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UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Faculté de Droit, des Sciences Politiques, Economiques et de Gestion CEMAFI Centre d’Etudes en Macroéconomie et Finance Internationale THÈSE Pour obtenir le grade de Docteur en Sciences Economiques Gouvernance et croissance économique Présentée et soutenue publiquement par Ouidade CHATTI Le 11 mars 2010 devant le jury : Directeurs : M. BERTHOMIEU Claude, Professeur à l’Université de Nice M. CHTOUROU Nouri, Professeur à l’Université de Sfax, Tunisie Rapporteurs : M. ARCAND Jean Louis, Professeur à l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement, Genève M. FEKI Rochdi, Professeur à l’Université de Sfax, ESC, Tunisie Examinateurs : Mme. GLORIA-PALERMO Sandye, Professeur à l’Université de Nice M. MAROUANI Albert, Président de l’Université de Nice

Thèse - CFAR-m - Français

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University Thesis on the subject of CFAR-m by Ouidade Chatti

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  • 1. UNIVERSITE DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS Facult de Droit, des Sciences Politiques, Economiques et de Gestion CEMAFI Centre dEtudes en Macroconomie et Finance Internationale THSE Pour obtenir le grade de Docteur en Sciences Economiques Gouvernance et croissance conomique Prsente et soutenue publiquement par Ouidade CHATTI Le 11 mars 2010 devant le jury :Directeurs : M. BERTHOMIEU Claude, Professeur lUniversit de Nice M. CHTOUROU Nouri, Professeur lUniversit de Sfax, TunisieRapporteurs : M. ARCAND Jean Louis, Professeur lInstitut des Hautes Etudes Internationales et du Dveloppement, Genve M. FEKI Rochdi, Professeur lUniversit de Sfax, ESC, TunisieExaminateurs : Mme. GLORIA-PALERMO Sandye, Professeur lUniversit de Nice M. MAROUANI Albert, Prsident de lUniversit de Nice
  • 2. Remerciements Je voudrais avant tout remercier chacun des membres de Jury pour lhonneur quilsmont fait de sintresser ce travail et davoir accept de lvaluer. Mes remerciements sadressent : A mes directeurs de thse, Monsieur le professeur Claude BERTHOMIEU etMonsieur le professeur Nouri CHTOUROU qui ont accept de co-encadrer ce travail. Je leursuis trs reconnaissante pour la confiance quils ont eue en moi et le temps quils montconsacr tout au long de llaboration de ce travail de recherche. Leurs conseils et suggestionsont amplement contribu laboutissement de ce travail ; A monsieur Jean Louis ARCAND et Monsieur Rochdi FEKI pour avoir rapport surma thse ; A monsieur Albert MAROUANI et Madame Sandye GLORIA-PALERMO pour avoiraccept de participer au jury ; A tous les membres du CEMAFI pour leur accueil et leur disponibilit,particulirement, Monsieur Jean-Charles Briquet-Laugier et Mademoiselle Diane Gauffridy. Mes remerciements sadressent galement aux membres de ma famille qui onttoujours cru en moi et mont soutenue durant ces longues annes dtudes, pour tous lessacrifices quils ont faits, lamour et le soutien quils mont apports : mon frre Mohamed,ma sur Nissaf, et particulirement ma mre pour qui je nai pas t trs disponible cesdernires annes, et finalement mon fianc qui jexprime ma reconnaissance et mon amourinfini et qui a t mes cots pendant les moments les plus durs de cette thse. -2-
  • 3. DdicaceA lme de mon pre
  • 4. SommaireIntroduction Gnrale ........................................................................................................................................................................................ 6Chapitre 1: La Notion de Gouvernance : Emergence, Significations, et Mesures. ........................................................................................... 20 Section 1. La Gouvernance : une notion difficile dfinir ......................................................................................................................... 23 Section 2. LEmergence dune Nouvelle conomie du dveloppement : la bonne gouvernance .......................................................... 38 Section 3. Les Mesures de la gouvernance................................................................................................................................................. 58Chapitre 2: La relation entre la gouvernance et la croissance conomique : de la thorie la pratique............................................................ 83 Section 1. La place de la gouvernance et des institutions dans la thorie de la croissance ......................................................................... 87 Section 2. Repres thoriques sur la gouvernance : la nouvelle conomie institutionnelle (NEI).......................................................... 97 Section 3. Une synthse des travaux empiriques sur la relation entre gouvernance et performances conomiques.................................. 124Chapitre 3: Analyse de la qualit de la gouvernance dans le monde : une approche multidimensionnelle..................................................... 153 Section 1. Aperus de quelques mthodes classiques dagrgations et de classification .......................................................................... 156 Section 2. Lanalyse en composantes principales (ACP) applique aux donnes de la gouvernance ....................................................... 164 Section 3. Analyse de la gouvernance laide des cartes auto-organisatrices de Kohonen ...................................................................... 174Chapitre 4: valuation empirique de la relation entre la qualit de la gouvernance et les performances conomiques .................................. 210 Section 1. valuation des effets directs et indirects de la gouvernance sur le niveau du revenu : approche comptable de la croissance .. 214 Section 2. valuation des effets de la gouvernance par lapproche conomtrique.................................................................................. 237 Section 3. Evaluation des effets direct et indirects de la gouvernance sur la croissance conomique....................................................... 249Conclusion Gnrale...................................................................................................................................................................................... 272Annexes ......................................................................................................................................................................................................... 286
  • 5. La facult nentend donneraucune approbation ni improbation auxopinions mises dans les thses : cesopinions doivent tre considres comme
  • 6. Introduction GnraleLa relation entre la gouvernance et la croissance conomique est un thme qui suscite ungrand intrt depuis deux dcennies tant dans la science conomique quau sein de lacommunaut internationale.Depuis le dbut des annes 1990, on assiste un regain dintrt pour la notion degouvernance. Aujourdhui, elle est largement utilise par les organisations internationales,rgionales, des agences de dveloppement, des gouvernements mais aussi des conomistes.Cette thse porte sur la gouvernance des Etats, par opposition la gouvernance globale ou lagouvernance dentreprise (corporate governance). Dans ce sens, la gouvernance se rfre lexpression bonne gouvernance soutenue par la Banque Mondiale (BM) ds le dbut desannes 1990. Pour cette organisation internationale, la gouvernance correspond la capacitde lEtat de fournir des institutions soutenant les marchs. Elle entend par bonnegouvernance la fourniture effective de telles institutions. Selon la Banque Mondiale, la bonne gouvernance inclut la cration, la protection et le respect des droits de proprit, unerglementation qui encourage la concurrence, mais aussi des politiques macroconomiquessaines et labsence de corruption (Banque Mondiale, 2002). Depuis, la notion de gouvernanceouvre la voie plusieurs dfinitions proposes par les organisations internationales. Chacunea dvelopp sa propre dfinition de la gouvernance. Malgr labsence dune approchecommune de la notion de gouvernance, lensemble des dfinitions adoptes par cesinstitutions convergent vers un point qui est de lier la notion de la gouvernance une certaineefficacit de lEtat dans la gestion des affaires publiques. Cest selon cette conception, pluslie lide de gestion qu celle de pouvoir, que la notion de gouvernance a eu un succs ausein des Institutions Financires Internationales. Plus prcisment, cest la dfinition proposepar Kaufmann et Kraay (2002) qui est le plus souvent utilise dans les travaux traitant de labonne gouvernance . Les auteurs la dfinissent comme le processus et les institutions parlesquels lautorit est exerce dans le pays pour le bien commun. Cela recouvre : le processuspar lequel les gouvernements sont slectionns, tenus redevables, surveills et remplacs ; les 6
  • 7. capacits des gouvernements grer les ressources et fournir les services efficacement, ainsiqu formuler et mettre en uvre de bonnes politiques et rglementations, le respect desinstitutions qui gouvernent les interactions conomiques et sociales. Cette dfinition donne uncaractre multidimensionnel la notion de gouvernance dans la mesure o elle recouvreplusieurs aspects : le caractre dmocratique des institutions politiques, linstabilit politiqueet la violence, lefficacit des pouvoirs publics, le poids des rglementations, la primaut dudroit, et enfin la lutte contre la corruption.La notion de gouvernance est devenue alors un lment cl des politiques de dveloppementet de rduction de la pauvret, principalement suite aux premires valuations desprogrammes dajustement structurels. En effet, depuis cinquante ans, les politiques dedveloppement passent dun paradigme un autre. Les thories du dveloppement ont, selonles poques, mis laccent sur les carences et les succs du march, prsent lEtat comme unacteur volontariste ou un acteur passif, et encourag tour tour les mrites de louverture aucommerce extrieur, de lpargne et de linvestissement, de lducation et de la diffusion dusavoir, de la stabilit financire et macroconomique. Les dveloppements prcdents se sontinscrits essentiellement sur laxe Etat-march en supposant que ce sont les deux seules formesde coordinations dans les conomies. Comme lune et lautre ont rencontr des limites, voiredes checs dans leur application, une faon de rconcilier ces deux approches consiste rechercher une combinaison optimale entre mcanismes de march et coordination par lespouvoirs publics (Boyer 2001) : la gouvernance. Cette notion apparait dans lconomie dudveloppement pour renouveler le dbat existant entre Etat et march, tout en tenant encompte dun nouveau facteur, les institutions et du niveau de leur application. Au cours deleur dveloppement, les courants de pense nont pas pris en considration les facteurs nonconomiques du dveloppement et se sont plus concentr sur des aspects techniques etphysiques du dveloppement comme le capital physique et humain. Les checs des stratgiesde dveloppement passes sont imputs aux carences de la gouvernance et le rle desorganisations internationales, charges de promouvoir le dveloppement, devraientencourager la mise en place de bonnes institutions et de leur application effective. Lanotion de gouvernance se trouve donc au cur des dbats sur les stratgies de dveloppementet fortement lie la question des institutions.La thorie de la croissance qui a t labore dans les annes 50 et 60, souligne la ncessitdaccumuler des facteurs de production (capital et travail) et daccrotre la productivit aveclaquelle ces facteurs sont utiliss. En effet, laccumulation des facteurs de production ne peutplus tre considre comme le principal moteur de croissance, mais il existe un autre lment -7-
