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Droit civil : les biens Titre préliminaire : Les notions fondamentales. Chapitre 1 : Le patrimoine. Pour Aubry et Rau (1873), "le patrimoine est l'ensemble des biens et obligations d'une personne, envisagé comme formant une universalité de droits" : il regroupe les biens et les dettes. Pour Atias, c'est "la représentation pécuniaire de la personne". Mais en fait, ce n'est pas uniquement une valeur en argent : l'article 2092 du code civil l'évoque en citant les "biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir". Section 1 : La composition du patrimoine. Le patrimoine est plus un contenant qu'un contenu, et varie avec l'écoulement du temps. On en exclue tout ce qui ne peut pas être évalué en argent (droits politiques, de la personnalité, autorité parentale, nom, honneur,…). La clientèle d'un commerce ne devrait pas y rentrer, mais la jurisprudence a dû s'aligner. CA Paris, 25/9/1998 : la clientèle n'est pas dans le commerce, mais on peut la présenter. Les conventions sont autorisées, mais elles ne peuvent comporter d'obligations de résultats. §1 : L'actif. Il comprend tous les éléments qui peuvent être évalués en argent, vendus, donnés, ou détachés de la personne du propriétaire pour être cédés. Il compose notamment ce qui va être transmis aux héritiers au décès de la personne : le patrimoine est transmissible à cause de mort et à titre universel. §2 : Le passif. Le patrimoine comprend la totalité du passif, c'est-à-dire toutes les dettes au sens large : les sommes d'argent mais aussi les obligations auxquelles la personne est tenue. La dette appartient au patrimoine dès sa naissance, même si elle n'est pas immédiatement exigible, et même si elle est incertaine. Section 2 : Les caractères du patrimoine. §1 : Les éléments de patrimoine parfait. A/ La cessibilité. Les biens du patrimoine sont cessibles isolément : liberté d'en disposer un à un. B/ La transmissibilité. La patrimoine est transmissible, mais seulement à cause de mort (personne physique), ou en cas d'absorption (personne morale) : on veut attacher un patrimoine à une personne, et empêcher une personne de s'en départir. L'objectif est de protéger les êtres humains contre eux-mêmes, et permettre de changer d'avis. Ainsi, la donation de l'ensemble du patrimoine est interdite, et la mort civile n'existe plus. C/ La saisissabilité. Le patrimoine peut être saisi, pas dans sa totalité mais sur l'ensemble des biens qui le compose. Limite : les créances alimentaires sont protégées, de même que les salaires surtout en cas de licenciement. §2 : L'esprit du patrimoine. A/ Le patrimoine est lié à la personne. Tout le monde a un patrimoine, et on ne peut se départir de sa totalité, car il est une émanation de la personnalité juridique. La loi du 22/7/1867 a supprimé la contrainte par corps. B/ L'unité du patrimoine. Le patrimoine est indivisible : toute personne en a un, et n'en a qu'un seul. Le droit allemand admet la divisibilité au travers du patrimoine d'affectation. Le droit français admet quelques rares exceptions, telles que la fortune de mer (affectation d'un patrimoine professionnel pour les commerçants maritimes en raison du

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Droit civil : les biens

Titre préliminaire : Les notions fondamentales.

Chapitre 1 : Le patrimoine.

Pour Aubry et Rau (1873), "le patrimoine est l'ensemble des biens et obligations d'une personne, envisagé comme formant une universalité de droits" : il regroupe les biens et les dettes. Pour Atias, c'est "la représentation pécuniaire de la personne". Mais en fait, ce n'est pas uniquement une valeur en argent : l'article 2092 du code civil l'évoque en citant les "biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir".

Section 1 : La composition du patrimoine.

Le patrimoine est plus un contenant qu'un contenu, et varie avec l'écoulement du temps. On en exclue tout ce qui ne peut pas être évalué en argent (droits politiques, de la personnalité, autorité parentale, nom, honneur,…). La clientèle d'un commerce ne devrait pas y rentrer, mais la jurisprudence a dû s'aligner.

CA Paris, 25/9/1998 : la clientèle n'est pas dans le commerce, mais on peut la présenter. Les conventions sont autorisées, mais elles ne peuvent comporter d'obligations de résultats.

§1 : L'actif.

Il comprend tous les éléments qui peuvent être évalués en argent, vendus, donnés, ou détachés de la personne du propriétaire pour être cédés. Il compose notamment ce qui va être transmis aux héritiers au décès de la personne : le patrimoine est transmissible à cause de mort et à titre universel.

§2 : Le passif.

Le patrimoine comprend la totalité du passif, c'est-à-dire toutes les dettes au sens large : les sommes d'argent mais aussi les obligations auxquelles la personne est tenue. La dette appartient au patrimoine dès sa naissance, même si elle n'est pas immédiatement exigible, et même si elle est incertaine.

Section 2 : Les caractères du patrimoine.

§1 : Les éléments de patrimoine parfait.

A/ La cessibilité.

Les biens du patrimoine sont cessibles isolément : liberté d'en disposer un à un.

B/ La transmissibilité.

La patrimoine est transmissible, mais seulement à cause de mort (personne physique), ou en cas d'absorption (personne morale) : on veut attacher un patrimoine à une personne, et empêcher une personne de s'en départir. L'objectif est de protéger les êtres humains contre eux-mêmes, et permettre de changer d'avis. Ainsi, la donation de l'ensemble du patrimoine est interdite, et la mort civile n'existe plus.

C/ La saisissabilité.

Le patrimoine peut être saisi, pas dans sa totalité mais sur l'ensemble des biens qui le compose. Limite : les créances alimentaires sont protégées, de même que les salaires surtout en cas de licenciement.

§2 : L'esprit du patrimoine.

A/ Le patrimoine est lié à la personne.

Tout le monde a un patrimoine, et on ne peut se départir de sa totalité, car il est une émanation de la personnalité juridique. La loi du 22/7/1867 a supprimé la contrainte par corps.

B/ L'unité du patrimoine.

Le patrimoine est indivisible : toute personne en a un, et n'en a qu'un seul. Le droit allemand admet la divisibilité au travers du patrimoine d'affectation. Le droit français admet quelques rares exceptions, telles que la fortune de mer (affectation d'un patrimoine professionnel pour les commerçants maritimes en raison du risque), l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire (art. 1413 et suivants du code civil), l'EURL et l'EARL (engagement de la personne morale à concurrence de l'actif apporté). Un projet Marini souhaite étendre ces dispositions aux sociétés par actions simplifiées unipersonnelles et aux SA unipersonnelles = développement du patrimoine d'affectation en droit commun.

L'article 2093 du code civil stipule que "les biens du débiteurs sont le gage commun des créanciers". Il s'agit d'un objectif de sûreté maximale.

Chapitre 2 : Diverses classifications.

Section 1 : La distinction entre les droits réels et les droits personnels.

§1 : La classification.

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Le droit objectif (impérium) concerne surtout le droit public. Les droits subjectifs (dominium), qui comportent notamment le droit des personnes, se subdivisent entre les droits extra patrimoniaux et  patrimoniaux. Ces derniers regroupent les droits réels et les droits personnels (droit des obligations).

A/ Les droits réels.

Ils portent sur des choses corporelles : choses existantes, individualisées, déterminées. Les choses futures en sont donc exclues. Ces droits procurent un pouvoir direct et immédiat sur la chose : ils considèrent un rapport homme/chose. Le droit de propriété est le droit réel par excellence.

1) Les droits réels principaux.

L'article 544 du code civil traite de la propriété : il s'agit du droit réel principal. Juste derrière, on place les démembrements de la propriété : usufruit (578) ; servitudes (637) ; emphytéose (937-951 code rural) ; droit d'usage et d'habitation (635-637).

Cette liste est limitative car les individus doivent être en mesure de connaître les droits réels principaux.

2) Les droits réels accessoires.

Ils sont accessoires à un droit personnel : il s'agit de droits réels adjoints à un droit personnel insuffisant par lui-même. Ex : l'hypothèque (droit réel) qui couvre un prêt (droit personnel).

· Les droits réels accessoires sur les immeubles : l'hypothèque (art. 1144), le privilège immobilier spécial (hypothèque spéciale), l'antichrèse (art. 2085 : nantissement d'un immeuble).

· Les droits réels accessoires sur les meubles : le gage (art. 2037 du code civil), le privilège immobilier spécial (il peut être considéré comme portant sur un meuble ou sur un immeuble).

B/ Les droits personnels.

On retrouve principalement les obligations. En pratique, tout ce qui ne peut pas être qualifié de droit personnel est un droit réel. Dans les droits personnels, il y a 2 personnes : un créancier et un débiteur.

C/ La frontière entre les droits réels et les droits personnels.

L'usufruit est un droit réel ; le bail est un droit personnel. Dans la pratique, il n'y a pas de grande différence, puisque l'usufruit permet par exemple d'occuper une maison et de se comporter comme le propriétaire sans l'être. Le nu-propriétaire a le titre de propriété, mais l'usage et la jouissance sont pour l'occupant. L'usufruitier a un pouvoir direct et immédiat sur la chose : il peut tout faire sauf la détruire, car l'usufruit a vocation à disparaître un jour.

La servitude de passage est une atteinte au droit de la propriété. C'est un droit réel mais qui fait apparaître un droit personnel : le propriétaire du terrain sur lequel repose la servitude de passage est obligé d'entretenir la bande de passage. C'est une obligation propter rem (à cause de la chose).

§2 : Le régime juridique applicable.

A/ L'opposabilité.

C'est permettre au titulaire d'un droit réel d'exiger le respect de son droit. Il n'a pas à prouver que les autres connaissaient ce droit, car il est opposable erga omnes. Quelques limites : dans certains cas, des conditions (publicité,…) doivent être remplies pour rendre le droit opposable.

B/ Le droit de suite.

Il permet de suivre la chose. Il faut respecter des règles de forme.

C/ Le droit de préférence.

Il pose des priorités. Il a pour raison d'être de régler des choses complexes : plusieurs personnes réclament des droits incompatibles sur une même chose : le droit de préférence permet de trouver la personne qu'on va préférer aux autres = celui qui a régulièrement inscrit son droit.

D/ L'abandon (ou déguerpissement).

En principe, le titulaire d'un droit réel peut s'en défaire de sa propre initiative sans avoir à le céder. On peut ainsi abandonner la détention d'un immeuble, pour céder la place à un créancier. Il faut respecter quelques conditions : procéder à une déclaration au greffe du tribunal du lieu de situation de l'immeuble ; ne pas être obligé personnellement à la dette ; un minimum de capacité juridique : être capable d'aliéner ; il ne faut pas être obligé à la dette, être débiteur vis-à-vis de l'immeuble. On nomme alors un curateur pour l'immeuble : la saisie sera poursuivie contre le curateur.

Section 2 : La distinction des meubles et des immeubles.

Cette distinction, fondamentale en droit des biens, peut poser problème.

AP, 15/4/1988 (affaire des fresques de Casenove) : la Cour de cassation a considéré que des fresques étaient des meubles, bien qu'elles soient réalisées sur un mur, et qu'elles soient faites pour y rester.

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§1 : La summa divisio.

L'art. 516 du code civil présente deux grandes catégories : "tous les biens sont meubles ou immeubles". Celle des meubles est résiduelle : tout ce qui ne peut pas être qualifié d'immeuble est un meuble.

A/ Les immeubles.

Le code civil, dans la version de 1804, est d'inspiration rurale. Les immeubles sont définis aux articles 518, 519, 520, 521, 524, 556, 557 et 559 à 564. Ce qui compte dans les immeubles, c'est la terre : tout ce qui y a trait, et la terre elle-même sont des immeubles. L'article 517 classe les immeubles en 3 catégories.

1) Les immeubles par nature.

Ce sont des biens qui font l'objet d'une certaine fixité : sol, biens incorporés au sol, bâtiments, moulins à vent (art. 519) et tous les végétaux.

2) Les immeubles par destination.

C'est un meuble destiné à devenir immeuble. C'est une fiction de droit : bien que ce soit un meuble, on fait comme si c'était un immeuble. L'article 522 énonce un cas, mais on peut aussi ajouter les tracteurs attachés à une exploitation agricole, les camions d'une entreprise de déménagement, les grosses machines d'une usine, le chien de garde qui ne quitte pas sa niche, les clés de maison,… Pour qu'une chose soit un immeuble par destination, il faut :         - une identité de propriétaire : le meuble et l'immeuble (de rattachement) doivent appartenir au même propriétaire.

                                                      - un rapport de destination entre le meuble et l'immeuble par nature : il faut relever la volonté du propriétaire de faire du meuble un immeuble par destination.

                                                      - un lien objectif entre le meuble et l'immeuble. L'article 524 prévoit l'affectation au service du fonds, mais il peut aussi s'agir d'une attache à perpétuelle demeure (art. 525).

3) Les immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent (art. 526).

Ce sont des droits portant sur un immeuble (droits réels immobiliers) : des actions en revendication de propriété immobilière, des actions immobilières possessoires et pétitoires. Les immeubles doivent faire l'objet d'une publicité par le biais d'une inscription au registre de conservation des hypothèques. Il s'agit d'avertir les tiers qu'un droit est né sur cet immeuble. Le principe du livre foncier, applicable en Alsace et Moselle, est inspiré du système allemand : l'inscription est réalisée par le juge.

B/ Les meubles.

Ils ne valent rien. Jusqu'au Moyen Age, on considérait qu'ils n'avaient pas de valeur (res mobilis, res vilis). Le code civil de 1804 n'était pas éloigné de cette pensée : les meubles y font l'objet d'un effort mois soutenu que les immeubles. Ils sont dispensés du système de publicité : dans la plupart des cas, on n'a pas de titre de propriété. Seuls les meubles qui ont de la valeur sont immatriculés : les voitures, avions, bateaux,… En général, un meuble est quelque chose de mobile, mais ce n'est pas une équation certaine.

1) Les meubles corporels.

a_ Les meubles par nature (art. 528)

Les animaux sont des meubles : ils sont traités comme des choses inanimées. Les matériaux de construction sont des meubles (avant la construction), de même que le gaz, l'électricité ou l'essence.

b_ Les meubles par anticipation.

Ce sont des immeubles qui ont vocation a devenir des meubles. Un champ de blé est un immeuble, mais le blé coupé est un meuble. Si le blé est acheté avant d'être poussé, le contrat porte sur un immeuble par anticipation. On applique l'effet relatif aux tiers au contrat : pour eux, le bien reste un immeuble.

2) Les meubles incorporels.

a_ Les meubles par l'objet auxquels ils s'appliquent.

C'est un droit réel mobilier : l'usufruit est un droit réel ; l'usufruit d'un meuble est un droit réel mobilier. C'est aussi le cas des créances mobilières ou des actions en justice (délictuelle ou contractuelle).

b_ Les meubles par détermination de la loi (art. 529 du code civil).

Ce sont les parts sociales, les actions des sociétés cotées en bourse, les rentes, les propriétés incorporelles (clientèle, offices ministériels, et surtout toute la propriété industrielle et intellectuelle).

§2 : Les distinctions secondaires.

A/ La distinction entre les choses consomptibles et non consomptibles.

Il s'agit en fait de choses qui s'usent et disparaissent par le premier usage que l'on en fait.

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La raison d'être de cette distinction est évidente dans une hypothèse de prêt, car en principe, le bien est restitué à terme. Pour un bien consomptible, il faudra prévoir dans les termes du contrat la façon dont il sera rendu au terme du prêt : une restitution par équivalent suffit pour ce genre de bien.

B/ L'opposition chose fongible/chose certaine.

Une chose fongible est une chose de genre (un bien rigoureusement équivalent à un autre comme instrument de paiement ou de restitution) : le débiteur pourra désintéresser le créancier en lui rendant une chose du même genre. Ce sont toutes les choses que l'on mesure par de la quantité : du pain, de l'argent,…

Un corps certain est déterminé, identifié. On ne peut restituer en équivalence : il faut indemniser.

· Transfert de propriété : en cas de disparition du bien avant la remise à l'acheteur, pour un bien fongible, on considère qu'il n'y a pas eu de transfert de propriété : la chose périt au propriétaire (res perit domino). Pour un corps certain, le transfert de propriété est opéré, du fait du consensualisme, dès la signature.

· La compensation (deux parties sont créancières l'une envers l'autre) : elle n'existe que si les dettes existent entre les mêmes parties, et qu'elles sont fongibles, liquides et exigibles. Souvent, la compensation est réalisée par une somme d'argent (art. 1291). On n'exige pas que les dettes soient connexes.

C/ Les choses appropriées et non appropriées.

En théorie, toutes les choses sont susceptibles d'appropriation, mais il n'y a aucune obligation. Selon l'article 1128, "seules les choses dans le commerce peuvent être l'objet de conventions" : des points d'achoppement existent autour d'hypothèses délicates (clientèle, sépulture,…) qui touchent à l'humain.

Les sépultures sont des choses hors commerce : elles sont protégées par le respect de l'humain, et de ce qu'il en reste après la mort. On ne peut enterrer qui on veut où on veut. TI Lille, 26/11/1998 : le juge judiciaire (garant de la propriété) s'est déclaré compétent en parlant de la possession d'une sépulture (droit réel immobilier à valeur patrimoniale) méritant d'être protégée au même titre que la propriété.

Le corps humain est une chose hors commerce : l'article 1128 s'applique donc : TGI Paris, 3/6/1969 a refusé l'application d'un contrat prévoyant le prélèvement d'un tatouage fait pour les besoins d'un film sur une mineure, en raison de l'illicéité de l'objet ; AP, 31/5/1991 interdit les contrats de mère porteuses car il s'agit de contrats de location sur le corps humain. Il y a un problème autour de la réification pour fixer les limites avec les prothèses : TGI Lille, 23/3/1999 considère un chien d'aveugle comme une prothèse.

Dans le don de sang, le sang est traité presque comme une chose : certains auteurs souhaiteraient poser un droit de destination, permettant au donneur de surveiller l'utilisation de son don. En matière de prélèvements des organes vitaux, le système français présume le consentement de la personne en situation de coma dépassé, mais une manifestation du vivant de la personne exprimant son refus suffit à la renverser. Les éléments du corps ne sont plus traités comme un corps humain mais comme des choses.

1) Les choses communes (art. 714).

Ce sont des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous : l'air, l'eau, le gibier, les poissons en mer, la chaleur, le soleil. Des polices limitent l'appropriation des sources d'énergie.

2) Les immeubles vacants et sans maître.

Un bien sans maître appartient au domaine privé de l'Etat. En fait, seuls les immeubles sont concernés. En matière de meubles, on considère qu'ils restent sans maître jusqu'à ce que quelqu'un se les approprie.

3) Les biens du domaine public.

Ils sont classés selon des domaines, et ne peuvent en sortir que par un déclassement (loi ou décret).

· Le domaine public maritime : les ports, rivages, lais et relais de la mer. Un ostréiculteur ne peut pas être propriétaire de "son" champs : il y a des régimes d'occupation temporaire (concession de 5 à 50 ans). Il ne peut pas utiliser économiquement la surface qu'il exploite comme le peut un agriculteur. La loi du 17/11/1997 leur permet donc de revendiquer des droits réels, notamment d'hypothéquer leurs bâtiments.

· Le domaine public fluvial : les voies navigables et flottables, les canaux.

· Le domaine public terrestre : les routes, chemins, rues, fortifications, édifices publics, œuvres d'arts des musées, livres de bibliothèques,…

4) Les richesses publiques.

