde l’argent qui l’accompagne. Pas plus que d’un pu-blic, car il n’est certes pas en manque de lecteurs.Dans le meilleur des cas, ce prix servira à lui en gagnerencore davantage.Moi qui vis une grande partie du temps en Afrique,surtout au Mozambique ces vingt-cinq dernières an-nées, il m’est parfois arrivé, en compagnie de lecteursou d’amis intellectuels, d’improviser une traductionportugaise de l’une ou l’autre strophe tirée d’unpoème de Tranströmer. Je n’ai pas mentionné son

nom. J’ai lu ma traduction, et ensuite j’ai interrogél’auditoire : «Qui, selon vous, a écrit ces vers ?»Tous s’accordaient à trouver la strophe émouvante,suggestive, belle. Mais la question de sa possible ori-gine donnait lieu aux hypothèses les plus échevelées.Pour l’un, il s’agissait d’un poème d’Afrique del’Ouest relativement récent, remontant tout au plusaux années 50. Un autre croyait être en présence d’unpoème perse très ancien. Chaque fois, la discussionse prolongeait jusqu’à ce que je leur révèle la vérité:les vers dont je venais d’improviser la traductionavaient été écrits par un monsieur suédois d’âgemoyen habitant une ville suédoise de taille moyenneappelée Västerås. (Ce n’est plus le cas, Tomas Trans-trömer vit aujourd’hui à Stockholm.)La Suède, d’un seul coup, devenait à la fois plus etmoins exotique. Car voilà que dans cette ville de pro-vince vivait un poète dont la poésie était compré-hensible par tous. Par les nomades du désert aussi bienque par des comédiens amateurs de livres vivant àMaputo. Ou par un auteur de prose tel que moi.Tomas Tranströmer est un grand narrateur. Il me sem-ble parfois que ses poèmes, aussi courts soient-ils,sont remplis d’histoires dont l’envergure et la pro-fondeur n’ont rien à envier aux romans de ThomasMann et de Dostoïevski. C’est un poète riche en récits.Il y a dans sa poésie une dimension épique qui, éton-namment, a besoin de très peu de mots pour se dé-ployer. De la même façon, je vois dans ses poèmesl’esquisse d’une dramaturgie très particulière.«Il y a, au milieu de la forêt, une clairière insoupçonnée

que ne découvre que celui qui s’égare (1).»Cette phrase contient l’amorce d’un drame fascinant.Au milieu des années 80, alors que je dirigeais unthéâtre, j’ai pris contact avec Tomas et lui ai demandés’il accepterait de tenter l’aventure. Il a répondu qu’ilne se croyait pas capable d’écrire pour le théâtre. J’ainaturellement respecté sa décision. Mais j’ai donnéla strophe ci-dessus à une jeune dramaturge, qui a en-suite écrit une très belle pièce à laquelle elle a donnéle titre Egarés.Tomas Tranströmer est un maître des images. Sesmétaphores, inattendues, sont de celles qu’onn’oublie pas. Aucun auteur, vivant ou mort, ne m’adonné autant de citations à ruminer. Pas même laBible.Mais son importance se mesure surtout pour moi à lafaculté qu’il a de se mouvoir entre le très grand et letrès petit. D’aborder un accident de la route de lamême façon que les plus épineuses questions existen-tielles. Par là, il nous devient très proche. Un compa-gnon fiable qui marche à nos côtés. Il nous invite àparticiper, il nous invite à nous asseoir avec lui à latable de la poésie.L’un des plus grands poètes de notre temps vient derecevoir une consécration légitime. Mon souhait estqu’elle conduise des lecteurs toujours plus nombreuxà vivre l’expérience de son œuvre.Traduit du suédois par Anna Gibson.(1) «La Clairière», in «la Barrière de vérité» (1978). Traductionde Jacques Oudin.Dernier ouvrage paru : «le Chinois» (Seuil).

Par HENNINGMANKELLEcrivain suédois

Un compagnon fiable qui marche ànos côtés. Il nous invite à participer,il nous invite à nous asseoir avec luià la table de la poésie.

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011

REBONDS • 25

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France-Rwanda: une «mémoire empêchée»?

Depuis plusieurs années, une vaguedouloureuse a fait irruption dans ledébat national et international : laconcurrence des victimes et ses

conséquences, la rivalité mémorielle et lesexhortations de certains pays à la repen-tance. La «mémoire empêchée» –pour re-prendre une belle expression de PaulRicœur– provoque son corollaire: la mani-pulation de la mémoire et son utilisation po-litique à des fins intérieures. Pensons à toutce que les logiques de déni, ou d’idéalisationde notre récit national, ont apporté commedénaturation de notre histoire et comme ins-trumentalisations politiques. Les relationsfranco-rwandaises comme les relations fran-co-algériennes sont remplies de fantômes.C’est ce refus forcené de la France d’admettreune forme de responsabilité fût-elle moraledans le génocide au Rwanda qui a conduitaux excès de la commission mise en place parPaul Kagame fustigeant de façon excessiveles complicités françaises. De même que lerefus d’ouvrir en France un grand débat,après la loi d’amnistie de 1966 sur la respon-sabilité française dans l’utilisation massivede la torture en Algérie et l’idéalisation de lacolonisation permit au pouvoir algérien tantde cyniques manipulations. Les excès des unsnourrissent les outrances des autres dans uncercle vicieux infernal. Les conséquences ensont innombrables : l’historien se disputeparfois avec le juge à qui l’on demande tropet les passions s’exacerbent. Edouard Balla-dur, qui qualifiait l’opération Turquoise d’en-treprise «coloniale», apparaît, par un clind’œil ironique et étrange de l’histoire,comme un homme de mesure et de sagesse,c’est dire… Or, la France a plus de responsa-bilités et donc de devoirs –c’est ce qu’elle re-vendique – que les autres pays d’Europe àl’égard de l’Afrique.On devrait publiquement aller jusqu’au boutde la réflexion pour comprendre ce qui aconduit la France à s’aveugler sur le régimehutu au pouvoir à Kigali et ce qui était à l’ori-gine d’une coopération militaire soutenuejusqu’à la dernière minute, alors que les actespréparatoires du génocide étaient de plus enplus voyants –plus personne ne le contestesérieusement– dans les années 1993-1994.On sait que le complexe de Fachoda – soitl’obsession de voir la perfide Albion bouterla France hors d’Afrique – imprime encorela carte ADN de certains de nos militaires.Les exaspérations à Kigali depuis tant d’an-nées ne sont pas fondées sur rien, bien aucontraire. On sait par de nombreux témoi-gnages recueillis par la commission d’en-quête mise en place par différentes ONGfrançaises (outre ceux du journaliste insoup-çonnable Patrick de Saint-Exupéry, des his-toriens, les travaux de Human RightsWatch, etc.) que certains officiers –en petitnombre certes–ont manqué à tous leurs de-voirs et, de fait, ont précipité certaines vic-times tutsies entre les mains de leurs bour-reaux et en tout cas a minima ne leur ont pasportés secours. On sait que des livraisonsd’armes se sont poursuivies en plein géno-cide et qu’un soutien financier se perpétuaitsur lequel personne n’ose encore aujourd’huis’expliquer sérieusement. On sait que l’ins-

truction ouverte depuis maintenant cinq ansau tribunal aux Armées à Paris sur la plainteque nous avons déposée pour complicité degénocide visant des faits limités et incontes-tables est totalement asthénique. Certainshauts gradés et politiques français se sont ef-forcés d’utiliser les outrances de Kagamepour disqualifier cette plainte comme si elleétait –lecture de mauvaise foi– une mise encause de toute l’armée française. Des poli-tiques nous serinent que cette mise en causedisqualifierait toute action visant à porter se-cours à des populations en danger demain enAfrique. Monsieur Paul Quilès, dans son arti-cle publié dans Libération le 30 septembre,n’a pas tort de dire que la commission d’en-quête qu’il a présidée était une première,puisque touchant au domaine réservé du pré-sident de la République. Avant de tourner unepage, dit un proverbe cambodgien, encorefaut-il la relire complètement, condition sinequa non, pour qu’elle ne se réécrive pas. Or,il n’y a pas eu de véritable interaction ou dedynamique entre les témoins entendus et lesrapporteurs. Le huis clos était trop systéma-tiquement ordonné dans certaines auditionset les documents clés continuent à être cou-verts par le secret-défense. Reste ainsi unparfum d’inachevé et d’ambiguïté qui anourri les manipulations rwandaises. On levoit, au-delà de ces épisodes, il y a une diffi-culté ontologique en France à explorer les pa-ges sombres de notre histoire.On oublie trop souvent que c’est grâce au tra-vail inlassable et courageux de Serge Klarsfeldque le mythe d’une résistance massive etspontanée des Français pendant l’Occupationest tombé. On oublie également que c’est

grâce au travail courageux d’intellectuels, telsque Pierre Vidal-Naquet ou Benjamin Stora,qu’ont continué à être explorées les dérivesatroces de notre armée dans les villes algé-riennes jusqu’en 1962. L’adhésion de beau-coup de Français à ce récit national idéalisén’est pas sans lien avec la crise d’identité queconnaît notre pays. Elle n’est pas sans liennon plus avec la nostalgie d’un empire perdu.L’obsession de maintenir envers et contre toutune place centrale de la France en Afrique aété ruinée aussi par les dégâts de l’action dela Françafrique qui, au lieu de servir la France,en ont gravement disqualifié l’image.Paul Kagame, astucieusement, n’a pas de-

mandé des excuses à la France. Il n’est pasexempt de critique. Loin s’en faut. Notre ca-pacité à l’oubli sur la responsabilité moralede la France a pour corollaires la thèse aber-rante du double génocide d’un côté et, del’autre, la manipulation du génocide parKagame pour diriger le Rwanda d’une mainde fer. Raison de plus pour considérer qu’ileût fallu trouver des mots justes, modérésbien sûr, pour dire que la France regrettaitses aveuglements, sa myopie, son empathieexcessive pour le régime hutu, alors que lessillons du génocide commençaient à se creu-ser, mais aussi qu’elle regrettait que son em-pathie ait conduit quelques officiers ici ou là

au pire. Il eût fallu aussi s’expliquer sur lesraisons de la complaisance de la France quipendant des années a accueilli, quand elle neles a pas exfiltrés, parfois en connaissance decause, des suspects de génocide qui n’ont étéarrêtés que par l’action inlassable de certai-nes ONG et d’avocats.L’image de la France auprès du tribunal pourle Rwanda, mais aussi de l’ex-Yougoslaviepar ricochet, en a pâti. Hubert Védrine, dansun article du 15 juin 2004 publié dans laLettre numéro 8, Institut François-Mitterrand,s’interrogeait : «Quant aux sommationsd’avoir à demander pardon, brandies par beau-coup d’inquisiteurs autodésignés, on s’inter-

roge. Qui devrait demanderpardon? A qui? De quoi? Dansl’espoir de résoudre quel pro-blème ? Laissons-là ce méli-mélo.»La contrepartie politique del’imprescriptibilité des crimescontre l’humanité est néces-

sairement le refus de l’oubli sur tout ce quia accompagné la commission des crimescontre l’humanité. Le gouvernement belge,Bill Clinton, Kofi Annan ont su trouver desmots, chacun avec ses nuances, pour direleurs regrets d’une action coupable des régi-ments belges de la communauté interna-tionale qui a précipité dans la mort800000 personnes. Si «l’Holocauste n’a pascommencé dans les chambres à gaz mais pardes mots», il ne fait aucun doute que lesplaies de ce génocide ne pourront se refermerqu’après une reconnaissance par tous lesauteurs de leurs actes. Les mots de la Francese font toujours attendre.

Par WILLIAM BOURDON Avocat

Pensons à tout ce que les logiques de déni,ou d’idéalisation de notre récit national,ont amené comme instrumentalisationspolitiques. Les relations franco-rwandaisessont remplies de fantômes.