  • 8. qui peut tre le vritable moteur de la croissance : la productivit totale des facteurs (PTF). Ilsemble alors que ce qui importe pour la croissance, ce nest pas seulement la quantit desfacteurs de production accumuls par le pays mais cest surtout la manire avec laquelle ilcombine ces facteurs. Paralllement, les estimations empiriques des dterminants de lacroissance ont montr linsuffisance des seules variables conomiques pour expliquer lesdiffrentiels de performances conomiques entre pays. Ce qui a pouss les politistes et lesconomistes porter leur rflexion sur la qualit de la gouvernance et des institutions pourexpliquer la croissance. Si laugmentation des quantits de capital et de travail a un impactpositif sur la croissance, quest ce qui permet (ou non) la mobilisation de ces facteurs deproduction et quest ce qui rend cette mobilisation efficace (ou non) long terme ? LaNouvelle Economie Institutionnelle (NEI) est alors intervenue principalement avec lestravaux de North (1990) pour apporter une rponse ces questions. On parle aujourdhui dunnouveau consensus au sein de lconomie du dveloppement et de la croissance conomique.Cest un consensus qui est plus large que les anciens et qui va prendre en compte danslanalyse du dveloppement et de la croissance, des facteurs non seulement conomiques maisdes facteurs politiques et institutionnels.Lintrt pour les institutions et leur rle dans la croissance conomique sest dvelopp avecles travaux de la Nouvelle Economie Institutionnelle. On assiste aujourdhui une nouvelleversion de lconomie standard noclassique (Clague 1997), notamment avec la prise encompte des notions de cots de transaction et dinformation imparfaite en conomie. Laquestion de recherche principale que se pose North est la suivante : quest ce qui permet uneconomie, une poque donne, de connatre la croissance conomique ? Sa thse est que cesont les institutions qui garantissent cette croissance conomique, car elles permettent derduire les cots de transaction entre les individus et assurent donc le bon fonctionnement desmarchs : I wish to assert a much more fundamental role for institutions in societies; theyare the underlying determinant of the long-run performance of economies (North 1990,p.20). Le modle de North a pour point de dpart thorique la microconomie, mais dans uncadre qui diverge sensiblement de celui de lconomie noclassique. North sinspire enparticulier de trois champs thoriques qui constituent aujourdhui les fondements de la NEI.La premire thorie que North reprend son compte est celle des cots de transaction. Ilexplique que la baisse des cots de transaction est un des facteurs principaux daugmentationde la croissance conomique. De ce fait, ltude de la mise en place des institutions simpose.Pour cela, North utilise la thorie conomique des droits de proprit. Il sinspire donc et ensecond lieu, de la thorie conomique du droit de proprit quil emprunte des auteurs 8
  • 9. comme Alchian et Demsetz (1972). North montre quun systme de droits de proprit biendfini peut tre un facteur de croissance conomique. Une socit sera dautant plusinnovatrice et porte sur la croissance que son systme de droits de proprit prcise les droitsdexclusivit de chacun, en assure la protection effective, et rduit le degr dincertitude quipse sur les possibilits de gains supplmentaires offerts par linnovation. Pour affiner sonanalyse, North introduit les sciences politiques dans son modle. Il dmontre notamment quecertains rgimes politiques favorisent plus que dautre la croissance conomique, et cela parlintermdiaire dinstitutions complexes quil convient dtudier prcisment.Lanalyse de North de limportance des institutions pour la croissance a beaucoup marqu lesconomistes de la priode. Aujourdhui, il est largement admis que ce sont les institutions quidterminent les performances des conomies nationales. Les institutions entrent dans lacatgorie des facteurs qualitatifs de la croissance et du dveloppement. North (1990) affirmeque : "les pays du tiers monde sont pauvres parce que les contraintes institutionnelles quidfinissent un ensemble de cots pesants sur les politiques conomiques nencouragent paslactivit productive1 . Cette dcouverte de la dimension institutionnelle du processus decroissance, et donc du rle consquent des institutions, ne saurait tre nglige. Lesinstitutions ne peuvent plus tre cartes de lanalyse de la croissance. Les InstitutionsFinancires Internationales, et plus prcisment la Banque Mondiale apportent une rponse la question de limportance des institutions pour les performances conomiques en proposantun cadre oprationnel : la bonne gouvernance . La gouvernance est prsente commesolution permettant dassurer la scurit des transactions ncessaire la croissanceconomique. La Nouvelle Economie Institutionnelle et les travaux de North (1990)fournissent alors un cadre thorique et analytique ltude du rle de la gouvernance danslamlioration des performances conomiques. Ces travaux constituent donc la principalebase thorique partir de laquelle sinspire le modle de bonne gouvernance tel quil estpropos par la Banque Mondiale. Limportance de la NEI a t confirme par lattribution duprix Nobel dconomie dabord en 1991 Ronald Coase puis Douglas North, en 1993 etrcemment Olivier Williamson en 2009.Cette nouvelle doctrine des Organisations Internationales se fonde sur de nombreux travauxempiriques qui mettent en vidence les consquences positives de la bonne gouvernance sur les performances conomiques. On retrouve, dune part, les travaux empiriques sousformes dtudes en coupes transversales de la croissance qui cherchent tablir une relation1 Dans North (1990) page 20, Third world countries are poor because the institutional constraints define a set of payoffs to political/economic activity that do not encourage productive activity. -9-
  • 10. entre la gouvernance et la croissance conomique. La majorit de ces travaux concluent unlien positif et significatif entre la gouvernance et les performances conomiques. Toutefois, lamajorit de ces travaux traitent leffet global de la gouvernance sur la croissance et nemontrent pas comment elle peut affecter la croissance. Ces travaux traitent les institutionscomme une boite noire et ne mettent pas en lumire les mcanismes exacts traverslesquels les institutions affectent rellement la croissance. La majorit des tudes empiriquesutilisent des modles de croissance de forme rduite qui ne permettent pas de dtecter lesdiffrents canaux dinfluence. Dautre part, des travaux empiriques utilisant des modles decroissance de type Solow (1956) et Mankiw, Romer et Weil (1992) ont permis en quelquesorte de dtecter certains canaux. En effet, les canaux travers lesquels la bonne (mauvaise)gouvernance entraine une forte (faible) croissance conomique sont probablement tropnombreux mais pas totalement identifis.Le premier type de travaux que nous appelons tudes de premire gnration vise expliquer pourquoi la qualit des institutions varie selon les pays, et quel type de facteurs peuttre responsable dune telle disparit. Plus prcisment, ils visent tester lhypothse de North1990 sur limportance des droits de proprit et des cots de transactions dans ladtermination des performances conomiques. Une caractristique commune lensemble deces travaux, est dtudier limpact des institutions sur les performances conomiques sansfaire explicitement rfrence au concept de gouvernance. En effet, dans ces tudes de premire gnration , on ne parlait pas encore de gouvernance mais dinstitutions et ce nestqu partir des travaux de Kaufmann et al. (1999) quon a commenc parler de relationgouvernance et croissance. La plupart des travaux introduisent un large ventail dindicateursde la qualit des institutions comme variables proxys de la gouvernance dans un pays (lagarantie des droits de proprit chez Knack et Keefer (1995), le risque dexpropriation chezAcemoglu, Johnson et Robinson (2001), linstabilit politique chez Scully (1988), Fosu(1992), Olson (1996), la corruption chez Mauro (1995), la dmocratie chez Barro (1996)).Malheureusement, certaines dimensions de la gouvernance sont ignores dans les tudes surles dterminants de la croissance et, quand elles sont reprsentes par des variables proxys,elles sont probablement incapables de reprsenter pleinement la notion de gouvernance. Ladeuxime catgorie dtudes que nous appelons tudes de seconde gnration , estconsacre la faon dont la gouvernance et les variables institutionnelles affectent lacroissance conomique et le revenu par tte ; en dautres termes, elles visent dterminer lescanaux travers lesquels la gouvernance affecte la croissance. Ce qui caractrise cettelittrature cest quelle va chercher combler la limite des travaux de premire gnration en 10