Elles appartiennent à la collectivité, mais l'état peut en autoriser l'exploitation par des concessions : mines,…

Partie 1 : Théorie générale des biens : les choses et les hommes.

Un homme peut avoir sur une chose, des pouvoirs de droit (il faut montrer une emprise qu'il peut avoir sur une chose et qui coïncide avec ce que le droit reconnaît) ou de fait :(c'est ce qui apparaît).

Titre 1 : Les pouvoirs de droit sur une chose.

Chapitre 1 : La propriété : l'appropriation exclusive.

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La propriété est le droit réel par excellence. Selon l'article 544 du code civil, "la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les droits ou les règlements".

Section 1 : Présentation du droit de propriété.

§1 : Les attributs.

Le droit de propriété est le seul qui réunisse les trois attributs que sont l'usus, l'abusus et le fructus.

Ä L'usus (» usage) est le pouvoir d'user personnellement de sa chose. C'est une notion factuelle.

       Ä Le fructus (» fruit) est le pouvoir de jouir de sa chose, d'en obtenir les fruits. En droit, la notion de fruit désigne ce qu'une chose produit périodiquement sans altération de sa substance.

On distingue :            - les fruits naturels (art. 583) proviennent de la culture, du croît des animaux,…

                   - les fruits industriels (art. 583) viennent du travail de l'homme : le fruit d'une semence,…

                   - les fruits civils (art. 584) sont de l'argent : loyers perçus, intérêts des capitaux placés,…

Les produits sont produits par la chose en en altérant sa substance (mine,…). Le propre du produit est de ne jamais être reproduit.

       Ä L'abusus (» abuser) est un droit extrême : on peut abuser de la chose, dans le sens où on peut en disposer en la faisant disparaître. L'acte de disparition permet de faire sortir un bien du patrimoine.

A/ La jouissance.

Il s'agit de l'utilisation (user de la chose : jus utendi) d'une chose dont on perçoit les fruits (jus fruendi). C'est un droit et non pas un devoir.

B/ La disposition.

On retrouve l'abusus. La disposition est le paroxysme en matière de droit de propriété.

§2 : Les caractères.

Le code civil érige la propriété en un droit inviolable et sacré. Le Conseil constitutionnel a déclaré le caractère fondamental du droit de propriété dans une décision du 16/1/1982.

A/ L'absolutisme.

1) Le principe général.

L'adjectif "absolue" contenu dans l'article 544 permet de parler de l'absolutisme du droit de propriété : il est absolu dans son esprit, son étendue,… Le propriétaire peut faire ce qu'il veut de sa chose (art. 552).

2) La théorie de l'empiétement.

Le propriétaire d'un terrain construit sa maison en débordant sur le territoire de son voisin. En théorie, le juge peut ordonner la destruction de ce qui empiète. La théorie (jurisprudentielle) de l'empiétement est plus souple : que la personne qui empiète soit ou non de bonne foi, et que l'empiétement soit minime ou non, le propriétaire du terrain amputé peut fixer un prix pour "obliger" l'autre à acheter la parcelle utilisée.

B/ L'exclusivité.

Le propriétaire a des droits exclusifs sur la chose : on ne peut forcer la propriété, ni à être propriétaire.

C/ La perpétuité.

Toute action s'éteint par prescription (art. 2262). La prescription maximum est de 30 ans.

La prescription acquisitive existe : quelqu'un peut acquérir la chose en l'utilisant pendant le délai de prescription. Par contre, la prescription extinctive n'existe pas en matière de propriété : ne pas utiliser la chose n'entraîne pas sa perte. La propriété est donc un droit perpétuel. Un arrêt d'Assemblée Plénière du 23/6/1975 confirme cette solution : suite à une tempête qui a entraîné la rupture d'une digue, un étang est recouvert par la mer. Après 70 ans, une digue naturelle s'est reformée, et l'étang est à nouveau séparé de la mer : les héritiers du propriétaire en retrouvent la propriété, qu'ils n'ont pas pu perdre par le non-usage.

Des droits de propriété temporaires existent aussi : les droits d'auteur se prescrivent 50 ans après la mort.

La conception perpétuelle du patrimoine se retrouve dans les successions et héritages : le droit français admet la transmission successorale de génération en génération.

Section 2 : L'acquisition de la propriété.

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Sur les trois livres contenus dans le code civil, un livre est consacré à la propriété. Le mode d'acquisition le plus classique est de tenir un bien du propriétaire précédent. En matière immobilière, il existe des modes d'acquisition particuliers. Le Patrimoine Commun de l'Humanité regroupe toutes les choses qui n'appartiennent à personne en particulier, mais à tout le monde en général.

§1 : Les modes légaux.

A/ L'acquisition volontaire.

1) L'occupation.

C'est un mode direct, immédiat, "primitif et parfois sauvage" (Cornu) d'acquisition de la propriété. Juridiquement, c'est l'appréhension effective d'une chose qui n'appartient à personne (res nullius). Elle ne pourra marcher qu'en matière mobilière, car tout immeuble appartient à quelqu'un (ou à l'état).

2) La possession.

C'est une situation de fait : une emprise matérielle sur la chose. Elle ne coïncide pas toujours avec la propriété.

B/ L'acquisition automatique.

1) La succession.

C'est la conséquence d'un fait juridique, à savoir le décès d'une autre personne. La propriété des biens est transférée par le biais de la succession : en théorie, le transfert s'effectue dès le décès, mais il est possible de refuser par la suite.

2) L'accession.

Accessorium sequitur principale : l'accessoire suit le principal. Il s'agit d'un mode non volontaire d'acquisition de la propriété. Le propriétaire d'un terrain est aussi propriétaire des biens construits ou plantés sur ce terrain, ainsi que des ressources issues du sol.

a_ L'accession naturelle.

Elle se fait sans intervention humaine, par union ou incorporation d'une chose à une autre (art. 546 à 554). Il s'agit du cas de biens apportés par la crue d'un cours d'eau, de la chute d'objets (météorites,…). L'art. 564 prévoit tout de même que la chose ne doit pas être arrivée sur le terrain par fraude ou artifices.

b_ L'accession artificielle.

Elle résulte d'une activité humaine (construction ou plantation).

       Ä L'utilisation de matériaux appartenant à quelqu'un d'autre (art. 554) : le propriétaire du terrain devient propriétaire des matériaux, car ils sont devenus accessoires au terrain. Leur propriétaire ne peut pas les récupérer, même si plus tard ils sont à nouveau détachés du terrain. En revanche, il doit être payé, la valeur étant estimée à la date du paiement. Il est aussi possible d'envisager des dommages et intérêts.

Ä La construction sur le terrain d'autrui (art. 555) : ce cas diffère de celui de la théorie de l'empiétement, en ce que la totalité du bien est construit sur le terrain d'autrui. Le propriétaire du sol peut soit conserver la propriété du bien, soit demander son enlèvement aux frais du constructeur. Les travaux doivent réaliser une chose nouvelle et autonome par rapport à ce qui existait (rénovation insuffisante).

En pratique, on distingue les impenses :  - nécessaires : ils ont été réalisés pour ne pas porter atteinte à la substance de la chose (système d'évacuation des eaux,…). Leur auteur a droit au remboursement.

                                                    - utiles : ils ne sont pas indispensables (simple drainage du terrain,…). Leur auteur n'est remboursé que de la plus-value apportée à la maison par les travaux.

                                                    - voluptuaires : ils n'ont d'intérêt que pour celui qui les a réalisé (piscine,…). Le propriétaire peut demander la remise en état des lieux, et des dommages et intérêts.

L'art. 555 distingue selon que l'auteur de la construction était ou non de bonne foi : si le constructeur est de :           - bonne foi, il sera indemnisé (à la charge du propriétaire), soit de l'équivalent de la plus-value apportée au bien, soit du coût des matériaux et de la main d'œuvre. La démolition est rare dans un tel cas.

       - mauvaise foi, la démolition est souvent ordonnée ainsi que l'indemnisation du propriétaire (à la charge du constructeur).

L'article 2268 énonce que la bonne foi est toujours présumée : il faut prouver la mauvaise foi.

§2 :L'acquisition conventionnelle.

La rencontre des volontés suffit à rendre la vente parfaite, en vertu du principe du consensualisme : il n'est pas nécessaire que le transfert de propriété ai été matériellement réalisé. En matière immobilière, le consensualisme cède la place devant le formalisme : il faut un acte matériel, le plus souvent notarié.

Section 3 : Les limites du droit de propriété.

§1 :Les limites légales et réglementaires.

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A/ Les limites d'ordre public.

1) La monnaie.

C'est un bien meuble particulier : c'est un bien corporel, consomptible par le premier usage, et fongible. L'argent est seulement mis à disposition du citoyen, qui a un droit d'usage et de jouissance, mais pas l'abusus (interdit de le démolir). Il est juste dépositaire de la monnaie, pas propriétaire.

2) L'expropriation.

L'article 545 apporte un tempérament au principe de l'article 544 : il admet l'expropriation, mais uniquement pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

3) Le droit de préemption.

L'Etat exerce parfois ce droit au profit du Trésor quand un prix de vente lui paraît insuffisant ou en cas d'aliénation (pour empêcher qu'un bien appartenant à l'histoire ne quitte le domaine public national).

B/ Les limites d'ordre privé.

1) Les œuvres artistiques.

Elles sont soumises à un régime juridique spécial. L'exercice des droits de propriété peut être limité : il est interdit de détruire une œuvre d'art (pas d'abusus). L'auteur garde des droits sur l'œuvre après la vente.

2) L'entretien.

Il y a des obligations légales d'entretien : en cas de risque d'atteinte à la sécurité des personnes (maison qui s'écroule sur la voie publique) ; en matière de servitude de passage (entretien du chemin concerné),…

3) Les autorisations administratives.

Il faut respecter les régimes d'autorisation de construire ainsi que diverses autres réglementations.

§2 :Les limites jurisprudentielles.

Les tribunaux judiciaires sont les gardiens naturels de la propriété privée.

A/ La théorie de l'abus de droit.

Cette théorie date du droit romain : elle vise à sanctionner l'exercice malicieux d'un droit.

1) Le concept.

Pour Planiol, le droit cesse là où l'abus commence : celui qui abuse de son droit n'est peut-être plus dans son droit. Juridiquement, on ne peut pas délimiter l'exercice d'un droit, mais plutôt définir la limite où il y a abus. Josserand parle ainsi de l'exercice antisocial d'un droit. Les limites peuvent résulter de différents, tous soumis à subjectivité : art. 1134 al.2 (bonne foi) ;  la notion d'excès de pouvoir en droit administratif ; le critère psychologique de l'intention de nuire ; … = frontières assez floues à définir.

2) Les critères.

La jurisprudence a essayé de dégager des critères. L'arrêt des sources de St-Galmier retient la qualification d'abus de droit en raison de forages pratiqués dans un jardin, dans le but de gêner l'exploitation d'une source d'eau par le voisin. L'arrêt Clément Bayard (Req. 3/8/1915) retient l'abus du droit de propriété en reprochant au propriétaire d'avoir érigé des pieux sur des baraquements dans le seul but d'obliger son voisin a lui acheter son terrain.                            Þ Il faut une intention de nuire et une absence d'utilité.

Deux adages s'appliquent à cette théorie : "dura lex, sed lex" ("la loi est dure, mais elle est la loi") et "summum jus, summa injuria" ("au droit le plus extrême, l'injustice la plus grave").

B/ La théorie des troubles anormaux de voisinage.

1) Le principe.

Cette théorie jurisprudentielle est soumise à l'appréciation des juges : il faut la présence de voisins (pas nécessairement contigus) et un trouble (sonore, olfactif, fumée,…). Le caractère répété de la gène et l'intensité sont recherchés, de même qu'une faute d'imprudence ou de négligence. En fait, l'activité du voisin est souvent légale, mais en raison de l'usage qui en est fait, le trouble de voisinage devient anormal.

Les cas les plus fréquents sont ceux de proximité d'un aéroport ou d'une porcherie. Si le voisin s'est installé après, en connaissance de cause, il ne peut pas se plaindre ; s'il était installé avant, il peut obtenir une condamnation pour troubles de voisinage, ou obtenir de l'exploitant qu'il réduise au maximum la nuisance (filtres,…).

2) Sanction.

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L'appréciation est in concreto. Les juges du fond peuvent demander la limitation de la nuisance, accorder des dommages et intérêts, … Pour Starck, c'est un droit de nuire moyennant indemnité.

C/ La théorie de l'apparence.

Dans certains cas, la personne qui a cru traiter avec le verus dominus (véritable propriétaire) doit être protégée.

Exemple : suite à un décès, un testament attribue un bien à l'un des héritiers, qui le revend. Un testament plus récent est découvert : il doit donc être appliqué, mais il attribue le bien en question à un autre héritier. Le nouvel acquéreur est protégé, car il a cru traiter avec le véritable propriétaire. Ses droits sont reconnus en application de l'adage Error communis facit jus ("l'erreur commune fait le droit") : la personne doit avoir commis une erreur que n'importe qui aurait commis.

1) Nemo plus juris.

Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : "nul ne peut transmettre plus de droit qu'il n'en a lui-même". Cette règle reçoit une première limitation avec l'application de la théorie de l'apparence, mais il y en a d'autres : l'article 2279 ; l'inopposabilité de la contre-lettre d'une simulation aux tiers ; la prescription acquisitive ;…

2) Les conditions d'application de la règle.

L'opération réunit 3 personnes : le véritable propriétaire, le propriétaire apparent, et le tiers acquéreur (acquéreur a non domino). La théorie de l'erreur commune ne s'applique que dans trois hypothèses : en présence d'un héritier ou d'un légataire ; d'un mandataire ; ou d'un propriétaire apparent.

a_ Un acte à titre onéreux.

La raison d'être de la règle est de protéger les tiers. Si l'acte conclu entre le propriétaire apparent et le tiers acquéreur est un acte à titre gratuit, on peut retirer ce droit à son nouveau propriétaire sans qu'il y perde. Il n'a donc pas de raison d'être protégé.

En cas de succession, le caractère quasi-gratuit est entre le véritable propriétaire et le propriétaire apparent : cela n'intervient pas.

b_ Un  tiers de bonne foi.

Le tiers acquéreur doit réellement avoir cru traiter avec quelqu'un qui était le véritable propriétaire. Peu importe l'erreur qu'il a commis. De plus, la bonne foi est présumée en vertu de l'article 2268 du code civil.

c_ Une erreur commune.

Elle doit être partagée par tous : tout le monde a pris cette personne pour le véritable propriétaire.

d_ Une erreur invincible.

Il était impossible de ne pas se tromper : il ne doit pas y avoir de moyen de vérifier s'il y avait ou non une erreur. Pour Carbonnier, c'est une "erreur de force majeure".

3) Les effets de la règle.

a_ Les rapports entre le véritable propriétaire et le tiers acquéreur.

Le tiers acquéreur est considéré comme le propriétaire de la chose : il est maintenu dans son droit de propriété. Le véritable propriétaire est donc dépouillé de sa propriété.

b_ Les rapports entre le véritable propriétaire et le propriétaire apparent.

Si la chose n'a pas encore été aliénée, le propriétaire apparent la restitue au véritable propriétaire.

Si le propriétaire apparent était de bonne foi : il doit restituer la somme issue de la cession du bien, mais peut garder les éventuels fruits de la chose (loyers,…).

Si le propriétaire apparent était de mauvaise foi (il savait ne pas être propriétaire de la chose) : il doit restituer la chose (ou la somme correspondante), ainsi que les éventuels fruits qu'il aurait pu recevoir. Il peut aussi être condamné à verser des dommages et intérêts au véritable propriétaire si celui-ci a subi un préjudice.

Chapitre 2 : L'attribution concurrente.

Plusieurs personnes peuvent avoir en même temps des droits ressemblant à de la propriété sur un même bien.

Section 1 : La propriété collective.

Au moins 2 personnes sont propriétaires d'un même bien : chaque protagoniste a les trois attributs de la propriété. La multipropriété n'est pas concernée, car il n'y a qu'une sorte de droit de jouissance : selon la loi du 8/7/1998 (transposition en droit interne d'une directive européenne du 27/10/1994), il s'agit de "jouissance des biens immobiliers à temps partiel".

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Les "biens sectionnaux" sont des terres léguées à une commune, qui appartiennent à chacun des habitants de la commune. Cette règle existe depuis le XVIIIème dans certaines régions. Un village de Lozère avait institué un tirage au sort annuel pour déterminer le propriétaire du morceau de terre pour l'année. Celui qui le récupérait le sous-louait à un agriculteur = c'était une sorte de jouissance privative temporaire et aléatoire d'un bien. Ce mécanisme a été décrété illégal.

La propriété collective à l'état pur recouvre les hypothèses de copropriété, de propriété commune, et de propriété indivise. En 1804, les rédacteurs du code civil concevaient la propriété exclusive d'une personne sur une chose, mais ne faisaient que tolérer de rares hypothèses de propriété collective (biens communs des époux, un peu d'indivision,…).

§1 : La copropriété ordinaire : l'indivision.

Pour le droit civil, l'indivision est quelque chose d'exceptionnel et d'anormal. La loi du 31/12/1976 est la première a légiférer en cette matière et le code civil n'effleure cette question qu'au seul article 815.

La loi avait pour objectif de prévoir les cas où l'indivision est admise, et de doter l'indivision d'une organisation. Elle prévoit aussi les problèmes qui peuvent apparaître, et les modes de règlements de ces problèmes : au bout de 5 ans, tout est prescrit.

Juridiquement, l'indivision ne doit pas durer plus de 5 ans, mais, dans les faits, si les co-indivisaires s'entendent, il n'y a pas de raison que l'indivision s'arrête. Chaque indivisaire doit être traité sur un pied d'égalité avec les autres : il faut donc l'unanimité pour toutes les décisions concernant le bien. Il est aussi possible de sortir de l'indivision : le droit fait tout pour permettre cette sortie.

A/ L'indivision légale.

Le législateur s'est inspiré du régime de la communauté de biens entre époux : le code civil organise des mesures de déblocage en cas de situation de crise. L'article 815 du code civil prévoit que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision, et que le partage peut toujours être provoqué.

Pour le législateur, l'indivision est un état temporaire avant un passage à la propriété ordinaire. Cette conception tient au fait que la loi fixe une durée maximum de l'indivision de 5 ans, et que même si cette règle n'est pas respectée, un jour ou l'autre, il y aura un retour à la propriété individuelle.

1) La nature des droits des co-indivisaires.

a_ La quote-part.

Chaque co-indivisaire est propriétaire d'une fraction théorique du bien indivis : il peut disposer de sa quote-part, notamment la céder ou l'hypothéquer.

Les quotes-parts peuvent être variables : les co-indivisaires n'ont pas forcément tous la même fraction du bien. En cas de part d'importance égale, on parle de "parts viriles".

Il est juridiquement permis d'aliéner sa quote-part : le co-indivisaire peut provoquer le partage s'il veut sortir. Cela marque alors la fin de l'indivision.

b_ Le partage.

Selon l'article 815 du code civil, chaque co-indivisaire peut à tout moment demander le partage de l'indivision. La loi ne prévoit aucun aménagement à cette règle, mais le juge pourra décider de surseoir à la réalisation immédiate du partage dans le cas où le partage risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis. Le but est d'éviter un usage abusif du droit : il s'agit juste d'un délai.