Aucun pays ne s’est mobilisé autant

Je réagis à l’article de Dominique Fran-che que vous avez publié le 30 septem-bre sur l’honneur de la France auRwanda et je veux dire mon indigna-

tion. Cet article à charge cherche en quelqueslignes à démonter le travail considérabled’enquête conduit par la mission Quilèsde 1998, et dont le rapport compte plusieursmilliers de pages et les auditions de tous lesresponsables et autorités concernés. Aucunrapport, ni aucune étude n’ont depuis lorsinterrogé et entendu autant de témoins. Lamission d’enquête a conclu sans ambiguïtéà l’absence de responsabilités de la Francedans le génocide.Bien sûr, on peut toujours dire que notre paysaurait pu faire mieux, mais ce serait aussiintéressant d’avoir l’honnêteté de rappelercertains faits.Que c’est la France, la première, qui a décidéun embargo sur les armes, le 8 mai 1994. Quec’est aussi la France par la voix de son minis-tre des Affaires étrangères de l’époque, AlainJuppé, le 15 mai 1994, qui a parlé la premièrede «génocide». Que c’est encore et enfin laFrance qui est le seul Etat au monde à avoir

risqué la vie de ses soldats pour sauver desRwandais et pour mener la seule opérationhumanitaire d’ampleur au Rwanda. Le gou-vernement français a obtenu le feu vert duConseil de sécurité par la résolutionnuméro 929 en date du 22 juin 1994.L’opération Turquoise s’est exactementdéroulée dans les conditions fixées par la ré-solution des Nations unies. Elle a permis desauver des centaines de milliers de vies. Tur-quoise a également protégé des dizaines de

sites de regroupement de civils tutsis et per-mis aux ONG d’accéder en toute sécurité àces populations. Son mandat n’était enaucune manière de faire la guerre, mais demener une opération humanitaire, nettementdéfinie dans le temps et dans l’espace. Ellel’a remplie dans des conditions qui font hon-neur à l’armée française et à notre pays, jus-qu’à ce qu’enfin arrivent sur place les Cas-ques bleus de la Minuar II, fin août 1994.Il faudrait quand même avoir l’honnêteté derappeler tout cela et de souligner aussi

qu’aucun autre pays ne s’était mobilisécomme nous l’avions fait à l’époque.Devant la carence de la communauté inter-nationale et les obstacles mis par certainesgrandes puissances aux demandes du secré-taire général de l’ONU, la France a été la seuleà avoir un sursaut de courage.Qu’a fait le reste de la communauté interna-tionale? Avant de mettre en cause la Franceet ses responsables publics, civils et mili-taires, il serait bon que l’on s’interroge sur

l’attitude de ceux qui n’ont rien dit, quin’ont rien fait, qui n’ont rien tenté.Pourquoi n’en parlez-vous jamais etpourquoi ne posez-vous pas aussi cesquestions ?Non content de ressortir des accusa-tions sans fondement, l’article pousse

l’outrance à avancer des hypothèses totale-ment absurdes (la France qui aurait décidé detirer sur l’avion du Président). Trop c’esttrop.Finalement, la personne qui a le mieux ré-pondu à la question que posait Libération à saune du 12 septembre («Génocide rwandais:la France s’excusera-t-elle?»), c’est le prési-dent Kagame lui-même lorsqu’il a dit, sur leperron de l’Elysée, officiellement et commepour clore ce débat inutilement prolongé :«Je n’attends pas d’excuses de la France.»

Par BERNARD VALERO Porte­paroledu ministère des Affaires étrangères eteuropéennes

Avant de mettre en cause la France,il serait bon de s’interroger sur ceuxqui n’ont rien fait. Pourquoi neposez-vous pas aussi ces questions?

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201126 • REBONDS

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Café ouchocolat:la batailledu dessert

Arrivés à la pâtisserie, le débat s’étaitdécanté après plusieurs semaines d’ef-fervescence. Ne restaient plus en liceque les partisans du gâteau au café oudu gâteau au chocolat. Tous les autres(fans du baba, gourmands de fraisiers,dingues de la charlotte, ascètes dusablé) s’étaient ralliés.Ce serait donc café ou chocolat. Maisjustement. Comment choisir ?Café et chocolat avaient chacun sespartisans, qui n’en démordaient pas. Ades sourires furtifs, à un tutoiementmalgré tout fraternel, on sentait que lesdeux camps se respectaient –et mêmese ménageaient. On était entre gens quisont d’accord sur l’essentiel. Il eût ététrop bête que les choses dégénèrent.Mais tout de même, la question devaitêtre traitée comme elle le méritait.Chocolat ou café, le débat s’installa.C’était une question de principe. Ça re-montait loin. Aux siècles passés sansdoute, peut-être même aux traitesnégrières, même si per-sonne n’abordait fronta-lement le sujet. Des con-tentieux immémoriaux opposaient lesuns aux autres, manifestement indé-chiffrables aux étrangers, à la famille.On s’échauffait, sous le regard desautres clients, perplexes.La petite bande s’empara du trottoir.Chacun prenait la parole à tour de rôle.Des arbitres s’instaurèrent : il fallaitbaliser, fixer des règles à la discussion,qui ne favorisent pas l’un ou l’autre.«Le chocolat, c’est trop sucré», lança unamateur de café. Révolté, documentsà l’appui, le clan chocolat démontraque le dosage de sucre était exactementidentique dans les deux préparations.Et puis, il fallait avant tout plaire auplus grand nombre, séduire toute la fa-mille, et au-delà. Avec le chocolat, onne courait aucun risque. Le chocolat,c’était le consensus. Le chocolat ratis-sait large. Pas du tout, rétorquaient lesamateurs du café. Les temps avaientchangé. L’époque n’était plus au con-sensus mou, mais à la remise en ques-tion des certitudes les mieux ancrées,aux tentatives hardies, aux solutionsnouvelles. On était acculé à l’innova-tion. Le système habituel ayant fait lapreuve de son inefficacité, il fallait selancer, ne rien craindre. L’arrière-goûtcorsé du café pouvait avoir un effethautement mobilisateur. Corsé? Repri-rent en chœur les chocolistes, dédai-gneux. Amer, tout au plus. Amer? Onavait dit amer ? Cette fois, les bornesétaient dépassées. Un caféiste se munitd’une provision de choux à la crème,dans un dessein peu clair, mais mani-

festement inamical. Des chocolistes fi-rent une razzia sur les tartes à la crème.On s’échauffait. L’entartage généralmenaçait-il? Le groupe comptait quel-ques transfuges, passés dans les der-nières années du chocolat au café, ouinversement. On les montra du doigt.On ressortit des citations. «L’an der-nier, que mangiez-vous?» ricana un fi-dèle du café à l’adresse d’un convertiau chocolat.Quand les sondages internes indi-quèrent que le chocolat prenait l’avan-tage, les deux camps, portés à ébul-lition, en tirèrent argument. Pour leschocolistes, c’était entendu, il fallaitdésormais creuser l’écart, viser leconsensus le plus large qui souderait lafamille. Les caféistes rétorquèrentqu’ils ne se laisseraient jamais dépos-séder de leur choix par les sondages. Sil’on avait enfin arraché aux grands an-ciens, aux barons, aux duègnes, àl’élite, qui l’exerçaient naguère dans

une totale opacité, le droitde choisir le dessert, cen’était pas pour se laisser

imposer ses goûts! Et par qui donc? Pardes sondages manipulés par des puis-sances occultes, par la grande indus-trie, ou par la mondialisation néolibé-rale ! En outre, ces sondages étaientéloquents : ils démontraient parfai-tement que le système, par réflexed’autoprotection conservateur, se mé-fiait de la puissance subversive du café.C’était bien la preuve que leur goûtétait politiquement incorrect, tropdérangeant pour le consensus mou. Dureste, ces sondages n’avaient-ils pastoujours été démentis, dans le passé ?Le café, c’était l’antisystème. C’étaitl’avenir.Au-dessus de la mêlée, flottaient pour-tant, étrangement, des effluves récon-fortants. Si la joute se prolongeait, cha-cun sentait néanmoins que l’essentieln’était pas en cause. L’essentiel, c’étaitque ce débat puisse enfin avoir lieu,donnant une magnifique leçoncitoyenne au quartier, à la cité entière.Tous communiaient dans la satisfactiongrisante de pouvoir enfin exercer, surun enjeu essentiel, leurs droits démo-cratiques inaliénables. Jamais plus onne reviendrait en arrière.

MÉDIATIQUES

Par DANIELSCHNEIDERMANN

L'ŒIL DE WILLEM

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LONG NEZ A quel âge commence-t-onà baratiner? Les chercheurs OlivierMascaro et Olivier Morin remontentle fil des bobards infantiles.

L’enfance de l’art du mensonge

O n aurait pu faire le journald’un menteur, qui com-mence dès l’aube: «Tu as trèsbonne mine ce matin, ma

chérie», un lendemain de cuite phéno-ménale. «Ça va aller, ton contrôle demaths», à l’élève de cinquième mani-festement plus doué en PSP qu’enalgèbre. En arrivant au bureau, on bro-dera sur le magnifique week-end qu’onvient de passer, en fait deux jourssinistres dans la baraque rurale de co-pains, tout en fleurissant de compli-ments son chef de service. Continuerl’après-midi à baratiner les collèguesavec le vieux coup du pull sur la chaise,style «je suis dans la maison» (en fait,au bistrot). Et se finir sur le mensongeà soi-même («Demain, c’est gym,aujourd’hui je suis trop charrette»).Le mensonge (les mensonges, en fait,tant les formes sont nombreuses), s’ilest essentiellement intention detromper, c’est-à-dire de dissimuler sapensée, est partie intégrante de nosvies. La preuve, l’excellente revuesociologique Terrains consacre son der-nier numéro au «mentir». Entre deuxarticles érudits de confrères sur «Pour-quoi est-il si grave de mentir ?» ou«L’Etat ment-il ?», deux chercheurs,Olivier Mascaro et Olivier Morin, post-doctorants en psychologie et philoso-phie à l’université d’Europe centrale, àBudapest (Hongrie), se sont penchéssur la naissance du mensonge chezl’humain. Eh bien, ça commence tôt.Quand situez-vous la naissance del’«homo fabulator»?Il y a un éveil du mensonge autour de4 ans. Plus tôt, les enfants peuvent fairecroire des choses fausses à leur entou-rage tout en étant assez maladroits pourse dénoncer. Un enfant, par exemple,casse une lampe, sa mère n’a rien vu. Ilva la prévenir immédiatement: «Je n’aipas cassé la lampe.»A cet âge-là, les histoires de tromperiescomme le Petit Chaperon rouge (où leloup se travestit) ne sont pas comprises.Pas plus que certains jeux. Notre articleraconte l’histoire du petit Théo, qui joueà cache-cache. Son camarade luidemande : «Où es-tu ?» Et Théo derépondre: «Dans le garde-manger!» Cesont des menteurs d’occasion: l’intérêtqu’ils auraient à tromper leur mondeleur échappe le plus souvent, là où il

semble évident à de plus âgés. A 4 ans,leur pratique occasionnelle du men-songe fait place à un art de tromper bienplus maîtrisé.Dans quels cas l’enfant ment-il?Rousseau pensait que les adultes forcentles enfants à mentir en posant des in-terdits impossibles à respecter. Ce n’estsans doute pas la seule source du men-songe, mais c’est dans des situationscomme celles-là qu’on observe lesmensonges les plus précoces : on lesmet au pied du mur et ils nient leurfaute pour éviter d’être punis. Le plussouvent, l’enfant choisit l’honnêteté, etil faut des circonstances inhabituellespour l’en sortir.Quelle est la première forme de men-songe?Le mensonge de politesse. Les tout-pe-tits sont des communicants remarqua-bles, et ils se familiarisent vite avec lesrègles du savoir-vivre, qui ont des fron-tières très poreuses avec le mensonge.«Tu trouves que maman est jolie,aujourd’hui ?» Maman a beau être envieux pyjama, le petit dira : «Oh oui,maman, tu es très jolie !» Les enfantsmanifestent plus d’émotions positives,de joie, devant un cadeau quandl’auteur du cadeau est là que quand ilest absent: «Super, un pull vert», etc.A quel moment les petits peuvent-ils sereprésenter le mensonge chez autrui?Les très jeunes enfants ont les capacitésqu’il faut pour comprendre ce qu’est unmensonge: ils savent ce qu’est une in-formation fausse, et ce que c’est que lamalveillance (et ils s’attendent à la ren-contrer chez certains personnages ima-ginaires ou réels plus souvent que chezd’autres). Tout le problème est de passerde la théorie à la pratique. Le plus sou-vent, les enfants de 3 ans et moins sonttrop confiants pour utiliser le mensongedans leur vie.Alors, le mensonge est une composanteindissociable de la vie sociale? Partant,nous sommes dans un monde de men-teurs?Oui, et ça ne se limite pas aux humains.Si une grenouille rouge vif à la peautoxique fait fuir les prédateurs grâce àsa couleur, d’autres espèces de gre-nouille, non toxiques, revêtiront lamême couleur rouge pour tromperl’ennemi. Et elles continueront tant queles prédateurs se fieront à ce signal.En somme, le mensonge est partieintégrante de tout système de commu-nication. •

Recueilli par EMMANUÈLE PEYRETDessin SÉVERIN MILLET

Par vice, stratégie ou provocation…Revue de détail des différentes raisons de mentir.