  • 11. introduisant dune manire explicite le concept de gouvernance comme hypothse de base deleur travail conomtrique et donc une tentative dintroduction explicite des indicessynthtiques pour aborder la notion de gouvernance dans sa totalit. Toutefois, ces travauxarrivent souvent des conclusions htrognes et qui ne vont pas dans le mme sens. Celapourrait tre d aux indicateurs agrgs utiliss dans ces travaux qui sont souvent construitsdune manire arbitraire sans pour autant tudier les difficults de construction des indicateurscomposites. Cela pourrait tre d galement la diversit des mesures institutionnelles que lesauteurs cherchent intgrer dans leur indicateur de gouvernance. Cela pose alors la questionde la construction des indicateurs composites.Justement, ce travail tente de combler cette lacune toute en accordant un intrt particulier lanalyse des interactions entre la gouvernance et la croissance conomique. Les articlesacadmiques consacrs aux relations entre la gouvernance et la croissance conomiquesorganisent autour de trois problmatiques.La premire sintresse limpact direct de la qualit de la gouvernance sur la croissanceconomique. Dune part, la gouvernance est suppose avoir des consquences positives sur leniveau du revenu (Hall and Jones (1999), Acemoglu, Johnson, et Robinson (2001), Easterlyand Levine (2003), et Rodrik, Subramanian, et Trebbi (2002)), sur le taux de croissance delconomie (Knack et Keefer (1995), Acemoglu, Johnson, et Robinson (2001), Gwartney,Holcombe et Lawson (2004) et Weede (2006)). Dautre part, certains montrent quelle naaucun impact sur la croissance, mais uniquement sur le niveau du revenu (Meiseil et OuldAoudia 2007), voire un impact ngatif (Quiberia 2002).La deuxime problmatique est lie aux effets indirects de la gouvernance, plus prcismentaux canaux de transmission de la gouvernance sur la croissance qui ne sont pas toujoursclairement identifis. Hall et Jones (1999) trouvent que les institutions ont un impactquantitatif sur de laccumulation des facteurs limit par rapport celui de la productivittotale des facteurs. Au contraire, Rodrik et al (2002) trouvent que les institutions ont unimpact quantitatif beaucoup plus important sur laccumulation du capital physique que sur laproductivit totale des facteurs. Eicher et al (2006) trouvent que le principal rle desinstitutions est dencourager laccumulation des facteurs de production.La troisime problmatique porte sur la mesure de la gouvernance et sur les tentativesdagrgation des critres rattachs cette notion pour pouvoir lanalyser et lintgrer dans lesmodles de croissance. Lattention croissante porte la bonne gouvernance depuis le dbutdes annes 1990 a donn naissance un grand nombre de tentatives visant quantifier et mesurer cette notion multidimensionnelle, notamment dans le but daider la conception des -11-
  • 12. rformes mais surtout de dterminer ses consquences conomiques. Aujourdhui, il estpossible de compter prs de 160 bases de donnes ou dindicateurs permettant dclairerdivers aspects de la gouvernance. Il sagit gnralement dvaluations subjectives produitespar des agences prives de notation du risque, des organisations multilatrales, des centres derecherche ou encore des organisations non gouvernementales. Toutefois, la gouvernance estun concept large et multidimensionnel et elle ne peut pas tre rduite une seule de sesdimensions. Llaboration dindicateurs composites de gouvernance ncessite alors le recours des mthodes dagrgation et de classification. Le concept de gouvernance a dj fait lobjetde plusieurs tentatives dagrgation pour construire un indice synthtique. Certains auteursutilisent une moyenne simple pour construire un indice de gouvernance global, limage destravaux de Knack et Keefer (1995), largis par Hall et Jones (1999) par la suite. Kauffman,Kraay et Mastruzzi (2005) utilisent le modle composantes inobservables pour construireleur indicateur global de gouvernance. Scully (1992), Alesina et Perotti (1994) utilisent lamthode dAnalyse en Composantes Principales (ACP) pour construire des indices de libertspolitiques et conomiques. Toutefois, ces techniques dagrgation prsentent de nombreusesdifficults mthodologiques et des erreurs de mesure. La majorit de ces techniquesdagrgation sont souvent lorigine de pertes dinformations, lors de lagrgation, ce quirend les indicateurs obtenus peu pertinents pour reprsenter le concept de gouvernance. Demme, il faut noter la question lie au choix de la pondration des variables qui formentlindicateur composite pose des problmes trs dlicats. Le choix du vecteur de pondrationdes sous variables qui forment lindicateur composite est une tape trs importante dans saconstruction. Il reflte la contribution de chaque variable dans lindicateur composite. Leproblme qui se pose ici est li aux choix des poids relatifs des diffrentes variables maisaussi de lhomognit ou de lhtrognit de ces pondrations pour tous les individus. Enrgle gnrale, les composantes de la gouvernance sont simplement considres avoir lemme poids pour tout lchantillon, ce qui peut constituer un rel problme de sa pertinenceet de sa crdibilit. Nous sommes alors dans le besoin de disposer doutils pertinents delanalyse des donnes pour pouvoir tudier, rsumer et reprsenter les diffrentes dimensionsde la gouvernance.Lune des caractristiques de cette thse est limportance quelle accorde la quantificationde la gouvernance et sa relation empirique avec la croissance conomique. En outre, uneattention particulire a t accorde la construction dun indicateur composite capable dersumer lensemble des volets de la gouvernance et de lintgrer dans une rgression decroissance pour pouvoir distinguer les effets directs et indirects de la gouvernance sur la 12
  • 13. croissance conomique. Nous accordons galement une importance particulire lanalyse dela robustesse de nos rsultats en effectuant diffrents tests, allant du test de Belsley-Kuh-Welsch (1980) qui proposent de mesurer linfluence de chaque observation sur lestimationdes paramtres dune rgression, jusquaux rgressions quantiles, en passant par la mthodedes limites extrmes ou encore de lExtreme Bound Analysis (EBA). Lobjet de cettedernire mthode est de mener bien les rgressions dans le but de tester la sensibilit de lavariable dpendante (le taux de croissance du PIB par habitant) aux petits changementsintroduits dans les diffrentes spcifications du modle avec diffrentes combinaisons desvariables indpendantes. Le recours aux rgressions quantiles permet de prendre en comptelhtrognit de la relation gouvernance-croissance suivant le niveau mme du taux decroissance. Cette technique est employe, notre connaissance, pour la premire fois dansltude de la relation entre gouvernance et croissance.La thse se compose de quatre chapitres. Dans le premier chapitre, nous nous intresserons la dfinition de la notion de gouvernance et ses diffrentes mesures. En effet, la notion degouvernance se prsente aujourdhui comme un buzzwords (mots la mode) qui fait appel diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines : philosophie, conomie,science politique, administration publique, tude des organisations, tude du dveloppement,relations internationales etc. Elle peut tre dfinie de diffrentes manires, et sasignification diffre certainement quand on parle de gouvernance locale, de gouvernanceurbaine, de gouvernance dentreprise, de gouvernance nationale ou encore de gouvernancemondiale. Cette multitude de dfinitions fait de la gouvernance un terme polysmique. Leterme est en effet dfini et entendu aujourdhui de manire diverse et parfois contradictoire,chaque entit lui donnant un contenu en fonction de ses orientations et de ses objectifspropres. Il nexiste pas de dfinition unique de la gouvernance qui fasse lobjet dunconsensus. Pour mieux apprhender le sens donn la gouvernance, il est utile de remonter lorigine du concept ainsi qu ses diffrentes significations, tout en faisant la distinction entreles diffrents concepts de gouvernance qui existent, savoir la gouvernance dentreprise, lagouvernance mondiale, et se concentrer sur la gouvernance publique. Ensuite, les raisons pourlesquelles la notion de gouvernance est devenue prsente dans lconomie du dveloppementseront exposes. En effet, jusquau dbut des annes 1990, le terme de gouvernance taitrarement utilis par conomistes du dveloppement et les dcideurs politiques. Depuis, il y aeu une prise de conscience que la structure de la qualit de la gouvernance dun pays est unfacteur dterminant de sa capacit assurer un dveloppement conomique et socialesoutenable. La notion de gouvernance pose, en quelque sorte, dune manire nouvelle, la -13-
  • 14. problmatique des liens entre Etat et march. Laugmentation spectaculaire de lintrt pour lagouvernance et ses consquences conomiques, a accompagn le besoin dvaluer sesdiffrentes dimensions. De nombreuses agences nationales et internationales ont cherch mesurer la qualit de la gouvernance dans le monde. Aujourdhui, mesurer la gouvernance estimportant, tant au niveau de la politique nationale qu celui des relations conomiquesinternationales ou encore pour les chercheurs spcialistes du dveloppement et de lacroissance. Ceci a entrain une progression remarquable des bases de donnes oudindicateurs permettant dclairer divers aspects de la gouvernance. Les indicateurs les plusutiliss, parmi les centaines qui sont apparus, sont des indicateurs composites et sontconstruits partir denqute ou de sondages dexperts. Ces donnes sont, en gnral fondessur des perceptions et sont donc subjectives. Elles sont principalement critiqus en tant quetelles. Nous prsenterons donc une revue des indicateurs de gouvernance les plus utiliss dansla recherche acadmique, tout en relevant leurs diffrentes limites auxquelles les utilisateursse trouvent confronts.Dans le deuxime chapitre, nous proposerons une synthse de la littrature thorique etempirique qui existe sur la relation entre la gouvernance et la croissance conomique. DepuisSmith (1776) la question de la croissance des conomies constitue lune des proccupationscentrales de la recherche conomique. Les modles thoriques auxquels on se rfregnralement lorsquon aborde les questions de la croissance conomique, sont ceux deSolow (1956) et Swan (1956). Ces derniers sinscrivent dans le cadre du corpus de la thorienoclassique, qui fera de nombreux concurrents (Koepmans (1956), Cass (1965)), jusquaumilieu des annes 60. Nous montrons que la question des institutions nest pas aborde danslanalyse noclassique de la croissance. Lhypothse que la production est donne par ladisponibilit des facteurs de production et la technologie, fait que lon suppose implicitementquil y a optimalit des institutions et de la gouvernance. Il ny a pas de place pour lacontradiction ou le conflit, ni pour une quelconque forme dorganisation collective des agents.En effet, la thorie noclassique standard nglige les rapports sociaux et toute forme dedisposition institutionnelle et sattache identifier les mcanismes spcifiquementconomiques du processus de croissance, rejetant ainsi la marge de la rflexion conomiqueles dimensions politiques et institutionnelles. Nous verrons par la suite, que ce nest quavecla nouvelle thorie de la croissance endogne quon commence avoir une reconnaissance des facteurs institutionnels dans le processus de croissance, notamment avec lareconnaissance du rle de lEtat. Toutefois, le paradigme de la croissance endogne accordeune attention rduite aux institutions qui accompagnent le processus de croissance. En effet, 14