Si un indivisaire veut partir, mais que les autres veulent rester en indivision, ils peuvent racheter la quote-part de l'indivisaire qui veut partir, et bénéficient même d'un droit de préemption. Cela permet d'empêcher la vente du bien tout en permettant à celui qui veut partir de recevoir sa somme d'argent, ainsi que d'éviter la vente de la quote-part à un tiers.

2) La gestion de l'indivision.

L'unanimité (unicité de la propriété) n'est exigée que pour les actes de disposition (cession du bien,…).

a_ Les actes de gestion.

· Les actes d'administration : l'exigence de l'unanimité est assouplie, et on pose des présomptions de mandat : un indivisaire qui fait des actes d'administration est présumé avoir agi à la demande des autres. L'acte est alors opposable à tous les co-indivisaires.

L'habilitation judiciaire : le juge autorise à passer outre le refus injustifié de l'un des co-indivisaires.

· Les actes conservatoires : chacun des co-indivisaires peut prendre une décision relative à ces actes.

Þ En dehors des actes conservatoires ou d'administration, le législateur incite les co-indivisaires à se faire des mandats :  - le mandat général est un blanc-seing pour tous les actes de gestion. Le mandant étant engagé par n'importe quel acte juridique du mandataire, c'est limité aux actes d'administration courante.

                          - le mandat spécial est utilisé lorsqu'un acte déterminé doit être pris.

b_ Les mesures de crise.

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Elles visent à débloquer les situations de crise susceptibles d'apparaître au sein de l'indivision. Le juge peut :        - habiliter un co-indivisaire à représenter un indivisaire "hors d'état de manifester sa volonté".

     - autoriser un co-indivisaire à agir pour celui qui oppose un refus mettant en péril l'intérêt commun.

c_ Les questions pécuniaires.

Chaque co-indivisaire supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision.

Les créanciers de l'indivision sont distingués des créanciers personnels des indivisaires, et sont privilégiés : on affecte à leur garantie les biens indivis.

Les fruits (surtout les fruits civils) : tous les fruits des biens indivis augmentent l'indivision ("Fructus augent hereditatem"). Leur produit peut être laissé en pot commun, ou être partagé annuellement entre les co-indivisaires, après déduction des dépenses courantes. Après 5 ans (du jour où les fruits auraient dû ou pu être perçus) plus aucune recherche n'est recevable, car l'indivision est censée demeurer moins de 5 ans.

L'indivisaire gérant : il doit gérer dans l'intérêt collectif de tous les indivisaires. Il a droit à une rémunération pour sa gestion, indépendamment du résultat de son exploitation (prescription de 5 ans).

B/ L'indivision conventionnelle.

Elle a été recherchée, construite et élaborée par des personnes (innovation de la loi de 1976).

La durée ne peut excéder 5 années, mais le renouvellement est possible (décidé à l'unanimité). Le partage reste toujours possible. Un gérant doit être désigné (art.1873-5 et suivants), le droit de regard est renforcé, l'unanimité peut être remplacée par une majorité (changement décidé à l'unanimité).

§2 : La mitoyenneté.

Elle est contenue dans les articles 653 et suivants du code civil, au milieu des dispositions relatives aux servitudes, alors que ce n'en est pas une. C'est une copropriété particulière, qui concerne les voisins.

A/ Nature juridique.

C'est une propriété en commun d'un mur, d'une haie ou d'un fossé servant de séparation entre deux fonds. La mitoyenneté étant perpétuelle, elle ne peut pas porter sur une universalité : les biens qui la composent doivent avoir une utilité commune, c'est-à-dire servir aux deux fonds.

Toute hypothèse d'indivision sera exclue en cette matière, et il est impossible de céder son droit de mitoyenneté indépendamment de son propre fond : la dissociation est impossible.

B/ Etablissement.

1) Règles de fond.

a_ Acquisition.

Il faut un titre de propriété, qui servira ultérieurement de preuve.

Le mode conventionnel d'acquisition de la mitoyenneté : deux voisins décident d'édifier un mur à fonds commun et s'en partagent la mitoyenneté. Il est aussi possible pour le propriétaire exclusif d'un mur de proposer à son voisin la cession de la mitoyenneté (à titre onéreux ou à titre gratuit).

L'acquisition par prescription : un voisin qui se sera comporté comme s'il était mitoyen sans que le véritable propriétaire ne se soit manifesté, sera considéré en fait et en droit comme un propriétaire mitoyen, au bout d'un délai de 30 ans maximum.

L'acquisition forcée : c'est une solution jurisprudentielle. Elle aura lieu quand le voisin non propriétaire du mur s'en sert pour adosser une construction : on le force à acquérir à titre gratuit ou onéreux, la propriété du mur dont il se sert. C'est le pendant de l'acquisition par prescription.

b_ Cession.

La cession conventionnelle : un accord de volonté suffit.

La cession forcée de mitoyenneté : un voisin force le propriétaire exclusif à lui céder la mitoyenneté.

Le déguerpissement : chacun des copropriétaires peut abandonner la mitoyenneté (charges d'entretien trop lourdes,…). Cette hypothèse est exclue lorsque la personne a adossé une construction sur le mur, ou si les réparations à faire sur le mur sont de son fait.

2) Règles de preuve.

L'article 653 du code civil présume mitoyen tout mur servant de séparation. Cette présomption est réfragable, et aujourd'hui le nombre de cas où elle est renversé tend à renverser le principe.

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C/ Droits et obligations des voisins.

1) Droits d'usage.

Chaque copropriétaire mitoyen a le droit d'utiliser le mur, la clôture ou la haie pour y apposer une construction, y adosser une palissade,… Le législateur réglemente toutefois ces droits : le percement du mur ne peut excéder la moitié de sa largeur ; la palissade ne doit pas dépasser la hauteur du mur ;…

2) L'entretien.

Chaque copropriétaire peut prendre l'initiative des réparations, qui sont exécutées à frais commun.

3) Modifications.

La loi réglemente le perçage du mur mitoyen ou son surélevement. Le coût du surélevement sera ainsi supporté par le seul voisin qui la décidé. La partie surélevée pourra être cédée, mais il n'y a pas de possibilité d'acquisition forcée.

§3 : La copropriété des immeubles bâtis.

La loi du 10/7/1965 a modifié et remanié l'art. 664 c.civ., le seul à y être consacré. Les textes en la matière sont souvent impératifs : le statut légal de la copropriété est applicable dès qu'elle apparaît.

A/ Notions générales.

1) Parties privatives et parties communes.

En principe, chaque copropriétaire doit recevoir la propriété divise de parties privatives et une quote-part de la propriété indivise des parties communes. Les lots sont l'ensemble des droits appartenant, dans la copropriété des immeubles bâtis, à chaque copropriétaire, et comprenant outre la propriété exclusive d'une partie privative, une quote-part dans la copropriété des parties communes.

La propriété des parties privatives a un abusus encadré : il n'est pas possible de toucher aux parties communes qui se trouvent à l'intérieur de cet appartement (murs porteurs,…).

Les parties communes sont les parties des bâtiments et des terrains affectés à l'usage et à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. En fait, tout ce qui n'est pas partie privative est partie commune : c'est une catégorie résiduelle.

2) Documents fournis lors de l'achat.

Le règlement de copropriété : il est fondamental, en ce qu'il est le mode d'emploi de la vie en commun. Ce contrat (contrat d'adhésion) est accepté du seul fait de l'achat de l'immeuble. Il a été élaboré à l'origine par les premiers propriétaires, c'est-à-dire qu'il a été rédigé par ceux qui ont fait naître la copropriété.

L'état descriptif de la situation de l'immeuble : il contient la surface de l'appartement privatif, éventuellement de la cave et du parking privatif, et la surface totale des parties communes de la propriété.

3) Le syndicat de copropriété.

C'est une personne morale : il s'agit d'une association obligatoire dans une copropriété divise. Par ce biais, tout copropriétaire peut agir en justice pour la défense de ses intérêts propres ou de l'intérêt général. Il a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes.

Une personne qui achète un lot dans la copropriété devient automatiquement membre du syndicat. L'assemblée générale de la copropriété, organisée à intervalles réguliers, ne siégera régulièrement que si tous les copropriétaires y ont été convoqués, peu importe qu'ils soient ou non présents. Les décisions prises par l'assemblée générale s'imposent à tous les propriétaires, mêmes ceux qui ont voté contre ou qui n'étaient pas présents lors du vote. Une majorité renforcée est requise pour nommer et révoquer le syndic.

Le Conseil Syndical est une émanation facultative du syndicat de copropriété : seules les copropriétés importantes y ont recours. C'est un organe d'assistance et de contrôle du syndic, d'information et de surveillance. Il n'a pas tous les pouvoirs du syndicat de propriété, et s'il dépasse le cadre de ses prérogatives, ses actes pourront être contestés et sa responsabilité engagée.

4) Le syndic.

C'est l'exécutif : un agent chargé de prendre soin des affaires de la copropriété. Il s'agit d'une personne morale ou physique, copropriétaire ou non, professionnelle ou non : dans les grosses copropriétés, il s'agit souvent d'un syndic professionnel, personne morale non copropriétaire (emploi à temps complet) ; dans les petites copropriétés, c'est généralement une personne physique copropriétaire non professionnelle.

Il s'occupe : - de l'aspect matériel de la vie en copropriété : il exécute les stipulations du règlement de copropriété, et peut intervenir pour forcer un copropriétaire à respecter ce règlement.

                 - de la gestion matérielle de la vie de tous les jours, c'est-à-dire dresser les charges. Il paye le gardien et le concierge,… et se rémunère. Un copropriétaire non professionnel sera souvent bénévole.

B/ Droits et obligations des copropriétaires.

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En théorie, il n'y a pas de problème, car les droits et obligations sont posés par la loi ou le règlement de copropriété. Mais on ne peut pas reprocher à un locataire de ne pas respecter ce règlement.

1) Sur les parties privatives.

La liberté totale est le principe : on a presque tous les droits à l'intérieur de son appartement, sauf les limites posées par le règlement. On laisse la jouissance sur les parties privatives, mais à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres propriétaires, ni à la destination de l'immeuble.

La clause d'habitation bourgeoise a pour objet de limiter les installations de professionnels. En général, les professions libérales avec peu de passage de clientèle sont tolérées (architecte, médecin,…).

2) Sur les parties communes.

C'est un régime de copropriété indivise forcée et perpétuelle. Chaque copropriétaire a une quote-part sur ces parties, en proportion de la valeur de ses parties privatives. Ils ont tous un droit d'usage et de jouissance sur ces parties, mais à condition qu'il soit exercé conformément à la destination de l'immeuble, et sans porter atteinte aux droits des autres propriétaires.

Parmi les principales obligations, on trouve l'obligation de contribuer aux charges de la copropriété proportionnellement aux droits dans la copropriété : le calcul se fait au prorata des tantièmes. Il existe une dérogation pour l'entretien de l'ascenseur, dont les habitants du rez-de-chaussée sont dispensés.

Section 2 : L'usufruit.

Il confère temporairement la jouissance directe de la chose d'autrui. Il y a donc un nu-propriétaire, qui est obligé de partager sa chose, et un usufruitier, bénéficiaire du droit réel qu'est l'usufruit.

§1 :Heurs et malheurs de l'usufruit.

L'usufruit est un démembrement de propriété : quelqu'un dispose d'un droit réel sur la chose d'autrui.

Pour Mallaury, c'est une "institution de vieillard", car la population âgée y a beaucoup recours.

Ä la nue-propriété est conférée aux enfants : le décès de l'usufruitier leur donne la pleine propriété.

Ä dans un couple, le survivant a une vocation successorale d'usufruitier sur une partie des biens, les enfants étant nus-propriétaires.

Ä l'usufruit conventionnel porte sur des biens variés.

Ä la vente d'un immeuble avec usufruit moyennant une rente viagère.

Ä l'usufruit croisé : les concubins s'accordent réciproquement l'usufruit sur leur moitié du bien.

§2 :Nature juridique.

Art. 578 : L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. Cet article présente une similitude de construction avec l'article 544 relatif à la propriété.

A/ Domaine d'exercice.

L'usufruitier n'a que l'usus et le fructus. Le nu-propriétaire n'a que l'abusus.

1) Dans la durée.

L'usufruit a un caractère nécessairement temporaire. En présence d'un usufruit conventionnel, un terme a dû être prévu : le nu-propriétaire redeviendra alors propriétaire plein et entier. Si rien n'a été prévu, en présence d'usufruitier :      - personne physique : l'usufruit prendra nécessairement fin avec le décès de l'usufruitier. Il est possible de prévoir un délai plus court.

                                 - personne morale : l'usufruit ne peut excéder 30 ans (art. 619).

L'objectif est de permettre à l'article 578 de s'appliquer : le nu-propriétaire a vocation à redevenir propriétaire. Cela tient au fait que l'usufruit est un simple démembrement de propriété, stérile sur les plans juridique et économique.

2) Quant à l'objet.

a_ Des choses.

L'usufruit peut grever tout bien particulier, meuble (droit réel mobilier) ou immeuble (droit réel immobilier). Pour Proudhon, il "emprunte le corps de la chose qui doit être livrée à l'usufruitier".

Il peut porter sur une : - universalité : en cas de succession ab intestat (décès sans testament). On applique alors les règles légales contenues dans le code civil.

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                                 - chose corporelle ou incorporelle : c'est possible sur un fond de commerce, une propriété littéraire ou artistique, ou sur une valeur mobilière.

                                 - chose consomptible : la dernière condition de l'art. 578 ne pourra pas s'appliquer. Un portefeuille d'actions est concédé en nue-propriété, et l'ancien propriétaire en garde l'usufruit : cette valeur mobilière peut être mangée en bourse. De même, l'assurance-vie entre époux : le survivant en a l'usufruit, et les enfants en ont la nue-propriété. Le survivant en consomme ce qu'il veut, le reste revenant, à son décès, à ses enfants : la part consommée sera retenue sur sa propre succession (échappe au fisc).

b_ Des droits.

Ce droit réel peut porter sur un droit, une créance : c'est alors un droit réel sur un droit personnel. Il peut s'agir de l'usufruit d'un usufruit, de l'usufruit d'un autre droit réel ou de l'usufruit d'une servitude. Il est aussi possible de louer son usufruit : on fait alors un droit personnel sur un droit réel.

L'usufruit d'un usufruit : quelqu'un qui a l'usufruit d'un bien peut le donner en usufruit, et ainsi de suite. L'usufruit doit être temporaire : on prend en compte la vie de l'usufruitier originaire.

B/ Un droit réel démembré.

1) Un droit réel.

L'usufruit est un droit réel : il a les droits de suite et de préférence. Il y a un pouvoir direct et immédiat sur la chose : c'est donc un rapport homme / chose, alors qu'un locataire devra passer par son bailleur pour avoir un pouvoir sur la chose. L'usufruitier a donc plus de pouvoir que le locataire.

L'usufruit est protégé : son rachat forcé est interdit, sauf en matière successorale. La succession ab intestat attribue en usufruit ¼ du patrimoine au conjoint survivant. Les enfants peuvent procéder à son rachat forcé : les héritiers récupèrent le bien donné en usufruit en le rachetant en l'échange d'une rente.

L'usufruit peut être acquis pas prescription : une personne se comporte comme un usufruitier, mais il n'y a pas d'acte. Au bout d'un certain temps, il y a prescription acquisitive.

L'usufruit est un droit réel, alors que le bail est un droit personnel. Ces deux notions se ressemblent quand l'usufruitier jouit d'un immeuble contre une prestation financière. L'usufruitier a un pouvoir direct et immédiat sur la chose, alors qu'on ne peut pas sous-louer une location sans autorisation. La location ne vient que par un contrat de bail, mais l'usufruit peut naître de plusieurs façons.

2) Un démembrement du droit de propriété.

L'usufruit explose les 3 attributs de la propriété sur la tête de personnes différentes : l'usufruitier a l'usus et le fructus ; le nu-propriétaire a l'abusus. Dans une propriété, le propriétaire a ces trois attributs ; dans une copropriété, chaque copropriétaire a les trois attributs. L'abusus du nu-propriétaire n'est pas plein et entier, car il ne peut pas détruire le bien, et il ne peut en céder la propriété qu'à une moindre valeur. Il s'agit donc d'un abusus limité, dit "abusus en sommeil".

Pour le doyen Carbonnnier, l'usufruit est un droit de propriété temporaire. En fait, il ne remplit pas les conditions de ce droit. Même l'image d'une propriété temporaire limitée aux fruits est imparfaite.

§3 :Le régime juridique de l'usufruit.

L'usufruitier est actif, alors que le nu-propriétaire est passif.

A/ Etablissement et disparition de l'usufruit.

1) L'acquisition.

a_ L'usufruit légal.

Il est établi du fait de la loi : - lors d'un décès. En cas de succession ab intestat, l'usufruit naît automatiquement de par la loi : le conjoint survivant aura ¼ du patrimoine en usufruit. En France, le conjoint survivant n'a presque pas de droit : une réforme du droit de succession existe, mais n'aboutit pas.

                                               - pour les biens d'un mineur. On demande aux parents de gérer les biens de l'enfant, et ils en auront l'usufruit. Cet usufruit légal prend fin avec le décès de l'usufruitier, et à la majorité de l'enfant. C'est alors le nu-propriétaire qui met un terme à l'usufruit.

Dans ces cas, on retrouve l'application de "l'usufruit, institution familiale".

b_ Un acte juridique.

L'usufruit est un contrat. Il peut être vendu, cédé, hypothéqué, donné,… ou saisi par les créanciers.

On peut retrouver en arrière-plan un fait juridique : la succession ab intestat. Dans un testament, le de cujus peut organiser l'usufruit de certains biens, voire donner la totalité de ses biens en usufruit. La part réservataire implique de réserver une partie de ses biens à ses enfants, mais on peut faire ce que l'on veut du reste. L'usufruit est alors presque conventionnel, mais il n'y a pas de consentement des intéressés.

Il peut résulter d'un contrat à titre onéreux ou gratuit. Le propriétaire d'un bien qui veut faire un usufruit peut :            - garder l'usufruit et donner la nue-propriété : usufruit par deductionen.

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                   - donner l'usufruit et garder la nue-propriété : usufruit donné par translationem. C'est le moyen le plus simple de l'usufruit.

c_ Le fait juridique.

L'usufruit peut aussi s'acquérir par prescription acquisitive.

2) L'extinction.

L'usufruit s'éteint :            - au terme fixé, dans le cas d'un usufruit conventionnel. Si l'usufruit est passé avec une personne morale, le terme est de 30 ans.

                               - par la mort de l'usufruitier. S'il y a un seul nu-propriétaire, mais plusieurs usufruitiers, l'usufruit prendra fin avec le décès du dernier usufruitier.

                               - par la prescription extinctive : un usufruitier qui ne se comporte pas comme le propriétaire du bien pendant 30 ans perdra son usufruit.

                               - par la perte de la chose. La disparition de l'objet de l'usufruit y met fin, car il s'agit d'un droit réel. Si la chose disparaît par la faute de l'usufruitier (violation de l'art. 578 du code civil), il en est tenu pour responsable. Si elle disparaît par la force majeure, le nu-propriétaire supporte cette perte en vertu de la règle "la chose périt au maître". Si le nu-propriétaire fait disparaître la chose, il devra indemniser l'usufruitier : cette hypothèse ne peut normalement pas advenir.

                               - pour un vice de forme, ou si l'usufruitier renonce à son usufruit.