«On ira voir Johnny H.au théâtre, c’est promis»

O n ment par amour, par politesse,parfois pour rien, parfois pourraison d’Etat. Parce que, évi-

demment, mentir ne consiste pas seu-lement à dire ce qu’on sait être faux.Petite typologie des mensonges. Nonexhaustive.

Pour faire plaisirEn tête, le mensonge de politesse, quiapparaît donc très tôt (lire ci-contre). Ils’agit de dire le faux pour ne pas embar-rasser quelqu’un, pour sauver les appa-rences. Ce mensonge est distinct de latromperie. Typique: «Oui, Johnny H. estun vrai rockeur», alors qu’on n’en pensepas un traître mot. Encore qu’en la ma-tière, les gens se donnent peu souventla peine de ce mensonge-là.

Pour faire son malinParfois, en inventant un détail dans unehistoire ou un événement banal, onment pour rien, comme ça. Genre: «J’aicroisé Johnny H.» Est-ce une forme detromperie? Oui, car on exploite l’atten-tion et la crédulité de notre interlocu-teur d’une façon qui peut lui nuire (parexemple, s’il est pris à répéter notremensonge). Ça permet de se rendre unpeu plus intéressant qu’on ne l’est. Vuqu’on n’a jamais croisé Johnny H. (en-fin si, mais il y a vingt-cinq ans, dansune boîte de Saint-Tropez).

Par viceOn peut le définir de deux façons: parl’intention de tromper, ou bien par

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VOUS

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Par DIDIER ARNAUD

Sous la haute protectiondu sain siège

pris le puzzle collector Johnny H. pour lerevendre sur le Boncoin.fr.» Ça, ça nepassera jamais.

Par stratégieC’est la manipulation préméditée et ac-tive des croyances d’autrui pour l’ex-ploiter ou lui nuire. Prendre l’initiatived’une promesse qu’on sait pertinem-ment fausse, par exemple: «On ira voirJohnny H. au théâtre, c’est promis», dansle cas pas grave ; l’affaire des faussesarmes de destruction massive deSaddam Hussein dans un cas plus dra-matique. Même si le mensonge mani-pulateur reste le plus célèbre, il est rela-tivement rare.

Par provocationTrès courant en politique, il ne trompepersonne. Il consiste à prendre les genspour des imbéciles en leur racontant ceque tout le monde sait être faux. Exem-ple : «Johnny H. est un niais analpha-bète.» Tout le monde sait que c’est faux,ça n’empêche. On en veut souvent da-vantage aux menteurs effrontés qu’auxmanipulateurs. On peut considérer queBerlusconi, au hasard, ment effronté-ment à une bonne partie de l’opinionitalienne. Il n’est sans doute pas le seul.

E.P.

I ls ont toutes les tailles,toutes les formes, fonc-tionnent avec des rou-

lettes. Il ne fallait pas s’as-seoir sur cet important sujet.Nous voilà donc au stand«mobilier de bureau» au mi-lieu d’un salon professionnelde la région lyonnaise. Facileà repérer, ce stand : unénorme fauteuil –deux mè-tres dix de hauteur, un mètrede large– trône, surélevé surun podium. Un client passe.Il demande: «Est-ce que vousfaites des sièges pour des gensqui ont du mal à se lever?» Levendeur répond, présente unmodèle avec frein électriqueet vérin, spécial pour ceuxqui pèsent plus de 200 kilo-grammes. Coût: 2000 euros.

En France, c’est le vendeurdu stand qui le dit, les amé-liorations qualitatives sur lessièges concernent unique-ment les personnes en situa-tion de handicap. Pas depréventif, donc. Le marchéfrançais est coincé entrel’italien et l’espagnol. «Onest sur un marché bas degamme», regrette notre spé-cialiste. Pour les innovations,il faut se tourner du côté despays scandinaves. Là-bas, ilsportent davantage d’intérêtaux conditions de travailquotidiennes, et réfléchis-sent à les améliorer. «On ahabitué le marché français àacheter de la merde», lâchesans concession notre ven-deur. Seule amélioration, aufil des ans, le diamètre desroues s’est considérablementagrandi pour faciliter le dé-placement des sièges. Ce quiest recherché par tous (cons-

tructeurs, spécialistes d’er-gonomie), c’est la mobilité.A côté des sièges, voilà lesbureaux réglables en hau-teur, de façon à habituer lescadres à travailler alternati-vement debout ou assis. Toutle temps en mouvement.«Quand quelqu’un est debout,il capte davantage l’atten-tion», sourit notre vendeur.

Cette visite nous avait laisséssur notre faim, alors nousavons googlisé «mobilier»,découvrant la subtile dis-tinction entre les «fauteuilsde bureau» et ceux «de la di-rection». Au-dessus, car ilexiste un au-dessus, voilà lesfauteuils «Présidents». Surun des sites, il a fallu se ren-dre à l’évidence: «Parce quevotre fonction nécessite quevous ayez les meilleurs desfauteuils de direction, nousdisposons d’une gamme demodèles en cuir de qualité…»Plus loin : «Profitez-en pourcommander les fauteuils “Pré-sidents” indispensables pourvos assemblées générales! Al-liant confort inégalable et ori-ginalité, ils apportent une tou-che d’originalité dans votrebureau par leurs lignes moder-nes ou rétro.» Un autre sitedétaille ainsi les bureaux dedirecteurs. Avec «mécanismebasculant blocable au niveaudes genoux, réglage de la hau-teur d’assise par vérin de sé-curité à gaz, soutien lombaireindividualisé […], la personnequi y prend place a égalementaussitôt belle allure.» Ceux-làvalent plus de 1 400 euros.Apparemment, les améliora-tions ne concernent pas queles handicapés. •

AU BOULOT

Est­ce que ça vaut le coup des’énerver autant? Aux Etats­Unis, des associations deparents voient rouge: ils ontdécouvert dans des rayons

de supermarchés des confiseries en forme de feuillesde cannabis. Pas de THC (la substance psychoactivedu cannabis) là­dedans, ni même un vague goût d’ortiesséchées: les bonbecs en question sont parfumés à lapomme. N’empêche, des parents anticipent une escaladevers la drogue. Bien sûr, on peut discuter du choixmarketing du fabricant des sachets Pothead Ring Pots etPothead Lollipops, estampillés «Legalize», et parier quedes ados se sont laissés tenter par le côté provoc­gag deces bonbons­là. Mais c’est un peu comme les cigarettesen chocolat. On les retire du marché? PHOTO DR

SUCE, C’ESTUNE FEUILLEDE CANNABIS

L’HISTOIRE

L’enfance de l’art du mensonge

l’inexactitude de ce qui est dit. On s’estbeaucoup battu dans l’histoire de laphilosophie pour savoir s’il était justede tromper autrui en lui disant quelquechose de littéralement vrai. Exemple :«Johnny H. est un acteur formidablementimmense.» Vrai ou faux ?

Par omissionIl consiste à diffuser ce qui, parmi leréel ou le probable, convient aux finspoursuivies, tout en omettant ce quinuit à ces fins. Certains mensonges paromission passent pour pardonnables,et sont même recommandés. «Je sais untruc sur Johnny H. que je ne dirai jamais.»

Pour se défendreOn ment pour échapper à une sanctionou à un péril immédiat. «Non, je n’ai pastiré le dernier Johnny H. à la Fnac, il asauté dans mon sac, tu vois.» Mensongetrès précoce, rarement prémédité, sou-vent contraint par les circonstances.Pour tenir sur la durée un mensonge dedéfense, on doit souvent s’enferrer dansdes mensonges plus créatifs et pluscomplexes.

Pour se faire pardonnerFaute avouée, pas toujours à moitié par-donnée, au contraire. «C’est moi qui ai

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est interdite

Le CarnetChristiane Nouygues

0140105245

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CARNET

naissanCe

Jean qui rit, grogne oupleure,Petit, Grand ou Jean Jean,Jeannot, Pepito oukiki-

rocker...Jean, tout simplement,est né le 2 septembre 2011

Il sourit à la fée Zélie, née enBretagne le 13 octobre 2011 !

ConférenCes

Visite-conférence Placedes Victoires

Samedi 15/10 à 11h,mardi 18/10 à 12h30jeu 20/10 à 13h, 10€/p

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BLIND TEST La chanteuse Camille a réécouté dans le noir les quinze titresde son nouvel album, «ilo veyou», et les commente pour «Libération».

«C’est un pet,je répète, c’est un pet»S ix ans après le Fil, qui l’avait révélée

au grand public, et trois ans aprèsMusic Hole, qui en avait laissé plusd’un sur le bord de la route, Camille

était attendue au tournant, avec son qua-trième opus. Son titre, ilo veyou (déplacezles syllabes et vous retomberez sur I LoveYou), laissait présager le pire. Celui d’unmaniérisme un peu content de lui. Heu-reusement, il n’en est rien. Et c’est mêmetout l’inverse. Camille a réussi la prouessede trousser un album d’une ambitionpresque écrasante pour la concurrence etd’une simplicité tout enfantine (lire pagesuivante). Enceinte de son premier enfant,Camille a enregistré ses quinze nouvelleschansons aux quatre coins de la France,dans des salles de danse, une abbaye duCher, une chapelle, des églises… A 33 ans,elle est devenue une très grande dame dela chanson française. A la fois horrible-ment talentueuse et toujours aussi joli-ment givrée.On la rencontre dans les locaux de sa mai-son de disques. Mais en lieu et place de latraditionnelle interview, on lui proposed’écouter ses quinze nouvelles chansonsdans le désordre. Et de parler dès que celalui chante, et surtout comme ça vient. Ellese plie de bonne grâce, se love dans unfauteuil et recouvre son nez d’un mou-choir imbibé d’essences essentiellesd’eucalyptus (elle a la gorge qui pique). Ilest 10 heures du soir. Tout est silencieux.Les lumières du bâtiment se coupent d’unseul coup. Nous sommes plongés dans lenoir. Seul le faisceau d’une lampe de po-che nous permet de lire le lecteur CD. Atravers la verrière du plafond se reflète unelune et passent quelques avions de lignespressés de rentrer à la maison.Mars Is No Fun. «Là, j’entends d’abordla respiration que je prends au début de lachanson. Cela fait pour moi partie inté-grante de l’identité de l’enregistrement.Je ne la fais pas à chaque fois. Mais là, c’estresté.»Message. «Je vais vous poser une ques-tion. Vous devez trouver le truc très parti-culier qui se passe à la fin de cette chan-son. C’est la première fois que celam’arrive. Je pense même que c’est histo-rique pour la pop music. En tout cas, pour