  • 15. les institutions nont pas fait lobjet dune modlisation, mais les thoriciens confortent laproposition de la pertinence dun environnement institutionnel de lactivit conomique, enparticulier en considrant, que leffet de laccumulation des facteurs productifs est port parun environnement institutionnel implicite. Les facteurs institutionnels et politiques ne sont pasintgrs dune manire formelle dans les modles de croissance. Nous accorderons ensuiteune attention particulire la thorie de la Nouvelle Economie Institutionnelle et enparticulier lapport des travaux de North dans lconomie de la croissance. Nous montreronsque ces recherches constituent la principale base thorique partir de laquelle sinspire lemodle de bonne gouvernance tel quil est propos par la Banque Mondiale. Enfin nousprsenterons une synthse des travaux empiriques qui se sont intresss la relation entre laqualit des instituions ou encore de la gouvernance et la croissance conomique. Le but estdexaminer les rsultats de la littrature empirique sur la relation entre la gouvernance et lacroissance conomique, tout en discutant de leur validit et de leurs limites. En effet, lestravaux empiriques sur la relation entre la gouvernance et la croissance se sont multiplis aucours des annes 1990, notamment avec lapparition dun nombre croissant dindicateurssubjectifs sur les mesures des diffrentes dimensions de la gouvernance. Nous avons choisi declasser des travaux en deux types bien quil soit difficile de le faire en raison de lutilisation demthodes et de bases de donnes rarement semblables. Deux types de travaux sontdistingus : les tudes de premire gnration et les tudes de deuxime gnration . Lepremier type de travaux a permis dapporter de nombreux rsultats qui ont appuy lesprincipales conclusions des travaux thoriques sur limportance de la gouvernance et desinstitutions pour le dveloppement conomique. On ne manquera pas de soulever les limitesde ces travaux. Ces limites portent, dune part, sur les mthodes conomtriques utilises et lanature des donnes de la gouvernance utilises, mais aussi sur le manque didentification desmcanismes exacts travers lesquels la gouvernance affecte la croissance. Les effets de lagouvernance doivent tre reprs par lintermdiaire de leur impact sur laccumulation desfacteurs (effet indirecte/quantitatif) et/ou sur la productivit (effet directe/qualitatif). Unenouvelle gnration dtudes empiriques tente dtudier la faon dont les institutions affectentla croissance. Les conclusions de cette littrature sont souvent identiques sur le rle positif dela gouvernance sur les performances conomiques mais souvent htrognes quant lidentification des canaux de transmission.Nous soulignerons galement que, malgr une littrature relativement abondante sur les effetspositifs de la gouvernance sur la croissance, des critiques ont ts souleves sur lexistenceeffective de cette relation, notamment quand il sagit de citer des conomies telles que celles -15-
  • 16. de la Chine ou lInde qui ne cessent de croitre malgr une qualit de gouvernance faible. Eneffet, hormis lapproche de la bonne gouvernance dfendue par la Banque Mondiale, il existeune seconde approche, qui nest pas trs populaire dans le milieu acadmique, appele approche htrodoxe de la gouvernance . Elle examine la relation entre la gouvernance et lesperformances conomiques et sintresse principalement lanalyse des systmesconomiques relatifs chaque pays. Face cette approche, nous proposerons alors une visionde la gouvernance qui va permettre de concilier les deux approches : la gouvernanceeffective . Nous adopterons une approche flexible de la gouvernance librale qui suggrequil nexiste pas de modle universel qui permette dassurer une gouvernance efficace pour ledveloppement conomique. Les dcideurs politiques doivent sengager appliquereffectivement les programmes de gouvernance et formuler des politiques tournes vers lacroissance en fonction du contexte de chaque pays, de son niveau de dveloppement, de sescapacits existantes, du contexte international dans lequel ils se situent. Il faut quil y ait unengagement effectif de lEtat pour tenir ses engagements politiques. Nous proposerons notrepropre dfinition de gouvernance ainsi que la structure de gouvernance qui en dcoule.Dans le troisime chapitre, nous nous intresserons la quantification de la notion degouvernance. Notre objectif principal est la construction dun indicateur composite degouvernance afin de lintgrer dans les rgressions de croissance. Un travail prliminaire laconstruction de cet indicateur, simpose. Il serait utile de visualiser la gouvernance, entre lespays, par le biais dune projection dans lespace de lensemble des composantes de lagouvernance qui forment notre indicateur composite. Cette tape est essentielle pour avoirune ide sur la nature des systmes de gouvernance dans le monde mais aussi pour identifierles facteurs institutionnels qui participent lamlioration ou la dtrioration de cessystmes de gouvernance. Pour synthtiser des donnes multidimensionnelles, nousdisposons, en gnral, de deux grands groupes de techniques classiques : les mthodesfactorielles (lAnalyse en Composantes Principales (ACP) et lAnalyse Factorielle desCorrespondances (AFC), lAnalyse des Correspondances Multiples (ACM)) et les mthodesde classification (la Classification Hirarchique et la Mthode des Centres Mobiles (cf.Cottrell et al (2003)). Depuis les annes 80, de nouvelles mthodes, bases sur lintelligenceartificielle, sont apparues pour complter ces techniques, elles sont connues sous le nom de mthodes neuronales . Ces mthodes seraient capables de traiter des bases de donnes degrande taille, ayant une structure non linaire et par consquent mal exploites par les outilstraditionnels. Pour conduire notre approche multidimensionnelle, nous appliquerons deuxtypes doutils : lAnalyse en Composante Principale (ACP) et les rseaux de neurones, plus 16
  • 17. prcisment les cartes auto-organisatrices de Kohonen (Self Organisation Maps : SOM) pour125 pays observs en 2006. Cette dernire mthode permet une meilleure visualisation de laqualit de la gouvernance travers le monde mais galement de dterminer les dimensions dela gouvernance qui importent le plus dans chaque rgion du monde. Lapplication de lACPva nous permettre, dans un premier temps, davoir une projection des pays selon leursressemblances en matire de gouvernance, et donc de pouvoir constituer des groupements depays ; dans un deuxime temps, de dterminer les variables de gouvernance les plusprpondrantes pour expliquer les diffrences des systmes de gouvernance entre pays ; dansun troisime temps, de dterminer un indicateur synthtique partir de la premirecomposante principale. La dtermination de lindicateur agrg nous permettra davoir unclassement des pays selon la qualit de leur gouvernance. Nous poursuivrons notreexploration des donnes moyennant les rseaux de neurone et plus prcisment les CartesAuto Organisatrices de Kohonen. Linitialisation de lalgorithme de Kohonen va nouspermettre dobtenir, dans un premier temps, une premire projection des pays sous forme decarte compose de neurones ou de cellules que nous appellerons Carte Optimale de laGouvernance . Cette projection seffectue de telle sorte que les pays qui prsentent descaractristiques semblables soient regroups dans la mme classe. Dans un deuxime temps,nous exploiterons ces rsultats pour avoir un regroupement plus spcifique des pays, enappliquant un algorithme de classification appel K-MEANS (K-MOYENNES). Nous ironsencore plus loin dans lexploitation des rsultats de notre SOM en essayant de reprer pourchaque rgion de la carte, les variables qui ont le plus particip au dveloppement de lagouvernance et celles qui sont lorigine de son retard, en utilisant la carte des poidssynaptiques. Une dernire mthode dexploitation des Cartes Auto Organisatrices est due autravail de Chtourou et Ffki (2008). Ces derniers font une extension judicieuse des cartesauto-organisatrices pour en tirer une nouvelle mthode dagrgation baptise Chtourou-FekiAggregation and Ranking method: C-FARm 2 ; loriginalit de cette mthode rside danslutilisation de pondrations spcifiques et dtermines dune manire objective grce unprocessus dapprentissage itratif pour construire un indicateur composite de gouvernance.Cette mthode prsente un avantage majeur, par rapport aux mthodes classiquesdagrgation, dans la mesure o les pondrations de chaque variable qui forment lindicateurvont tre spcifiques chaque pays. Le classement des pays selon leur qualit de gouvernanceobtenu par cette mthode sera compar avec celui obtenu par lACP.2 Modle ayant obtenu lAttestation dAcceptation de Dpt (n298/2008) de lOrganisme de Protection des Droits de Proprit (WIPO- OTPDA) : CHTOUROU-FEKI AGGREGATION AND RANKING method (C-FARm) -17-