                               - par la consolidation : c'est quand l'usufruitier devient nu-propriétaire, et réunit ainsi les trois attributs de la propriété. Il est devenu propriétaire, car il a consolidé son droit.

                               - par la déchéance de l'usufruitier : lorsque ce dernier a mal usé de la chose, il y a un abus de jouissance qui, à terme, risquait de porter atteinte à la substance de la chose.

B/ La vie de l'usufruit (les acteurs).

1) L'usufruitier.

a_ Les droits de l'usufruitier.

Il a le droit d'user de la chose et de tous les accessoires de la chose : l'accessoire suit le principal ("Accessorium sequitur principale"). Il ne peut toutefois user de la chose que conformément aux habitudes de l'ancien propriétaire (respect dans les grandes lignes de l'aménagement intérieur du bien, de la destination du bien : il ne peut pas transformer un fonds de commerce en immeuble d'habitation).

Il dispose d'un droit de jouissance de tous les fruits et revenus de la chose : il peut la louer. On ne peut pas toucher aux produits de la chose, car cela porterait atteinte à sa substance. Exceptionnellement, par convention, l'usufruitier et le nu-propriétaire peuvent passer un accord permettant à l'usufruitier de disposer des produits : c'est un quasi-usufruit.

On peut aussi autoriser l'usufruitier à conclure des baux : l'usufruit étant temporaire, les baux sont limités à 9 ans, et il ne peut s'agir que de baux civils. Il n'est possible de conclure des baux commerciaux ou ruraux, ou des baux de plus de 9 ans que si le nu-propriétaire est d'accord. En l'absence de cet accord, la sanction encourue est la nullité.

b_ Les obligations de l'usufruitier.

Il doit restituer la chose à l'expiration de l'usufruit : statistiquement, il dure 16 ans. L'usufruitier doit rendre la chose dans l'état dans lequel elle est : il n'est pas possible de réclamer une remise en état. Il doit procéder à un inventaire et à une description de l'état des lieux au début de l'usufruit : l'usufruitier doit souvent donner caution. On exigera de lui qu'il jouisse de la chose en bon père de famille (art. 601 du code civil). A l'extinction de l'usufruit, le règlement du compte aura lieu, essentiellement pour les fruits : un usufruitier qui aurait fait des améliorations ne sera pas indemnisé ; l'usufruitier doit supporter les charges usufruitières (impôt sur le revenu dans le cas d'un immeuble ; entretien de la chose ; …).

2) Le nu-propriétaire.

Il doit être passif.

a_ Les droits du nu-propriétaire.

Il peut disposer de son droit : le vendre, le donner, l'hypothéquer. La vente d'une nue-propriété se fera à une valeur inférieure à celle de la propriété. Le nu-propriétaire n'est pas autorisé à donner en gage le bien qu'il a en nue-propriété, car il y a nécessairement dessaisissement du bien, ce qui ne peut pas être rempli par le nu-propriétaire. Il peut hypothéquer un bien immobilier.

b_ Les obligations du nu-propriétaire.

Il ne doit rien faire. Il a à sa charge les grosses réparations (art. 605 du code civil) : il s'agit d'une situation juridiquement gênante et lacunaire. On est en présence d'un droit réel : l'usufruitier ne peut pas exiger du nu-propriétaire ces travaux. Si l'usufruitier les faits lui-même, il ne pourra pas en demander le remboursement au nu-propriétaire. Tout au plus, il sera remboursé de la plus-value apportée au bien, dans l'esprit de l'enrichissement sans cause. La jurisprudence est floue sur ce point. Les nus-propriétaires ne sont pas enclins à procéder aux grosses réparations, alors qu'ils ont vocation à redevenir propriétaires : absence de dynamisme économique.

Le nu-propriétaire a l'obligation de ne rien faire qui puisse entraver l'exercice de l'usufruit par l'usufruitier.

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Les conventions d'usufruit se trouvent dans les hypothèses post-successorale : la nue-propriété revient à la mère, et l'usufruit aux enfants. La convention intervient en cas d'inégalité entre les usufruitiers. On passe une convention d'usufruit entre les usufruitiers, et on met à la charge de l'usufruitier favorisé de verser un loyer pour l'occupation. Le loyer est fixé en fonction de nombre de pièces occupées. La convention est souvent passée devant notaire.

§4 : Les droits d'usage et d'habitation.

Ils sont toujours présentés après l'usufruit, comme des jumeaux. Ces droits sont diminutifs de l'usufruit. Pour Planiol et Ripert, il s'agit d'un "petit usufruit". C'est un cadre particulier, encore plus familial que l'usufruit : il y a beaucoup d'intuitus personae. Ils sont institués pour la satisfaction des besoins d'un individu et de sa famille.

Ce sont des droits réels sur la chose d'autrui. Ils s'apparentent à l'usufruit et lui emprunte son régime juridique tant en ce qui concerne leur constitution, leur extinction que les obligations de l'usager ou de l'habitant. Il y a quelques dérogations : il est interdit de louer ou de céder la chose.

Ces droits sont insaisissables, et aucune hypothèque ne peut être réalisé sur le bien.

On ne peut les établir que dans un contexte particulier, et uniquement par des volontés privées. Les deux origines principales sont la convention et le testament. Ils ne peuvent être utilisés qu'en nature : on y a joute la notion de service : elle ne s'applique que parce qu'il y a un besoin du titulaire : la disparition du besoin fait disparaître le droit.

L'objet était de rendre service à quelqu'un de la famille qui en avait besoin. Aujourd'hui, on trouve une application originale de ces droits : les maisons de retraite organisent des systèmes de loyer d'occupation : un droit d'usage et d'habitation est instauré entre la maison de retraite et la personne âgée. Cette dernière paye une sorte de loyer, mais reçoit en échange des services. Elle verse un forfait au début, dont seule une partie peut être récupérée si elle souhaite partir.

Le droit d'usage est un droit réel principal, démembrement du droit de propriété qui confère à son titulaire (l'usager) le droit d'utiliser la chose et d'en percevoir les fruits, mais dans les limites de ses besoins et de ceux de sa famille.

Le droit d'habitation est le droit à l'usage d'une maison reconnue à une personne déterminée, dans la mesure de ses besoins et de ceux de sa famille.

Titre 2 : Les pouvoirs de fait sur une chose.

Il s'agit de l'emprise qu'une personne peut avoir sur une chose, mais pas en vertu d'un droit. Le pouvoir de fait est ce que je vois en tant qu'observateur extérieur. Dans certains cas le droit peut rattraper la chose.

Chapitre 1 : La possession.

Elle est au fait, ce que la propriété est au droit. La possession n'est pas un droit. Les philosophes grecs distinguaient déjà ces deux notions, mais le code civil les a parfois confondu : il traite mal la possession, et ne la définit d'ailleurs pas.

Section 1 : Section préliminaire : La présentation de la possession.

1) Possession et autres notions.

a_ Un pouvoir de fait.

La possession est une emprise matérielle sur une chose. Elle est la détention matérielle, apparente et effective : un locataire a un droit sur la chose, jouit d'elle mais, à la différence du détenteur, il ne se comporte pas comme le propriétaire. Un droit réel peut se trouver derrière la possession. Il y a un parallèle avec la possession d'état en droit de la famille. La possession est ce qui est vécu et apparent.

b_ Possession et droit.

Juridiquement, la possession (situation de fait) va produire des droits. Elle peut correspondre au droit.

c_ Possession et propriété.

Pour le Doyen Carbonnier, la possession est l'ombre de la propriété : tout propriétaire a une vocation à la possession, et le possesseur est le plus souvent propriétaire.

La possession est une notion plus large : elle peut exister en cas d'usufruit, de gage ou de servitude.

En cas de transaction sur un bien, on sait que le vendeur est possesseur : il est considéré propriétaire.

2) Théories doctrinales.

a_ Savigny.

Il a élaboré en 1803 une doctrine, présentée comme la conception subjective de la possession. Pour lui, ce qui prime, c'est le comportement psychologique de l'individu (l'animus) : la volonté de se comporter comme le propriétaire. La possession ne s'applique qu'au seul possesseur qui veut être propriétaire.

L'animo domini est l'esprit du maître : je me comporte comme un propriétaire avec cet état d'esprit.

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b_ Jhering.

Il a dégagé en 1865 une théorie, présentée comme objective. La possession est la meilleure façon de prouver la titularité du droit, car la possession et la propriété coïncident le plus souvent. L'état d'esprit importe peu, seule l'emprise matérielle (le corpus) manifestant la propriété : une présomption de propriété existe derrière l'emprise matérielle qu'est la possession. Il donne beaucoup d'importance à la protection possessoire : la protection de la possession d'un immeuble. La loi française a repris ce système en 1975.

Section 1 : Les conditions de la possession.

Selon l'article 2228 du code civil, "la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom" : c'est quelqu'un qui se présente comme propriétaire sans forcément l'être.

Selon Planiol et Rippert, la possession est l'exercice sur une chose, d'un pouvoir de fait qui correspond dans sa manifestation extérieure à l'exercice d'un droit.

Pour Capitant, c'est le fait d'exercer volontairement les prérogatives d'un droit indépendamment du point de savoir si on est juridiquement le véritable titulaire du droit.

Aubry et Rau ont une définition très généraliste : c'est l'état ou la relation de fait qui donne à une personne la possibilité physique actuelle et exclusive d'exercer sur une chose des actes matériels d'usage, de jouissance et de transformation.

Pour Cornu, c'est un pouvoir de fait exercé sur une chose avec l'intention de s'en affirmer le maître même si le sachant ou non, on ne l'est pas.

Þ Les éléments caractéristiques sont : un pouvoir de fait ; un droit réel ; un animus ; un corpus ; indifférence de la qualité de propriétaire.

§1 : Les éléments constitutifs.

La détention : le détenteur n'a qu'une emprise matérielle (corpus) en vertu ou non d'un titre.

La possession : le possesseur a une emprise matérielle et se comporte en plus comme le propriétaire, qu'il le soit ou non (corpus et animus).

La propriété : le propriétaire a une emprise matérielle, se comporte comme le propriétaire, et a en plus le titre de propriété (corpus, animus et titre).

A/ Le corpus.

C'est l'élément matériel de la possession. Le code civil y attache une grande importance. Cette emprise matérielle se fait le plus souvent sur une chose corporelle.

1) Les actes de détention et de jouissance.

Un acte de détention matérielle de la chose, se manifeste par le biais d'une action physique : se saisir de la chose. Une personne morale peut posséder un immeuble, si elle a un corpus dessus. La notion d'emprise physique n'est pas une exigence : elle peut être exercée de façon symbolique (les clefs d'un immeuble ; le possesseur d'une servitude de passage a juste à marcher sur la bande de terrain concerné). L'objectif est d'exercer le droit : le sujet actif exerce un rapport homme/chose dans la possession.

Un acte de jouissance est exigé au travers du corpus : il faut une exploitation effective. En fait, le corpus suppose une emprise matérielle et l'exercice de prérogatives supposées par le droit. S'il réunit les deux, ce sera un corpus parfait. Mais, le corpus peut être établi en ne faisant état que d'un seul élément. Ce qui est retenu, c'est l'emprise matérielle directe de l'homme sur la chose.

2) Cas particuliers : la possession corpore alieno.

Le propriétaire possède le bien par le corpus d'une autre personne (corpus alieno), qui l'exerce à sa place. Dans le bail, tout locataire possède pour quelqu'un d'autre et réalise une possession corpore alieno. Le corpus est délégué : quelqu'un l'exerce pour le propriétaire.

L'article 2228 prévoit cette hypothèse : " la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons […] par un autre qui la tient ou l'exerce en notre nom"

L'hypothèse du constitut possessoire : dans le cas d'une vente d'un bien encombrant, si l'acheteur ne peut pas l'emmener tout de suite, il en est propriétaire (il a le titre), mais le corpus est resté au vendeur, qui détient la chose pour l'acheteur en attendant qu'il vienne la reprendre.

B/ L'animus.

Il s'agit de l'état d'esprit du possesseur qui se comporte comme le titulaire du droit sur la chose. Dans le doute (il peut être propriétaire), le possesseur bénéficie de larges hypothèses de droit. On a recours à la notion d'apparence intellectuelle : l'animus domini : le possesseur a l'âme d'un maître.

Il est indifférent que le possesseur soit de bonne ou mauvaise foi. Le seul intérêt sera dans les effets.

L'animus est le comportement : sa preuve juridique étant difficile à rapporter, l'article 2230 du code civil présume que l'on possède à titre de propriétaire : il présume l'animus.

§2 : Qualités et vices.

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La possession sans vice est pleine de qualités. Selon l'article 2229 du code civil, "pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publiée, non équivoque, et à titre de propriétaire". Ces conditions sont nécessaires pour une possession utile = possession parfaite.

A/ Les qualités touchant à l'élément corporel.

Le législateur cherche à protéger celui qui réunit tous les éléments. Du pouvoir de fait qu'est la possession, on passe par présomption au titre de propriétaire. Pour cela il ne doit manquer aucune qualité.

1) La possession doit être continue.

Il n'y a besoin de posséder la chose à tout instant. Seule une rupture anormale rend la possession suspecte aux yeux de la loi. Civ., 3/5/1960 retient la discontinuité quand elle est marquée par des intervalles anormaux, assez prolongés pour constituer des lacunes. Pour la Cour de cassation,  ce qui compte, c'est un usage normal et régulier de la chose. C'est un examen casuistique.

L'exigence de continuité se retrouve en matière de prescription : l'interruption gène le calcul du délai.

2) La possession doit être paisible.

Il ne faut pas de violence. Ce vice est :            - relatif : seule la victime pourra invoquer la violence.

                                                                - temporaire : on peut faire état d'une possession utile dès que la violence cesse. Le droit ferme les yeux dans le cas d'une entrée en possession violente, mais qui est ensuite paisible, ou face à un maintien en possession violent.

3) La possession doit être publique.

Les actes de possession doivent être francs et apparents. On sanctionne la clandestinité, car on craint une volonté de dissimulation. Ce peut être un vice relatif : une clandestinité devant un public déterminé.

La clandestinité cessera quand la publicité sera assurée au grand jour. C'est valable pour des meubles, mais aussi pour des immeubles : possession à certains moments d'un terrain, dans le but de le prescrire.

B/ Qualités touchant à l'élément psychologique.

1) L'équivoque.

C'est quand il y a un doute sur le possesseur : il a le corpus mais à quel titre? Certaines situations ne sont pas claires : en cas d'indivision, si un coindivisaire agit, est-ce en tant que coindivisaire (propriétaire) ou pour l'indivision (coindivisaire gérant)? De même, en cas de communauté de vie (concubinage, PACS, mariage, cohabitation,…) l'emprise sur un même bien sera partagé : on ne sait plus qui est propriétaire.

2) Bonne ou mauvaise foi.

a_Présentation.

Quelqu'un de bonne foi est quelqu'un d'ignorant : il croit vraiment être propriétaire d'un bien qui ne lui appartient pas. Selon l'article 550 du code civil, "le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus". Il s'agit le plus souvent de l'hypothèse d'un héritier institué légataire puis propriétaire d'un bien, avant la découverte d'un testament plus récent qui attribue la propriété à une autre personne. La jurisprudence a étendu l'exigence d'un titre même de façon putative.

Etre de mauvaise foi est savoir que l'on n'est pas propriétaire du bien possédé.

b_ Distinction de l'animus.

L'animus est une notion neutre. Cette question peut être traitée indépendamment du fait de savoir si le possesseur est de bonne ou mauvaise foi : quelqu'un de mauvaise foi peut avoir l'animus.

c_ Preuves.

En vertu de l'art. 2268 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et celui qui allègue la mauvaise foi doit la prouver. La preuve contraire est donc acceptée.

Bien qu'inséré dans la partie relative aux meubles, cet article peut être évoqué en matière immobilière.

d_ Conséquences.

En cas de bonne foi, la prescription est de 20 ans (contre 30 ans). Par ailleurs, l'article 2279 du code civil ne vaut que pour les possesseurs de bonne foi.

Section 2 : Les effets de la possession.

Cette situation de fait peut produire des effets juridiques. Parfois, un propriétaire aura intérêt à se présenter comme possesseur car, la propriété résidant dans un titre que l'on n'a pas toujours, ou qui peut être atteint d'un vice, elle est difficile à établir. Le propriétaire se présente donc comme le possesseur : il est protégé presque comme un propriétaire, car le plus souvent le propriétaire est aussi possesseur.

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A/ Economie.

Un acheteur doit pouvoir acquérir un bien sans demander au vendeur un titre de propriété. Ce titre ne sera recherché que pour les biens immobiliers. En matière commerciale, le mot d'ordre est la confiance. La volonté de protéger la vraie propriété tend toutefois à se développer en droit international : la Convention Unidroit (1995) relative au marché de l'art vise à fragiliser la présomption de bonne foi de l'acheteur. Elle protège la vraie propriété par le biais d'une prescription de 75 ans, et facilite le retour des biens illicitement sortis d'un pays. Les juristes font remarquer que seuls les biens d'art circulent sans titre de propriété.

B/ Paix.

Cette justification explique que l'on fasse produire autant d'effets juridiques à cette situation de fait. La prescription est comprise dans le sens de l'amnistie : on fait coïncider le droit avec le fait, quand ils sont différents, mais que la situation de fait dure paisiblement depuis un certain temps. L'article 2282 du code civil institue une protection possessoire : le possesseur d'un bien immobilier perturbé dans sa possession paisible est préféré à un propriétaire paisible.

§1 : Les présomptions.

Une présomption est un mode de raisonnement juridique en vertu duquel la loi ou le juge tire d'un fait connu, un fait inconnu dont l'existence est rendue vraisemblable par le premier. Ce procédé entraîne pour celui qui en bénéficie la dispense de prouver le fait inconnu, difficile ou impossible à établir directement, à charge de rapporter la preuve plus facile, du fait connu.

A/ Régime général.

En cas de probatio diabolica (preuve impossible), on déplace l'objet de la preuve. Une présomption opère donc un déplacement de l'objet de la preuve, et un renversement de la charge de la preuve.

B/ Présomption de propriété (art. 2279 du code civil).

Le possesseur d'un meuble est présumé propriétaire : il suffit de prouver que l'on est possesseur, et on devient dès lors défendeur à l'action. Le doute profite au possesseur.

Cette présomption marche aussi pour les immeubles, bien qu'aucun texte ne la prévoit en cette matière.

C/ Présomption de bonne foi (art. 2268 du code civil).

La bonne foi est toujours présumée : celui qui est présenté comme étant de bonne foi est donc déchargé de la preuve. Ce sera à l'autre de prouver qu'il est de mauvaise foi.

D/ Possession à titre de propriétaire (art. 2230 du code civil).

On est toujours présumé posséder pour soi et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre.

Cet article présume que celui qui a le corpus a aussi l'animus. Dès lors, il y a réunion de l'animus et du corpus : il y a donc possession. Cette présomption est toutefois réfragable.

E/ Possession pour autrui (art. 2231 du code civil).

Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire. Le propriétaire est ainsi protégé contre son locataire qui, ayant le corpus, pourrait être tenté de s'octroyer l'animus : s'il a commencé à posséder en tant que locataire, il ne pourra rien acquérir de plus par l'écoulement du temps. Ce principe s'inverse si le locataire a ostensiblement manifesté depuis plusieurs années qu'il est propriétaire.

F/ Possesseur actuel (art. 2234 du code civil).

Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf preuve contraire. La possession sur le long terme se prouve donc par la preuve de la possession actuelle et de la possession au début de la période : l'autre devra prouver la discontinuité.

§2 : Les fruits.

Lorsqu'un possesseur a jouit d'une chose pendant un certain temps, mais qu'un jugement l'a attribué au propriétaire revendiquant, le possesseur devra restituer cette chose qu'il ai ou non été de bonne foi.

A/ La perception des fruits.

En droit romain, si le possesseur était de bonne foi, il était dispensé de rendre les fruits qui avaient été consommés, et devait juste rendre ceux qui n'avaient pas été consommés. La difficulté résultait alors dans la preuve de la consommation des fruits.

Le droit français exige de rapporter la preuve de la perception des fruits : le propriétaire ne pourra faire contre le possesseur tant qu'il n'aura pas prouvé qu'il a perçu des fruits.

Si le possesseur acquiert les fruits après le procès ou pendant l'instance, il sera considéré de mauvaise foi et devra les restituer (l'instance fait naître le doute), mais s'il les a acquis avant le procès, il faudra distinguer selon qu'il est de bonne ou mauvaise foi.

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B/ Bonne foi.

L'article 549 déroge au principe de l'accession posé à l'article 546 du code civil, et permet au possesseur de bonne foi de garder les fruits perçus avant le procès. Le possesseur est présumé avoir consommé les fruits qu'il a perçu, car il est considéré avoir agi comme un propriétaire.

Les fruits n'ont donc pas à être remboursés mais en plus, le possesseur a droit au remboursement des frais qu'il a été amené à faire.

C/ Mauvaise foi.

La présomption de consommation ne s'applique pas au possesseur de mauvaise foi, car se sachant de mauvaise foi, il n'aurait pas dû consommer ces fruits indûment perçus : il doit donc les restituer. Le but est d'inciter les gens à ne pas posséder de mauvaise foi.

Chapitre 2 : Les autres emprises.

Section 1 : La détention.

C'est un pouvoir de fait exercé sur une chose en vertu d'un titre juridique qui rend la détention précaire en ce qu'il oblige toujours le détenteur à restituer la chose à son propriétaire, et l'empêche de l'acquérir par prescription, mais non de jouir de la protection possessoire au moins à l'égard des tiers.

Il s'agira le plus souvent d'un droit personnel, mais il pourra aussi s'agir d'un droit réel.

§1 : Les critères.

Le corpus et l'animus ne sont pas exercés par la même personne.

A/ Un pouvoir de fait.

C'est une emprise matérielle, directe sur la chose. Le détenteur doit avoir le corpus.

B/ Un titre juridique.

Cela permet de dissocier le détenteur du possesseur de mauvaise foi.

Le possesseur de mauvaise foi (voleur ou inventeur) n'a pas de titre juridique.

Le détenteur a une emprise matérielle en vertu d'un titre : le pouvoir sur la chose s'exerce en vertu d'un contrat, d'une hypothèque, d'une succession,… Le titre juridique est le plus souvent conventionnel, mais il peut aussi être légal. On admet aussi une pure faculté : la détention née d'un simple accord oral.

C/ Distinctions.

1) La propriété et la détention.

Dans la détention, un propriétaire s'est volontairement dessaisi (ou a été dessaisi) de l'emprise directe sur la chose, qu'il a confiée (ou qu'on a confié) au détenteur. On reconnaît un droit d'autrui sur la chose. L'animus est incompatible avec la notion de détention : le détenteur n'a jamais l'animus.

2) La possession et la détention.

Ces deux notions comportent un pouvoir de fait sur une chose.

La détention suppose que le pouvoir de fait soit exercé en vertu d'un titre de droit.

La possession est un pouvoir de fait et de droit.

§2 : Les effets.

Le titre juridique à l'origine de la détention définit les droit et obligations du détenteur. La qualité de détenteur ouvre des droits à celui qui est reconnu comme tel.

Crim, 8/1/1998 présente un banquier comme le détenteur des deniers de ses clients, ce qui lui permet d'obtenir une indemnisation. Son préjudice a été établi grâce à cette qualité.

A/ La restitution.

La restitution de la chose par le détenteur est inéluctable à terme : il n'est protégé que tant que son titre a vocation à s'appliquer.

B/ La protection possessoire (art. 2282 et 2283 du code civil).

Un possesseur sera protégé dans sa possession paisible d'un immeuble, contre celui qui la trouble.

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Le détenteur a un pouvoir de fait sur la chose en vertu d'un titre juridique, et doit donc être protégé dans sa détention. Les articles 2282 et 2283 du code civil prévoient que le détenteur sera protégé comme le possesseur. Cette protection ne jouera pas si celui qui perturbe le détenteur est celui de qui il tient ses droits. Specialia generalibus derogant : les règles spéciales dérogent aux règles générales.

C/ L'acquisition.

En 1804, les articles 31, 36, 37 et 40 du code civil empêchaient le détenteur de devenir propriétaire.

1) Le principe.

Le détenteur ne peut pas bénéficier de la prescription acquisitive. Il a le corpus, mais il est présumé ne pas avoir l'animus. S'il parvient à rapporter la preuve contraire, il sera un possesseur de mauvaise foi, et ne pourra acquérir le bien que par une prescription de 30 ans (articles 2231, 2237 et 2240 du code civil).

2) Les exceptions.

Les articles 2239 et 2279 du code civil prévoient que, lorsque le détenteur a transmis la chose à un tiers de bonne foi, le propriétaire (verus dominus) perd la propriété de la chose.

Le détenteur peut acquérir la chose en cas de vice très important dans le titre qu'il a sur la chose.

L'interversion de titres : le détenteur doit avoir agi violemment pour s'emparer de la chose, et doit prescrire pendant 30 ans pour devenir propriétaire (car mauvaise foi), sans que le propriétaire ne réagisse.

Section 2 : La nécessité.

Cette théorie a été élaborée par le Doyen Carbonnier : elle a pour fondement la loi ou la coutume. Elle existe en doctrine, mais n'est pas bien assise en droit.

§1 : La loi.

Un bien pourra être acquis temporairement ou définitivement (réquisition, expropriation, usage,…). L'article 641-11 du code de la construction et des habitations prévoit qu'en cas de crise de logement, il est possible de réquisitionner d'office un logement inoccupé. Il s'agit d'une forme de détention temporaire, dans laquelle le détenteur devra indemniser le propriétaire par le versement d'une sorte de loyer : il s'agit donc d'une réquisition pour cause d'utilité privée, avec l'autorisation de la puissance publique.

La mitoyenneté : l'un des deux propriétaires de fond peut acheter à l'autre la moitié de son mur, ou lui céder arbitrairement. Il s'agit d'une forme de détention si une construction est adossée contre le mur.

La cession forcée de jouissance temporaire : un occupant sans titre exerce une action contre le propriétaire pour rester dans les lieux (art. 613-1 du code de la construction et des habitations).

§2 : La coutume.

L'objectif est de rendre une hypothèse légale, bien qu'elle ne rentre pas dans le cadre de la loi : "nécessité fait loi". Il faut une extrême nécessité, c'est-à-dire un extrême besoin du bien d'autrui. Il doit s'agir du seul moyen d'éviter un mal incomparablement plus grave. Il faut une intervention en justice.

L'urgence : on peut se passer de toute procédure (pas d'intervention en justice), quand il en va de la survie d'un être humain. Si le propriétaire s'y oppose, on pourra lui reprocher une non-assistance à personne en danger. En cas d'action en justice a posteriori, il est possible d'envisager un abus de droit.

L’état de nécessité connaissait une application jurisprudentielle marginale concernant les animaux. Le code pénal condamnait les personnes ayant mis à mort un animal sans nécessité, mais la loi du 6/1/1999 a supprimé les termes "sans nécessité" : il ne pourrait donc pas y avoir de raison de tuer un animal.

Section 3 : Le logement.

C’est une notion fondamentale. Ce sera nécessairement un immeuble, utilisé de façon particulière, c’est-à-dire par l’être humain pour vivre, mais aussi par la famille.

§1 : Le logement de la famille.

A/ Les familles.

"Habitation" est le terme qui se rapproche le plus de la notion de "logement", mais certains estiment que ce terme peut aussi comprendre le lieu de travail : ce serait donc une notion plus large.

Le domicile est défini à l’article 102 du code civil comme le lieu où la personne a son principal établissement : elle est supposée s'y trouver. Par opposition, la résidence est le lieu où la personne réside de façon assez stable. Le domicile et la résidence peuvent coïncider, mais ce n’est pas obligatoire.

Le siège social est le lieu de "domicile" de la société.

Le logement est un immeuble bâti servant à l’habitation principale ou secondaire d’une personne ou d’une famille qui l’occupe à titre de propriétaire, de locataire ou d’occupant.

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On s'interroge aujourd'hui sur les notions de résidence virtuelle (Internet), et de droit au logement.

CC, 29/7/1998 : le relogement de personne est un objectif à valeur constitutionnel, mais pas un principe.

1) La notion de famille.

Les droits en matière de logements diffèrent selon le titulaire : on doit regarder la famille à laquelle on s’adresse.

Raisonnement en matière de foyer : un père, une mère et des enfants. Il y a pluralité de familles, mais unicité du logement en matière fiscale : le droit fiscal refuse la notion de deux logements pour une seule famille. On se réfère à la notion de communauté de vie effective.

2) L’origine des familles.

CE, 8/12/1978 reconnaît le regroupement familial des étrangers comme un PGD. La réglementation est précise en la matière : le principe est de permettre le regroupement de la famille pour le conjoint et les enfants de moins de 18 ans. Dans cette décision, le CE a fait référence au préambule de 1946, et à la notion de vie familiale normale.

B/ La famille en droit civil.

1) La famille nucléaire.

a_ Le mariage.

La résidence de la famille est au lieu que les époux choisissent d'un commun accord (art.215 al2 c.civ). L'alinéa 3 parle du logement comme s’il s’agissait de la résidence des époux : si un des époux procède à la résiliation du bail sans l’accord du conjoint, la décision unilatérale peut être remise en cause.

Le code civil (art. 75, 165 et 1751) utilise alternativement "logement", "domicile", et "résidence".

b_ Le divorce.

En cours d'instance, les époux sont autorisés à résider séparément (article 255 du code civil).

Après le divorce, si le domicile conjugal appartient au seul époux qui n'a pas eu la garde des enfants, le juge pourra le forcer à le louer à son ex-époux.

c_ Les enfants.

En cas de décès d'un des parents, un Office Public d'HLM ne permettait à l'enfant mineur de rester dans les lieux que si le parent survivant avait ce droit.

L’enfant ne peut quitter la maison des père et mère qu’avec leur autorisation : il est nécessairement lié au logement familial de ses parents et ne pourra en être retiré qu’en cas de nécessité.

2) La gens (famille au sens large).

a_ Les successions.

L’article 1390 du code civil : le prémourant de deux conjoints peut transmettre le logement à l’autre.

Les gains de survie (art. 1481 et 1491 c.civ.) permettent au conjoint survivant de faire supporter par la communauté les frais de deuil, et d'y percevoir les frais de nourriture et de logement pendant 9 mois.

b_ Les obligations alimentaires.

Action parentale d’entretien, obligations alimentaires,… : il faut fournir des aliments à celui qui est dans le besoin (de quoi se nourrir, se vêtir et se loger). L’obligation pourra être exercée en nature.

§2 :  Le logement de la société.

A/ Politiques sociales.

1) Loger.

Les allocations liées au logement : allocation de logement (art. L142-1 du code de la sécurité sociale) ; Aide Personnalisée au Logement (art. L 351-1 du code de la construction et des habitations).

Le logement conventionné (art. L353-1 du code de la construction et des habitations) est un accord entre l'état et le propriétaire du logement : les loyers sont pris en charge par un institut social.

2) Déloger.

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L'expropriation est régie par les articles 645 et suivants du code de l'expropriation, et par les articles L641-12 et suivants du code de la construction et des habitations.

L'expulsion (art L613 code de la construction et des habitations) est impossible entre le 1/11 et le 15/3.

3) Reloger.

Le code de l'urbanisme (art 314-1 et suivants) étudie des hypothèses de déménagement. Une prime de déménagement peut être accordée aux familles ayant à charge au moins 3 enfants nés ou à naître.

Le droit du travail le prévoit aussi en cas de mutation. Les "journées valises" sont accordées pour un déménagement lié à une mutation interne ou justifié au regard du travail.

B/ Logement adapté.

1) Les personnes âgées.

On recherche en priorité le maintien à domicile. Il existe des aides au maintien à domicile (aide aux travaux ménagers, assistance à la préparation des repas,…). Quand ce n'est plus possible, on a recours au placement . Il en existe trois types : la placement familial, le placement en établissement public ou privé habilité sur décision du conseil général, et le placement en établissement privé non habilité.

2) Les personnes handicapées.

On préconise  le maintien à domicile de la personne, mais la famille refuse parfois (lourd à gérer). On accorde des prestations : aides ménagères, allocations pour un mineur handicapé, aides relatives au placement (recours à des instituts médico-associatif, médico-professionnels,…) Il existe toujours une possibilité de placement en établissement public ou privé habilité.

Þ En cas d'hospitalisation à domicile de personnes âgées, ou d'handicapés, il peut exister un service infirmier à domicile.

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Partie 2 : Les droits réels.

Titre 1 : Les meubles.

Il existe une grande diversité dans les meubles : les biens du domaine public, le patrimoine culturel français classé,… Il y a beaucoup de législations particulières (licence IV, drogue, tabac, monnaie, déchets,…) : les articles 2279 et 2280 du code civil ne sont donc que secondaires.

Chapitre 1 : Les animaux.

Quelques articles du code civil précisent que ce sont des meubles. Leur statut juridique est en train d'évoluer. Il existe un régime spécial, des sanctions pénales pour mauvais traitement sur animaux, une libre circulation des animaux,… contenus dans le code civil, le code pénal et le code rural.

Section 1 : Un meuble spécifique.

La loi du 6/1/1999 modifie les articles 524 et 528 du code civil. L'article 528 relatif aux meubles par leur nature, met désormais les animaux à part, et les cite en premier. L'article 524 relatif aux meubles par destination fait de même : les animaux sont cités en premier.

Section 2 : Protection.

La législation vétérinaire s'occupe de la protection des humains en tant que consommateurs, mais aussi de l'animal (condition de réalisation de l'abattage, conditions d'élevage, transports des animaux vivants et morts, inhumation des animaux, vivisection,…).

Le statut de l'animal est mieux précisé : c'est un être vivant et sensible, titulaire de droits qui lui sont propres. Les articles L521-1, R653-1, R654-1 et R655-1 du code pénal sanctionnent les actes de mauvais traitements susceptibles d'être appliqués à un animal ainsi que sa mise à mort. Les termes "sans nécessité" ont été supprimés, et le tarif de l'amende a été augmenté. Il est possible d'interdire la détention d'un animal, à titre provisoire ou définitif.

Malgré la juridicisation du statut de l'animal, il reste dans la catégorie des biens : c'est un chose, un objet de transaction, un bien soumis au droit de propriété. Le chien guide d'aveugle a même été considéré comme une prothèse, et est donc encore plus une chose. Une législation croissante tend à placer les animaux dans une situation intermédiaire entre la personne et la chose.

Section 3 : La perte.

Des dispositions juridiques propres réglementent cette situation : la loi rurale s'occupe de la perte d'un lapin, d'un pigeon, de poissons ou d'abeilles suite à une fuite. Ces animaux appartiennent au propriétaire du fonds sur lequel ils se sont réfugiés : le verus dominus ne peut plus les revendiquer.

L'article 202 du code rural prévoit que les volailles de basse cour peuvent être récupérées par leur maître sur le terrain d'autrui, même s'il les avait perdu de vue. Toutefois, si le voisin fait une déclaration à la mairie, au bout d'un mois l'ancien propriétaire ne pourra plus réclamer ces volailles.

L'article 209 du code rural prévoit qu'un essaim d'abeilles pourra être récupéré chez les tiers, à condition de l'avoir toujours gardé à vue. Le but est de régler le problème d'identification des animaux.

Section 4 : L'éradication.

La loi du 6/1/1999 prévoit la stérilisation de tous les pit-bulls d'ici le 6/1/2000. Ils doivent aussi être déclarés en mairie.

L'article 211-1 du code rural classe les chiens en catégorie : les pit-bulls appartiennent à la catégorie 1 ("chiens d'attaque") ; les road-willer appartiennent à la catégorie 2 ("chiens de garde et de défense). La catégorie 1 est interdite dans les transports en commun, les lieux publics autres que la voie publique et les parties communes des immeubles. La SPA ne peut pas les adopter : en cas d'abandon, le chien doit être euthanasié. La stérilisation est obligatoire pour les chiens des 2 catégories, et ils doivent être munis d'une laisse et d'une muselière.

Chapitre 2 : Les meubles corporels.

En droit romain, la revendication des meubles était possible : l'acquéreur a non domino (qui a acquis le bien d'un non propriétaire) ne devenait propriétaire du bien qu'en le prescrivant. Au XIIIème et XVème, la règle est que les meubles n'ont point de suite : quelqu'un ne peut pas venir revendiquer son bien.

Au XVIIIème, Bourjon utilise pour la première fois la formule "possession vaut titre". En 1192, Placintin avait déjà estimé que celui qui possède doit être présumé propriétaire.

En 1804, l'article 2279 al1 du code civil prévoit qu'en matière de meuble, la possession vaut titre.

Section 1 : Possession vaut titre.

Les meubles sont des biens communs, facilement déplaçables et souvent déplacés. Le titre de propriété est alors une règle de preuve très utile, mais l'article 2279 considère que ce titre peut être indifférent : on ne s'intéresse qu'au possesseur. La possession vaut titre de propriété : le negotium est la réalisation de l'acte (le fait de vendre), alors que l'instrumentum est le titre même. L'article 2279 se place entre les deux : le transfert effectivement réalisé sert de preuve ; le titre de propriété sert résiduellement.

§3 : Fonction acquisitive.

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Celui qui se prétend propriétaire a non domino d'un immeuble peut en devenir propriétaire au bout de 10 ans dans le meilleur des cas. Pour les meubles, l'acquisition est directe et instantanée, mais, en raison de la règle nemo plus juris, l'article 2279 al2 prévoit une exception.

A/ L'article 2279 al 1 du code civil : le principe.

L'alinéa 1 suppose un contentieux : il doit y avoir une action en revendication de propriété mobilière, intentée par le verus dominus contre le possesseur, et que celui-ci ait acquis la chose a non domino. Il y a donc forcément 3 personnes : le verus dominus a transmis la chose au tiers, qui la vendue au possesseur.

La charge de la preuve pèse sur le revendiquant : il doit prouver (par tous moyens) que celui qui se prétend possesseur ne l'est pas, et qu'il est lui-même propriétaire.

1) Conditions tenant à la nature des choses.

L'article 2279 al1 ne vise que les meubles corporels susceptibles de faire l'objet d'un don manuel.

Ne sont pas visés les meubles incorporels (créances), les meubles du domaine public, les meubles immatriculées (navires et bateaux de rivière, aéronefs, mais pas les voitures, car il s'agit juste d'une vraie mesure de police administrative), les meubles faisant l'objet d'une propriété intellectuelle, le fond de commerce, les meubles par anticipation, les coupons, les titres au porteur,…

Þ Le domaine de l'article 2279 al1 est donc très restreint.

2) Les conditions relatives au possesseur.

a_ Possession.