moi, c’est un moment charnière. Mais jene vous dirai pas ce que c’est. Vous aveztrois jours pour trouver [l’entretien s’estdéroulé jeudi soir, ndlr]. On va lancer ungrand jeu concours dans Libé pour que lesgens trouvent ce qui se passe à la fin decette chanson. Et puis vous donnerez laréponse en bas de la page (1).»Wet Boy. (La chanson s’écoule en entier.On l’entend pleurer. Long silence.) «Pourmoi c’est l’émotion qui… J’écoute ça et jene comprends pas pourquoi on me poseautant de questions sur la musique. Voilà.»Le Berger. «Là, je revois le lieu où j’aienregistré. C’est dans une salle de danseà Paris, un sous-sol. Un endroit trèspersonnel que je n’ai pasforcement envie de révé-ler. Je réentends les bruitsdu lieu. On m’a beaucoupdit qu’il fallait les suppri-mer, mais j’ai tenu à lesgarder. Sur ce disque, jene fais pas un travail surles ambiances sonorespour comprendre où l’onest. Par contre, s’il y a deschoses qui arrivent pendant l’enregistre-ment, cela ne me dérange pas de lesgarder. Ici, on entend des bruits de pasau-dessus de nous. Sur nos têtes. Mais jene sais pas qui marchait. Et on ne le saurajamais.»My Man Is Married But Not to Me. «Jetrouve que l’arrangement des cordes qu’aréalisé Clément Ducol sur cette chansonest vraiment génial. Ça a fini par détermi-ner toute la couleur du disque. (Silence.)J’aime bien cette chanson.»Tout dit. «Il existe une autre version decette chanson où l’on entend mieux le lieude l’enregistrement. Cette version-là, jela trouve un peu trop compressée. Je croisque je préfère le mix qui n’a pas été retenu.Il donnait une image plus réelle de ce quej’avais pu ressentir à ce moment-là. Onentendait vraiment les oiseaux et la réso-nance de l’abbaye de Noirlac.»Le Banquet. «Je trouve le tempo de lachanson un peu lent. Je la chanteaujourd’hui un peu plus vite. Je devais êtretranquille, posée à l’époque. Là, en ce mo-ment, je suis fatiguée. Mais cet état de fa-tigue me donne une certaine acuité.Quand je me rappelle comment j’étais

il y a dix ans, ça partait vraiment dans tousles sens. Sinon, je revois là aussi le mo-ment de l’enregistrement. On entend unepetite voix quelque part. Une toute petitevoix. Enfin, moi, je l’entends. Mais je nesais pas si vous pouvez l’entendre. On n’ajamais su ce que c’était. C’était à la cha-pelle de l’Hermitière, un très joli village enBasse-Normandie. Il y a une chapelle, unchâteau et une mairie. Et juste à côté, unemaison où, sur les murs, était écrit :«Maire gros trou du cul». Un mec, un peuanar, a transformé sa propre maison enmur à graffitis. Et il passe l’année à insul-ter le maire sur son portail. C’était ça,l’animation du village.»

Pleasure. «C’est la même église. Je l’aichanté comme ça en une fois, toute seule.Et ça a atterri sur le disque. (Silence.) Jel’aime bien.»Aujourd’hui. «En une demi-seconde, jela reconnais. Au début, ce ne sont que dessons. Pour moi, la prise de son, c’est unvéritable instrument de musique. Ici, c’estpresque un son de reportage radio, un peusaturé. C’est une chanson à l’arrache,chantée en marchant. Même si je me sou-viens du moment où je l’ai écrite et d’oùça vient, par pudeur je ne vais pas en par-ler spontanément. La chose que je montre,que je donne, c’est la chanson, ce n’est paslà d’où elle vient. Souvent, dans les inter-views, on vous demande d’expliquer cettegenèse, d’expliquer l’inexplicable. J’en ar-rive à raconter des histoires de chansonsdont je ne suis pas sûre qu’elles corres-pondent à une quelconque réalité. Et aubout d’un moment, j’y crois moi-même.Vous allez me dire que pour cette inter-view, il n’y a pas assez de tripes, c’est ça?(Elle rigole.) Vous n’avez qu’à dire que j’aipleuré. J’ai pleuré, mais vous n’avez pas pum’entendre pleurer.»Allez Allez Allez. «Cette chanson a été

la plus difficile, en termes de production,pour trouver exactement ce que je voulais.Enfin, “ce que je voulais”, c’est pas labonne expression, car je ne sais jamais àl’avance ce que je veux. Disons, quelquechose qui me satisfasse.»Bubble Lady. «Aujourd’hui, je la chanteun peu plus timbrée, plus jazz. Evidem-ment, il y a un petit clin d’œil à BobbyMcFerrin. J’ai eu l’occasion de le croiserà deux reprises. Et je l’ai beaucoup regardétravailler. Ferrin est un musicien totale-ment dédié à la musique. Surtout, il en afait un chemin spirituel. C’est très tou-chant. En ce moment, il est dans unephase de sa vie où il veut transmettre sonart du chant et de la musique. C’est coura-geux, car je pense que la transmission,c’est la chose la plus difficile.»Ilo Veyou. « A l’origine, j’avais pensé à unpetit format de comptine de cour d’école.Mais sur un rythme de transe, qui par dé-finition peut durer très très longtemps.D’où le côté révolutionnaire de la chanson.Si bien qu’on en parlera peut-être danscent cinquante ans (elle rigole). Peut-êtrequ’on est passé pas très loin d’un tube der’n’b mondial.»La France. «J’adore le son. Un bon son decordes, de pièce, un peu vieillot. J’entendsle souffle de la bande car la chanson a étémixée sur une bande analogique. La voixme fait marrer. Certains m’ont dit quej’avais pris la voix d’Edith Piaf sur cettechanson, mais pas du tout. (Elle se metchanter avec la voix de Piaf.) L’idée, c’étaitune voix des années 40, l’Appel du18 juin… un peu la France (elle le chantecomme sur la chanson).»(Juste avant que l’attaché de presse ne vienneinterrompre la séance, Camille, hilare, décidede se cacher dans le coin de la pièce sous unetable. On est toujours dans le noir. L’entretienest en train de nous échapper.)L’Etourderie. «Ben ça, c’est le tube…»She Was. (Après trois secondes d’écoute,Camille se lève et, toujours hilare, coupe leson.) «C’est très beau, merci. Mais cel-le-là, soit je l’écoute vraiment, soit je nel’écoute pas.» •

(1) En réécoutant l’enregistrement del’entretien , on découvre que Camille achuchoté une réponse presque inaudibleà son jeu concours. Elle susurre: «C’est un pet,je répète, c’est un pet.»

Par GRÉGOIRE BISEAU

«J’entends le souffle de la bande carla chanson a été mixée sur une bandeanalogique. La voix me fait marrer.Certains m’ont dit que j’avais prisla voix d’Edith Piaf sur cette chanson,mais pas du tout.»Camille écoutant son titre la France

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201132 •

CULTURE

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Un quatrième opussensuel et cohérent,en forme d’anthologiede la chanson française.

Camilletouchéepar la grâceCAMILLECD: ILO VEYOU (EMI/Virgin).Sortie aujourd’hui. En tournée: le 24 octobre àBordeaux, le 26 à Nice, les 28 et 29 à Marseille…Du 12 au 18 décembre au Café de la danse, 75011.

S i vous faites partie de ceux qui se sen-tent ou se disent résolument hostilesà Camille, et dont le quatrième opus,

Ilo Veyou, tombe malgré tout entre vosmains, un seul conseil : sauter la plage 1.Cette note explicative («Camille est unejeune maman, Camille est heureuse et lemonde est beau») risque de vous agacerpour rien. Et, surtout, de vous gâcher lavraie porte d’entrée de l’album: la splen-dide chanson titrée l’Etourderie. Une petiteperle, d’une simplicité presque timide, quiannonce la couleur des quinze chansons àvenir : chaude, fragile et sensuelle.A parcourir ce Ilo Veyou dans tous les sens,il n’est pas interdit d’être pris d’un débutde vertige. Comme si la chanteuse Camilles’était mis en tête d’écrire son anthologiede la chanson française, elle va passer touten revue : la comptine enfantine (le Mes-sage), la ballade médiévale (le Berger ou leBanquet), un pastiche loufoque et désopi-lant de la chanson réaliste d’après-guerre(La France). Ici ou là, il n’est pas interditd’entendre des échos de Maxime Le Fores-tier, Anne Sylvestre, Edith Piaf, ClaudeNougaro ou Brigitte Fontaine… Et, commesi cela ne suffisait pas, Camille s’offre uneéchappée du côté de la transe, qui manquede se transformer en énorme tube de dance(Ilo Veyou). Puis claque la bise à BobbyMcFerrin, dans un babil d’une affolantemaîtrise (Bubble Lady).De ce millefeuille, on aurait pu craindrel’indigestion, et surtout l’exercice virtuosedu chien savant. C’est tout le contraire. Ilse dégage de la brocante de formes une im-pressionnante cohérence. Grâce d’abordaux arrangements de Clément Ducol, quidonne aux instruments (notamment lescordes) une profonde résonance acous-tique finissant par infuser tous les titres del’album. Puis, il y a la voix de Camille. Evi-demment impressionnante. Mais cette fois,elle a choisi le chemin, non pas d’une vir-tuosité à tout prix, mais de la mise au ser-vice des mélodies de ses chansons. Commesi ce Ilo Veyou avait été habité par une mys-térieuse grâce. Illuminée et joyeuse.

G.Bs.

Camille a enregistréses quinze nouvelleschansons aux quatre

coins de la France.PHOTO ARMELLE BOURET

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 CULTURE • 33

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CINÉMA Une cour iranienne aurait confirmé la condamnation du cinéaste. Peut-être pour l’obliger à fuir.

Jafar Panahi, six ans en suspensL a mobilisation interna-

tionale en sa faveurn’aura pas suffi : une

cour d’appel iranienne pour-rait avoir confirmé la con-damnation du cinéaste JafarPanahi à six ans de prison etvingt ans d’interdiction defilmer, de voyager ou des’exprimer, y compris eninterview. Pour le moment,l’information, donnée par unmembre de la famille à l’AFP,n’est pas officielle, et sonavocate, Farideh Gairat, a in-diqué ne pas avoir reçu noti-fication du jugement. Resteque le quotidien gouverne-mental Iran y a fait allusion,samedi, en indiquant que lasentence avait été confirméeavec les mêmes accusationsd’«action contre la sécuriténationale et propagande contrele régime». Cette nouvellecondamnation remonterait àdeux semaines.Hommages. Samedi,l’auteur du Cercle, qui avaitobtenu le lion d’or au festivalde Venise en 2000, était tou-

jours en liberté à son domi-cile. A l’évidence, le ci-néaste, trop populaire àl’étranger, embarrasse lepouvoir, qui préférerait levoir quitter l’Iran. Son arres-tation, en mars 2010, sa dé-tention pendant trois mois,puis sa condamnation en dé-cembre, avaient provoqué laréprobation des milieuxartistiques et politiques occi-dentaux, qui se sont mobili-sés pour demander l’aban-don des poursuites contrelui. Les festivals les plusprestigieux, dont Cannes, laMostra de Venise ou la Berli-nale, ont fait de Jafar Panahileur invité d’honneur, luidédiant une chaise vide,organisant hommages etrétrospectives de soutien.En fait, Panahi aurait puquitter l’Iran et, sans doute,le peut-il encore. Mais il s’yrefuse, estimant que sa placedemeure sur place. L’an-nonce par voie de presse desa nouvelle condamnationpourrait être un moyen de le

pousser à fuir. Lui-même estl’objet d’une polémique ausein du pouvoir, à l’heure oùles rivalités entre factionss’intensifient. Le lourd juge-ment de décembre avait ainsiété critiqué à mi-voix par la

présidence iranienne, à cou-teaux tirés depuis plusieursmois avec l’autorité judi-ciaire, contrôlée par le Guidesuprême, l’ayatollah AliKhamenei, sur de nombreuxdossiers sensibles. «Le gou-

vernement et le Présidentn’approuvent pas la condam-nation» de Panahi, avaitdéclaré, en janvier, le con-seiller occulte de MahmoudAhmadinejad, Rahim Esfan-diar Machaie, directeur de

son cabinet. Néanmoins,c’est une vraie guerre quetout le régime islamique,soutenu par des réalisateursdits «hezbollahis», a engagéecontre le cinéma indépen-dant. Dans ce conflit desdeux cinémas, le secondprend tous les coups. Plusd’une dizaine de réalisateursou acteurs ont été arrêtés et,parfois, durement condam-nés depuis l’été, pour «pro-pagande contre le régime», etplusieurs documentaristesaccusés d’avoir donné «uneimage négative» du pays.Fouet. Début octobre, l’ac-trice Marzieh Vafamehr a étécondamnée à un an de pri-son et 90 coups de fouet pouravoir joué dans un film évo-quant les difficultés faitesaux artistes. Ces dix derniersjours, une quarantaine deréalisateurs et documenta-ristes ont été convoqués auministère des Renseigne-ments pour des interrogatoi-res de plusieurs heures.