  • 18. Enfin, dans le quatrime chapitre, nous effectuerons une tude conomtrique de la relationentre la gouvernance et la croissance conomique. Notre dmarche empirique est motive parune tentative de dpassement des carences des anciens travaux empiriques sur la relation entregouvernance et croissance. Nous allons pouvoir vrifier sil existe bien une relation entre lagouvernance et le taux de croissance conomique. Nous accordons un intrt particulier lidentification des mcanismes travers lesquels la gouvernance affecte la croissanceconomique. La gouvernance toute seule ne peut pas promouvoir la croissance et ses effetsdoivent oprer par lintermdiaire de leur impact sur laccumulation des facteurs (effetsindirects) et/ou sur la productivit (effets directs). En effet, la spcification des modlesempiriques utiliss dans les travaux ignore souvent leffet sur laccumulation des facteursdans la mesure o les rgressions sont le plus souvent spcifies dans le cadre de la formesimple du modle de Solow augment. Cela capture uniquement leffet marginal des variablesinstitutionnelles sur la croissance, effet appel dans la littrature effet direct . Plusprcisment, cet effet traduit leffet de la gouvernance (institutions) sur la productivit desfacteurs ou encore lefficacit productive, souvent not comme suit A dans le modle decroissance de Solow. En gnral, les effets indirects ne sont pas toujours pris en compte, voiresont ignors la plupart du temps. Nous insisterons sur le fait que ltude du rle de lagouvernance dans la croissance conomique doit tre affine et traite avec prcaution,notamment travers lutilisation de mthodes adquates. Cest sur cette voie que nous nousbaserons pour traiter de cette relation. Lobjectif de ce quatrime chapitre est dessayer dallerde lavant en termes dune meilleure comprhension de la gouvernance et de son rle danslamlioration des performances conomiques, tout en adoptant les mesures conomtriquesncessaires pour contourner les limites dj souleves. Notre travail empirique se distinguelargement des anciens travaux et ceci plusieurs niveaux. Premirement, au niveau de la priseen compte des effets indirects de la gouvernance sur la croissance et au niveau de la mesurede la gouvernance utilise. La gouvernance est mesure par deux indicateurs compositesconstruits partir de deux mthodes diffrentes, savoir lACP et CFAR. Deuximement, auniveau de la vrification de lexistence de cette relation, en faisant la distinction entre unetude entre la gouvernance et le niveau du revenu et entre la gouvernance et le taux decroissance conomique. Troisimement, au niveau lapproche empirique employe : afin dedterminer les effets directs et indirects de la gouvernance, nous combinons deux mthodes, savoir, lapproche comptable de la croissance et lapproche conomtrique. Quatrimement,au niveau de la robustesse des rsultats : afin davoir des rsultats robustes, nous appliquonsplusieurs tests de robustesse, par exemple, la mthode des limites extrmes ou encore de 18
  • 19. lExtreme Bound Analysis , la rgression quantile permet de prendre en comptelhtrognit de lchantillon tudi. Cela va nous permettre de savoir si les effets de lagouvernance sont htrognes suivant le niveau mme du taux de croissance conomique. -19-
  • 20. Chapitre 1: La Notion deGouvernance : Emergence,Significations, et Mesures. -20-
  • 21. IntroductionLobjectif de cette thse tant la relation entre la gouvernance et la croissance conomique, ilsemble opportun damorcer ce travail par une prsentation de la notion de gouvernance ainsique de ses diffrentes mesures. Un tel exercice est essentiel, dans la mesure o il va nouspermettre de justifier le type de gouvernance laquelle on fait rfrence dans ce travail. Unetude des diffrentes significations et mesures de ce concept apporte un premier clairagencessaire une meilleure comprhension de la problmatique tudie.La notion de gouvernance se prsente aujourdhui comme un terme fourre-tout qui faitappel diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines : philosophie,conomie, science politique, administration publique, tude des organisations, tude dudveloppement, relations internationales etc. Elle peut tre dfinie de diffrentes manires,et sa signification diffre certainement quand on parle de gouvernance locale, de gouvernanceurbaine, de gouvernance dentreprise, de gouvernance nationale ou encore de gouvernancemondiale. Cette multitude de dfinitions fait de la gouvernance un terme polysmique. Leterme est en effet dfini et entendu aujourdhui de manire diverse et parfois contradictoire,chaque entit lui donnant un contenu en fonction de ses orientations et de ses objectifspropres.En effet, cette notion de gouvernance est devenue, depuis peu, lun des vocables les plusemploys sur la scne internationale en gnral et dans les questions portant sur lacoopration et le dveloppement, en particulier. Pour certains spcialistes, elle serait mmeentre dans la fameuse catgorie des mots-valises ou encore buzzwords (mots la mode)qui animent les dbats et fondent les actions portant sur le dveloppement. Pierre et Peters(2000) avancent plusieurs raisons explicatives ce grand intrt : les crises financires desEtats, le changement idologique du politique vers la sphre marchande comme espace dergulation, la globalisation, avec le dveloppement des institutions transnationales et lamonte en puissance dacteurs non tatiques, les critiques envers lEtat et ses checs dans lagestion des problmes collectifs, lmergence dune nouvelle gestion de laction publique, lechangement social et les complexits croissantes, limportance grandissante accorde auxmodes de rgulation lchelon rgional et international.Faisant partie du vocabulaire usuel des institutions financires multilatrales depuis le milieudes annes 90, la bonne gouvernance sappuie essentiellement sur lintroduction de -21-
  • 22. nouvelles rformes non plus conomiques et financires mais institutionnelles, visant nonseulement la rforme de lEtat mais aussi le mode de fonctionnement des marchs. Cettenotion de gouvernance nest devenue vritablement opratoire et na t effectivementintroduite dans lanalyse du fonctionnement des pays en dveloppement qu la suite despremires valuations des programmes dajustement structurel (PAS). Depuis, elle est devenuun concept dominant dans la gestion des affaires publiques.Laugmentation sensible de lintrt pour la gouvernance et ses consquences conomiquesdans les pays en dveloppement, a aliment le besoin dvaluer ses diffrentes dimensions.Fidles au principe que lon ne peut grer ou contrler que ce que lon peut quantifier, denombreuses agences nationales et internationales ont cherch mesurer la qualit de lagouvernance dans le monde surtout aprs linitiative prise dans ce sens par lInstitut de laBanque Mondiale. Aujourdhui, la mesure de la gouvernance est importante, tant du point devue de la politique nationale que de celui des relations conomiques internationales ou encorede la recherche en sciences conomiques et politiques. Une large gamme dindicateursinternationaux a t dveloppe pour essayer dclairer divers aspects de la gouvernance.Aujourdhui, il est possible de compter prs de 160 bases de donnes ou dindicateurspermettant dvaluer divers aspects de la gouvernance. Il sagit gnralement dvaluationssubjectives produites par des agences prives de notation du risque, des organisationsmultilatrales, des centres de recherche ou encore des organisations non gouvernementales.Les donnes les plus utilises dans le milieu acadmique et par les organisationsinternationales sont celles de lagence prive de notation du risque, The Political Risk ServiceGroup (PRS) et celles de la Banque Mondiale (World Wide Governance Research Indicators).Les opinions sont trop peu optimistes quant lutilisation de ces indicateurs. En effet, selonune tude du centre de dveloppement (OCDE 2006) intitule les indicateurs degouvernance : usages et abus , labore par Christiane Arndt et Charles Oman, il est peuvraisemblable quexiste un jour un indicateur de gouvernance parfait. Mme les indicateursles mieux construits prsentent de graves inconvnients que les utilisateurs ne semblent paspercevoir : subjectivit, opacit, impossibilit de procder des comparaisons dans le temps,biais dchantillonnage et utilit rduite pour aider les pays en dveloppement identifiercorrectement des solutions qui leur permettraient damliorer la qualit de la gouvernance.Deux principales difficults sont alors mises en avant dans ce chapitre, celle lie ladfinition de la gouvernance et celle lie sa mesure. En effet, il nexiste pas de dfinitionunique de la gouvernance qui fasse lobjet dun consensus : There are almost as many ideasof governance as there are researchers in the field (Hufty 2007). Pour mieux apprhender le -22-
  • 23. sens donn la gouvernance, il est utile de remonter lorigine de cette notion ; cest ce quiva faire lobjet de la premire section de ce chapitre. Cette dernire vise donner un clairagesur les diffrentes significations de la notion de gouvernance, tout en faisant la distinctionentre la gouvernance dentreprise, la gouvernance mondiale et la gouvernance publique. Dansune deuximement section, nous prsenterons les principales raisons pour lesquelles la notionde gouvernance a merg dans lconomie du dveloppement . En effet, jusquau dbut desannes 1990, le terme de gouvernance tait rarement utilis par les conomistes dudveloppement et les dcideurs politiques. Depuis, il y a eu une prise de conscience que lastructure de la qualit de la gouvernance dun pays est un facteur dterminant de sa capacit assurer un dveloppement conomique et social soutenable. La notion de gouvernance poseen quelque sorte, dune manire nouvelle, la problmatique des liens entre Etat et march.Enfin, dans la troisime section, nous ferons une revue des indicateurs de gouvernance lesplus populaires dans la recherche acadmique tout en relevant leurs diffrentes limites. Le butest de clarifier les limites auxquelles les utilisateurs de ces indicateurs se trouvent confrontsSection 1. La Gouvernance : une notion difficile dfinirPar sa gense et son volution, la gouvernance se prsente aujourdhui comme une notioncomplexe qui fait appel diverses disciplines des sciences sociales et des sciences humaines.En revanche, une dfinition claire et oprationnelle na pas encore t formule. A prsent, ily a une diversit extravagante de dfinitions de ce terme qui diffrent selon les questions, lesproblmes ou encore les objectifs qui sont pris en compte.Selon Hufty (2007), il existe aujourdhui trois manires dapprocher le concept degouvernance. La premire est celle qui voit la gouvernance comme synonyme degouvernement. La deuxime approche la considre comme un outil dobservation, cest direun cadre analytique pour les systmes de coordination non-hirarchiques (gouvernancedentreprise, gouvernance mondiale). La troisime est celle qui lassimile un cadre normatif(approche de la Banque Mondiale). Afin de mieux comprendre la signification de la notion degouvernance, il semble important de distinguer de ces diffrentes appellations pour finir parse concentrer uniquement sur la gouvernance nationale ou encore la bonne gouvernance ,telle quelle est popularise depuis le dbut des annes 1990 au sein des tudes sur les pays endveloppement. -23-