On exige une possession actuelle, existant réellement et effectivement lors de l'action en revendication.

a_ L'exigence de principe.

La possession doit être réelle : une possession corpore et animo (corpus et animus). Le corpus doit être effectivement réalisé et actuel. Dès lors, pour établir que la personne que l'on croit être possesseur ne l'est pas, le verus dominus doit prouver que ce prétendu possesseur n'a pas de corpus.

b_ Les tempéraments.

La jurisprudence accepte dans certains cas que le corpus soit délégué au détenteur (le locataire d'une voiture exerce le corpus : il possède pour le possesseur). Le corpus est alors effectif, mais il n'est pas exercé par le possesseur. De même, le créancier gagiste peut bénéficier de l'article 2279 (vente avec clause de réserve de propriété, mais pas de publicité).

La possession ultime permet d'invoquer l'art 2279 sans problème. Si la possession n'est pas ultime, le verus dominus pourra la faire tomber. En dehors du contentieux, la possession peut ne pas être ultime.

a_ La bonne foi.

Seul le possesseur de bonne foi pourra bénéficier de l'article 2279 al1. La bonne foi étant présumée (art. 2268 du code civil), le verus dominus ne pourra utiliser l'article 2279 al1 qu'une fois qu'il aura établi (par tous moyens) la mauvaise foi du possesseur. La jurisprudence exige une absence totale de soupçon à la charge du possesseur. La mauvaise foi doit être prouvé lors de l'acquisition du bien : si le possesseur devient de mauvaise foi par la suite, cela ne joue pas.

La mauvaise foi du possesseur exclue automatiquement l'article 2279 al1. En cas de mauvaise foi, le bien ne sera prescrit que par une prescription trentenaire.

3) Les conditions relatives au verus dominus.

L'article 2279 alinéa 1 ne concerne ni le vol, ni la perte. Il ne peut donc s'agir que d'une dépossession volontaire : il y a eu dépôt ou prêt entre le verus dominus et le tiers. Le verus dominus ayant été léger (il a pris un risque or le tiers est de mauvaise foi), l'article 2279 al.1 le sanctionne.

Les hypothèses d'abus de confiance et d'escroquerie de la part du tiers sont exclues : le verus dominus s'est volontairement départi de la chose. L'article 2279 al.1 fait donc échec à la règle nemo plus juris.

4) Conséquences.

Le negotium est contraire à ce qu'indique l'instrumentum : on ne prend en considération que le seul negotium pour appliquer la règle "possession vaut titre".

Le verus dominus perd la propriété de son bien, ce qui est la conséquence du risque qu'il a pris. Il peut se retourner contre le tiers de mauvaise foi, pour violation des règles du contrat de dépôt ou de prêt, et lui demander le remboursement de sa chose, et d'éventuels dommages et intérêts : le verus dominus peut au moins obtenir la somme reçue du tiers de la vente du bien.

Þ L'article 2279 al.1 du code civil a un domaine d'action très réduit, mais dans les hypothèses où il s'applique, ses conséquences sont très fortes.

B/ L'article 2279 al.2 du code civil : l'exception.

Il y a identité de conditions avec l'art. 2279 al1 pour ce qui est de la qualité du meuble, de la possession, du schéma à 3 personnes, de la mauvaise foi du tiers et de la dépossession du verus dominus.

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1) Dépossession du verus dominus.

Le principe et le même, mais les modalités de la dépossession sont différentes : elle est involontaire.

a_ Le vol.

Le code pénal définit le vol comme une soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Quelqu'un doit s'être emparé de la chose dont le verus dominus était propriétaire en l'absence totale de son consentement. L'abus de confiance et l'escroquerie sont mis de coté : le propriétaire a été volé, et le possesseur est donc nécessairement de mauvaise foi (il a le corpus et l'animus, mais il sait qu'il n'a pas de titre de propriété).

b_ La perte.

Le verus dominus a involontairement perdu le corpus de la chose. La chose perdue doit avoir été retrouvée : le tiers sera donc un inventeur, et sera nécessairement de mauvaise foi.

2) Le délai.

Le verus dominus peut revendiquer sa chose pendant 3 ans à compter du jour de la perte ou du vol, entre les mains du possesseur, sauf à celui-ci son recours contre celui de qui il tient la chose.

Il s'agit d'un régime juridique spécial du à la perte ou au vol : l'action est possible pendant 3 ans. Il faut établir le titre de propriété et la perte (ou vol). Le délai court à compter de la perte (ou vol) : le possesseur a non corpore court le risque de perdre le prix qu'il a payé la chose pendant 3 ans.

Ce délai n'est pas une prescription : le possesseur n'est pas propriétaire au bout des 3 ans, mais le verus dominus ne peut plus intenter d'action.

3) Conséquences.

Le verus dominus est favorisé : s'il se trouve dans les conditions de l'article 2279 al.2, et qu'il retrouve sa chose, le possesseur devra la lui restituer sans contre-partie. L'alinéa 2 in fine permet au possesseur de retrouver son vendeur : il reçoit alors au minimum le prix qu'il a payé la chose, et des dommages et intérêts s'il arrive à établir un préjudice.

C/ L'article 2280 du code civil : l'exception à l'exception.

1) Le possesseur.

Les conditions sont les mêmes que pour l'article 2279 al.2 : l'action en revendication de propriété mobilière contre le possesseur a non domino se solde par la restitution du bien au verus dominus.

Celui-ci doit toutefois rembourser au possesseur a non domino la somme qu'il a payé ; et le possesseur doit avoir acheté le bien dans un magasin ("marchand vendant des choses pareilles"), c'est-à-dire n'avoir eu aucune raison de se douter que la chose était perdue ou volée. Le possesseur peut se retourner contre le magasin qui lui a vendu la chose pour obtenir des dommages et intérêts en cas de préjudice.

2) Le verus dominus.

Il va devoir payer pour récupérer son bien. Toutefois, si le prix auquel le magasin a vendu le bien est nettement inférieur à la valeur du bien, le verus dominus disposera d'un début de piste pour prouver la mauvaise foi du possesseur a non domino. Le but est de faire apparaître la sécurité du commerce.

§4 : La fonction probatoire.

L'article 2279 al.1 du code civil pose une présomption irréfragable de propriété du possesseur, et une présomption réfragable en matière de preuve.

A/ Mode d'emploi de cette fonction probatoire.

1) Le nombre de joueurs.

L'action se joue entre deux personnes : le verus dominus (ou ses héritiers), contre le possesseur qui peut être un héritier. Le possesseur n'est pas nécessairement a non domino, et la dépossession peut ou non être volontaire. Ainsi, une personne a vécu avec l'un de ses fils et lui a fait un don manuel sur un meuble. Après sa mort, les autres héritiers réclament ce bien car ils n'ont pas eu connaissance du don manuel.

2) En famille.

Le plus souvent, cet article s'applique pour des dons manuels dans des hypothèses de domesticité, de concubinage, de cohabitation familiale,… dans lesquelles une incertitude subsiste sur ce qui s'est passé. Le contentieux se joue entre les ayants-droits du verus dominus et le possesseur (de bonne foi).

B/ La règle du jeu : la présomption.

On recherche la cause de la remise du meuble au possesseur. La principale difficulté tient à la preuve de la vente, du prêt, du don,… et dans le doute, le possesseur est présumé propriétaire jusqu'à preuve contraire. Il doit juste établir sa possession, car sa bonne foi est présumée (art.2268).

C/ Les contestations.

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1) Le contrat.

Le revendiquant peut attaquer la validité du contrat (vente, prêt, don,…) par le biais des causes de nullité des contrats (art.1108 c.civ.) : absence de cause, d'objet, ou de capacité, consentement vicié.

2) Le transfert de propriété.

L'attaque porte sur l'acquisition : si la valeur du bien est supérieure à 5.000F, un écrit est exigé. Si l'écrit est impossible (lien familial,…), la preuve pourra avoir lieu par témoignages.

a_ La précarité du titre.

L'attaque porte sur le titre à l'origine du transfert : c'est une hypothèse de détention précaire (prêt, dépôt temporaire,…) avec obligation de restitution. Dans de tels cas, le délai pour agir est encadré.

b_ La propriété.

Il s'agit d'une hypothèse de replis quand les conditions relatives aux contrats de prêt ou de dépôt ne sont pas remplies. On permet au revendiquant d'établir son titre de propriété : il s'agit d'une action réelle imprescriptible, très difficile à remplir, car les titres de possession portant sur des meubles sont rares.

3) La possession.

On exige que :      -  la possession soit animo domini (avec l'âme d'un maître) = corpus et animus.

                        - la possession soit utile : si un des éléments de l'art. 2229 du code civil ("possession continue et non interrompue, paisible, publique non équivoque, et à titre de propriétaire") manque, la possession ne sera pas utile : le plus souvent, ce sera celui touchant à l'équivoque. On renverse alors la charge de la preuve : le possesseur doit prouver qu'il est bien possesseur, ce qui est très difficile.

Section 2 : L'acquisition des meubles vacants.

Ce sont des meubles qui ne semblent plus appartenir à personne. Une personne sera en possession d'un tel bien sans avoir de titre : il sera en situation d'occupation. L'acquisition de la propriété suppose un corpus, un animus, un meuble, une absence d'ancien propriétaire, et une volonté de se l'approprier.

A la différence de l'art. 2279 du code civil, il n'y a pas de conflit avec le verus dominus. On ne vise pas les res communes (choses communes : air,…) dont l'usage appartient à tout le monde, et qui ne peuvent pas être appropriées par une personne. C'est un mode d'appropriation originaire et instantanée de la propriété.

§1 : Les épaves.

En droit, il s'agit de tout objet abandonné tant sur la terre qu'en mer. Les objets sans maître sont visés à l'article 717 du code civil.

A/ Les épaves aquatiques.

1) Les épaves maritimes.

Les cargaisons qu'un navire a été obligé de larguer en mer pour ne pas sombrer : le propriétaire n'a pas vraiment voulu abandonner sa propriété, mais a juste voulu s'en départir (corpus). Si une personne récupère la cargaison, il devra la restituer à l'ancien propriétaire si celui-ci la revendique : il peut demander une indemnisation s'il a été exposé à des frais pour récupérer la cargaison, la stocker,…

2) Les lois de police spéciales.

Les objets flottants retrouvés en mer ou sur les rivières flottables ou navigables, sont le plus souvent récupérés par l'Etat : s'ils sont dangereux (plus de 25 tonneaux), ou pour des raisons de pollution.

Si le propriétaire du bien récupéré par l'Etat est retrouvé, il est mis en demeure de récupérer le bien : s'il ne le fait pas dans un délai de 3 ans, le bien est mis aux enchères, puis est vendu par l'Etat. S'il existe des créanciers, il pourront se payer sur la vente, le reliquat étant pour l'Etat.

Cette règle vaut aussi pour les navires inoccupés : absence d'équipage, de manœuvres et de gardes.

B/ Les objets trouvés.

Il y a des règles, et une pratique contra legem. On se trouve en présence d'un inventeur.

1) Le bureau des objets trouvés.

En théorie, l'inventeur doit y apporter la chose trouvée. Le verus dominus pourra y venir la chercher.

a_ Un principe erroné.

Le préposé annonce lors du dépôt de l'objet que si au bout d'un an et d'un jour, personne n'est venue revendiquer le bien, l'objet appartient à l'inventeur.

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En fait, au bout de ce délai, l'inventeur qui récupère le bien n'est que possesseur. S'il est de bonne foi, l'article 2279 du code civil s'applique ; s'il est de mauvaise foi, la prescription acquisitive est de 30 ans.

b_ Les tempéraments.

L'inventeur est forcément un possesseur de mauvaise foi. Mais, lorsqu'il va reprendre possession du bien au bout du délai, on peut penser qu'il sera de bonne foi en raison des propos du préposé : il pourra donc bénéficier de l'art.2279 al.2 du code civil, et n'aura plus que 2 ans d'incertitude. Mais, si cette personne connaît le droit, elle sera de mauvaise foi, et ne sera propriétaire qu'au bout de 30 ans.

2) Les objets perdus.

Tout meuble perdu peut être revendiqué par son ancien propriétaire : si le possesseur est de bonne foi, la revendication est possible pendant 3 ans ; s'il est de mauvaise foi, la prescription est de 30 ans. Toutefois, l'article 2268 du code civil énonce que la bonne foi est présumée, sauf preuve contraire.

C/ Les res derelictae : les déchets.

Il y a beaucoup d'objets abandonnés qui n'ont plus de propriétaires : mettre un objet dans une poubelle consiste en un abandon de propriété. Mais, une poubelle peut aussi contenir des objets que l'on n'a pas voulu abandonner : des objets jetés dans un geste d'humeur, par inadvertance,… En théorie, il y a abandon de propriété, et tout le monde peut fouiller les poubelles. Le propriétaire est libre de se réapproprier la chose. La difficulté tient dans les intérêts à concilier c'est une situation juridique délicate.

§2 : Les trésors (art. 716 du code civil).

A/ En route vers l'aventure.

L'article 716 al.1 prévoit que l'on n'est pas forcément propriétaire du trésor que l'on trouve. L'alinéa 2 définit le trésor comme "toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard".

· Toute chose : il n'y a pas de listes limitatives. La notion de chose contient uniquement des meubles, qui le plus souvent sont des objets précieux, entendu comme tout ce qui peut avoir une certaine valeur, à condition que le bien ait été considéré précieux par l'ancien propriétaire.

· Cachée ou enfouie : cela exclut les choses naturelles. Il faut une activité humaine sur la chose, qui doit avoir été cachée ou enfouie volontairement ou non par l'homme.

· Sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété : il ne doit pas y avoir de verus dominus susceptible de revendiquer sa propriété. L'inventeur étant de mauvaise foi, il ne sera propriétaire qu'au bout de 30 ans.

· Découverte par le pur effet du hasard : il s'agit d'éviter que des personnes ne viennent sur la propriété d'autrui pour chercher un trésor. Cela exclue aussi les personnes payées pour retrouver le trésor.

B/ Le partage du butin.

1) Les trésors cachés sur son propre fonds.

Si le propriétaire du fonds trouve le trésor, il en est pleinement propriétaire.

C'est un mode d'acquisition direct, originaire et immédiat par occupation. L'inventeur étant un possesseur de mauvaise foi, la prescription est de 30 ans.

2) Les trésors cachés sur le fonds d'autrui.

Il ne doit pas y avoir de violation de la propriété d'autrui, sinon il ne s'agit plus du pur effet du hasard. Le trésor est partagé à égalité entre l'inventeur et le propriétaire du fonds.

§3 : Trésor culturel.

A/ Vandalisme.

Un particulier procède a des fouilles sur sa propriété, et découvre des objets des XIIème et XVème siècles.

Il a été condamné à 2 mois de prison avec sursis et 5.000F d'amende, au motif qu'il a effectué les fouilles sans autorisation (violation de la loi du 7/9/1941), qu'il a volontairement dégradé un monument d'utilité publique, et qu'il a omis de déclarer des objets pouvant intéresser l'histoire, la préhistoire, l'art ou l'archéologie. Il existe une limite au droit de propriété pour les objets intéressant l'histoire de l'Humanité.

B/ Un trésor de guerre.

Un allemand effectue des fouilles en Turquie Orientale sur le site de l'ancienne ville de Troyes, et y transfère en Allemagne une partie des éléments qu'il y a trouvé. Ce trésor, considéré comme détruit à Berlin en 1945, a été redécouvert en Russie en 1992 lors d'une exposition : il aurait en fait été récupéré par l'Armée Rouge. L'Allemagne s'est adressée à l'URSS pour récupérer le trésor, et a proposé un échange. La Turquie s'est manifestée en précisant que ces biens lui appartenaient.

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La Convention Unidroit adoptée à Rome en 1995 prévoit la restitution des biens culturels volés ou illicitement exposés, dans les 3 ans à partir du moment où la localisation du bien est connue. Il existe une limite lorsqu'un délai de 50 ans s'est écoulé après le vol ou l'exportation illicite du bien. Cette prescription ne joue pas pour les sites monumentaux ou archéologiques. Cette convention n'est pas rétroactive.

En l'espèce on pouvait s'interroger sur la bonne foi des russes qui ont attendu 30 ans pour exposer le bien. La Turquie préconise de déclarer ce trésor patrimoine commun de l'Humanité.

§4 : Les res nullius.

Ce sont des meubles qui n'appartiennent à personne et qui n'ont jamais appartenu à qui que ce soit. Ils sont seuls susceptibles de faire l'objet d'une occupation à l'état pur.

Les res communes n'appartiennent à personne. Les res nullius n'appartiennent aujourd'hui à personne, mais peuvent faire l'objet d'une appropriation.

A/ Chasse et pêche.

Cela concerne le gibiers et les poissons. Un chasseur sera propriétaire de l'animal qu'il a tué.

Le domaine d'application est réduit : période de chasse, permis de chasse, interdiction de chasser certains animaux, conditions de taille et d'âge pour l'animal. Si un animal qui ne pouvait pas être tué l'a été, les services de chasse ou de pêche peuvent le récupérer.

B/ Fouilles archéologiques.

Il faut distinguer les biens qui ont déjà appartenus à quelqu'un (lampe à pétrole) et qui ne seront pas des res nullius, des biens qui seront des res nullius (dinosaure).

Il faut une autorisation pour faire les fouilles, et déclarer ce que l'on trouve. On ne peut faire de fouilles que sur un terrain que l'on possède. L'Etat peut interdire à un particulier de faire des fouilles, et peut récupérer le bien qui a été trouvé (art. 552 al3 c.civ ; loi du 7/9/1941).

La grotte Chauvet (peintures préhistoriques sur les murs) a été découverte par hasard le 18/12/1994 par 3 spéléologues amateurs, dont l'un était l'agent de surveillance des grottes de l'Ardèche. Ils auraient dû en informer le maire, mais ont volontairement refusé de le faire : il ont pris des clichés, puis ont fait les déclarations nécessaires (direction générale des affaires culturelles, conservatoire régional d'archéologie). La découverte a été antidatée pour régulariser la procédure : il devenait ainsi un fonctionnaire ayant agi pour le compte de l'Etat, ce dernier étant considéré avoir découvert la grotte. Il a poursuivi les fonctionnaires qui lui avaient fait antidater les documents pour faux.

Section 3 : L'accession mobilière.

Pas  traitée.

Titre 2 : Les immeubles.

Chapitre 1 : La propriété.

Section 1 : Les servitudes.

Ce sont des droits qui ont pour objet l'utilité d'un immeuble. Ce sera souvent des hypothèses de rapport de voisinage avec des gènes objectivement constatées.

Art.637 c.civ. : "une servitude est une charge imposée sur un héritage par l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire". Héritage s'entend par fonds ou terrain.

§1 : Analyse.

Cette institution remonte au droit romain. C'est l'époque pré-révolutionnaire qui est intéressante.

A/ Historique : les fantômes de l'Ancien droit.

A l'origine, les servitudes étaient surtout rurales : en cas de champs imbriqués les uns dans les autres, une servitude de passage autorisait un fermier à passer sur le champs du voisin pour cultiver son propre champ. Cette charge pèse sur le terrain du voisin. C'est une atteinte à la propriété plus ou moins lourde. Il s'agit d'une constatation objective. Aujourd'hui, les servitudes se développent dans les zones urbaines.

Le décret des 4-11/8/1789 a aboli les servitudes personnelles (esclavage, corvée : le seigneur avait des droits sur ses serfs). Les servitudes réelles grèvent un fonds d'une charge au profit d'un autre fonds.