JEAN-PIERRE PERRIN

JEAN-PIERRE DARROUSSIN

LES FILMS DU LOSANGE PRÉSENTENT

Debon JEAN-MARC MOUTOUT VALéRIE DRéVILLE XAVIER BEAUVOIS YANNICK RENIERUN FILM DE

ACTUELLEMENT

“POIGNANT”

“PROFONDÉMENT HUMAIN”

“DARROUSSIN IMPRESSIONNANT”

“SAISISSANT”

“BIEN JOUÉ ! ”

“FORMIDABLE”

TÉLÉRAMA

“DARROUSSIN EXTRAORDINAIRE” LE FIGARO

ELLE

20 MINUTES

LE JDD

LIBÉRATION

LE PARISIEN

“PUISSANT”PARIS MATCH

mati n

Jafar Panahi à Téhéran, en avril 2008. PHOTO BEHROUZ MEHRI. AFP

MARK KNOPFLERet BOB DYLANPalais omnisports Paris­Bercy,8, bd de Bercy, 75012.Ce soir, 20 heures,Rens.: 0140026060.

E sthète collectionneurde Norton, moto reinedes années 60, le guitar

hero écossais Mark Knopfler,tombeur du punk avec songroupe racé de Sultans duswing 1978 Dire Straits deGlasgow, qui fit les ventesdes Beatles, tenait, en 1979,la guitare pulpeuse de SlowTrain Coming, l’un des der-niers LP majeurs du profusBob Dylan, star américainelégendaire, entre autre, pourun accident de moto – an-glaise, Triumph Bonneville…A la croisée des influences duguitariste Charlie Christian,pour le toucher de cordes, du«troubadour» intouchableJ.J. Cale pour l’inspiration, etpour le chant, en quasi talk-over, de Lou Reed et… BobDylan (l’auteur de Communi-qué ou Telegraph Road, aussi

doué à cet égard que le créa-teur de Highway 61 Revisitedou Tarentula), Mark Knop-fler, 62 ans chauves évasés,s’est recentré ces dernièresdécennies, en solo, sur le pa-trimoine folk migrant, no-tamment gaélique. Toutcomme Bob Dylan du Min-

nesota, 70 ans arthritiquesacérés et frisotés, s’estoccupé à revisiter le réper-toire boogie-blues New Or-leans cadencé Vieille Europedu Nouveau Monde.Les deux Raminagrobis en-nemis, ressortis de leursemi-retraite dorée et assor-tis en tournée mammouth,font une affiche rock-FM destades à goût estivald’automne réchauffé…A l’époque de la coopérationdu tandem sur Slow TrainComing puis, surtout, la pro-

duction d’Infidels en 1983, leschoses ne s’étaient pas sibien passées entre le piratepoète de Duluth et le calibrearrangeur de Glasgow… BobDylan ne s’était pas gênépour saboter le boulot deMark Knopfler, n’hésitantpas à squeezer ses mixages

pendant quel’autre tournaitavec Dire Straits.Comme WillyDeVille devait lefaire, grossière-ment, sur Miracle,

autre production Knopfler àhauts risques caractériels.Aujourd’hui, l’heure est àl’accord affiché. Entente depure façade contractuelle,manifestement: soit soixan-te-quinze minutes de Knop-fler en vedette américaine,pareil de Dylan aléatoire aupiano, point. A la limite de latromperie sur la marchan-dise… Ceux qui rêvent d’en-tendre Dylan et Knopflerduettiser Calling Elvis enseront pour leurs frais.

B.

ROCK Le tandem country-folk magique ressuscité,mais séparément, ce soir à Paris-Bercy.

Knopfler et Dylan, leretour du «Slow Train»

L’heure est à l’accordaffiché. Entente de purefaçade contractuelle,manifestement.

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201134 • CULTURE

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P eu avant de mourir dusida à 34 ans, en no-vembre 1988, le jour-

naliste télé de Libération Phi-lippe Hoummous confiait :«Avec mes articles sur Reinettel’Oranaise ou Cheikh Ray-mond, je peux partir content.»Deux ans plus tôt, le 14 no-vembre 1986, ce passionnédes cultures orientales (deson vrai nom Mourrasse-Morlacq) avait publié dans cejournal une pleine page sur«Raymond le Sépharade». Etfait découvrir à un publicprofane l’existence de cechanteur et joueur de oud(luth) assassiné en 1961, enpleine guerre d’Algérie.Un quart de siècle plus tardparaissent simultanémentune biographie érudite dumusicien (1) et un coffret de3 CD d’œuvres inédites (2).Jusqu’ici, le seul enregistre-ment disponible était leconcert donné au printemps1954 à l’Université populairede Constantine, paru en 1994sur le défunt label Al Sur.Art savant. Le nom de Ray-mond Leyris, dit «cheikh»(«maître»), a pourtant étésouvent prononcé par EnricoMacias, qui est à la fois le filsde Sylvain Ghrenassia, insé-parable violoniste du maître,son disciple (il débuta enjouant de la guitare dans sonorchestre), et son gendre,puisqu’il épousa la fille ducheikh, Suzy. En 1999,Enrico rendait un émouvanthommage à son beau-pèresur scène et sur CD, prolongépar le Voyage d’une mélodie,en 2011.Le malouf, art savant à la foispoétique et musical, est lavariante constantinoise de lamusique dite andalouse, carapportée au Maghreb par lesjuifs et musulmans chassésd’Espagne au XVe siècle. Leraffinement musical descours des califes de Séville,Cordoue ou Grenade a ainsisurvécu à Alger, Fès, Tlem-cen, Tunis ou Constantine.La musique andalouse estconstituée de noubas, ceslongues suites transmisesoralement au fil des siècles.A Constantine, ces orches-tres rassemblent musiciensjuifs et musulmans.Le livre de Bertrand Dicaleexcelle à décrire les rapportsentre ces communautés par-tageant une langue, l’arabe,et une musique, mais où lestensions affleurent parfois de

façon violente, comme lorsdu pogrom du 5 août 1934.Raymond Leyris, fils illégi-time d’une Française et dufils d’un commerçant juifmort dans les tranchéesen 1915, est élevé par unenourrice juive, dans l’obser-vance hébraïque.Adolescent, il se glisse dansles foundouks, ces aubergesoù, le vendredi soir, leshommes se réunissent pourécouter du malouf. Pour en-

trer dans le monde fermé desmusiciens, il faut commen-cer par s’asseoir dans uncoin et s’imprégner des tex-tes et musiques de ces suitesparfois longues d’une heure.Que l’élève finit par mémo-riser dans leurs moindresnuances.Grâce à la radio, puis à la té-lévision, le malouf quitte lefoundouk pour séduire un pu-blic plus vaste, qui voue unculte à l’orchestre de Ray-mond Leyris et à son chanttrès sobre, comme l’exige legenre. Art austère, il requiertune écoute concentrée pourapprécier les modulations de

la voix ou la subtilité du jeude la risha (plume d’oie quisert de plectre) sur les cordesdu oud.Témoignage. A la fin desannées 50, entre les attentatsdu FLN et la répression aveu-gle du colonisateur français,les Juifs d’Algérie commen-cent à songer au départ.Raymond Leyris s’y refuse.Le 22 juin 1961, à 49 ans, ilest abattu d’une balle dans lanuque. Le message est clair:

en tuant le Juif leplus aimé desArabes, le FLN af-firme que l’Algé-rie indépendantese fera sans Juifsni Français.En un demi-siè-

cle, aucun témoignage oralou écrit, direct ou indirect,n’a éclairé les circonstancesde son assassinat. Pour Ber-trand Dicale, seule l’ouver-ture des archives du FLN,parti au pouvoir depuis l’in-dépendance, pourrait éluci-der cet épisode. C’est inen-visageable pour le moment,à moins d’un hypothétiqueprintemps algérien.

FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ

(1) «Cheikh Raymond,une histoire algérienne»,de Bertrand Dicale, éditionsFirst, 19,90€.(2) «Anthologie 1937­1961»,Universal Jazz.

MALOUF Un coffret et une biographie rendenthommage au maître juif algérien, assassiné en 1961.

Cheikh Raymond,Constantine noble

Le malouf est une variantede la musique andalouse,apportée au Maghreb par lesjuifs et musulmans chassésd’Espagne au XVe siècle.

John Cale En tournée avec son nouvel EP, Extra Playful, l’ex­pilier duVelvet Underground fait halte à Paris. A la Maroquinerie, 23, rueBoyer, 75020. Ce soir, 19h30. Complet. Egalement le 2 novembre aucentre Pompidou, 75004.

Concert du prix Constantin Dix postulants en lice pour la palme decette promo 2011 –dont Bertrand Belin, Alex Beaupain, Selah Sue oules Shoes. Olympia, 28, bd des Capucines. 75009. Ce soir, 19h30.

MÉMENTO

Prix des Antipodes de Saint-Tropez…Le film australien Lou, de la réalisatrice Belinda Chayko (surune adolescente et Alzheimer), a remporté, samedi à Saint-Tropez (Var), le grand prix des Antipodes, décerné lors destreizièmes rencontres du même nom, consacrées aux cinémasaustralien et néo-zélandais.

… et chistera de Saint-Jean-de-LuzUne bouteille à la mer, de Thierry Binisti (sur une adolescenteet un attentat à Jérusalem), a reçu, samedi soir, la chisteradu film au festival international des jeunes réalisateurs deSaint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). La chistera dela réalisation est allée au Belge Michael R. Roskam pour Bull-head (film vétérinaire sur un trafic d’hormone).

«Les gens veulent une démocratieuniverselle, authentique, sans frontièresni tabous. Ils rejettent les dictateurs,l’extrémisme, le pouvoir des marchés,l’emprise étouffante de la religion.»L’écrivain algérien Boualem Sansal recevant dimanche leprix (25000 euros) de la paix de la Foire du livre de Francfort

Raymond Leyris, dit Cheikh Raymond (non datée). PHOTO DR

Le comédien de cinéma etde théâtre Heinz Bennentest mort mercredi enSuisse à l’âge de 90 ans. Ilest connu en France pouravoir interprété le metteuren scène de théâtre juif,mari de CatherineDeneuve dans le DernierMétro de François Truffaut(1980), ou pour sa presta­tion dans Possession,d’Andrzej Zulawski (1981),face à Isabelle Adjani. Néen 1921 à Aix­la­Chapelle,en Allemagne, il a tournéavec Volker Schlöndorff(l’Honneur perdu deKatharina Blum) et IngmarBergman (l’Œuf duserpent). Il est le pèrede David Bennent,le gamin du Tambour,de Schlöndorff, palme d’oren 1979. PHOTO AFP

L’ACTEURHEINZ BENNENTQUITTE LA SCÈNE

DISPARITION

LAURENT LAVOLÉ PRÉSENTE

LE 19 OCTOBRE AU CINÉMA www.rezofilms.com

MARIE-JOSÉE CROZE

UN FILM DESANTIAGO AMIGORENA

«MAGNIFIQUEMENT INTERPRÉTÉ PAR MARIE-JOSÉE CROZE» NEXT LIBÉRATION

«UN THRILLER INTIME, ADULTE ET CHAUFFÉ À BLANC» LE MOUV’

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011 CULTURE • 35

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PRESSE Salariés et syndicats ont manifesté vendredi devant le journal,alors que la direction confirmait le passage au tout-numérique.