  • 24. Par ailleurs, la bonne gouvernance a fait lobjet dinterprtations diffrentes selonlinstitution qui ladopte. Pour la Banque Mondiale par exemple, il sagit de la gestion efficacedes biens publics. Pour dautres analystes, cest le problme de la corruption qui est va tre lepoint de blocage du dveloppement. Pour avoir une comprhension plus claire de cesdiffrentes dfinitions, on fera une synthse des dfinitions adoptes par les grandesInstitutions Financires Internationales (BM, FMI, PNUD, BAD, OCDE, CE). I- Les diffrents contenus de la gouvernance I-1 ) La gouvernance nationale et le concept de gouvernement Utiliser le terme gouvernance comme un synonyme de gouvernement correspond son usagehistorique (Hufty 2007). En effet, Gaudin (2002) parle de trois vies successives de lanotion de gouvernance : mdivale, classique et moderne. Le terme a une origine grecque : kubernn , signifie laction de piloter laction de piloter quelque chose , un navire ou unchar. Il est utilis pour la premire fois par Platon (Oliveira 2002) de faon mtaphorique,pour parler des hommes. En latin, il est exprim par le terme gubernare , avec son senspremier. Il fait son apparition dans la langue franaise au dbut du XIIIme sicle commequivalent du terme de gouvernement3. Selon Campbell4, les origines franaises du terme de gouvernance ne font aucun doute. Au XIVme sicle, il dsigne certains territoires, lesbailliages de lArtois et de la Flandre (Hufty2007). Au mme moment, au XIVme sicle, leterme passe dans la langue anglaise avec le mme sens quen franais.Au XIVme sicle, la rflexion sur lEtat et le pouvoir a conduit une distinction entregouvernement et gouvernance. Dans la thorie politique anglo-amricaine, le motgouvernement se rfre aux institutions officielles de lEtat et au pouvoir coercitif lgitimedont elles ont le monopole. Le gouvernement se caractrise par la capacit de prendre desdcisions et le pouvoir de les appliquer. Ce mot signifie en particulier les processus formels etinstitutionnels qui, au niveau de lEtat-nation, ont pour but dassurer le maintien de lordrepublic et de faciliter laction collective (Stoker 1998), alors que la gouvernance devient lamanire de grer adquatement la chose publique indpendamment de la question du pouvoir(Canet, 2004). Aujourdhui la gouvernance implique une nouvelle dfinition dugouvernement qui correspond un nouveau processus de gouvernement, ou encore, unenouvelle faon de gouverner la socit (Rhodes, 1996).3 Le Robert, Dictionnaire Historique de la Langue franaise, Paris 1992, opt cit Campbell.4 Communication pour la table ronde : Quel modle politique est sous-jacent au concept apolitique de gouvernance , Sminaire dt du Haut Conseil de la coopration Internationale, Dourdan, France, Aot 2000. -24-
  • 25. Pour Rosenau (1992) : La gouvernance nest pas synonyme de gouvernement. Les deuxnotions se rfrent des comportements exprimant une volont, des activits guides par unbut, des systmes de rgles. Mais lide de gouvernement implique une autorit officielle,dote de capacit de police garantissant la bonne excution de la politique adopte. Lagouvernance, elle, couvre des activits sous-tendues par des objectifs communs ; ces objectifspeuvent sinscrire ou non dans des mcanismes lgaux et formels de responsabilit, ils nerequirent pas ncessairement des pouvoirs de police pour surmonter les mfiances et obtenirlapplication de la norme. En dautres mots, la gouvernance est un phnomne plus large quele gouvernement. Elle inclut les mcanismes gouvernementaux, dans le sens strict du terme,mais elle stend des dispositifs informels, non gouvernementaux, par lesquels, au sein de cecadre, individus et organisations poursuivent leurs propres intrts. La gouvernance est doncun systme de rgles reposant tant sur le jeu des relations interpersonnelles que sur des lois etdes sanctions explicites , Rosenau (1992).Pour Hewitt De Alcantara, le concept de gouvernance a permi aux Institutions FinanciresInternationales dabandonner lconomisme et de revenir aux questions sociales et politiquesessentielles que posait le calendrier des restructurations conomiques. Il permettait de surcroitde ne pas sopposer trop ouvertement des gouvernements qui, en gnral, naimeraient gureque des prteurs leur donnent des leons sur des points sensibles de politique intrieure etdadministration. En parlant de gouvernance plutt que de rforme de lEtat ou dechangement politique ou social, les banques multilatrales et les organismes dedveloppement, ont pu aborder des questions dlicates susceptibles dtre ainsi amalgamessous une rubrique relativement inoffensive, et dtre libelles en termes techniques, vitant dela sorte ces organismes dtre souponns doutrepasser leurs comptences statutaires enintervenant dans les affaires politiques dEtats souverains (Hewitt de Alcantara 1998).Dans une acceptation large, la gouvernance peut tre dfinie comme le mode par lequelchaque type de gouvernement, dmocratique ou autocratique, exerce le pouvoir, conu selonla formule du prsident. Cette gouvernance est alors un mode de gestion du pouvoir et renvoie lorganisation de lEtat, de la socit et de lconomie. Cette notion de gouvernancenationale apparat aujourdhui pour montrer que lEtat nest plus une entit ferme etsouveraine ne rendant pas de compte leur population ni la communaut internationale. LesEtats sont largement considrs comme des institutions au service de leur peuple et doiventbnficier dune bonne gouvernance.Cest dans cette conception, plus proche de la notion de gestion que de celle de pouvoir, quele terme de gouvernance sest dvelopp. Plus prcisment, cest sous limpulsion des -25-
  • 26. Institutions Financires Internationales que le concept de gouvernance est aujourdhuilargement utilis pour dsigner les modes de gestion politique et conomique. Les diffrentesdfinitions de la gouvernance adoptes par ces institutions seront abordes ultrieurement. I-2 ) La gouvernance dentreprise : corporate governance Le courant li la corporate governance , apparait aux Etats-Unis avec lessor des sciencesde gestion. Il se dveloppe partir de lanalyse du pilotage des organisations et constate quece pilotage ne doit plus tre uniquement hirarchique. Il sagit ds lors dobserver et dethoriser les mcanismes concrets et les institutions qui permettent la coordination entre lesunits dune organisation, larbitrage des divergences, le maintien de la cohsion delensemble et la gestion des cots de transaction entraine par un pilotage davantagehorizontal que vertical (Hufty 2007).De nombreux auteurs attribuent lintroduction de la notion de gouvernance dans lanalyseconomique Ronald Coase. La principale rfrence cite est larticle "The nature of the firm"(Coase, 1937). Ronald Coase remet en question lhypothse de la rgulation des changes parles seuls prix du march et introduit, en conomie, lide quil puisse exister diffrents modesde rgulation et de gestion. Le systme form par ces diffrents modes de rgulation propres une entreprise a t, par la suite, conceptualis sous le terme de corporate governance . Ceconcept tant propre lanalyse conomique dune firme, il reprsente lensemble des dispositifs mis en uvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relvent dedeux registres : protocoles internes lorsque la firme est intgre (hirarchie) ou contrats,partenariats, usage de normes lorsquelle souvre des sous-traitants (Lorrain, 1998).Dans les annes 1970, ce concept devient central dans le courant de lconomie no-institutionnaliste. Pour un des auteurs cls de ce courant, Williamson prix Nobel dconomieen 2009 (1979, 1984, 1996) qui prend appui sur les travaux de Coase, la structure desinstitutions, par exemple la firme ou le march, donne lieu des approches et mcanismes degouvernance varis. Elles reprsentent des structures de gouvernance distinctes, quiconnaissent des problmes de cots de transaction et de contractualisation spcifiques,auxquels sadresse prcisment ltude la gouvernance : ltude de la gouvernance concernelidentification, lexplication et lattnuation de toutes formes de risques lis lacontractualisation 5 Williamson (1996).5 Traduction de The study of governance is concerned with identification, explication, and mitigation of all forms of contractual hazards. -26-
  • 27. Selon cette approche, la notion de gouvernance dans le champ de lconomie, est alors fixepour dsigner un ensemble de processus de coordination qui peuvent sinscrire dans unsystme hirarchis. La gouvernance dentreprise vient dabord de lexistence dun pouvoir,celui des actionnaires. Les entreprises qui se dveloppent ne peuvent plus appartenir uneseule famille ou mme une seule nation. En effet, lentreprise, si elle reste dirige par ungroupe restreint, spuise surtout si ce groupe est tent de privilgier le maintien de soncontrle et finit souvent par disparaitre. Lentreprise devient lenjeu dune partie complexeentre dirigeants et actionnaires, alors que les salaris et les clients passent au second plan.Comment assurer un contrle pertinent des entreprises ? Quel quilibre entre les partiesprenantes : hauts dirigeants, salaris, actionnaires, pouvoirs publics ? La gouvernancedentreprise sinscrit dans des rapports de force. La gouvernance dentreprise vise introduiredes rgles : transparence des comptes, contrle par des instances indpendantes, recours etsanctions contre les responsables.Ainsi, divers usages du terme de gouvernance dpassent lanalyse des systmes regroupantuniquement des agents productifs (la firme) pour sintresser des systmes rassemblant desacteurs mais aussi des nations. On parle alors de la gouvernance nationale et de lagouvernance globale. I-3 ) La gouvernance mondialeLa notion de gouvernance globale est employe ds la seconde moiti du 20me sicle avec ledveloppement du phnomne de la mondialisation. La gouvernance globale dpasse lagouvernance nationale et confirme la disparition des frontires entre la dimension nationale etla dimension internationale : la gouvernance mondiale, cest gouverner sans autoritsouveraine des relations transcendant les frontires nationales [Finkelstein (1995. p368)].La gouvernance a fait son entre dans le champ des relations internationales travers lesnotions de gouvernance mondiale et de gouvernance globale. La construction dun systme degouvernance mondial permettrait de pallier lincapacit des Etats-nation et des organisationsinternationales actuelles faire face aux demandes de la socit. Cest en rponse la crisede la gouvernabilit au niveau supranational que se sont dvelopps des travaux et desrflexions autour de la notion de gouvernance globale. Cette notion a suscit un grand nombrede travaux qui sinscrivent dans le prolongement des tudes sur les rgimes politiques et lesinstitutions internationales. Ces travaux relvent de deux catgories : soit dune rflexionanalytique sur le systme international prsent, soit dune rflexion normative sur un systmede gouvernance mondiale quil conviendrait de construire. -27-