Le code civil de 1804 maintient les servitudes réelles en veillant à ce qu'il n'y ai pas de dérive vers des servitudes personnelles : il encadre strictement ses textes, énonce qu'il n'y a de servitudes que réelles, et affirme l'égalité entre les héritages. L'article 639 dit que les servitudes sont imposés par la nature, par la loi, ou par l'effet d'une convention. L'article 686 précise que les servitudes n'existent qu'entre 2 fonds, et ne sont imposées ni à la personne, ni en faveur de la personne.

B/ Présentation.

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1) Définition.

L'article 637 présente la servitude comme un droit réel entre un fonds servant et un fonds dominant. L'un des fonds tire un avantage, et l'autre subit. On raisonne en matière de terrains.

a_ Droit réel.

La servitude est le droit le plus réel qui soit : un immeuble est au service d'un autre immeuble.

Elle ne peut concerner ni les droits incorporels, ni les immeubles par destination : elle ne peut porter que sur des immeubles par nature.

Elle vise un question d'usage, d'utilité.

C'est un rapport entre 2 fonds : le propriétaire d'un fonds est investi d'un droit réel sur le fonds voisin.

Les fonds ne peuvent pas appartenir à la même personne. Ils sont le plus souvent contiguës, mais ce n'est pas nécessaire.

La servitude est un droit perpétuel, car c'est un droit réel.

b_ Fonds servant.

C'est le nom que l'on donne à l'immeuble qui subit la charge. Une servitude grève le fonds servant.

Si les parties ne parviennent pas à s'entendre, la loi imposera une servitude au fonds servant. Ce pourra être une servitude négative ou positive (obligation de faire ou de ne pas faire).

La servitude non aedificandi empêche de construire sur son fonds ; la servitude non altius tollendi empêche de construire plus haut : ce sont une obligation de ne pas faire. Le fonds servant est dans une situation passive : il doit laisser faire, laisser passer,…

Lorsque la servitude est très lourde pour le propriétaire du fonds servant, on l'autorise à abandonner la propriété de l'immeuble.

c_ Fonds dominant.

Il s'agit de l'immeuble bénéficiant de la servitude : le propriétaire du fonds dominant va retrouver l'usage et l'utilité de son fonds. Il peut s'agir de laisser passer de l'eau, de la lumière,…

La servitude de chasse ne peut pas exister, car elle profiterait à l'individu et non au fonds.

La servitude est liée au fonds : elle est automatiquement transmise au nouveau propriétaire. Elle est indissociable du fonds.

2) Classifications.

a_ La trilogie de 1804.

Selon l'art.639 c.civ., la servitude peut :           - provenir d'une nécessité naturelle des lieux.

                                                                - être une obligation posée par la loi.

                                                                - être le résultat d'une convention.

Les servitudes établies du fait de l'homme résultent d'une convention, d'un testament, ou d'une prescription.

Les servitudes légales sont imposées par la loi : on y trouve les servitudes naturelles (art.640 : service d'écoulement des eaux). Il faut distinguer les :                                                   - servitudes d'utilité privée (art.651 et 652 c.civ.)

                                                                            - servitudes d'utilité publique (art.650 c.civ.). Ce sont toutes celles que les SP vont réaliser. En cas de tracé ferroviaire, on délimite une zone de sécurité dans un but de protection de service ferroviaire et pour permettre aux services de réparation d'intervenir. Cela concerne aussi les réseaux électriques (aériens ou enterrés) ; les bordures d'aérodrome ;…

b_ Autres classifications.

Ä Les servitudes continues ou discontinues (art.688 c.civ.).

Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage (permettre à un troupeau de paître : contestable) et autres semblables.

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            Ä Les servitudes apparentes et non apparentes (art.689 du code civil).

Les servitudes apparentes s'annoncent par des ouvrages extérieurs (porte, fenêtre, aqueduc).

Les servitudes non apparentes n'ont pas de signes extérieurs d'existence : servitude non aedificandi, servitude non altius tollendi.

Þ Pour pouvoir prescrire, il faut une servitude apparente et continue.

Servitude continue et apparente : la vue sur une fenêtre.

Servitude continue et non apparente : servitude de ne pas bâtir.

Servitude discontinue et apparente : le passage sur un chemin (Ccass fluctuante sur le caractère apparent).

Servitude discontinue et non apparente : servitude de pacage.

C/ Régime.

1) Caractères.

Cette institution est perpétuelle, bien qu'elle atteigne la propriété. La régime juridique est donc très strict, car on craignait des abus. Il n'y a pas eu beaucoup : la jurisprudence a assoupli ce régime juridique.

Ainsi, lorsqu'une servitude de passage permet de faire passer un chariot, le juge va élargir le texte pour laisser passer un tracteur. Le pouvoir du juge connaît des limites  : il va devoir vérifier que la servitude de passage correspond bien à une enclave.

2) Effets.

Les servitudes sont marquées par une certaine fixité : on instaure une situation et on évite au maximum qu'elle soit modifiée à la convenance de l'un ou de l'autre. Ni le bénéficiaire ni le propriétaire du fonds grevé ne peuvent réduire ou aggraver la servitude.

On ne peut modifier l'assiette de la servitude, que si le propriétaire du fonds grevé est très gêné : il doit la déplacer dans un endroit qui procure le même service au propriétaire du fonds dominant.

Une obligation propter rem (en raison de la chose) va parfois peser sur les épaules du propriétaire du fonds servant : entretien du chemin de la servitude de passage,… On veut éviter un abus de droit.

3) Disparition.

a_ Prescription extinctive.

La prescription extinctive est le seul mode réel d'extinction d'une servitude : elle existe pour toutes les servitudes. Sa durée est de 30 ans. Au bout de 30 ans de non usage, la servitude va disparaître.

En cas de servitude continue, la prescription commence à courir du jour où le propriétaire du fonds servant a fait un acte contraire (art. 707 c.civ). Ex : pour une servitude non aedificandi, si le propriétaire du fonds dominant ne réagit pas dans les 30 ans du jour de début de construction, la servitude s'éteint.

b_ Renonciation.

Seul le propriétaire du fonds dominant pourra renoncer à la servitude. Cela se fera lorsque la servitude aura perdu sa raison d'être. On exige une renonciation expresse et non équivoque.

c_ Confusion.

En cas d'identité du propriétaire des deux fonds, la servitude du fonds dominant disparaît. En cas de confusion passagère, la servitude réapparaîtra lors de la revente de l'un des fonds.

Si le propriétaire du fonds servant ne peut plus supporter les charges de la servitude, il peut céder sa propriété au propriétaire du fonds dominant.

d_ Impossibilité d'usage.

Art.703 c.civ. : "les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user". Il faut une impossibilité d'usage : un raisonnement en matière d'utilité serait trop subjectif.

La cessation pure et simple de la servitude est rare. Ce ne sera pas le cas lorsque le propriétaire du fonds dominant ne peut pas user de la servitude en raison d'une action négative du propriétaire du fonds servant. Dans cette hypothèse, une action possessoire peut être exercée.

L'article 704 du code civil dispose que les servitudes "revivent si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user". La servitude survit donc tant qu'elle a une raison d'être.

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§2 : Les servitudes légales.

Il s'agit d'un numerus clausus : elles sont en nombre limité.

A/ Les servitudes naturelles.

L'article 681 du code civil instaure une servitude d'écoulement des eaux.

Tout le monde est censé supporter l'écoulement des eaux : il est impossible de reprocher à son voisin de ne pas empêcher l'eau de son terrain de couler sur le notre ; il est impossible d'aggraver cette servitude en favorisant l'écoulement de l'eau sur le terrain d'autrui, ou en empêchant l'eau du terrain d'autrui de passer sur notre terrain.

B/ Plantation.

Des réglementations particulières et usages locaux ont vocation à écarter les règles générales.

Art.671 et 672 al.1 du code civil : tout arbre de plus de 2m de haut doit être planté à plus de 2m de la limite séparative des deux fonds ; un arbre de moins de 2m de haut peut être planté à 50cm de cette limite.

La jurisprudence compte au centimètre près : en cas de dépassement, elle permet au propriétaire de l'arbre soit de l'abattre soit de l'élaguer. Une branche qui dépasse sur le terrain du voisin ne pourra être coupée que par le propriétaire de l'arbre, alors que les racines peuvent être coupées par le voisin. La distance doit être calculée à partir du cœur de l'arbre.

Art.672 al.1 in fine c.civ. : le propriétaire du fonds peut être autorisé à avoir un arbre en dérogation à ces règles en vertu d'un titre (convention passée entre les propriétaires lors de la séparation du fonds), en vertu de la règle de la destination du père de famille, ou en raison d'une prescription trentenaire.

Art.672 al.2 : si l'arbre en question meurt, est coupé ou arraché, le voisin ne peut le remplacer qu'en respectant les conditions légales : tout repart à zéro.

C/ Distances des constructions.

L'article 674 c.civ. énumère différentes constructions pour lesquelles il faut respecter une certaine distance : il s'agit des puits, fosses d'aisance, cheminées, âtres, fours, fourneaux, étables, magasins de sel, ou amas de matières corrosives. Cet article sert aujourd'hui de base  pour toutes les nuisances qui sont des propriétés privées. Il existe des réglementations spéciales pour toutes ces situations.

D/ Jours et vues.

1) Les jours.

Ce sont des ouvertures qui, du fait de leur opacité et hermétisme ne laissent passer ni le regard ni les communications. Leur seule fonction doit être de laisser passer la lumière (verre opaque,…).

L'art.677 c.civ. dispose que ces jours ne peuvent être établis qu'à 26 décimètres à partir du plancher d'un rez-de-chaussée, et à 19 décimètres à partir du plancher pour les étages supérieurs.

2) Les vues.

Ce sont des ouvertures ouvrantes et libres : on peut voir à travers et les ouvrir. L'art.678 c.civ. prévoit qu'en cas de :          - vue droite, il faut au moins 19 décimètres à partir de la ligne séparatrice du fonds.

                   - vue oblique, il faut 6 décimètres par rapport à la ligne séparatrice.

E/ Les servitudes de passage.

Elles n'ont pas le même caractère de réciprocité que les autres servitudes : l'un des fonds est dans une hypothèse d'infériorité. La servitude de passage sert à empêcher une enclave : elle peut être conventionnelle ou légale. La servitude légale peut aussi faire l'objet d'une prescription acquisitive.

Cette servitude est passive pour le propriétaire du fonds servant : il doit laisser faire.

1) L'enclave.

Il s'agit d'un fonds qui n'a d'accès à une voie publique que par l'intermédiaire d'un autre fonds qui l'entoure de tout côté. Cette enclave est une condition fondamentale pour que le juge puisse ordonner la servitude légale : l'existence d'un isolement rendant impossible d'accéder normalement au fonds dois se constater objectivement. Les juges du fond apprécient souverainement le caractère enclavé du fonds.

Il faut distinguer suivant la destination du fonds : un champ auquel on peut accéder, pourra bénéficier d'une servitude ce passage pour permettre l'exploitation, si l'accès existant est insuffisant pour un tracteur.

2) Le passage.

Il grève le fonds dominant. Le juge choisira l'endroit qui gène le moins le propriétaire, mais il faudra une assiette suffisante. Il faut trouver un juste milieu conciliant les intérêts des deux propriétaires : ce devra être le tracé le plus court, le moins gênant, et le plus adapté.

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3) L'indemnité.

Seul le propriétaire du fonds servant supportera la gène : il sera indemnisé en raison de l'atteinte au droit de propriété, qui a vocation à durer dans le temps. Faute d'accord amiable, le juge fixera l'indemnité en fonction du dommage subi : elle sera accordée sous forme de capital ou de versement périodique.

L'indemnité peut s'éteindre par prescription, si elle n'est pas réclamée pendant 30 ans.

§3 : Les servitudes du fait de l'homme.

A/ Titre.

L'art.686 c.civ. parle d'acte juridique constitutif de servitudes : ce peut être une convention à titre gratuit ou à titre onéreux, par laquelle deux voisins décident d'établir une servitude entre leurs fonds. Ce peut aussi être un testament par lequel une personne lègue à son voisin une servitude sur son fonds.

La servitude est un démembrement de propriété : elle ne peut être constitué que par un propriétaire.

La charge est analysée en une obligation propter rem (à cause de la chose) : la servitude n'existera que si elle profite au fonds dominant, et non pas à son propriétaire (pas de rapport chose/chose). Le droit pour un fonds constitué d'une briquerie, de prendre de la terre sur le fonds voisin, afin de fabriquer des briques, est bien d'une servitude. La jurisprudence est plus hésitante en cas d'usage d'un four ou d'un moulin.

B/ Prescription acquisitive.

Elle sert à faire naître une servitude. La prescription ne pourra être que trentenaire.

Les articles 2228 et suivants du code civil (possession en vue de prescrire) exigent que la possession soit utile, que le propriétaire du fonds dominant se comporte comme le propriétaire de la servitude, et que la servitude soit continue et apparente.

Le seul moyen en dehors de ces conditions d'acquérir une servitude, est le titre.

C/ La destination du père de famille (art.692 et suivants du code civil).

Cette hypothèse est peu fréquente : le propriétaire de 2 fonds instaure un système faisant penser qu'il y a servitude (un fonds supporte une charge au profit de l'autre fonds). Deux propriétaires différents acquièrent ces fonds, qui sont sans servitudes. Une servitude pourra naître si cette situation ressemble à une servitude continue et apparente, que l'aménagement est antérieur à la division, et qu'il n'y a pas de contradiction dans l'acte de séparation (acceptation de cette situation par les acquéreurs).

La servitude ainsi créée, sera désormais automatiquement transmise propter rem (à cause de la chose).

Section 2 : L'étendue du droit de propriété dans l'espace.

§1 : Verticalement.

L'adage de droit romain Superficies solo cedit fait primer le terrain sur la construction qui est dessus : le propriétaire du terrain est considéré comme le propriétaire de la construction.

L'art.552 c.civ. énonce que "la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous".

A/ Au dessus.

1) Le principe.

L'article 552 du code civil autorise le propriétaire à faire toute construction et plantation qu'il désire. Il peut par ailleurs s'opposer à tout empiétement aérien au dessus de son fonds (branches d'arbres,…).

2) Les limites.

Il existe des servitudes empêchant de porter plus haut une construction existante, ou empêchant de construire en hauteur. Il y a aussi la jurisprudence relative aux troubles de voisinage. Le droit public pose aussi des entraves, en permettant l'utilisation de l'espace aérien par les autorités administratives : on doit supporter le passage d'un câble électrique, d'un aqueduc, d'un téléphérique, d'un couloir aérien,…

B/ Au dessous : les tréfonds.

Le propriétaire du fonds peut couper les racines des arbres de son voisin qui dépassent sur son fonds. Il est propriétaire des caves, fondations,… et est autorisé à creuser un puit pour trouver de l'eau (pas du pétrole). Le sous-sol peut être dissocié du sol en cas de concession d'exploitation de mines,…

1) Les mines.

Elles ont une importance substantielle pour la collectivité nationale : on y trouve de l'or, de l'argent, et les autres métaux précieux, des hydrocarbures (gaz et pétrole), du charbon et du sel.

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Le propriétaire du sol ne sera pas propriétaire de la mine : il a le droit de chercher la mine, et sera indemnisé quand il l'aura trouvé. En cas de nationalisation, le propriétaire sera indemnisé, et il y aura souvent un exploitant. S'il n'y a pas de nationalisation, le sol appartient au propriétaire, le sous-sol appartient à l'Etat qui gère l'exploitation de la mine, ou peut délivrer un permis d'exploitation (l'exploitant sera le propriétaire du sol ou un tiers : 5 ans ; renouvellement limité) ou accorder une concession (pour des longues durées : 50 ans ; surtout pour les hydrocarbures).

2) Les carrières.

C'est une catégorie résiduelle pour tout ce qui n'est pas mine : tourbe, grès, granit, ardoise fine, sable, gravier, calcaire, minéraux non métalliques et éventuellement quelques végétaux. Il s'agit de matières moins nobles et moins lucratives : il est donc possible d'en être propriétaire.

L'exploitation nécessite une autorisation préfectorale. Le propriétaire peut être exproprié pour cause d'utilité privée : quand un sol relativement riche avec une carrière n'est pas exploité, les pouvoirs publics peuvent obliger le propriétaire à faire une concession au profit d'un tiers, qui exploitera le sous-sol. Cette atteinte au droit de propriété ne peut être que temporaire et donne lieu à une rémunération.

3) Les fouilles.

Il faut une autorisation préalable, et il y a une surveillance administrative. A l'issue des fouilles, le propriétaire peut récupérer le terrain sur lequel elles ont eu lieu, même en cas de découverte de vestiges.

C/ L'eau.

1) L'eau dessus.

Les rivières navigables ou flottables sont des dépendances du domaine public fluvial (art. 538 c.civ.). Les autres rivières et ruisseaux peuvent être utilisés par des particuliers : ils peuvent en user, mais n'en sont pas propriétaires. Ce sont des res communis.

a_ Les riverains.

Le propriétaire riverain a un droit d'usage pendant le passage de l'eau. Ce droit de riveraineté est limité, car il ne faut pas porter atteinte au débit ni à la qualité de l'eau : le propriétaire du fonds inférieur doit aussi pouvoir en user.

Lorsque le ruisseau délimite un fonds, le propriétaire a un droit sur la moitié du lit : il peut y pécher ou récupérer ce qu'il y trouve. Si le lit est détourné, il deviendra propriétaire de la moitié de l'ancien lit.

Le riverain peut se servir du ruisseau, mais pas en tant qu'énergie hydraulique (monopole de l'Etat).

b_ Les tiers.

En théorie, ils peuvent librement utiliser l'eau, et y avoir accès. En pratique, il est impossible de grever tous les terrains sur lesquels il faudrait pouvoir passer. Les propriétaires riverains peuvent tolérer un passage. La propriété privative des riverains de l'eau est une limite assez forte de l'usage de l'eau.

2) Eau dessous.

Si une source :     - de petit ou moyen débit apparaît sur une propriété privée : le propriétaire du terrain pourra la capter ou la faire couler.

                          - de débit important apparaît sur une propriété privée : il faut la laisser s'écouler. Le propriétaire du terrain ne peut pas se l'accaparer.

D/ Le droit de superficie.

La propriété est découpée par tranche de verticalité : on dissocie la propriété du dessus, du sol, et du dessous. Le propriétaire du sol peut céder à quelqu'un la propriété de ce qu'il y a dessus ou dessous. Le propriétaire du dessus s'appelle un "superficiaire" ; celui du dessous s'appelle un "tréfoncier".

1) La nature.

Il ne s'agit pas d'un démembrement : le superficiaire, le tréfoncier et le propriétaire du sol ont tout trois les trois attributs de la propriété. La cession de la propriété du dessus se fera la plus souvent par convention pour que le superficiaire puisse bâtir ou planter : il a un peu de sous-sol. On dit que le tréfoncier a refusé à être propriétaire du dessus : il ne pourra céder que le tréfonds.

Dans la pratique, cette situation est limitée dans le temps : il s'agit d'un bail (pas une cession), mais de nature particulière, car le propriétaire du dessous ne sera pas propriétaire du dessus. Il faudra bien préciser dans le bail ce qu'il adviendra des constructions ou plantations à la fin du bail.