«France-Soir»: veilléefunèbre pour le papier

L a masse humaine mord unpeu sur l’avenue desChamps-Elysées. Un four-gon de CRS s’est garé de

guingois près de l’entrée de France-Soir, et deux policiers en filtrentl’entrée. Qui rêvait de voir arriverune berline noire avec le jeunepropriétaire russe à son bord, bardéde ses gardes du corps, en est pourses frais. Alexandre Pougatchev estentré dans les locaux ce vendredimatin bien avant l’arrivée sur letrottoir des premiers manifestants.Façon d’éviter, sans doute, uneéchauffourée à l’issue incertaine.Le contraste des parties en pré-sence laisse rêveur. Le rejeton de26 ans d’un oligarque russe, auxmains percées de millions pro-digues, face à trois ou quatre centsmanifestants, majoritairement la

fine fleur des syndicalistes CGT :beaucoup de gros bras vêtus denoir arborant l’autocollant rouge.Deux mondes dans le même instanthistorique, carpe et lapin pris dansl’inéluctable déclin de la presse pa-pier. Pour l’occasion, la base del’attirail de la lutte a été déployée:une voiture avec songros ballon labellisésur le toit, un porte-voix et des slogans ap-posés sur les pan-neaux du coin de larue, qui promettentl’ouverture prochaine d’unMarks&Spencer. Et l’assurance dediscours musclés.

CADORS. Dans une demi-heure, à10 heures, un comité d’entrepriseva officialiser un plan, secret de po-lichinelle depuis quatre jours etdéjà déclencheur d’une grève. Sonénormité, 89 suppressions d’em-

plois sur 140, pigistes compris, etl’arrêt des rotatives pour passer autout-numérique, a mis par terre lepersonnel. «C’est une catastrophe,c’est inimaginable, c’est une straté-gie purement comptable, réagit unjournaliste frigorifié. Et il y a un teldécalage entre le projet de relance

de 2009 et celui-ci.» Devenu patrond’un titre qui a connu son âge d’orsous Pierre Lazareff à la Libération,Alexandre Pougatchev a eu les yeuxplus gros que le ventre: l’ambitionde vendre 200000 exemplaires parjour, quand le titre plafonnait à22000, s’installer sur les Champs-Elysées pour 900000 euros annuelsde loyer, bien loin du mauvais sou-

venir des locaux d’Aubervilliers, etembaucher des cadors. N’est pasCitizen Kane qui veut, l’économieignore les miracles.Deux relances plus tard, la vente aunuméro plafonne à 35 000 exem-plaires, le titre devrait «perdre19 millions d’euros cette année, après31 millions l’an dernier», dixit, auFigaro.fr, un Pougatchev qui a vupartir 70 millions en fumée. Aprèsavoir fait fantasmer une professiondubitative, la direction de France-Soir fait marche arrière toute, brû-lant le papier adoré hier, adoptantdès décembre, à la fin de la clausede sauvegarde, «un projet de pas-sage de l’intégralité de ses contenussur Internet et les réseaux mobiles».Le communiqué de la direction,vendredi, se targue même d’avant-gardisme : «En devançant uneévolution qui est désormais inéluc-table […], France-Soir se donne lesmoyens de se développer dans un

secteur qui offre des perspectives decroissance.» Objectif : retour àl’équilibre en 2015.Salarié du quotidien depuis 1998,Franck Cartelet, SNJ-CGT, a connula rue Réaumur de l’époque Chaise-martin (Hersant), le déménage-ment à Aubervilliers, la valse despropriétaires… Transformer le titreen pure-player lui paraît incongru.«France-Soir est un quotidien papierindissociable de son site», affirme lejournaliste, qui travaille pour leWeb. L’audience démultipliée – à3,2 millions de visiteurs uniques,selon Google Analytics, 1,6 millionselon Médiamétrie Netratings– estbrandie comme une arme par la di-rection. «Qui peut croire au pure-player ? Pourquoi ne pas fermer toutde suite?» s’interroge Loïc Torino-Gilles, 31 ans, embauché à l’èrePougatchev et qui arbore sur saveste un autocollant «I love France-Soir». Relique d’une époque où lecredo était à une renaissance.

ÉMOTION. «Nous ne sommes pas àl’enterrement de la presse quotidiennenationale, ni de la presse imprimée,ni de la presse de l’après-guerre»,rugit dans le porte-voix Jean Ger-sin, de la Filpac-CGT. «Coted’amour», «danseuse», «voyous»,«pirates», «résistance», «solida-rité», les mots s’égrènent. L’assem-blée, qui bat le pavé d’un morceaude trottoir des Champs-Elysées,semble être l’acteur d’une étrangeveillée tandis qu’à l’intérieur Pou-gatchev, souriant, explique auxreprésentants du personnel la lu-mineuse stratégie, inspirée d’expé-riences américaine et brésilienne,qui fait qu’un jour on bascule unjournal sur un écran.Sorti à une interruption de séance,Stéphane Paturey, secrétaire du CE,prend la parole, l’émotion dans lavoix: «Ce projet s’appuie sur des élé-ments fantaisistes et infondés. Uneaudience internet qui, par magie, se-rait multipliée par deux en quatre anspendant que le chiffre d’affaires pu-blicitaire s’envolerait de façon expo-nentielle…» Des applaudissementsponctuent son intervention, maisce matin est si glacial. A terme, plusde papier et une rédaction web de32 journalistes. L’assemblée géné-rale votera la grève à midi.Au-delà de France-Soir, une profes-sion vacille, dit-on chez les syndi-cats, qui pointent les plans au Pari-sien et à la Tribune, la menace surdes métiers comme l’édition. Oli-vier Blandin, secrétaire générald’Info’Com-CGT, annonce «unecampagne visant à défendre un cadrepour la négociation d’un accord debranche sur le plurimédia». Au mi-lieu de la troupe, trois femmes,salariées du Journal officiel, qui di-sent n’être pas venues pour l’arrêtdu papier. Elles n’y croient pas,d’ailleurs, encore que la questionamorce un mini-débat dans le trio.«C’est bien plus grave ce qui se passeici. Pougatchev veut dénoncer les con-ventions collectives de la presse pari-sienne pour réembaucher sur le Net àvil prix. Ce sera un précédent.» •

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSELPhoto LAURENT TROUDE

«Qui peut croire au pure-player?Pourquoi ne pas fermertout de suite?»Loïc Torino­Gilles salarié du journal

Personnels de France­Soir, vendredi devant le siège du quotidien sur les Champs­Elysées, à Paris, avant le vote de la grève.

LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 201136 • ECRANS&MEDIAS

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A LA TELE CE SOIR20h50. Panique auxEdelweiss.Téléfilm de PhilippeProteau.Avec Claire Keim,Marie-Anne Chazel,Wladimir Yordanoff.22h40. Espritscriminels.Série américaine :Les proies, Morts anonymes, Le retour de Frank.Avec Shemar Moore.1h10. Au Field de la nuit.

20h35. Castle.Série américaine :L’ombre du passé,L’auteur qui m’aimait,Rire et châtiment.Avec Nathan Fillion.22h45. Mots croisés.Des primaires pourtout le monde ?Magazine présenté parYves Calvi.0h10. Journal de lanuit.0h25. Au clair de lalune.

20h35. 300 chœurspour + de vie.Divertissementprésenté par Michel Drucker.22h40. Soir 3.23h05.Docs interdits.12 balles dans la peaupour Pierre Laval.Documentaire.0h05. La case del’oncle Doc.Documentaire.1h00. Chabada.Musique.

20h50. Borgia.Série franco-allemande :Épisodes 3 & 4.Avec John Doman,Isolda Dychauk, Mark Ryder.22h40. Primaire au PS :l’improbable scénario.Documentaire.0h20. L’œil de links.Magazine présenté par Elliot Lepers.0h50. Simon Werner a disparu.Film.

20h40. Le convoi.Comédie dramatiquede Sam Peckinpah, 105 mn, 1978.Avec Kris Kristofferson,Ali MacGraw.22h30. Le procèsCéline.Documentaire.23h25. Les percussionsde Strasbourg.Documentaire.0h20. Montparnasse.1h20. Ma vie est unlivre.

20h45. Indiana Joneset le temple maudit.Film d’aventuresaméricain de StevenSpielberg, 118 mn, 1984.Avec Harrison Ford,Kate Capshaw.23h00. Rechercheappartement oumaison.Magazine présenté parStéphane Plaza.23h50. Rechercheappartement oumaison.

20h35. Wasabi.Comédie française deGérard Krawczyk, 95 mn, 2001.Avec Jean Reno.22h15. Ça va mieux en le disant.Magazine présenté parElodie Gossuin etEnora Malagré.23h30. Touche pas àmon poste.Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.

20h35. Les beauxjours.Téléfilm de Jean-PierreSinapi.Avec Clotilde Courau,Bruno Lochet.22h25. C dans l’air.Magazine.23h30. Dr CAC.23h35. Avis de sorties.23h45. À dos de cheval.Islande.Documentaire.0h35. L’île nickel.Documentaire.

20h35.The killing.Série américaine :Rosie Larsen, La cage,El diablo.Avec Joel Kinnaman,Billy Campbell,Michelle Forbes.23h10. Zemmour et Naulleau.Invité : Jack Lang.Magazine présenté par Éric Zemmour etÉric Naulleau.0h15. Programmes de la nuit.

20h35. Starshiptroopers.Film fantastique dePaul Verhoeven, 135 mn,1997.Avec Casper Van Dien,Jake Busey, Dina Meyer.23h00. Les anges de latélé réalité.Magazine présenté parMatthieu Delormeau.23h30. La maison dubluff - l’hebdo.

20h40. La mémoiredans la peau.Thriller de Doug Liman,118 mn, 2002.Avec Matt Damon,Franka Potente.22h45. Les dents de la mer.Film d’épouvanteaméricain de StevenSpielberg, 124 mn, 1975.Avec Roy Scheider.1h00. Dinocrocodile : la créature du lac.Téléfilm.

20h40. Enquêtescriminelles : Le magazine des faitsdivers.Magazine présenté parSidonie Bonnec et Paul Lefèvre.22h40. Enquêtescriminelles : Le magazine des faitsdivers.Magazine.0h50. Enquêtescriminelles.Magazine.

20h35. Au suivant !Comédie française deJeanne Biras, 90 mn,2004.Avec Alexandra Lamy,Clovis Cornillac.22h05. Les misérables.Drame de Jean-Paul Le Chanois, 1957.Avec Jean Gabin,Danièle Delorme,Bernard Blier.23h55. Loïs & Clark : lesnouvelles aventuresde Superman.

20h40. Quartiergénéral.Les gares sous haute tension.Documentaireprésenté par Adrienne de Malleray.22h30. Quartiergénéral.Derrière les banderoles,la haute-tension.Documentaire.0h10. Quartiergénéral.

20h40. Tous différents.Je suis naturiste et j’assume.Magazine présenté parÉmilie Mazoyer.22h20. Tous différents.Vous ne le savez pasencore, mais je suis une star !Magazine.0h10. Obsessed.Télé-réalité.1h45. Mon frigo m’a dit.Série.

20h35. Le zap DirectStar.Divertissement.22h30. Star report.Le vrai visage des stars.Magazine présenté parClaire Arnoux.23h30. Enquête très spéciale.Magazine.23h55. Nuit de charme.Téléfilm.0h55. Star story.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 DIRECT8 NT1 DIRECT STAR

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Ça tueParis Première, 20h35The Killing est la bonneadaptation américained’une bonne sériepolicière danoise.Résultat : c’est bon.

Ça déchireCanal+, 20h50Les deux épisodes desBorgia de ce soir sontparmi les meilleurs de lasaison: c’est le conclavequi aboutit à l’élection de…

Ça instruitArte, 22h30Bon, alors, Céline, on jettetout à la poubelle ou bien?Dans le Procès Céline,Antoine de Meaux etAlain Moreau instruisent.

LES CHOIX

Réseaux sociaux: l’AFP fixe ses règlesL’Agence France-Presse a rendu public son guide qui fixe lesmodalités de participation de ses journalistes aux réseauxsociaux. Sur Twitter, ils devront notamment utiliser le hash-tag #AFP pour distinguer les informations d’intérêt profes-sionnel de celles ayant trait à leur vie privée. Les journalistespeuvent publier des infos concernant leur domaine decouverture, des notations personnelles, des anecdotes, maisdoivent réserver la primeur de leurs scoops aux fils et auxservices commercialisés par l’AFP.