  • 28. Dans ce cadre, la gouvernance est interprte de deux faons diffrentes. Certains auteursassimilent la gouvernance un systme de normes et non un processus. La gouvernancesurgirait dun accord ou dun consensus sur des valeurs communes, des objectifs communsdgags au cours de ngociations transnationales associant lEtat mais aussi des acteurs privset associatifs. Pour dautres, dans des domaines tels que le contrle du systme montaireinternational ou la gestion de la dette des pays en dveloppement, qui sont des questions quipeuvent tre analyses en termes de gouvernance, il ny a pas de normes et de rgles verslesquelles les attentes des acteurs convergent mais des mcanismes de dialogue qui assurent laparticipation des acteurs principaux. La gouvernance consiste alors regarder comment sedroule le mcanisme de rgulation conjointe par un jeu permanent dchanges,dajustements mutuels, plutt que de regarder comment les acteurs ont la capacit de dfinirles rgles du jeu et dterminent les rsultats dune ngociation dans des secteurs cls de la vieinternationale. La gouvernance est alors considre comme un processus daccommodemententre de multiples parties dfendant chacune leurs intrts.La Commission sur la Gouvernance Globale, cre au dbut des annes 90 linitiative duchancelier Brandt pour penser le monde de laprs-guerre froide, fournit en 1995 unedfinition qui mrite dtre mentionne : au niveau mondial la gouvernance a t vuecomme une relation essentiellement entre gouvernement. Dsormais, il faut la penser commeimpliquant aussi les ONG, les mouvements des citoyens, les entreprises multinationales et lemarch mondial. Tout cela en interaction avec les mdias dont linfluence sest accrue de 6faon spectaculaire (CGG 1995). La gouvernance globale, constituerait la rponse apporter la crise de la gouvernabilit que rencontre le systme international. Cependant, lavie politique telle quelle est envisage par la Commission se rsume une gestiontechnocratique des affaires publiques. La Commission considre la politique internationalecomme une entreprise dans laquelle tous les acteurs apportent leur contribution, en vue definalits utilitaires. II- La bonne gouvernance II-1 ) Origine du conceptLexpression good governance est due Ismail Serageldin (Mills et Serageldin,1991),vice-prsident de la BM. Dans son rapport de 1994 Gestion des affaires publiques , labonne gestion des affaires publiques sincarne dans une prise de dcision politique prvisible,6 Traduction partir du CGG (Commision on Global Governance). (1995), Our Global Neighbourhood, Oxford, Oxford University Press. -28-
  • 29. ouverte et claire (cest--dire dans des processus transparents) dans une bureaucratieimprgne dune thique professionnelle, dans un gouvernement excutif responsable de sesactions; et dans une socit civile forte, participant aux affaires publiques et o tous obissent la loi 7.Aujourdhui, la BM entend, par gouvernance, la capacit de lEtat fournir les institutionsapportant leur appui aux activits marchandes et par bonne gouvernance la fourniturerussie de telles institutions8. La bonne gouvernance inclut la cration, la protection et lerespect des droits de proprit, un systme de rglementation soutenant la concurrence, desaines politiques macroconomiques crant un environnement stable pour les activitsmarchandes. La bonne gouvernance signifie aussi labsence de corruption, dans la mesure ocelle-ci peut altrer les objectifs des politiques et affaiblir la lgitimit des institutionspubliques (World Bank, 2002, p 99).La Banque Mondiale labore une srie de critres de qualit de la gouvernance destins valuer les normes et les pratiques de gouvernement et dorganisation. Bien quil nexiste pasde liste dfinitive et homogne de ces pratiques dans les organisations qui prnent la bonnegouvernance, lInstitut de la BM fournit un exemple de ces critres : coute et imputabilit(accountability)9, stabilit politique et absence de violence, efficacit du gouvernement,qualit de la rglementation, tat de droit et matrise de la corruption.La BM analyse la gouvernance dans un cadre fond sur des valeurs universelles qui sontlinclusion et la responsabilit. Pour elle, ces deux critres doivent tre remplis pour que lonpuisse parler de "bonne gouvernance". Linclusivit : cette notion renvoie lide dgalit des droits civils et politiques prsente dans toutes les dmocraties librales. Cela signifie que tous les citoyens se voient garantir de faon gale certains droits fondamentaux, notamment lgalit devant la loi et le droit de participer au processus de gouvernance sur un pied dgalit. Elle signifie aussi labsence dexclusion et de discrimination dans toute relation entre les citoyens et lEtat. Elle renvoie la notion dgalit qui signifie que tous ceux qui sont concerns par le processus de gouvernance et souhaitent y participer peuvent le faire comme tous les autres. Selon la BM, une gouvernance inclusive entretient les mcanismes qui dfinissent et qui protgent les droits fondamentaux de tous et assure la garantie de lautorit de la loi. La bonne gouvernance signifie alors que les droits sont7 http://www.worldbank.org/publicsector/overview.htm8 La dfinition adopte est celle des institutions de North (1994).9 Selon la Banque Mondiale, la notion dimputabilit est synonymes de responsabilit publique et renvoie la lobligation des dirigeants derendre compte de leurs actions devant la population. -29-
  • 30. protgs et que lEtat traite tout le monde de la mme faon devant la loi, sans discrimination et assure lgalit des opportunits daccs aux services publics. Toute personne concerne par lexercice de lautorit (en somme lensemble du corps lectoral en situation de suffrage universel) doit pouvoir y participer, directement ou indirectement, sur un pied dgalit avec les autres membres du corps social. LEtat de droit constitue le corollaire de "la gouvernance inclusive", puisquelle ncessite la mise en uvre de mcanismes de recours permettant de faire respecter ces droits, de garantir de facto lgalit des citoyens devant la loi et lgal accs aux services publics (Rapport sur le dveloppement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 2005). La responsabilisation : elle drive de la notion de reprsentation. Cela signifie que les personnes qui sont choisies pour agir au nom du peuple, ont rpondre devant lui de leurs checs comme de leurs sucs. En dautres termes, ces personnes sont responsables devant le peuple. Cette responsabilit repose sur la connaissance et sur linformation et donc sur la transparence. Elle recouvre deux notions: la transparence et la contestabilit. Lide de transparence renvoie la ncessit que les citoyens accdent toute linformation concernant le fonctionnement et les modes dorganisation des institutions publiques et politiques afin quil soient rellement en mesure dexercer de faon effectivela contestabilit, cest--dire le caractre concurrentiel du processus de dsignation des responsables politiques (le pluralisme) et des prtendants la gestion publique (dsignation quitable des agents de lEtat). Concrtement, lexercice de la contestabilit a lieu notamment lors dun processus lectoral libre, o lon peut sanctionner ses dirigeants, ou lors dun recours devant une juridiction administrative qui permet de condamner les manquements la loi par les autorits publiques.La responsabilisation peut galement tre interne (lorsque sont institus des mcanismes decontrle entre ou bien au sein mme des institutions administratives et politiques) et externe(lorsque le citoyen demande des comptes un dpositaire de lautorit publique).Les deux valeurs universelles sur lesquelles se base la Banque Mondiale pour dfinir la bonnegouvernance, savoir linclusion et la responsabilit, apparaissent comme des lmentsessentiels de tout programme destin amliorer la gouvernance. Il faut, dune part, que lesdroits fondamentaux, notamment le droit de participer au processus de gouvernance, lgalitdevant la loi et un traitement gal, soient garantis dans tous les lments du programme.Dautre part, pour que ce programme soit sur le bon chemin, une transparence accrue et lapossibilit de contestation sont exiges. -30-
  • 31. Le programme pour amliorer la gouvernance peut tre labor selon cinq voies conduisant la bonne gouvernance : des mesures pour renforcer linclusion, des actions au niveau nationalpour renforcer la responsabilit externe, des actions au niveau local pour renforcer laresponsabilit externe, un systme national de contrle pour renforcer la responsabilit interneet des rformes administratives pour amliorer la responsabilit interne10. Le renforcement de linclusion : pour renforcer linclusion, la premire tape consiste adopter des lois et des rglements pour garantir laccs des droits fondamentaux et principalement le droit de participer au processus de gouvernance sur un mme pied dgalit. Il y a galement dautres mesures pour garantir linclusion comme une consultation publique largie, une plus grande libert des mdias, moins de restrictions imposes aux organisations de la socit civile, un accs plus quitable la sant et lducation. Le renforcement de la responsabilit externe au niveau national : ce sont des mesures qui permettent de voir si le contexte institutionnel global dun pays est favorable ou non une bonne gouvernance. Par exemple, faire circuler assez linformation qui est un vecteur de transparence sur les actions du gouvernement, accroitre les possibilits de contestation grce des lections ouvertes, loyales et rgulires des responsables des affaires publiques, permettre davantage la socit civile de se faire couter et de participer, notamment au moyen de groupes de dfense des citoyens, instaurer un meilleur contrle de la qualit de la gouvernance et faire en sorte que soient mieux diffuses les statistiques qui mesurent cette qualit selon les divers aspects (contrle de la corruption, autorit de la loi, libert de la presse, ect) ; et enfin favoriser lindpendance et la responsabilisation des mdias. Le renforcement de la responsabilit externe au niveau local : pour faire progresser la responsabilit externe, il faut veiller une plus grande participation citoyenne et notamment en assurant une information plus fiable sur les performances des services publics par des enqutes ou encore des consultations, en renforant la concurrence entre les prestataires de services en donnant la clientle une plus grande libert de choix , en prenant des mesures pour renforcer les autorits locales qui sont les plus proches de la population et donc capables de limpliquer directement dans les dcisions publiques, et enfin en facilitant limplication des associations qui donnent du pouvoir aux10 Rapport sur le Dveloppement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (2005), Vers une meilleure gouvernance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord , la Banque Mondiale, Washington, DC, pp.18-23 -31-