Þ C'est donc un découpage de la propriété : la grande Propriété comprend 3 éléments : la propriété du dessous, du sol et du dessus.

2) Les caractères.

Chacune des petites propriétés cédées sera une véritable propriété, mais limitée dans son assiette.

Les trois propriétaires ont chacun une totale liberté : ils peuvent faire ce qu'ils veulent (vendre, louer, construire ou non, détruire,…). Cette propriété ne se perd pas par le non-usage : en principe, c'est un droit perpétuel, mais qui est souvent temporaire en pratique. Il peut faire l'objet d'une hypothèque.

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§2 : Horizontalement.

A/ Le bornage.

Il consiste à délimiter une propriété afin de faire apparaître la ligne séparative entre deux fonds.

1) Un droit.

Tout propriétaire immobilier jouit du droit de bornage.

Le bornage se fait par l'installation de bornes, implantées de façon visible sur le terrain et marquant la délimitation : il y aura une borne dans chaque angle. La borne pourra être un arbre, un rocher, un ruisseau, un fossé, un des piquets. Elle doit être fixée le plus solidement possible, afin qu'elle ne soit pas déplacée.

Le droit d'exiger le bornage est supprimé pour le voisin du domaine public : la délimitation appartient alors à l'autorité administrative. Si le voisin est le domaine privé de la collectivité locale, on revient à l'hypothèse normal : chaque voisin peut demander le bornage, et le voisin ne peut pas s'y opposer.

C'est un droit imprescriptible, non obligatoire, mais qui le devient lorsque la demande de bornage a été faite. Il est réciproque, et se fera à frais commun.

2) Caractère judiciaire.

Le bornage peut être conventionnel ou judiciaire.

Le bornage judiciaire relève de la compétence du TI. Si une action en revendication de propriété immobilière est exercée à cette occasion, elle relèvera de la compétence du TGI.

Le bornage fera l'objet d'un procès-verbal d'abornement, qui n'a qu'un caractère déclaratif : le bornage ne fait pas de transfert de propriété. Quand le bornage a pris valeur définitive, toute nouvelle demande en bornage sera irrecevable : il faudra alors contester la validité du procès-verbal, et établir sa nullité.

Un accord est toujours possible entre les parties.

B/ La clôture.

1) Le principe.

L'art.647 c.civ. reconnaît le droit de se clore : on est libre de clore ou non le terrain. Ce droit existe même sans bornage, mais s'il le bornage a eu lieu, il l'emporte sur la clôture en cas de contradiction.

2) Les limites.

L'article 647 envisage que ce droit peut être limité sous réserve d'éventuelles servitudes. L'article 682 prévoit que la servitude de passage peut faire obstacle au droit de se clore.

Abus de droit : on pourra reprocher à quelqu'un d'avoir usé de son droit, mais il faut alors une inutilité et une volonté de nuire.

L'article 663 pose le principe d'une clôture forcée : une personne peut être forcée par ses voisins, à clore le terrain ou à restaurer la clôture existante. C'est surtout vrai en zone urbaine. La jurisprudence en fait un usage limité : elle surveille la compatibilité de ce texte avec les règlements et usages locaux.

Chapitre 2 : La possession.

Section 1 : La prescription acquisitive.

L'art.2279 c.civ. distingue :        - la prescription extinctive : l'absence d'activité par le titulaire d'un droit réel entraîne la perte de son droit. Elle sera uniquement trentenaire, car elle est trop grave.

                                             - la prescription acquisitive : une personne non titulaire d'un droit qui agit comme si elle en était titulaire, pourra acquérir ce droit. En cas de mauvaise foi, il faudra 30 ans ; en cas de bonne foi, ce sera une prescription acquisitive abrégée (une usucapion) de 10 à 20 ans.

§1 : Les acteurs.

Cette prescription sert à acquérir toute espèce de droit réel en matière mobilière ou immobilière (usufruit, servitude,…). En pratique, les prescriptions sont très rares.

A/ Le verus dominus.

1) Le titre.

a_ La publicité foncière.

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Le système français est formaliste en matière immobilière : lors d'une vente, le notaire procède à l'inscription au registre de conservation des hypothèques, ce qui conditionne l'opposabilité aux tiers du transfert de propriété. Le droit allemand fait intervenir le juge pour procéder à l'inscription sur un livre foncier : le transfert de propriété intervient à ce moment. Le registre de conservation des hypothèques est aussi un mode de preuve pour savoir qui sera considéré comme propriétaire du bien.

b_ Titre de verus dominus.

Le verus dominus sera la personne qui dispose du titre de propriété et aura son nom inscrit au registre de conservation des hypothèques. Y seront aussi inscrits les différents droits réels attachés à l'immeuble.

Cette personne qui a le titre n'a pas forcément le corpus sur la chose : elle peut même ne pas être réellement possesseur, et que quelqu'un d'autre se comporte comme le possesseur de cette chose.

2) L'inactivité.

L'art.2251 pose qu'en principe la prescription court contre tous. Mais, la loi peut retenir des exceptions.

a_ Sommeil profond.

Le verus dominus qui avait le titre de propriété, et qui ne s'est pas occupé de son bien pendant un certain temps, va perdre son titre si, pendant ce temps, quelqu'un s'en est occupé.

L'inactivité prolongée du propriétaire est sanctionnée par la perte de son droit. Le propriétaire ne doit s'être jamais opposé à cette situation : ne pas avoir vu que quelqu'un prescrivait contre lui, ou l'avoir vu mais n'avoir rien fait. Juridiquement, on efface la situation de droit.

b_ Sommeil léger.

La prescription est suspendue :            - pour un mineur non émancipé et un majeur sous tutelle, car ils sont incapables juridiquement : s'ils sont propriétaires de biens, ils ne peuvent pas se comporter comme tels.

                                                  - entre les époux : les biens étant communs, aucune prescription n'est retenue entre les époux. Le mari ne peut pas prescrire les biens de sa femme, et inversement.

                                                  - en cas de force majeure : pendant tout le temps couvert par la force majeure, on suspend la prescription.

Il sera difficile de prouver la force majeure ; dans les autres hypothèses, l'impossibilité d'agir est présumée dès que la personne établit son état. On applique l'adage contra non valentem agere non currit prescriptio (la prescription ne joue pas contre ceux qui ne peuvent agir).

c_ Le réveil : l'interruption.

Lorsqu'un verus dominus n'a pas agi pendant des années, un tiers a pu commencer à prescrire. Si, brusquement, le verus dominus se manifeste au regard du monde en sa qualité de propriétaire du bien que le tiers essayait de prescrire, la prescription réalisée par le possesseur est interrompue. Le possesseur ne pourra recommencer à prescrire que lorsque le verus dominus retournera en sommeil : tout repart à zéro.

3) La sanction.

On reproche au verus dominus son inactivité, car ce n'est pas économiquement sain.

La situation de fait est alors en décalage avec la situation de droit. L'objectif du droit va être de mettre le fait en accord avec le droit : le fait va devenir le droit.

En matière de propriété, le principe de base reste intangible : il n'y a pas de prescription extinctive de la propriété, mais la prescription acquisitive est acceptée.

B/ Le possesseur.

1) La possession.

a_ La qualité de possesseur.

Seul quelqu'un qui se comporte comme un possesseur pourra prescrire.

Le détenteur est exclu de la prescription (il a juste à sa disposition le cas exceptionnel d'interversion des titres), de même que les personnes qui bénéficient d'un acte de tolérance.

b_ Une possession corpore et animo.

Pour prescrire, le possesseur doit posséder sa possession par le corpus et l'animus. Si, à un moment donné, le possesseur a reconnu que le verus dominus est propriétaire, il avoue être de mauvaise foi, mais surtout il lui manque l'animus : la prescription est dès lors interrompue, et tout repart à zéro.

c_ Une possession utile.

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Pour pouvoir prescrire, la possession doit être utile : elle doit donc être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire (art.2229 c.civ).

2) Bonne ou mauvaise foi.

La bonne ou mauvaise foi du possesseur est indifférente : il pourra prescrire dans les deux cas.

Toutefois, alors que la mauvaise foi se prescrit toujours par 30 ans, le délai est abrégé en cas de bonne foi. Celle-ci est appréciée lors de l'entrée en possession : la mauvaise foi qui survient après ne nuit pas.

La jurisprudence renverse facilement la présomption de bonne foi (art.2268 c.civ.) : elle exige une réelle bonne foi, dans laquelle il n'y a pas eu de possibilité de doute (prix bas,…).

§2 : Le temps.

A/ Droit commun.

Le délai de droit commun de prescription acquisitive est de 30 ans. La seule condition est de faire état d'une possession utile. Ce délai peut être allongé, notamment dans les hypothèses de suspension du délai.

B/ Prescription abrégée : 10 / 20 ans.

1) 10 ou 20 ans, principe de base.

Le possesseur de bonne foi pourra bénéficier d'une prescription abrégée, de l'ordre de 10 ou de 20 ans.

Le possesseur mettra :       - 20 ans pour prescrire si le bien immeuble appartient à un verus dominus qui n'habite pas dans le ressort de la Cour d'Appel de cet immeuble.

                                      - 10 ans pour prescrire si le bien immeuble appartient à un verus dominus qui habite dans le ressort de la Cour d'Appel de cet immeuble.

2) 10 à 20 ans, résidence alternative.

Lorsque le verus dominus habitait dans le ressort de la Cour d'Appel de l'immeuble, mais qu'il a déménagé en dehors de ce ressort, la durée de prescription est aménagée. Le possesseur doit alors prescrire pour le double de ce qu'il lui restait à prescrire avant le déménagement du verus dominus : s'il a prescrit 4 ans, il lui en restait normalement 6, mais on lui demandera encore 12 ans (16 ans au total).

§3 : Titre et bonne foi.

A/ Le juste titre.

Pour bénéficier de l'usucapion, il faut être de bonne foi et avoir un juste titre. Le possesseur doit avoir le negotium, et avoir cru, à juste titre être propriétaire du bien : il doit avoir un titre qui aurait pu réaliser le transfert de propriété (théorie de l'apparence : acquéreur a non domino avec un minimum de solidité autour de la possession). Le possesseur doit prouver son juste titre : il peut être issu d'une vente, d'une succession,… On exclut des justes titres, les actes juridiques entachées d'une nullité absolue.

B/ Bonne foi / mauvaise foi dans la jonction des possessions.

L'art.2235 c.civ. envisage expressément l'hypothèse où plusieurs possesseurs vont se succéder pour prescrire un même bien. Les deux personnes doivent être liées par une succession, une vente,…

1) L'acquéreur à titre universel.

L'héritier est considéré comme continuant la personne du défunt : on ne le regarde pas pour lui-même, mais au travers du défunt, et on considère qu'il y a continuation de la personne de son auteur.

Si le défunt était possesseur de bonne foi, l'héritier continuera sur la possession de bonne foi. Il faudra alors un total de 10 ou 20 ans de prescription : l'héritier bénéficie du temps prescrit par le défunt.

Si le défunt était possesseur de mauvaise foi, l'héritier continuera sur la possession de mauvaise foi. Il faudra un total de 30 ans de possession.

Dans les deux cas, la personnalité de l'héritier est indifférente : il peut être de bonne ou mauvaise foi.

2) L'acquéreur à titre particulier.

Lorsque le vendeur et l'acquéreur sont tout deux de bonne foi : il faudra un total de 10 ou 20 ans.

Lorsque le vendeur et l'acquéreur sont tout deux de mauvaise foi : il faudra un total de 30 ans.

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Si le vendeur était de bonne foi, mais que l'acquéreur est de mauvaise foi, il lui faudra 30 ans pour prescrire mais on l'autorise à bénéficier du principe de jonction.

Si le vendeur était de mauvaise foi, mais que l'acquéreur est de bonne foi, il lui faudra 10 ou 20 ans pour prescrire, étant entendu que le principe de la jonction de la possession n'est pas admis.

§4 : Les effets.

A/ Le bénéfice de la prescription.

Même lorsque toutes les conditions de la prescription sont remplies, le possesseur qui a prescrit ne devient pas automatiquement propriétaire : il doit faire une démarche volontaire demandant que soit reconnue sa propriété. Il devient alors propriétaire même s'il n'a jamais eu le titre de propriété auparavant.

Le possesseur qui remplit toutes les conditions et qui n'a pas fait de demande de prescription, peut renoncer à la prescription : on ne peut pas le forcer à la revendiquer (paiement des charges depuis le début de la prescription). L'art.2223 c.civ. précise que le juge ne peut pas soulever d'office la prescription.

B/ Les caractères.

Le possesseur n'a pas d'auteur (il n'a pas traité avec le verus dominus) : la prescription est donc un mode originaire d'acquisition de la propriété. C'est aussi un mode direct (pas de transfert de propriété), mais, non immédiat (10/20 ans). Pour le verus dominus, le transfert de propriété n'est pas volontaire.

La prescription est rétroactive : on est censé être propriétaire depuis le début de la prescription. Les fruits perçus appartiennent au possesseur depuis le premier jour : il ne doit rien au verus dominus.

Section 2 : La protection possessoire.

C'est une institution spécifique en matière immobilière : le possesseur victime d'un trouble possessoire, intente une action possessoire pour bénéficier de la protection possessoire. L'objectif est de protéger dans sa possession, la personne qui possède paisiblement un immeuble, qu'elle soit ou non propriétaire.

§1 : Les actions possessoires.

A l'origine, seul le code de procédure civil en parlait. La loi du 9/7/1975 a introduit ces actions dans le code civil (art.2282 et 2283) : il en existe trois, dont les noms ont été donnés par la jurisprudence ou la doctrine, mais pas par la loi. Elles sont complémentaires.

A/ La complainte.

Elle a une vocation résiduelle parmi les actions possessoires : si on ne peut pas qualifier une des deux autres actions, elle s'appliquera. C'est donc le droit commun. Elle remonte au XIIIème.

Elle est invoquée pour un trouble déjà causé, et qui ne résulte pas d'une violence particulière (pose d'une barrière bloquant le chemin d'un voisin ; quelqu'un se gare sur une place de parking privative,…). Il s'agit d'une utilisation indue de la chose constituant un trouble possessoire, sans qu'il y ai pour autant revendication de propriété. Ce trouble peut être de fait (acte matériel) ou de droit (action en revendication de propriété, sommation de payer un loyer,…).

B/ La dénonciation de nouvel œuvre.

C'est une forme de complainte intentée avant même que le trouble ait été causé : quelqu'un s'apprête à entreprendre des travaux qui vont troubler le possesseur dans sa possession. Le trouble doit être imminent et certain, c'est-à-dire que les travaux doivent avoir été déjà entrepris (présence des matériaux). Il y a commencement d'action de par l'imminence des travaux. Il s'agit d'une action conservatoire tendant à éviter que le trouble n'apparaisse.

C/ La réintégrande ou action en réintégration.

C'est l'action la plus spécifique des trois : elle a un objet spécial et un régime juridique dérogatoire. Cette action remonte au Moyen Age.

Elle intervient en cas de trouble aggravé, de voie de fait. On est en présence d'une dépossession violente, et on cherche à rétablir le possesseur dans sa possession. On applique l'adage Spoliatus ante omnia restituentus (restituitus) : celui qui a été spolié doit avant tout être restitué. Cette hypothèse est dictée par l'urgence : l'objectif étant de faire respecter la paix publique, d'éviter la justice privée.

Peu importe que l'acte soit légitime ou non : le droit refuse toute violence.

§2 : L'exercice.

A/ Le décor du trouble possessoire.

Le but est de faire cesser un trouble dans sa possession.

Le trouble doit être certain et actuel : c'est un fait matériel ou un acte juridique, qui contredit la possession d'autrui. Un comportement passif sera insuffisant, car une volonté doit être associée à l'acte.

Le trouble n'est pas un préjudice : il se peut qu'un trouble soit occasionné, mais ce sera indifférent, car seul compte le trouble dans la possession, entendu comme une atteinte au corpus (atteinte matérielle).

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B/ Les acteurs : le demandeur et le défendeur.

1) Les qualités du demandeur.

L'action est ouverte au possesseur : il demande simplement à être rétabli dans sa possession.

L'art.2282 al.2 c.civ. prévoit que l'action possessoire est aussi ouverte au détenteur. Il est alors considéré détenir la chose en fonction d'un réel titre juridique : son corpus est exercé de façon licite. Toutefois, le détenteur ne pourra pas exercer d'action possessoire contre son auteur (bail, mandat,…) : il ne doit pas y avoir de lien juridiquement encadré entre le détenteur et le fauteur de trouble.

La mauvaise foi est indifférente.

La possession (ou la détention) doit être actuelle, paisible (art.2283 c.civ.), et bien que la loi ne le dise pas, on peut poser qu'elle doit aussi être publique, et être exercée corpore et animo, sachant que l'animus est présumé. Le juge exige parfois que le détenteur fasse état de son titre : ne pouvant établir son titre, un détenteur a eu intérêt à se présenter comme un possesseur.

2) Le défendeur.

Les actions possessoires sont interdites entre cocontractants.

L'art.1264 du code de procédure civile s'applique : le code  civil ne contient que les bases.

C/ Les costumes : les conditions.

1) Un droit réel immobilier.

L'action possessoire ne vaut qu'en matière immobilière.

2) Les délais.

Le possesseur doit posséder depuis au moins un an, sauf pour la réintégrande, car la violence qu'elle contient justifie que l'action puisse s'exercer dès le début de la possession.

Le possesseur doit agir dans l'année du trouble. A défaut, ce n'est pas vraiment un trouble.

3) Compétences.

Le TI a une compétence exclusive, car il n'y a pas de revendication de propriété immobilière. Les TI ont remplacé les anciens "juges de paix", or ici, on recherche la paix.

§3 : Possessoire et pétitoire.

L'art.2282 c.civ. précise que l'action possessoire est intentée sans avoir égard au fond du droit.

A/ La distinction.

L'action possessoire est relative à la possession : elle vise à protéger une possession de fait, un corpus.

L'action pétitoire (revendication de propriété immobilière) est relative au fond du droit, à la propriété.

Le demandeur à une action possessoire demande simplement à être rétabli dans sa possession, sans conséquence au plan du droit. Au contraire, l'action pétitoire sera intentée pour revendiquer la propriété.

L'action possessoire relève de la compétence du TI ; l'action pétitoire relève de la compétence du TGI.

Þ Ces actions pourront être exercées dans la même affaire : le possesseur introduit une action possessoire devant le TI pour enjoindre judiciairement à l'autre de faire cesser le trouble ; l'autre pourra exercer une action pétitoire pour faire reconnaître qu'il est propriétaire. Ces 2 décisions ne seront pas en contradiction.

B/ Priorités.

L'action possessoire est toujours prioritaire. Par ailleurs, elle est toujours intentée par le possesseur.

Si les juridictions respectives sont saisies en même temps d'une action pétitoire et d'une action possessoire, on commencera par statuer au possessoire, et on examinera l'action pétitoire qu'ensuite.

Si l'action pétitoire est déposée en premier lieu :      - par le propriétaire : le possesseur (défendeur au pétitoire mais demandeur au possessoire) pourra demander que l'on sursoit à statuer.

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                                                                              - par le possesseur qui prétend être propriétaire : on considère qu'il a implicitement renoncé à l'action possessoire. Il ne sera plus autorisé à y recourir.

Le juge du TI saisi d'une action possessoire devra mettre fin au trouble possessoire sans s'occuper du fond du droit. Aucun indice quant à la réalité de la propriété ne doit transparaître dans son jugement.