InacceptablesC’est ainsi que les éditeurs de presse français quali­fient les conditions commerciales fixées par Applepour vendre leurs titres sur NewsStand. Du coup, ilsrefusent de voir leurs journaux vendus sur le nouveaukiosque numérique, ont annoncé vendredi les quatreprincipaux syndicats d’éditeurs représentant la pressenationale, régionale et magazine. Ils regrettent notam­ment qu’Apple empoche un tiers des recettes et refusede partager les données personnelles des lecteurs. Pourles éditeurs, «le développement de la lecture numériquede presse ne se fera que dans un environnement équilibréentre platesformes technologiques et contenus».

C’était une gageure: réali­ser un documentaire radiosur le projet pharaoniqued’«OL Land». Après demultiples retards, ce com­plexe sportif à la gloire del’Olympique lyonnais, avecun stade de 58000 places,une boutique et un centrede loisirs est censé êtrelivré au deuxième trimes­tre 2014. Les réalisateurs,Jean­Baptiste Fribourg etOlivier Minot, ont relevé ledéfi pour Arte Radio.Résultat, un 58 minutesjubilatoire mais ardu. Lemontage mêle habilementles interviews des pour etdes contre, qui exposentleur point de vue sansjamais perdre l’auditeur.Les auteurs s’amusentaussi, commentant certainstémoignages à la manièred’un match. A l’arrivée, uneenquête potache et impla­cable sur Jean­MichelAulas, président de l’OL,et sur ses soutiens. C.C.«A ce stade, Lyon ne répondplus», sur Arteradio.com

«OL LAND»,TERRE DE FEU

LE WEBDOC

Le 6 octobre, France 2diffusait la Gueule del’emploi, un docu sur lesméthodes humiliantes d’uncabinet de recrutementopérant pour Gan. Le filma beaucoup choqué et aété très commenté,notamment sur Internet.Point culminant, lacréation, jeudi, du siteLagueuledelemploi.net,qui listait carrément lesadresses et téléphonesprofessionnels et person­nels des recruteurs dudocu. «Nous pensons quedes gens qui habitent lemême quartier que cespersonnes doivent être enmesure de leur dire leursquatre vérités, en face»,expliquait le site (indépen­dant de l’auteur du docu).Depuis sa mise endemeure par les avocatsde Gan, le créateur du site,un jeune directeur artisti­que dans la pub, a dû reti­rer photos et coordonnées.«Dormez tranquilles, leurdit­il en conclusion, le futurjugera.» I.H.www.lagueuledelemploi.net

LA GUEULEDES EMPLOYÉS

VU SUR LE WWWPar OLIVIER SÉGURET

La tombe «Dark Souls»

N on, ceci n’est pas unecritique de Dark Souls,puisque je n’y ai pas

joué. J’ai essayé, j’ai regardé,j’ai avancé autant que j’ai pu,frissonné, combattu les pre-miers ennemis, de loin lesplus faciles, et puis, au pre-mier boss, je suis mort. Pleinde fois. Je le savais d’avance:Dark Souls est le successeurde Demon’s Souls, le RPG leplus fracassant de ces der-nières années. Ces deux jeux,développés par les grandsmalades japonais de FromSoftware, fondent leurdoctrine et leur gloire sur ladureté. Celle-ci concernenon seulement la difficultédu jeu mais aussi son mentaltenace, revêche et glacé.

L’aventure est mutique, ouquasiment. De très rares in-formations sont distillées aucompte-gouttes, selon uneformule presque inverse àcelle en vogue partoutailleurs, où le travail dujoueur est prémâché, sa ré-flexion ignorée, son libre ar-bitre vitrifié. La rétentiondont fait preuve Dark Soulsest générale : pas de cartes,pas de quêtes, pas de coffres.Le design audio à lui seulvaut métaphore de la trèshaute dignité du jeu : prati-quement jamais de musique,mais un bruitage d’un réa-lisme absolu, en écho directau moindre geste proche oumouvement lointain. Et cettepartition sonore accusesuperbement l’immersion.Pour peu que les rideauxsoient tirés, n’importe quel

joueur sincère et vaillantsentira dans son corps, dansses sens et dans sa chair (depoule) combien cet universténébreux, morbide, plaintifet résonnant l’enveloppe,l’isole et le transporte.

Mais où? On est bien obligéde se poser la question decette étrange région du plai-sir où nous fait voyager DarkSouls. A ce degré de perver-sité (élégante) et de sadisme(consenti), l’expérience relè-ve-t-elle encore du jeu ? Sielle nous plaît intensément,si elle fascine et accroche,appartient-elle encore auxdômes de la distraction et del’amusement? Dark Souls estsans doute le vrai rendez-vous gamer élitiste d’unautomne surchargé, mais ceserait donner une fausse im-pression que de le déclarerinabordable et ingrat : nulmieux que ce jeu ne récom-pense l’effort. Il est laloyauté même, mais n’estdupe de rien. De ce point devue, c’est un jeu tombeau,qui réclame le plus totalabandon. Son vrai moteurn’est pas de faire souffrir,mais de refonder le rapportqui unit joueur et jeu. Le seulmot qui puisse rendrecompte de ce rapport est leplus rare du secteur, mais ildésigne exactement le travailaccompli par les déve-loppeurs comme le goûtque prend celui du gamer :passion. •Développé par From Software,distribué par Namco Bandai,pour Xbox et PS3, 60€ environ.

MOI JEUX

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Au bord de la faillite, l’Etat castriste pousseses fonctionnaires au retour à la terre. Une reconversion difficile

en l’absence d’aides financières et d’encadrement.

CubaLes champs deladésillusion

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Retournez aux champs, qu’ilsdisaient!» Leonardo (1) a lesentiment d’avoir étéfloué. La silhouette mince,rehaussée d’un chapeau defeutre de guajiro («paysancubain»), ce quadragé-naire ne décolère pas.

«Je me suis fait avoir par ce fichu décret 259»,qui permet d’obtenir un lopin de terre depuisla réforme agraire de 2008.Leonardo a récemment hérité de 1,5 hectare,près du village de Cartagena, le long de laautovía nacional qui relie La Havane à San-tiago. Son terrain légèrement en pente estcouvert de mauvaises herbes et d’arbustesépineux. «Tout ce que vous voyez là, cette salo-perie, c’est du marabú [un arbuste arrivé dansl’île au XIXe siècle en provenance d’Afrique,ndlr]. Toute l’île en est infestée. Je n’arrive pasà m’en débarrasser.»En février, ce gardien d’une banque de Cien-

fuegos (ouest) a été congédié dans le cadred’un vaste dégraissage de la fonction publi-que, à laquelle appartiennent 90% des actifsdu pays. Asphyxié, l’Etat s’est résolu à an-noncer le départ de 1,2 million d’entre euxd’ici à 2012. Né à la campagne dans une fa-mille de guajiros, Leonardo a décidé de s’ins-taller avec sa femme et ses deux fils sur cebout de terre, où se dresse une modestemasure en brique. Il n’a rien reçu de l’Etat :ni aide, ni prêt, ni machine-outil. Il a mêmedû débourser les 5 pesos cubains convertibles(les CUC, environ 3,80 euros) nécessairespour acheter une machette. Soit le tiers deson ancien salaire de gardien ! La machetteest l’instrument indispensable avec lequel,pendant des mois, il va s’échiner à arracher«ce maudit marabú» qui recouvre presquetout son lopin. A la sueur de son front, Leo-nardo est finalement parvenu à semer des to-mates, du manioc et des haricots. Tout justede quoi survivre, précise-t-il.

Des terres en usufruitA Cuba, l’heure du retour aux champs asonné. Le 16 avril, le VIe Congrès du Particommuniste cubain (PCC), admettant quel’Etat était au bord de la faillite, prônait lamise en place d’une «économie mixte». RaúlCastro, qui a succédé à son frère Fidel il y adeux ans, a pris la mesure de l’immenseéchec agraire : 40% des terres arables(plus de la moitié, selon certains opposantspolitiques) sont en friche, livrées notam-ment au marabú.Ancienne puissance agricole, Cuba importe80 % des vivres consommés par ses habi-tants. Alors que le pays peine à faire face à sesdépenses courantes, il doit ainsi débourser1,5 milliard de dollars par an (1,1 milliardd’euros) pour satisfaire les besoins de la po-pulation. Une aberration. Le régime castristen’hésite plus désormais à reconnaître offi-ciellement son erreur : la terre a été totale-ment délaissée. A tort. Dans les années 70,les Cubains enseignaient aux Vietnamienscomment planter le café. Aujourd’hui, leVietnam –principale référence économiquede Raúl Castro– est devenu le deuxième ex-portateur au monde, notamment vers l’îlecaraïbe, dont la production a chuté.C’est en 2008 que les autorités ont com-mencé à rectifier le tir. Un vaste programmede répartition des terres sous le régimed’usufruit est alors lancé : le «néopaysan»jouit du bien dont l’Etat garde la propriété.Ce plan vise à créer de la richesse, tout enaugmentant les (maigres) recettes fiscales del’Etat et en freinant l’exoderural dans un pays aux troisquarts urbanisé. Trois ansplus tard, le bilan n’est guèreprobant, comme a dû l’ad-mettre le Parti lors de sondernier congrès. Sur 1,1 mil-lion d’hectares de terres dis-tribuées, 30% seraient tou-jours en friche et 70% «enactivité». Parmi ces derniè-res, nombreuses sont celles qui demeurent«en préparation». Une litote pour signifierque le processus est lent, très lent.Un voyage dans l’intérieur du pays révèlel’omniprésence d’une brousse épineuseenserrant des îlots de cultures de subsis-tance. Par peur de représailles administrati-ves, la plupart des vieux guajiros ou des néo-ruraux s’emmurent dans un prudent

mutisme sur le sujet. Si des membres des Mi-lices de troupes territoriales (MTT) les sur-prenaient, font-ils comprendre, ils risque-raient de se voir aussitôt confisquer leursterres.Ezequiel Enrique Lopez, lui, n’a pas peur. Ensigne de défi et de révolte contre le régime,il brandit sa machette. A 43 ans, déjà deuxfois balsero (terme qui désigne ceux qui onttenté de fuir l’île par la mer), ostracisé dès sajeunesse car ses oncles ont pu rejoindre laFloride, il dit ne plus avoir grand-chose àperdre. «Sauf quatre balles dans la tête, à moiet à mes deux fils», lâche-t-il avec une moueironique. En 2009, lassé de vivoter à SantaClara, il a demandé et reçu une concessionde l’Etat: deux hectares de terres proches deHatillo, son hameau de naissance. En vertudu décret 259, Ezequiel se met au travail pourtenter d’extirper l’inévitable marabú. Pourdisposer du matériel de base – machette,gants, fils de fer et outillage divers–, il doitemprunter 3500 pesos cubains (2600 euros).Une fortune.L’œil mauvais, Ezequiel enrage contre l’ad-ministration : «Ils te livrent la terre mais riende plus. Ils t’obligent à t’associer à une coopé-

rative et tu dois leur vendre au rabais tout ce quetu produis. Puis il faut verser un bakchich autype d’Acopio [l’entité qui commercialise lesproduits agricoles]. Et, par-dessus le marché,ils te paient quand ils veulent! C’est de la rapineorganisée.» En outre, Ezequiel, comme tousles paysans cubains, vit dans l’angoisse : siune de ses cinq vaches venait à disparaître,il pourrait être soupçonné de vol et seraitalors passible de prison.