  • 32. collectivits, surtout en ce qui concerne la gestion des services publics qui doivent tre adapts des collectivits spcifiques. Le renforcement de la responsabilit interne par un systme national de contrle : elle vise accroitre les possibilits de contestations dans lexercice du pouvoir de lEtat. Il sagit de renforcer lautorit et la capacit du pouvoir parlementaire, de renforcer le pouvoir judicaire pour quil soit plus indpendant et avec une capacit renforce, et de donner des pouvoirs de contrle et de mdiation dautres organismes publics indpendants. Le renforcement de la responsabilit interne travers des rformes administratives : un certain nombre de rformes peuvent renforcer la responsabilit au sein des organismes prestataires de services publics : rformer la fonction publique pour la responsabiliser davantage, dcentraliser les fonctions de lEtat pour les rapprocher des citoyens, assurer lindpendance des organismes rgulateurs afin dviter que des intrts particuliers ou que de hauts fonctionnaires puissent profiter du systme des fins personnelles, et enfin promouvoir une thique du service public et de la responsabilit vis--vis des ressources publiques afin de renforcer limplication des fonctionnaires dans la recherche de meilleurs performances. LEtat de droit est ici au cur de la bonne gouvernance. Il sagit de mettre en place un systme de rgles qui soient rellement appliques et dinstitutions qui fonctionnent vraiment et assurent une application approprie de ces rgles. Il est alors ncessaire que les dirigeants politiques soient responsables de leurs actes devant les citoyens et quils soient engags dans la lutte contre la corruption. Il convient alors de relever que le concept de gouvernance reste tributaire de la conception de lEtat et renvoie aux rapports des classes au sein de socits (Rapport sur le dveloppement au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 2005). II-2 ) Les lments de la bonne gouvernanceDaniel Kaufmann, ancien directeur du programme gouvernance lInstitut de la BanqueMondiale, et Aart Kraay, conomiste principal dans le Groupe de recherche de la Banque,dfinissent la gouvernance comme les traditions et les institutions travers lesquelleslautorit est exerce dans un pays pour le bien commun . Cela recouvre le processus parlequel les gouvernements sont choisis, contrls et remplacs, la capacit du gouvernement formuler et appliquer de manire efficace des politiques saines et enfin cela recouvre le -32-
  • 33. respect des citoyens et de lEtat pas les institutions rgissant leurs interactions conomiques etsociales [Kaufman et Kraay (2002)].Cette dfinition recouvre plusieurs aspects de la gouvernance qui touchent les lmentssuivants :- le caractre dmocratique des institutions politiques ;- la stabilit politique, labsence de violence et lefficacit des pouvoirs publics ;- la lutte contre la corruption et lexigence de la transparence et de la responsabilit II-2-1 ) La dmocratieLa dmocratie est prsente, par la Banque Mondiale, comme un lment trs important de labonne gouvernance. Elle fait partie du volet politique de la dfinition de la Banque Mondialeet rend compte gnralement de la ncessit de lexistence dun Etat de droit dans le pays.Le concept de dmocratie a fait lobjet de plusieurs dfinitions. Ce concept met en avantlide dgalit entre toutes les personnes lintrieur dun pays. Cette lgalit juridique leurattribue un droit gal de participation dans le domaine de la politique. La dmocratie viseainsi protger les gouverns contre toute autorit arbitraire par le respect des procduresrgulires dans lexercice du pouvoir. Ce systme qui est centr sur lhomme, exige de lui unemanifestation concrte et claire de sa volont. Ceci est facilit par la conscration des libertsde penser, de la presse, de runion, de possder et de choix des reprsentants dans un contextepluraliste.Un rgime politique dmocratique limite les leaders politiques par des institutions lectorales,lgislatives et judiciaires (Kauffmann, 2001). Ces limites que les institutions placent sur lesactions arbitraires des leaders politiques, des fonctionnaires et des juges, impliquent que lEtatde droit soit oprationnel dans la sphre politique. Les leaders politiques nont pas le droit dedclarer illgales des organisations politiques, de limiter la libert dexpression, de harcelerles opposants politiques ni dannuler les lections. II-2-2 ) Linstabilit politiqueLe concept dinstabilit politique est un concept qui rassemble plusieurs facteurs qui ne seregroupent pas ncessairement et qui doivent tre pris simultanment. En effet, cest unconcept ambigu qui ncessite une clarification : il recouvre deux ralits distinctes qui ont deseffets diffrencis en termes de dveloppement conomique.Il est ncessaire de distinguer entre les changements de rgime ou de pouvoir politiqueraliss la suite dactions violentes des changements oprs dans le respect des formeslgales. Il est gnralement attribu au premier phnomne, les vocables d instabilit -33-
  • 34. politique et d alternance politique pour le second phnomne. Cependant, la distinctionentre les deux nest pas toujours tablie explicitement dans la littrature et elle sintresseprincipalement linstabilit politique plutt qu lalternance.Linstabilit politique recouvre lensemble des vnements violents dorigine politique, celaregroupe les manifestations agressives, les meutes, les assassinats politiques.Sur le plan thorique, ltude des effets de linstabilit politique sur la croissance se concentresur la faon dont certains vnements rendent incertains les droits de proprit et se trouventdonc menacs. En effet, les coups dEtat russis sont dangereux et ont, en gnral, pourconsquence la destruction de la proprit prive. Cela va supposer des doutes sur la mise enapplication des droits de proprit dans lavenir. II-2-3 ) La corruption : un aspect fondamental de la gouvernanceLa lutte contre la corruption est un lment central de la promotion de la bonne gouvernance,elle fait lobjet dattentions et de prconisations particulires. En fait, depuis le milieu desannes 90, un certain nombre de projets internationaux ont t labors en vue de lutter contreles abus de fonctionnaires publics pour des gains personnels. Par exemple, on peut citer laConvention des Nations Unies contre la corruption, signe en Dcembre 2003, la Conventionsur la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commercialesinternationales, adopte par lOCDE, le 21 Novembre 1997, ou la Convention de lUnionafricaine sur la prvention et la lutte contre la corruption, adopte par les chefs dtat et desgouvernements de lUnion africaine le 12 Juillet 2003.Laction de la BM en matire de corruption a deux volets : un volet oprationnel et un voletde recherche. En effet, depuis 1996, la Banque Mondiale a lanc plus de 600 programmesanti-corruption dans environ cent pays. Les initiatives vont des juges, des fonctionnaires descours pour les journalistes dinvestigation. La BM sest aussi engage mesurer si les projetsquelle finance ne sont pas entachs par la corruption. Les actions de la BM en matire decorruption portent galement sur la recherche. Le groupe de recherche de la BM consacr lacorruption est trs actif. La plupart des articles publis sur le sujet le sont par des membres dece groupe de recherche, ou des personnes y ayant collabor ou appartenu (Kaufmann, Kraayet Mastruzzi).Depuis 1997, le FMI qui a fait de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption unde ses objectifs principaux, a considrablement dvelopp son rle dans ce domaine. Lesprincipaux instruments quil utilise dans ce champ sont le dveloppement et la promotion de -34-
  • 35. codes relatifs aux bonnes pratiques, la transparence, la responsabilit et la gestion desfonds publics11.La corruption constitue lun des piliers du concept de gouvernance les plus souvent dbattus.Si intuitivement, lide gnrale reue est quelle peut constituer un handicap pour lacroissance conomique dun grand nombre de pays, la littrature tmoigne galement duneffet positif possible de la corruption sur les performances conomiques.Comme le concept de gouvernance, le terme de corruption est galement un terme flou dontltablissement dune dfinition stricte parait difficile. En effet, plusieurs dfinitions sontattribues la corruption dans ses diffrents types et formes. Selon Bardhan (1997), lacorruption consiste dans lutilisation du service public pour des gains privs. Pour Shleifer etVishney (1993), la corruption dsigne lchange dlments de proprit gouvernementale parles officiers publics contre leur gain personnel. Selon Leff (1964), la corruption est un moyenqui peut tre entre les mains des entrepreneurs cherchant faire des affaires avec ungouvernement indiffrent et peut stimuler le dveloppement conomique.Bien quil soit difficile de sentendre sur une dfinition prcise, il y a un consensus qui faitrfrence toutes les formes dabus de fonctions et de comportements commis par deshommes politiques, des fonctionnaires ou au sein dentreprises prives ou publiques pourdfinir la corruption. Selon ce consensus, certains actes illgaux tels que la fraude, leblanchiment dargent, la drogue et les oprations de march noir, ne constituent pas des actesde corruption en eux-mmes, car ils nimpliquent pas lutilisation de la puissance publique.Cela renvoie la distinction entre deux formes de corruption : la grande corruption qui sesitue un haut niveau o les dcideurs politiques crant et appliquant les lois utilisent leurposition officielle pour promouvoir leur bien-tre, leur statut ou leur pouvoir personnel ; alorsque la petite corruption renvoie principalement la corruption bureaucratique dansladministration publique.Toutefois, personne ne peut nier que certains de ces phnomnes sont troitement lis lacorruption. Vogl (1998), par exemple, met en vidence limportance de la lutte contre leblanchiment dargent. Naylor (1987, 1996) tudie les liens du commerce de la drogue et lacorruption.Depuis les annes 1970, ltude de la corruption, en sciences conomiques et en sciencespolitiques sest centre sur la corruption des agents publics et la dfinition de la corruptionadopte est gnralement axe sur les devoirs