«Un sac de farine ou de café»Ses productions d’agrumes, de blé ou de maïsne lui rapportent pas assez et il doit, commepresque tous ses compatriotes, travailler aunoir. Dans la région de Santa Clara, tous re-courent au même stratagème pour survivre:on produit le strict nécessaire –qu’importela qualité!– pour les magasins d’Etat; le resteest soigneusement dissimulé pour alimenterla bolsa negra, le «marché noir».Ismael, un guajiro installé près de Cienfuegos,confie : «En moyenne, on bosse à 20% pour

l’Etat, et à 80% pour la bolsanegra ; je parle bien sûr deceux qui travaillent dur.Les autres, tous ceux qui peu-vent vivre d’un autre salaire,ne foutent rien… Dans moncas, écouler en ville un sac defarine, de poivrons ou de caféest la seule manière de nourrirmes deux gamines.»A Cuba, le retour à la terre

est souvent synonyme d’un retour aux origi-nes. «La plupart des nouveaux paysans sontoriginaires de la campagne, eux ou leurs pères,souligne Guillermo, un agronome de Cien-fuegos. Mais ils n’ont plus aucun savoir-faireet les autorités ne proposent aucune formation.Ils se heurtent à une terre, certes souvent debonne qualité, mais en friche depuis longtemps.Il faut tout recommencer à zéro. Cette initiative

n’est pas mauvaise en soi mais elle arrive bientrop tard.»Depuis les années 60-70, encouragés par lesautorités de La Havane, des milliers deruraux ont pu faire des études supérieures,décrochant des diplômes de professeur,médecin, ingénieur, etc. Autant de métiersurbains. Les campagnes se sont progres-sivement vidées, laissant la place au marabú.«Au départ, la politique officielle du retour auxchamps ne convainquait pas grand monde,poursuit Guillermo. Mais la situation écono-mique est devenue tellement grave que nombrede familles ont fini par s’y résoudre. Les gensse disent qu’ici, au moins, ils auront assez àmanger.»

«Ni tracteur ni ciment»Outre les réductions d’effectifs d’une admi-nistration pléthorique, les Cubains font faceà la disparition progressive de la libreta, lacarte de rationnement qui, jadis, faisait desmiracles. Sans oublier l’augmentation duprix des produits de première nécessité, dontla plupart sont désormais vendus dans lesshoppy en monnaie convertible. «Les couchespour mes enfants me prenaient un sixième de

mon salaire. Ce n’était plus tena-ble», confie Omar, un ex-chauffeur de taxi de La Havane,qui a opté pour un lopin de terreau printemps.Dans les campagnes, on comptetoutefois une frange de «privi-légiés» : ceux qui disposent de

terres que l’Etat n’a pas confisquées après larévolution castriste de 1959. Ces paysans-làpeuvent librement vendre leurs produits àdes «coopératives parallèles» qui sont aussicontrôlées par l’Etat mais qui paient en CUC,en pesos convertibles. Ces produits sont leplus souvent destinés aux touristes des plagesde Varadero (nord) ou à l’exportation. Pour-tant, même ces agriculteurs «privés» vontmal. Dans sa propriété proche de Santa Clara,Hector ne se plaignait pas jusqu’ici. Pour100 quintaux de melons, il empoche700 CUC. Au fil des années, il a engrangé un«avoir» de 16000 dollars. «Le problème, c’estque je ne peux dépenser cet argent que dans lemagasin de la coopérative, déplore Hector. Or,depuis 2007, il n’y a plus rien: pas de tracteur,pas de machine-outil, pas de ciment, que desbottes, des salopettes et des machettes. Avecquoi voulez-vous que j’augmente ma produc-tion ?»Avec cinq autres agriculteurs de la région, ila comparu en 2008 devant un tribunal deSanta Clara pour «enrichissement illicite».Pour éviter une condamnation, il a dû trou-ver un «arrangement» avec les autorités, surlequel il ne souhaite pas s’étendre. Hectors’indigne : «J’avais vendu une partie de mesananas au marché noir, c’est vrai, mais commetout le monde! Le problème de fond, c’est qu’oncoupe la tête à l’agriculteur qui prospère unpeu. Dans un pays normal, je réussirais : j’aiune formation d’agronome, je m’y connais ensemences et je suis issu d’une famille de pay-sans. Mais on est à Cuba.» Récemment, Hec-tor a demandé son «avoir» de 16000 dollarsen cash. A sa grande surprise, on lui arépondu par l’affirmative. Mais à unecondition : toucher cette somme en pesoscubains, dont la valeur est vingt-cinq foismoindre. •(1) La plupart des prénoms ont été modifiés pourdes raisons de sécurité.

Texte et photosde JEAN­ARNAUD MISTRALEnvoyé spécial à Santa Clara et Cienfuegos

Cuba

40% des terres arables sont en friche,infestées notamment de marabú,un arbuste arrivé dans l’île au XIXe siècle.

«En moyenne, on bosse à 20% pourl’Etat, et à 80% pour le marché noir;je parle bien sûr de ceux qui travaillentdur.»Ismael paysan installé près de Cienfuegos

200 km

CUBASanta Clara

Cienfuegos

GuantánamoMer des Caraïbes

JAMAÏQUE

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La Havane

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PORTRAIT L

carrière bien remplie. L n’a pourtant pour seul viatique qu’unalbum d’une audace élégante et précieuse –salué par des cas-cades de superlatifs – et des dizaines de concerts.L’évidence revendiquée cache en fait une impatience. «C’esttard de commencer à 19-20 ans et de voir qu’après un disqueautoproduit, il ne se passe plus rien. J’ai passé deux années àattendre que ça démarre.» C’était en 2008, avant les louangesprononcées par Higelin, M ou Brigitte Fontaine et les coupsde cœur de la station FIP. La traversée du bac à sable a laissédes traces. «Elle est passée par des phases supercompliquéesavec des doutes et de la peur», dit Babx, le chanteur-arrangeurqui a aussi œuvré aux albums de Camélia Jordana et de JulienDoré. Il campe sa compagne en «émotive à fleur de peau».L se fait une haute idée de la chanson: «L’investissement intel-lectuel et personnel que l’on met dans un disque et sur scène,c’est pas pour rigoler. On n’est pas des batraciens, c’est mieuxde penser un poil, non ?» L’auto-ironie qui la sauve de l’em-phase ne tarde pas: «Bon d’accord, ce n’est que de la chanson,on se calme.»Ça ne manque pas d’intriguer, L oscille entre le joyeux et lesérieux. Sans être de prime abord «extrêmement drôle»comme le soutiennent ses amis, ni l’égérie élégiaque de nuitsenfiévrées comme pourrait le laisser croire l’écoute trop ap-

puyée d’Initiale. Elle retourne aux sources de l’enfance pouréclairer l’alternance. Côté paternel, elle évoque le grand-pèrejuif polonais survivant de la Shoah. «Il était content d’avoirde beaux costards pour montrer qu’il s’en était sorti. Il voulaits’amuser et profiter de la vie en allant rire dans les cabarets.»Côté maternel, elle convoque une grand-mère «catho trèsfervente, humble et ascétique». Qui, malgré l’austérité, lui alaissé en mémoire la «douceur des îles flottantes et leur petitgoût de brûlé». La petite-fille a fait la synthèse. Sans êtrecroyante, elle dit «prier une idée de Dieu» de temps à autre.Elle vote «évidemment à gauche», trouve «Eva Joly intelligenteet pétillante» et renvoie dos-à-dos Le Pen et Sarkozy, «aussipopulistes et xénophobes l’un que l’autre».Enfant, L s’appelait Raphaële Lannadère. Elle chante depuisqu’elle parle. Mais c’est à 6 ans qu’elle se rend compte qu’«ilse passe quelque chose chez [elle] et les autres» quand elle ap-paraît en petite reine lors des fêtes familiales. «J’invente deshistoires et je traverse des émotions fortes. C’est un moment pré-cieux.» Elle se découvre, s’évalue, s’estime.Dès 4 ans, elle a appris des comptines chez la grand-mèreétablie à Montmédy dans la Meuse. Autre rituel, dix minutesavant le départ pour l’école:un tube des Beatles chan-tonné en duo avec son père,grand fan des «Fab Four». Lamère vibre à Brel, Billie Holi-day et Barbara dont L a ététrès hâtivement bombardéel’héritière.«C’est aussi une famille delecteurs», remarque Babx. Lamère de L s’est même faitplaisir en suivant une annéeen fac de lettres. C’étaitavant de se lancer dans larestauration avec les indem-nités du mari licencié d’unegrosse entreprise d’infor-matique. Ils ont aujourd’huideux établissements dans lestrès sélects VIe et VIIIe arrondissements de Paris. Leur fillevit dans le XIe bobo et se dit issue d’une «famille nouvelleriche».Elle n’a pas franchement vécu dans le besoin, mais elle s’estdonné les moyens de sa passion. Après trois mois en fac d’éco-nomie où elle se sentait «extraterrestre» et une prépa pourSciences-Po qu’elle a ratée, elle est devenue «apprentie chan-teuse». Et d’abord serveuse pour financer sa nouvelle vie.«C’est une grosse bosseuse qui sait très bien où elle veut aller,qui peut être tête de mule», juge Martina A. Catella, l’ethno-musicologue à la tête de l’école de chant les Glotte-Trotters.Elle se souvient avoir vu arriver dans sa salle de travail une«libellule, avec un côté très Guerlain, élégant». Raphaële Lan-nadère a alors 18 ans et une «voix phénoménale, capable dechanter des trucs énormes dans des registres fados, tziganes,tangos», dixit Martina A. Catella. Elle croisera d’ailleurs laroute du chanteur brésilien Ricardo Teté et du CapverdienTeofilo Chantre. Avec un bémol de regret, la professeur noteque «L a toujours fait le choix des textes en restant dans la rete-nue par rapport à la voix».Dans le panthéon littéraire et sophistiqué de L, on croise Mi-chaud, Artaud, Genet, Aragon, Duras. Du sérieux et du sûr.Babx lui a dédié la chanson Lady L, clin d’œil subtil au clanLannadère et au roman de Roman Gary, dont elle a tiré sonnom de scène. Fausse modestie ou fausse innocence, elle sedéfend de faire de la chanson intello. Et redoute que l’on«ressorte miné» de ses concerts: «Ce n’est pas pour ça qu’ontranspire !» Qu’elle se rassure. En quête d’absolu, L vénèreen fait l’artiste total et insaisissable qui séduit et échappe.Elle «adore» Bashung, Nina Hagen, et Brigitte Fontaine poursa «liberté et sa jeunesse éternelle».Aujourd’hui, la chanteuse vit «bien» de ses droits d’auteurset de ses 130 euros net par concert, le même montant que sesmusiciens. Elle a vendu 40000 exemplaires d’Initiale, ce quiest «merveilleux» en pleine crise du CD. Elle s’est acheté unsynthé, mais elle ne flambe pas: «Il n’y a rien qui m’emmerdeplus que faire les boutiques.» Pas plus voyageuse dans l’âme,elle est rentrée avant la fin d’une excursion en Thaïlande,«détestant être dans une attitude de consommateur», sans pou-voir rencontrer les gens. L ajoute qu’elle adorerait être «pei-narde». Cette fois, ça sonne faux. •

Par ARNAUD VAULERINPhoto JÉRÔME BONNET

EN 7 DATES

3 février 1981 Naissanceà Paris de RaphaëleLannadère. 2000 Débuten solo en reprenant Piaf,Ferré, Barbara. Prépaà Sciences­Po. 2002Commence un job deserveuse. 2008 MinialbumPremières Lettres remarquépar FIP. 2010 Signe chezTôt ou Tard. Avril 2011Sortie de Initiale, tournée,prix Barbara et Félix­Leclerc de la chanson.17 octobre Nominéeau prix Constantin.

C’ est Peter Pan au féminin qui a débarqué ce matin.Les épaules ivoirines sont nues et surmontées d’unchignon tendu. Trois ridules strient le front au-dessus de deux billes sombres qui roulent d’inter-

rogations dans un visage oblong. A intervalles réguliers, lesmains viennent se ranger de chaque côté de la tasse à cafécomme la ponctuation polie d’un échange convenu. Une mi-niature de petite fille sage. L s’est vite échappée de la carica-ture de la midinette qui minaude. Certes, la nouvelle trente-naire de la chanson française fait encore trop sa sucrée, et passeulement sur scène où elle use et abuse de poses juvéniles.Quand elle n’égrène pas de ses rires enfantins des réponsesparfois attendues.Mais dans une chanson française heureusement chahutéeet féminisée depuis quelques années par Jeanne Cherhal,Camille, Olivia Ruiz, etc. L étonne et désarçonne par sa fraî-cheur radicale. «Vous savez, la chanson, ça ne pouvait être queça», dégaine-t-elle au débotté pour justifier ce qui d’évi-dence l’anime et la mène en professionnelle depuis bientôtdouze ans. Comme si l’heure était déjà au bilan vérité d’une

L’enfantine trentenaire, louangée pour un premier albumciselé, est en lice pour le prix Constantin décerné ce jour.

En voie d’envol

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